Livv
Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. civ., 8 février 2021, n° 20/00816

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Canoplus (SCI)

Défendeur :

Hart de K. (SELARL), Investimmo (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chelle

Conseillers :

Mme Fabry, Mme Brisset

T. com. Bergerac, JC, du 3 févr. 2020, n…

3 février 2020

FAITS ET PROCÉDURE

Le 11 septembre 2017, une procédure de redressement judiciaire de la SCI Canoplus a été ouverte par le tribunal de grande instance de Bergerac, la SELARL De K. étant désignée en qualité de mandataire judiciaire. La procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 4 décembre 2017. Cette décision a été confirmée par la présente cour par arrêt du 4 juillet 2018.

Il dépend de l'actif de la liquidation un bien immobilier situé à Bergerac (24). La SAS Investimmo a présenté une offre d'achat au prix de 130 000 euros.

Par ordonnance du 3 février 2020, la vice-présidente du tribunal judiciaire de Bergerac, juge-commissaire à la liquidation judiciaire de la société Canoplus, a :

Autorisé la SELARL De K., ès-qualités, à vendre un bien immobilier à usage de bureau et local commercial situé à Bergerac à la société Investimmo, avec faculté de substitution au prix de 150 000 euros,

Dit que le prix de vente sera versé entre les mains de la SELARL De K. qui sera chargée de répartir les fonds entre les créanciers.

Par déclaration du 13 février 2020, la société Canoplus a interjeté appel de cette décision à l'encontre de l'ensemble des chefs du jugement, qu'elle a expressément énumérés, intimant la SELARL De K., ès-qualités, et la société Investimmo.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions déposées en dernier lieu le 12 mai 2020, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société Canoplus demande à la cour de :

- REFORMER l'ordonnance rendue par le juge commissaire prés le tribunal judiciaire de Bergerac en date du 03 février 2020 en ce qu'elle a « Autoriser la SELARL HART DE K. à vendre un bien immobilier à usage de bureaux et local commercial situé [...], cadastré DN 203 d'une surface de 970 m² à la société Investimmo avec faculté de substitution au prix de 150 000,00 €. Dit que le prix de vente sera versé entre les mains de la SELARL HART DE K. qui sera chargée de répartir les fonds entre les créanciers. Dit qu'il sera procédé par le greffe aux notifications prévues par la loi.. ».

- DIRE ET JUGER ladite décision opposable à la Société Investimmo prise en la personne de son représentant légal

- CONDAMNER la SELARL HART DE K. aux entiers dépens.

La société Canoplus fait notamment valoir que des propositions d'achat à hauteur de 200 000 et 220 000 euros ont été communiquées, la vente au tiers de la valeur du bien constituant une atteinte aux droits des créanciers.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 5 août 2020, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la SELARL De K., ès-qualités, demande à la cour de :

- Vu les articles L 642-18 et suivants du Code de commerce,

- Vu les articles R 642-36-1 et suivants du Code de commerce,

- Vu l'ordonnance du Juge commissaire en date du 3 février 2020

- DECLARER mal fondé l'appel interjeté par la SCI CANOPLUS

- CONFIRMER en toutes ses dispositions l'ordonnance dont appel rendue par le Juge commissaire le 3 février 2020,

- DEBOUTER la SCI CANOPLUS de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- LA CONDAMNER au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

- LA CONDAMNER aux entiers dépens, en ce compris les frais éventuels d' exécution , dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP T., avocat, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

La SELARL De K., ès-qualités, fait notamment valoir qu'aucune offre sérieuse n'a été produite ; que la société Canoplus s'est fondée sur une estimation du bien datant de 2014, sans commune mesure avec sa valeur actuelle ; que la société Canoplus a fait preuve de manœuvres dilatoires.

La société Investimmo n'a pas constitué avocat. Le 22 juin 2020, la société Canoplus lui a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions. Le 14 août 2020, la SELARL De K., ès-qualités, lui a fait signifier ses conclusions.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 28 décembre 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Il doit être relevé que, si la société Canoplus, appelante, demande à la cour de « réformer » l'ordonnance entreprise, elle omet de présenter une prétention pour remplacer ou modifier la disposition qu'elle conteste, qui est celle qui a autorité le mandataire à procéder à la cession amiable du bien immobilier litigieux à la société Investimmo, que ce soit pour attribuer la cession à un autre co-contractant ou pour dire qu'il n'y aurait pas lieu à cession amiable.

Le mandataire soutient pour sa part la confirmation de l'ordonnance.

A l'appui de sa demande incomplète, la société Canoplus soutient que la vente de gré à gré n'est pas en l'espèce faite dans les meilleurs conditions pour les créanciers. Elle fait valoir que le bien, situé en plein centre de Bergerac, a été évalué par le service des Domaines à 403 000 euros et par expert foncier à 300 000 euros ; qu'un investisseur étranger a fait une proposition à 200-220 000 euros, et qu'un autre attend les résultats définitifs des élections municipales pour finaliser une proposition.

En réalité, la société Canoplus produit seulement :

- une lettre du 27 août 2019 adressée au mandataire par « Fiduciaire Swiss Sarl », sans plus de précision, qui, malgré son nom, fournit sur son papier à en-tête une adresse à Martigny (Corrèze) et qui annonce « avoir un client qui a manifesté un intérêt sérieux pour le premier étage de l'immeuble », avec une proposition d'acquisition à 220 000 euros (pièce 2), projet qui, selon une seconde lettre du 26 septembre 2019 (pièce 3), aurait été « validé » par le « conseil d'administration », sans que ne soit précisé de quel conseil d'administration il s'agissait,

- la photocopie d'un message électronique du 9 octobre 2019 (pièce 4), adressé à M. B., gérant de la SCI en liquidation, par un M. « Alain R. » au nom encore une fois de « Fiduciaire Swiss Sarl », qui se borne à évoquer dans des termes vagues que « le groupe qui avait fait l'offre était juif » et que « le 09/10 c'est le Grand Pardon » (sic), que le 2ème acquéreur potentiel « débloque son second pilier d'ici la fin du mois logiquement » (sic), et que le 3ème client est un « agent de joueur de foot » qui a des fonds disponibles, mais qui doit repasser à Genève.

- enfin, une lettre du 20 septembre 2019 sur papier à en-tête « Urbalys Habitat », qui omet toute autre précision sur la nature et l'adresse de cette entité, qui se borne à faire part de son intérêt, sous réserve de l'obtention de « subventions » pour un projet de « réalisation d'un hôtel des entreprises ( ) et des logements locatifs de standing ».

Une dernière lettre (pièce 6), curieusement datée à « Genève, le 31 janvier 2020 » par « Fiduciaire Swiss Sarl », qui donne pourtant comme adresse une localité de Corrèze et non Genève en Suisse, annonce au mandataire que « son client a donné l'ordre à sa banque d'une virement à votre profit de 220 000 euros », sans toutefois que rien n'arrive entre les mains du mandataire.

Ces éléments, disparates, flous et anciens, voire suspects, ne permettent en aucun cas à la société Canoplus de prétendre qu'il y aurait pour le bien litigieux des offres réelles et sérieuses supérieures à celle faite au mandataire par la société Investimmo.

Ainsi, le mandataire peut écrire qu'aucune offre sérieuse n'a été produite.

Pourtant, l'ensemble des personnes citées par la société débitrice ont été avisées par le mandataire d'une réouverture des débats pour le 6 janvier 2020, de manière à leur ménager la possibilité de formuler une offre d'achat. Aucune offre sérieuse n'a été formulée en dehors de celle de la société Investimmo.

Il apparaît que la SCI Canoplus a multiplié les demandes de délais, prétendant d'abord, avant la saisine du juge commissaire, avoir des acquéreurs, sollicitant ensuite une prorogation de la date du délibéré pour remettre une note, sans jamais qu'une offre sérieuse ne soit présentée malgré les délais accordés tout au long de l'année 2019, et même le temps écoulé depuis la déclaration d'appel formé par elle.

L'ordonnance ayant autorisé la cession à la société Investimmo sera confirmée.

Le mandataire s'est vu contraint de saisir un conseil pour assurer la défense de ses intérêts, et il serait inéquitable que ces frais irrépétibles restent à la charge de la liquidation.

Partie tenue aux dépens d'appel, dont recouvrement direct par la SCP T., avocat qui en fait la demande, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, la société Canoplus paiera à la Selarl Hart de K. ès-qualités la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Ces frais irrépétibles et les dépens d'appel de la présente instance, nés pour les besoins du déroulement de la procédure au sens de l'article L. 622-17 du code de commerce, seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la société Canoplus.

En revanche, la demande relative aux frais d' exécution présentée par le mandataire liquidateur en même temps que celle relative aux dépens dont elle est pourtant distincte, qui est en l'état purement hypothétique, rien ne laissant ici présumer une volonté de résistance de son adversaire nécessitant la mise en œuvre d'une procédure d' exécution forcée, est au surplus superfétatoire, puisque la loi, notamment par les dispositions de l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d' exécution , met déjà par principe les frais d'une exécution forcée nécessaire à la charge du débiteur, sous le contrôle du juge de l' exécution .

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance du 3 février 2020 rendue par la vice-présidente du tribunal judiciaire de Bergerac, juge-commissaire à la liquidation judiciaire de la société Canoplus, qui a autorisé le mandataire liquidateur à vendre à la société Investimmo le local situé à Bergerac appartenant à la SCI Canoplus au prix de 150 000 euros,

Condamne la SCI Canoplus à payer à payer à la Selarl Hart de K. la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne la SCI Canoplus aux dépens d'appel, dont recouvrement direct par la SCP T., avocat qui en fait la demande, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

Dit que ces frais irrépétibles et les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la SCI Canoplus,

Dit n'y avoir lieu ici à statuer davantage sur d'hypothétiques frais d' exécution .

Le présent arrêt a été signé par M. Chelle, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.