CA Bourges, 1re ch. civ., 12 mars 2020, n° 18/01307
BOURGES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Crédit Logement (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Sarrazin
Conseillers :
M. Perinetti, Mme Ciabrini
Avocats :
Me Boirin, Me Fleurier
Par jugement du Tribunal de grande instance de Nevers en date du 12 janvier 2012, X… et A… épouse Y… ont été condamnés à payer à la SA Crédit Logement la somme principale de 126 888,73 euros outre intérêts au taux conventionnel à compter du 11 novembre 2010.
Par jugement en date du 19 novembre 2014, la même juridiction a condamné M. et Mme Y… à verser à la SA Crédit Logement la somme de 30 737,47 euros outre intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2013.
Par requête reçue au greffe du Tribunal d'instance de Nevers le 21 mars 2018, la SA Crédit Logement a sollicité la convocation de M. Y… aux fins de conciliation et à défaut, aux fins de saisie de ses rémunérations en paiement des sommes de 32 965,72 euros et 213 435,81 euros au titre de l'exécution des deux jugements précités.
M. Y… a élevé une contestation quant aux demandes présentées par la SA Crédit Logement, sollicitant que les sommes mises à sa charge au titre du principal et des intérêts soient limitées à la moitié des sommes exigibles dans la mesure où les condamnations n'avaient pas été prononcées solidairement, et que les dépens soient fixés à la somme de 1 072,11 euros pour le prêt M08058328302.
En réplique, la SA Crédit Logement a reconnu l'absence de solidarité des condamnations prononcées, mais a sollicité le bénéfice des frais demandés, y compris ceux tenant à la saisie immobilière.
Par jugement contradictoire en date du 19 juillet 2018, le Tribunal d'instance de Nevers a ordonné la saisie des rémunérations de M. Y… pour la somme de 119 381,92 euros se décomposant comme suit : principal 78 813,11 euros, intérêts 39 172,59 euros et frais 1 396,22 euros, et laissé les dépens de l'instance à la charge de la SA Crédit Logement.
Le Tribunal a notamment retenu que la solidarité ne se présumant pas, seule la moitié des sommes dues en vertu des condamnations prononcées pouvait être réclamée à M. Y…. Concernant les frais, le Tribunal a relevé que la SA Crédit Logement sollicitait une somme totale de 10 430,15 euros sans préciser pour autant le détail de ces sommes dans le décompte produit. Il a enfin écarté les frais liés à la procédure de saisie immobilière, la vente forcée n'ayant pas été requise par la SA Crédit Logement.
M. Y… a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 22 octobre 2018.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 22 janvier 2019 auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'il développe, M. Y… demande à la Cour de :
Réformer le jugement du Tribunal d'instance de NEVERS en ce qu'il a autorisé la saisie des rémunérations de X… pour une somme de trente-neuf mille cent soixante-douze euros et cinquante-neuf centimes (39 172,59 €) au titre d'intérêts et de mille trois cent quatre-vingt-seize euros et vingt-deux centimes (1 396,22 €) au titre des frais ;
Condamner la SA CREDIT LOGEMENT à payer et porter à X… la somme de 1 500,00 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner la SA CREDIT LOGEMENT aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, M. Y… fait notamment valoir qu'à défaut par le créancier de communiquer un décompte des intérêts et frais de sa créance, la SA Crédit Logement doit être déboutée des demandes formées à ce titre.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 29 mars 2019, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'elle développe, la SA Crédit Logement, intimée, demande à la Cour de :
Voir confirmer le jugement rendu le 19 juillet 2018 par le Tribunal d'instance de NEVERS.
Voir condamner X… au paiement d'une somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Le condamner aux entiers dépens et allouer pour ceux-ci à la SCP GERIGNY & ASSOCIES le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
A l'appui de ses demandes, la SA Crédit Logement expose notamment avoir produit en première instance les deux décomptes sur lesquels le Tribunal a pu fonder sa décision, retenant la moitié des intérêts pour 39 172,59 euros, alors que les décomptes faisaient état des intérêts, pour le prêt M08058328301 d'un montant à hauteur de 901,51 euros et pour la créance nº M08058328302 à hauteur de 77 443,67 euros, soit un total qui était réclamé de 78 345,18 euros.
Elle relève, s'agissant des frais, que le Tribunal est venu réduire ceux-ci à la somme de 1 396,22 euros alors qu'il était réclamé au titre de la première créance la somme de 1 326,74 euros et au titre de la seconde la somme de 9 103,41 euros, le Tribunal est venu réduire ceux-ci à la somme de 1 396,22 euros. Elle en déduit que les décomptes fournis et, partant, le jugement dont s'agit ne sauraient ainsi être contestés.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 septembre 2019.
MOTIFS
A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant simplement à voir «dire et juger», «rappeler» ou «constater» ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu'il soit tranché un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n'y répondra pas dans le dispositif du présent arrêt.
Sur la demande principale en saisie des rémunérations formée par la SAS MCS et Associés :
Aux termes de l'article R. 3252-1 du code du travail, le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la saisie des sommes dues à titre de rémunération par un employeur à son débiteur.
L'article R. 3252-19 du même code dispose qu'à défaut de conciliation des parties, il est procédé à la saisie après que le juge a vérifié le montant de la créance en principal, intérêts et frais.
Aux termes de l'article 1353 du code civil, il revient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver, et réciproquement à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
L'article L111-8 du code des procédures civiles d'exécution dispose que les frais de l'exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés.
Il est constant qu'un acte d'exécution s'analyse comme nécessaire dès lors que son absence bloquerait le déroulement de la mesure d'exécution, ou compromettrait sa validité.
En l'espèce, il n'est pas contesté que M. et Mme Y… ont été condamnés par jugements du Tribunal de grande instance de Nevers en date des 12 janvier 2012 et 19 novembre 2014 à payer à la SA Crédit Logement les sommes de 126 888,73 euros en principal, outre intérêts au taux conventionnel à compter du 11 novembre 2010 et de 30 737,47 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2013. Il n'est pas davantage contesté que ces deux jugements sont exécutoires et constituent des titres permettant à la SA Crédit Logement de solliciter la saisie des rémunérations du débiteur à hauteur de la moitié des condamnations prononcées, la créancière ayant reconnu que celles-ci n'avaient n'avaient pas été prononcées de façon solidaire.
La SA Crédit Logement produit, au soutien des demandes formées à l'encontre de M. Y…, deux décomptes de créance correspondant à chacun des jugements. Le calcul des intérêts y apparaît clairement, quant au taux retenu comme aux périodes considérées. Le premier juge a ainsi à juste titre décidé que la SA Crédit Logement pouvait réclamer saisie sur les rémunérations de M. Y… de la moitié des sommes sollicitées au titre des intérêts. La décision entreprise sera par conséquent confirmée en ce qu'elle a ordonné la saisie des rémunérations de M. Y… pour les sommes en principal et intérêts s'élevant à 78 813,11 euros et 39 172,59 euros.
Concernant en revanche les sommes réclamées au titre des frais, fixées à hauteur de 1 396,22 euros par le Tribunal quant au montant pouvant être valablement réclamé à M. Y…, il doit être constaté que la SA Crédit Logement se borne à en fournir le décompte, sans que ces sommes soient justifiées par la production des actes correspondants, hormis les deux significations de jugement dont le coût d'acte s'est respectivement élevé à 49,06 euros et 85,02 euros. Ce défaut de production des actes empêche la Cour de procéder à la vérification de leur bien-fondé, le simple décompte des coûts engagés ne pouvant y suffire.
Il convient en conséquence de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la saisie des rémunérations de M. Y… à hauteur de la somme de 1 396,22 euros correspondant à la moitié des frais engagés, et d'ordonner la saisie des rémunérations de M. Y… pour la somme de 67,04 euros correspondant à la moitié des frais dont la SA Crédit Logement a fourni la justification.
Sur l'article 700 et les dépens :
L'équité et la prise en considération de la situation économique respective des parties, ainsi que l'issue donnée au litige par la présente décision, ne commandent pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Chacune des parties conservera en conséquence la charge des frais exposés et non compris dans les dépens.
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. M. Y…, succombant en la majeure partie de ses prétentions, devra supporter la charge des dépens en cause d'appel, dont distraction au profit de la SCP GERIGNY & Associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ses dispositions de ce chef.
La Cour,
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement rendu le 19 juillet 2018 par le Tribunal d'instance de Nevers en ce qu'il a ordonné la saisie des rémunérations de X… à hauteur de la somme de 1 396,22 euros correspondant à la moitié des frais engagés ;
CONFIRME la décision entreprise pour le surplus ;
Et statuant de nouveau du seul chef réformé,
ORDONNE la saisie des rémunérations de X… pour la somme de 67,04 euros au titre des frais ;
Et y ajoutant,
REJETTE toutes autres demandes, plus amples ou contraires ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE X… aux entiers dépens en cause d'appel, avec application au profit de la
SCP GERIGNY & Associés des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.