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Décisions

Cass. 1re civ., 29 juin 2016, n° 15-17.388

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Avocats :

SCP Ortscheidt, SCP Rousseau et Tapie

Reims, du 30 janv. 2015

30 janvier 2015

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 30 janvier 2015), que le curateur désigné pour assurer la protection de Jeanne X... a formé opposition au paiement de bons d'épargne au porteur que la majeure protégée avait acquis à son insu, le 22 janvier 1994 ; qu'après le décès de Jeanne X..., survenu le 28 janvier 1998, il a été procédé au partage des biens dépendant de sa succession, qui ne comprenaient pas les bons d'épargne ; que Mme Y..., qui se trouvait en possession de ces bons, a sommé d'introduire une demande en revendication de ces titres et assigné devant le tribunal d'instance les ayants droit de Jeanne X... : Mme Bernadette Z..., épouse G..., Mme Dominique Z..., épouse E..., MM. Bernard et Jean-Marie Z..., M. Rémi A..., Mme Gabrielle B..., épouse C..., Mmes Anne-Marie, Marie-Josée et Simone D..., M. Jean-Pierre D..., MM. Eric et Stéphane Y..., M. Guy C... et l'établissement public de santé de Vouziers (les héritiers) ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de déclarer recevables les actions en revendication de M. Bernard Z..., de Mmes Anne-Marie, Marie-Josée et Simone D..., de Mme Dominique Z..., épouse E..., et de M. Jean-Pierre D... alors, selon le moyen, que le décret n° 56-27 du 11 janvier 1956 ne s'applique qu'aux obligations émises avant le 3 novembre 1984 et amortissables par tirage au sort de numéros de titre et aux bons au porteur étrangers ; qu'en appliquant ce décret aux bons au porteur émis par la Caisse d'épargne en 1994, la cour d'appel a violé les dispositions du décret n° 56-27 du 11 janvier 1956 ;

Mais attendu que, dès lors qu'il repose sur une argumentation incompatible avec celle que Mme Y... avait soutenue devant les juges du fond, d'abord en faisant sommation aux héritiers d'introduire une action en revendication des titres et en les assignant sur le fondement du décret n° 56-27 du 11 janvier 1956, puis en contestant la recevabilité et le bien fondé de leurs prétentions au regard des exigences de ce texte, le moyen est irrecevable ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que Mme Y... fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que le porteur de titres frappés d'opposition qui se prévaut d'un droit réel sur ces titres doit faire sommation à l'opposant d'avoir à introduire, dans le mois une demande en revendication ; que cette demande doit être formée devant le tribunal d'instance par la voie d'assignation ; qu'en déclarant recevable la demande en revendication formée par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe du tribunal d'instance, motif pris que les héritiers ont « suffisamment justifié de l'existence d'une demande en revendication lors de l'audience du 10 mars 2014 », la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 19 du décret n° 56-27 du 11 janvier 1956, ensemble l'article 843 du code de procédure civile ;

2°/ que le porteur de titres frappés d'opposition qui se prévaut d'un droit réel sur ces titres doit faire sommation à l'opposant d'avoir à introduire, dans le mois une demande en revendication ; que la loi n'impose pas que cette sommation précise la forme de la demande en revendication ; qu'en déclarant recevable la demande en revendication formée par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe du tribunal d'instance, dès lors que « la sommation que Mme Hélèna Y... a fait délivrer à Mme Dominique E... le 9 janvier 2014 ne précise nullement sous quelle forme elle doit établir une demande en revendication dans le délai d'un mois », la cour d'appel a ajouté une condition et a violé les dispositions de l'article 19 du décret n° 56-27 du 11 janvier 1956 ;

Mais attendu que l'arrêt énonce exactement que le délai imparti par l'article 19 du décret n° 56-27 du 11 janvier 1956 n'est pas prescrit à peine de déchéance de l'opposant et qu'il suffit à celui-ci, par application de l'article 20 du même texte, de justifier, au jour fixé pour la comparution, de sa demande en revendication, qui peut être formée par voie reconventionnelle ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de déclarer bien fondée l'action en revendication de Mme Dominique Z..., épouse E..., alors, selon le moyen, que s'il peut dire n'y avoir lieu à mainlevée de l'opposition, le juge doit préciser le fait allégué ou la pièce produite par l'opposant de nature à rendre vraisemblable le bien-fondé de sa prétention ; qu'en considérant bien fondée l'action en revendication de Mme E..., motif pris que « les documents produits par Mme Dominique E... rendent vraisemblable le bien fondé des prétentions de celle-ci », sans préciser les éléments sur lesquels elle s'est fondée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 20 du décret n° 56-27 du 11 janvier 1956 ;

Mais attendu que, par motifs adoptés, après avoir analysé le bordereau d'émission des titres, l'acte de vente au profit de M. et Mme Y... de la maison d'habitation de Jeanne X... ainsi que divers courriers du tuteur de celle-ci, l'arrêt déduit de l'examen de ces documents, produits par Mme Dominique Z..., épouse E..., que Mme Y... n'était devenue porteur des titres et de leur bordereau d'émission qu'au décès de Jeanne X..., lorsqu'elle a pris possession de sa maison ; que la cour d'appel en a souverainement déduit que ces documents rendaient vraisemblable le bien-fondé des prétentions de Mme Dominique Z..., épouse E..., justifiant ainsi légalement sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.