Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 12 avril 2023, n° 21/00481

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Centrakor Stores (SAS)

Défendeur :

Capridis (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Salmeron

Conseillers :

M. Balista, M. Penavayre

Avocats :

Me Dessart, Me Bensoussan, Me Tribillac, Me Khouini-Vie

T. com. Toulouse, du 18 janv. 2021, n° 2…

18 janvier 2021

Exposé des faits et procédure :

Par acte en date du 23 décembre 2014 à effet au 1er août 2015, la société Idf Management a conclu avec la société Centrakor un contrat portant sur l'ouverture d'un magasin à l'enseigne Centrakor dans un nouveau centre commercial près de [Localité 5].

Par acte du 13 novembre 2015, la société Capridis a conclu un contrat aux mêmes fins et se substituant au contrat conclu avec la société Idf Management.

Par courrier recommandé du 13 octobre 2017, la société Centrakor a indiqué ne pas avoir l'intention de renouveler le contrat à son terme du 1er août 2018.

Par courrier du 26 octobre 2017, la Sas Capridis a, selon elle, demandé à la société Centrakor la reprise du stock, l'indemnisation des investissements et à défaut une reprise directe par l'enseigne.

Par jugement du 22 novembre 2017, le tribunal de commerce de Perpignan a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Capridis, la Selarl Esaj étant désignée en qualité d'administrateur judiciaire et Me [Y] en qualité de mandataire judiciaire.

Par courrier du 15 juin 2018, la société Capridis a, selon elle, mis en demeure la société Centrakor de l'indemniser.

Par acte d'huissier de justice du 19 juillet 2018, la société Capridis, la Selarl Esaj es-qualités et Me [Y] es-qualités ont assigné la société Centrakor devant le tribunal de commerce de Toulouse en responsabilité contractuelle et ont demandé le paiement de la somme de 805 990,15 €.

Par jugement du 25 juillet 2018, le tribunal de commerce de Perpignan a prononcé la liquidation judiciaire de la société Capridis et [C] [Y] a été désignée liquidatrice judiciaire de la société.

Par jugement du 18 janvier 2021, le tribunal de commerce de Toulouse a :

condamné la Sas Centrakor Stores au paiement à Me [Y] es-qualités de la somme de 150 000 €

condamné la Sas Centrakor Stores au versement de la somme de 2 000 € à Me [Y] es-qualités au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

ordonné l'exécution provisoire ;

condamné la Sas Centrakor Stores aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 29 janvier 2021, la société Centrakor a relevé appel du jugement. La portée de l'appel est l'infirmation des chefs du jugement qui ont :

condamné la Sas Centrakor Stores au paiement à Me [Y] es-qualités de la somme de 150 000 €

condamné la Sas Centrakor Stores au versement de la somme de 2 000 € à Me [Y] es-qualités au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

ordonné l'exécution provisoire ;

condamné la Sas Centrakor Stores aux entiers dépens.

La clôture est intervenue le 26 septembre 2022.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions n°2 notifiées le 26 octobre 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sas Centrakor Stores demandant, au visa des articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce, de :

- déclarer l'appel interjeté par la société Centrakor Stores recevable et bien-fondé ;

- infirmer le jugement rendu le 18 janvier 2021 par le tribunal de commerce de Toulouse en ce qu'il a :

- retenu la responsabilité de Centrakor Stores pour avoir prétendument violé l'obligation légale d'information précontractuelle et conduit une étude de marché dont les informations auraient manqué de fiabilité ;

- condamné Centrakor Stores au paiement de la somme de 150 000 €;

- condamné la société Centrakor Stores à payer au liquidateur judiciaire la somme de 2 000 € à au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

- déclarer l'appel de Me [Y] es-qualités, non fondé;

- la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- dire que Me [Y] es-qualités, devra restituer l'intégralité de la somme de 152 000 € versée par Centrakor Stores au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris, au plus tard huit jours après la signification de la décision à intervenir ;

- condamner Me [Y] es-qualités, à payer à la société Centrakor la somme de 30 000 €, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

à titre infiniment subsidiaire, si la Cour retient une quelconque responsabilité de la société Centrakor, constater que Me [Y] ne justifie d'aucun préjudice et la débouter de toutes ses demandes ;

- condamner Me [Y] es-qualités, aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les conclusions n°2 notifiées le 19 septembre 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sas Capridis et Me [Y] es-qualités demandant, au visa des articles L330-3 du code de commerce et 1231 et s. du code civil, de :

- confirmer la décision du tribunal de commerce de Toulouse du 18 janvier 2021 en ce qu'elle a retenu la responsabilité de Centrakor,

la réformer quant au quantum des dommages-intérêts alloués,

- condamner en conséquence la société Centrakor Stores au paiement de la somme de 805 990,15 €

- les condamner en outre au paiement de la somme de 5.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Motifs de la décision :

En première instance, la société Capridis a poursuivi la société Centrakor en responsabilité contractuelle dans le cadre de l'exécution du contrat du 23 décembre 2014 et de la rupture dudit contrat et a sollicité 805 990,15 euros de dommages-intérêts mais elle ne sollicitait ni la nullité du contrat ni sa résolution pour faute ou pour dol et elle visait uniquement à obtenir des dommages-intérêts pour défaut d'information préalable au visa des articles L330-3 et R330-1 du code de commerce, pour fourniture d'informations erronées, pour manquements à l'obligation d'assistance et pour rupture abusive du contrat de concession.

La société Centrakor se bornait à demander le débouté de son adversaire.

En cause d'appel, le débat porte sur les mêmes chefs de demandes et de moyens.

Par conséquent, la cour fait observer d'une part qu'il s'agit d'un contrat de concession dont les parties conviennent qu'il était soumis aux dispositions de l'article L330-3 du code de commerce relatives au contrat de franchise prévoyant l'obligation d'une information pré contractuelle préalable du concédant sur son réseau et sa situation et un contrat avec devoir d'assistance du concédant.

D'autre part, comme il n'est pas invoqué par le concessionnaire la nullité du contrat, et ce d'autant moins qu'il aurait souhaité poursuivre l'exploitation de l'enseigne en octobre 2017, il ne peut s'agir de rechercher un vice du consentement sur une qualité substantielle du contrat qui serait sanctionné par la nullité du contrat, voire sa résolution d'emblée, mais uniquement un manquement contractuel du concédant à ses obligations prévues au contrat.

Toutefois et curieusement sans évoquer le vice du consentement ou la nullité du contrat, le concessionnaire demande, à titre de réparation de son préjudice, les investissements réalisés en début d'activité soit 455.153 euros ainsi que la perte de son stock que la SA Capridis n'a pu céder du fait de la rupture alléguée d'abusive du contrat, stock estimé à cette date à 350.837,15 euros, soit un total de 805 990,15 euros.

Le tribunal a retenu que Centrakor avait une obligation d'information pré-contractuelle de franchiseur et que les informations fournies avaient causé un préjudice à la société Capridis dès lors qu'elles étaient insuffisantes, notamment concernant l'étude d'opportunité et a réparé, comme étant établi, uniquement le préjudice lié au montant des investissements spécifiques au réseau Centrakor comme ayant été réalisés à pure perte à concurrence de 150 000 euros.

- sur le défaut d'information pré-contractuelle et les informations erronées:

la SA Capridis affirme que le DIP (document d'information pré contractuelle) prévu aux articles L330-3 et R 330-1 du code de commerce ne lui a pas été fourni et que l'étude de marché lui a été imposée par Centrakor par le biais d'un de ses affiliés, la sarl RDS, et que les informations ainsi fournies étaient irrégulières et erronées.

La société Centrakor oppose le défaut de vice de consentement du concessionnaire qui a reconnu avoir reçu l'information pré contractuelle dans le contrat et qui a bénéficié d'un temps suffisamment long de réflexion pour souscrire le contrat . Elle produit aux débats en appel le DIP qui a été fourni à la société Capridis en pièce 5 ; elle affirme ne pas avoir à fournir une étude de marché qui incombe au seul candidat à l'adhésion au réseau qui est libre de choisir un prestataire indépendant.

L'article L330-3 du code de commerce dispose que « Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause.

Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités.

Lorsque le versement d'une somme est exigé préalablement à la signature du contrat mentionné ci-dessus, notamment pour obtenir la réservation d'une zone, les prestations assurées en contrepartie de cette somme sont précisées par écrit, ainsi que les obligations réciproques des parties en cas de dédit.

Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimum avant la signature du contrat, ou, le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée à l'alinéa précédent.'

L'article R330-1 du dit code, dans sa version applicable au cas de l'espèce, précisait que :

« Le document prévu au premier alinéa de l'article L. 330-3 contient les informations suivantes :

1° L'adresse du siège de l'entreprise et la nature de ses activités avec l'indication de sa forme juridique et de l'identité du chef d'entreprise s'il s'agit d'une personne physique ou des dirigeants s'il s'agit d'une personne morale ; le cas échéant, le montant du capital ;

2° Les mentions visées aux 1° et 2° de l'article R. 123-237 ou le numéro d'inscription au répertoire des métiers ainsi que la date et le numéro d'enregistrement ou du dépôt de la marque et, dans le cas où la marque qui doit faire l'objet du contrat a été acquise à la suite d'une cession ou d'une licence, la date et le numéro de l'inscription correspondante au registre national des marques avec, pour les contrats de licence, l'indication de la durée pour laquelle la licence a été consentie ;

3° La ou les domiciliations bancaires de l'entreprise. Cette information peut être limitée aux cinq principales domiciliations bancaires ;

4° La date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants.

Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché.

Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices ou, pour les sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les rapports établis au titre des deux derniers exercices en application du III de l'article L. 451-1-2 du code monétaire et financier ;

5° Une présentation du réseau d'exploitants qui comporte :

a) La liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elles du mode d'exploitation convenu ;

b) L'adresse des entreprises établies en France avec lesquelles la personne qui propose le contrat est liée par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée ; la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats est précisée ;

Lorsque le réseau compte plus de cinquante exploitants, les informations mentionnées à l'alinéa précédent ne sont exigées que pour les cinquante entreprises les plus proches du lieu de l'exploitation envisagée ;

c) Le nombre d'entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé ;

d) S'il y a lieu, la présence, dans la zone d'activité de l'implantation prévue par le contrat proposé, de tout établissement dans lequel sont offerts, avec l'accord exprès de la personne qui propose le contrat, les produits ou services faisant l'objet de celui-ci ;

6° L'indication de la durée du contrat proposé, des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession, ainsi que le champ des exclusivités.

Le document précise, en outre, la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation »

La cour rappelle que  d'une part, la violation de l'obligation pré-contractuelle d'information et de renseignements, prévue à l'article L. 330-3 du code de commerce, si elle peut fonder la nullité du contrat de franchise en cas de vice du consentement, ne peut entraîner à elle seule sa résiliation (Com 12 février 2008 pourvoi 07-10462). Et l'appréciation du vice du consentement procède d'une analyse in concreto, tenant compte des compétences particulières du franchisé et des éléments de fait.

Par ailleurs, si les articles L. 330-3 et R 330-1 du code de commerce mettent à la charge du franchiseur la communication d'un état et des perspectives du marché concerné, elles ne lui imposent pas la fourniture d'une étude du marché local. Il ne saurait être déduit du seul manquement du franchiseur à son obligation d'information pré-contractuelle que le franchisé n'a pu s'engager en connaissance de cause, la cour doit vérifier si le consentement du candidat à la franchise a pu être altéré selon les circonstances de la cause.

Les informations prévues par les articles R. 330-1 et R. 330-2 du code de commerce doivent être communiquées et le défaut de remise de document constitue une faute susceptible de réparation (Cass. com., 4 févr. 2004, no 00-21.319). Elles doivent de surcroît être complètes, ainsi, il a été jugé qu'il ne suffit pas pour le fournisseur de respecter formellement la loi en communiquant des informations incomplètes sur la clientèle potentielle, privant le franchisé de la possibilité d'apprécier la rentabilité de l'entreprise (Cass. Com. du 16 mai 2000, no 97-16.386).

Si l'information sincère ne saurait être générale et floue et doit atteindre un degré de précision suffisant pour permettre au franchisé de s'engager en connaissance de cause, elle n''implique pas pour autant que tout effort soit épargné au franchisé, ce dernier ayant lui-même l'obligation de se renseigner.

Il a, en ce sens, été jugé que le franchiseur n'a pas à fournir d'études de marchés et de comptes prévisionnels, n'ayant à fournir qu'un état du marché (Cass. com., 11 févr.2003 , pourvoi 0103932 , JurisData n° 2003-017835).

De même, si l'article L. 330-3 du code de commerce ne met pas à la charge de l'animateur d'un réseau une étude du marché local, il lui impose, dans le cas où une telle information est donnée, une présentation sincère de ce marché. La cour peut alors relever le caractère approximatif et dépourvu de prudence des études réalisées.

En l'espèce, le contrat liant les parties est un contrat de concession « Centrakor » dans un local situé dans un centre commercial « Carré d'or » à [Localité 4].

La société Capridis (précédemment IDF Management) reproche à Centrakor de ne pas avoir annexé au contrat le DIP obligatoire au visa des articles L330-3 et R330-1 du code de commerce. Elle estime que l'obligation d'informer sur « l'état et les perspectives de développement du marché » exigé par l'article L330-3 du code de commerce n'a pas été remplie.

La société Centrakor produit, en cause d'appel, la pièce 5 qui n'a été ni annexée au contrat ni signée et paraphée par la SA IDF Management en 2014 ni par la SA Capridis en 2015 et qui comporte le document de présentation intitulé DIP avec une présentation succincte des dirigeants et du groupe, les dépenses et investissements et la présentation très succincte du marché(annexe 1), l'ensemble du réseau, société par société avec les magasins intégrés et les magasins adhérents (annexe 2) et le bilan et comptes de résultats de la société Centrakor au 31 décembre 2013 (annexe 3).

En effet, n'ont été annexées au contrat de concession que 3 documents : le plan géographique (annexe 1) les marques Centrakor (annexe 2) et les seuls deux textes juridiques, les articles L330-3 et R330-1 du code de commerce, qui imposent la fourniture du DIP(annexe 3).

Au chapitre 3 du contrat intitulé « réflexion et information préalable », il n'est pas fait référence à la pièce 5 produite en appel par Centrakor, mais il y est stipulé que le candidat a reçu une information préalable conforme aux textes obligatoires et qu'il est invité à soumettre confidentiellement la documentation d'information pré-contractuelle à des conseils juridiques et comptables maîtrisant les systèmes de réseau de distribution.

La société Centrakor n'établit donc pas avoir notifié l'intégralité des documents d'information contractuelle obligatoire car les 3 pièces figurant en annexe du contrat sont insuffisantes. Elle a formellement donc commis une faute contractuelle.

Toutefois, le concessionnaire a nécessairement obtenu des informations suffisantes avant de souscrire le contrat de concession en décembre 2014 (SA IDF Management) puis le 13 novembre 2015 (la SA Capridis) puisqu'il n'invoque pas un vice du consentement entraînant la nullité du contrat.

Par ailleurs, le chapitre 3 qui fait référence à la prise de connaissance de toutes ces informations par le candidat à la concession l'invitait à faire procéder à une étude de marché par un professionnel des réseaux de distribution.

[G] [I], pour le candidat concessionnaire (IDF Mangament et ensuite SA Capridis), a sollicité la sarl RMD à cette fin et le bon de commande qu'il a accepté le 3 décembre 2014 listait précisément l'ensemble des prestations ainsi commandées, dont la synthèse d'opportunité, le tout pour 1.920 euros ttc.

Il est manifeste qu'en sollicitant la sarl RMD, [G] [I] devait communiquer les caractéristiques du réseau Centrakor, soit que ledit prestataire les connaissait déjà, soit qu'il les lui avait demandées.

Il a été rappelé que Centrakor n'avait pas à produire une étude de marché mais une présentation du réseau de son groupe et de l'état de marché.

Par ailleurs, dans le bon de commande produit, aucun élément ne permet d'affirmer que Centrakor a imposé, au candidat à l'adhésion, la sarl RMD pour faire l'étude de marché et le rapport remis par la sarl RMD, s'il fait état à toutes les pages de l'enseigne Centrakor, puisqu'il s'agit de faire l'étude de marché dans le cadre du réseau Centrakor, il est aussi fait mention en bas de page de la Sarl RMD, auteur dudit rapport, contrairement à ce qu'affirme le tribunal.

Rien ne permet donc d'affirmer que Centrakor, par le biais de sa prétendue affiliée, la sarl RMD, maîtrisait le contenu de l'étude de marché et qu'elle était nécessairement erronée pour inciter le candidat à l'adhésion à souscrire le contrat.

Enfin, le seul fait que dans le bon de commande, il soit mentionné « la prestation intègre :la réalisation d'un dossier , -un suivi et une liaison avec l'adhérent et l'enseigne », n'établit pas que la sarl RMD a réalisé un rapport d'étude de marché dans le seul intérêt de Centrakor pour faire adhérer le candidat ; il est uniquement prévu que la société RMD se rapproche logiquement du réseau pour conseiller son client.

[G] [I], étant lui-même un professionnel averti du secteur des franchises pour avoir été adhérent du réseau GIFI, savait qu'il avait intérêt à obtenir une étude de marché avant de décider de signer le contrat de concession auprès d'un prestataire indépendant et qu'il devait disposer des informations nécessaires sur le groupe Centrakor. Il a donc nécessairement eu accès à ces informations avant de signer le contrat comme l'affirme la société Centrakor conformément aux stipulations de l'article III du contrat.

Le manquement pré-contractuel dénoncé du défaut de communication du DIP qui n'a pas été à l'origine d'un vice du consentement ne peut avoir des conséquences juridiques occasionnant un préjudice que dans l'hypothèse où les informations transmises étaient erronées ou insuffisantes.

Sur le caractère erroné des informations fournies, la SA Capridis ne précise pas les informations erronées dont elle a été victime sauf à voir dans les chiffres de l'étude de marché de la sarl RMD des prévisions de chiffres d'affaires extrêmement hautes alors que le centre commercial « Carré d'or » n'a selon elle, jamais connu le développement nécessaire, comme la presse s'en serait fait l'écho en 2014 (pièce 16).

Elle reproche à la SA Centrakor de ne pas avoir elle-même fourni des informations sur l'état et les perspectives de développement du marché et considère que la SA Centrakor à commandé l'étude d'opportunité et de marché auprès de la sarl RMD (pièce 1) comme le prévoit sa plaquette en proposant « d'épauler les adhérents directement ou via un prestataire référencé et fiable » (pièce 20) dans son seul intérêt pour orienter son choix d'implantation dans ce centre commercial.

La SA Centrakor rappelle qu'elle n'était pas tenue de procéder à l'étude de marché, que la mention dans sa plaquette est classique de celle présentée par des chefs de réseau pour éventuellement aider et conseiller les candidats à l'adhésion et qu'elle ne répond pas des chiffres présentés dans l'étude de marché élaborée par la sarl RMD, prestataire indépendant.

La cour constate que dans le DIP (pièce 5 de Centrakor) après avoir détaillé la présentation du groupe, les renseignements sur les marques Centrakor et précisé le réseau d'exploitation «(38 magasins intégrés et 160 magasins adhérents), il est indiqué en annexe1 sur la « présentation du marché : le marché de l'équipement de la maison à prix discount est en progression constante ces dernières années. De nombreuses ouvertures de magasins nous permettent de structurer une offre produits alliant qualité, prix et choix ». Cette information est en effet beaucoup trop succincte sur l'état de marché et les perspectives de développement.

En revanche, ces lacunes ont été comblées par l'étude de marché de la sarl RMD notamment en page 31 et suivantes sur l'évaluation du marché avec « les dépenses commercialisables prises en compte » au niveau national, adaptées ensuite au quartier étudié, avec une étude de l'offre commerciale existante.

En définitive, [G] [I] était suffisamment averti pour critiquer cette étude et le seul fait qu'il y ait eu peu d'écart de chiffre d'affaires prévisible entre l'hypothèse basse (1.666 265 euros) et l'hypothèse haute (1.821.310 euros) d'une part n'est pas de nature à engager la responsabilité du concédant la SA Centrakor, d'autre part n'établit pas que ces prévisions étaient fausses.

La SA Capridis n'explique pas en quoi l'étude de marché livrée par la Sarl RMD était fausse et en quoi l'évolution du secteur de marché de Centrakor n'était pas en expansion comme Centrakor l'a affirmé alors que les chiffres de consommation au niveau national de l'étude RMD le conforte.

Enfin, s'agissant de la presse qui se serait fait l'écho des difficultés du « mall Carré d'Or » avant la signature du contrat de concession, force est de constater que la pièce 16 compte divers articles de presse non signés et non datés, peu probants, à l'exception de l'article dans le journal L'Indépendant du 27 juin 2014 intitulé «  [Localité 5] : le centre commercial du Carré d'or à [Localité 4] a't-il du plomb dans l'aile ' » .

Il y est évoqué des divergences entre promoteurs et élus locaux sur les enseignes qui sont accueillies dans le centre commercial en cours de finition et qui feraient concurrence au centre ville notamment dans le secteur de l'habillement et de la mode ainsi que les menaces des élus sur les prochaines demandes de permis de construire.

Mais les informations figurant dans l'étude de marché de la sarl RMD correspondent aux données relatées dans les dits articles de la pièce 16, avec en fin 2014 le fait que le centre est commercialisé à hauteur de 70% et les principales enseignes qui doivent encore intégrer le centre sont citées.

Le contrat de concession a été signé le 23 décembre 2014 avec la SA IDF Management, puis en définitive le 13 novembre 2015 avec la SA Capridis pour un point de départ d'exécution du contrat pour les deux contrats au 1er août 2015.

Durant tous ces mois de prospection, [G] [I] a eu le temps de vérifier les données de son étude de marché et des informations données par Centrakor à l'aune des difficultés évoquées dans l'article de presse de juin 2014, et ce bien avant qu'il ne signe son contrat de concession. Il pouvait relativiser l'étude de marché effectuée sur la rentabilité prévisible de l'entreprise au vu des difficultés évoquées du centre commercial qu'il invoque a posteriori et qu'il connaissait nécessairement comme étant lui-même implanté localement, ce qu'il ne conteste pas

Il n'est démontré ni l'insuffisance alléguée des informations fournies préalables à l'engagement de la SA IDF Management puis de Capridis ni le lien de causalité direct avec le préjudice de la SA Capridis qui a été placée en redressement judiciaire en novembre 2017.

Il convient d'infirmer le jugement de ce chef.

- sur le défaut d'assistance prévue au contrat de concession :

la SA Capridis dénonce un manquement au devoir d'assistance du concédant en application de l'article 9 du contrat de concession en listant l'aide apportée par Centrakor à 5 interventions sporadiques et insuffisantes à titre d'aide entre février 2016 et le 23 mai 2018 après avoir rappelé les stipulations de l'article 9.

La SA Centrakor, qui conteste le manquement allégué sur le fond, insiste sur le fait que la sanction du défaut d'assistance est la résiliation du contrat ou une indemnisation du préjudice subi, à condition d'avoir été mise en demeure préalablement d'exécuter son obligation. Or, aucune mise en demeure n'a jamais été adressée au concédant avant la rupture du contrat.

La cour constate, en effet, comme l'a fait le tribunal, qu'aucune mise en demeure d'avoir à exécuté son obligation d'assistance n'a été adressée par la SA Capridis à la SA Centrakor avant la rupture du contrat. En outre, la SA Capridis établit elle-même qu'au moins deux visites sur site ont été réalisées le 11 août 2017 et le 4 avril 2018 par des responsables de la SA Centrakor.

Par conséquent, le manquement allégué n'est pas établi et la demande de la SA Capridis ne peut qu'être rejetée. Le jugement doit être confirmé de ce chef.

- sur la rupture du contrat par Centrakor alléguée de brutale et abusive :

la SA Capridis expose avoir subi le non-renouvellement du contrat de concession sans motifs à la réception du courrier du 13 octobre 2017 après 3 années d'exécution du contrat sans difficultés particulières, en dépit d'un simple impayé signalé le 6 décembre 2016.

Elle dénonce, de surcroît, un comportement incompréhensible et abusif de la SA Centrakor qui, après avoir notifié la résiliation du contrat le 13 octobre 2017, proposait à [G] [I] en avril 2018 les modalités du développement de l'activité au centre Carré d'Or, pour confirmer, dès mai 2018, sa volonté de résilier le contrat à prise d'effet au 1er août 2018. Elle considère qu'elle a été induite en erreur par le comportement du concédant sur sa volonté de renouveler le contrat alors que la SA Capridis avait réalisé des investissements importants pour aménager le local pris à bail, soit 455.153 euros.

La SA Centrakor conteste tout comportement ambivalent sur l'espoir d'un renouvellement du contrat et demande la confirmation du jugement qui a débouté le concessionnaire du chef de rupture abusive du contrat. Elle explique qu'elle n'a pas souhaité renouveler le contrat du 1er août 2015, signé avec la SA Capridis pour 3 années, au-delà du 1er août 2018. Elle avait notifié le non-renouvellement avec un préavis de 10 mois alors que le contrat stipule un préavis de 3 mois, sans que cela constitue une rupture brutale et abusive du contrat.

A l'examen des pièces produites aux débats en appel, la cour constate qu'à la suite du 1er contrat de concession souscrit par la société IDF Management le 23 décembre 2014 qui devait prendre effet au 1er août 2015, la SA Capridis, représentée elle-aussi par [G] [I], a souscrit, pour exploiter la concession Centrakor dans les mêmes locaux, un contrat le 13 novembre 2015, d'une durée de 3 années, à compter du 1er août 2015, conformément à l'article 18 sur la durée.

Selon l'article 18, le contrat se prorogeait tacitement pour une même durée, sauf dénonciation expresse, par LRAR de l'une ou l'autre des parties, 3 mois avant la date d'effet du contrat.

Le courrier adressé le 9 mai 2018 par LRAR à la SA Capridis et intitulé « rupture contrat Centrakor (rappel) copie à votre mandataire judiciaire » est sans aucune ambiguïté sur la volonté de la SA Centrakor de ne pas reconduire tacitement le contrat Centrakor à compter du 1er août 2018, faisant référence au courrier du 13 octobre 2017 concernant la « résiliation » du contrat au 1er août 2018.

Le courrier adressé par LRAR le 13 octobre 2017 et intitulé « rupture contrat Centrakor » n'était pas une demande de résiliation du contrat pour faute mais la volonté du concédant de ne pas renouveler le contrat tacitement au 1er août 2018, avec dénonciation faite 10 mois auparavant, bien au-delà du délai de préavis de 3 mois stipulé à l'article 18 mais conformément à l'article 18 expressément visé dans la lettre et non l'article 19 sur la résiliation anticipée du contrat.

L'administrateur judiciaire de la SA Capridis, Me [Z], en a été informé.

Le seul fait qu'en avril 2018, un représentant de Centrakor ait pu évoquer la possibilité de poursuivre des liens commerciaux avec [G] [I] n'est pas de nature à qualifier de brutale ni d'abusive la rupture du contrat souscrit le 1er août 2015, et dénoncée dès le 13 octobre 2017, dénonciation rappelée le 9 mai 2018.

La volonté du concédant de ne pas renouveler le contrat à l'issue des 3 années de contrat était non équivoque et régulière pour avoir respecté les modalités prévues au contrat.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SA Capridis de sa demande.

Sur les demandes accessoires :

la cour n'a pas à trancher la demande de restitution des sommes versées en exécution du jugement à titre provisoire. L'infirmation du jugement, par le présent arrêt, emporte nécessairement restitution des sommes versées sur le fondement de condamnations infirmées en cause d'appel.

Il convient de condamner la SA Capridis, qui succombe, aux dépens de première instance et d'appel qui passeront en frais privilégiés de la procédure collective.

Eu égard à la situation respective des parties, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du cpc.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

- infirme le jugement

et statuant à nouveau,

- déboute [C] [Y], en qualité de liquidateur judiciaire de la SA Capridis, de ses demandes à l'encontre de la SA Centrakor,

- condamne [C] [Y], es qualites, aux dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront passés en frais privilégiés de la procédure collective de la SA Capridis

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du cpc.