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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re ch. a, 4 décembre 2018, n° 17/00894

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Grombalia (SA)

Défendeur :

L'Administra

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dampfhoffer

Conseillers :

Mme Demont, Mme Vignon

TGI Grasse, du 13 déc. 2016, n° 13/06666

13 décembre 2016

EXPOSE :

Par jugement, contradictoire du 13 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Grasse a statué ainsi qu'il suit :

- déclare irrecevables les demandes de la société Grombalia dans ses conclusions du 9 mars 2015,

- rejette les demandes de la société Grombalia,

- rejette l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- laisse les dépens à la charge de la société Grombalia,

- rappelle que conformément à l'article R 202-5 du livre des procédures fiscales, la décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Le tribunal retient que la société n'établit pas que M. C. aurait été son actionnaire unique au 1er janvier 2010, 2011, et 2012 et qu'elle ne démontre pas l'identité exacte de ses actionnaires à la date du fait générateur de l'impôt ; que l'administration pouvait appliquer une majoration de 40 % dès lors qu'elle verse aux débats la mise en demeure du 4 décembre 2012 envoyée à la société et à son conseil, accompagnée des accusés de réception et que cette mise en demeure rappelait les obligations du contribuable ; que par ailleurs, l'application de la taxe de 3 % est indépendante des règles relatives à l'impôt sur la fortune, que le contribuable en est redevable en application des seuls textes des articles 990 et suivants du code général des impôts.

Par déclaration du 13 janvier 2017, la société Grombalia a relevé appel de cette décision.

Par conclusions du 28 septembre 2017, la société Grombalia demande à la cour de :

- la recevoir en son appel et le déclarer bien-fondé,

Vu l'article 990E et l'article 1728-b du code général des impôts,

- infirmer le jugement et statuant à nouveau,

- dire que M. C. est détenteur des titres de la société et par suite actionnaire de celle-ci, que la société n'est pas redevable de la taxe prescrite par l'article 990 du code général des impôts,

- annuler la décision de rejet de la direction des finances publiques du 28 août 2013,

- prononcer le dégrèvement du rappel de la taxe de 3 % pour les années 2010, 2011, 2012 pour un montant global au titre des droits de 69'930 €, au titre des pénalités pour 6389 € et des intérêts pour 27'972 € et en donner décharge à la société,

- condamner le directeur des finances publiques à lui payer la somme de 5000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.

Vu les conclusions de la direction générale des finances publiques en date du 29 mai 2017, demandant de :

- rejeter les demandes de l'appelant et confirmer le jugement,

- condamner la société appelante à lui payer la somme de 2000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.

Vu l'ordonnance de clôture du 25 septembre 2018.

Motifs

Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas contestée ; que rien au dossier ne conduit la cour à le faire d'office.

Attendu que l'appel sera donc déclaré recevable.

Attendu qu'au soutien de son appel, la société Grombalia, qui est de droit suisse, rappelle qu'elle est propriétaire d'un appartement de 90 m² à Cannes, acheté au prix de 49'851 € qu'elle destinait à l'utilisation de la famille de M C. ; qu'au regard de la détention de ce bien en France, elle a pris l'engagement, par un courrier du 25 mai 2009, de communiquer à l'administration fiscale, sur sa demande, pour chacune des années pour lesquelles les renseignements lui seraient demandés les éléments concernant les immeubles possédés ainsi que l'identité et l'adresse de l'ensemble des actionnaires, associés ou autres membres de la société avec le nombre de parts détenues conformément à l'article 990 E 3 du code général des impôts ;

Que l'administration a mis en demeure la société de lui communiquer ces éléments par courrier du 20 avril 2012 dans les 60 jours et qu'elle a répondu par un courrier du 5 juin 2012 ; que le 13 juillet 2012, elle lui a fait parvenir des pièces complémentaires ; que malgré cela, l'administration lui a adressé une nouvelle mise en demeure ; que le 18 janvier 2013, la société a envoyé l'acte authentique confirmant la qualité d'actionnaire de M. C. ainsi que le passage de ses titres au nominatif par suite d'une décision du 18 décembre 2012 devant un notaire à Lausanne attestant de la détention des titres par M. C. au jour de la signature de l'acte.

Attendu qu'elle prétend qu'en communiquant le procès-verbal de l'assemblée générale du 18 décembre 2012 en la forme authentique, la liste de présence des actionnaires lors de cette assemblée confirmant la présence et la qualité d'actionnaire de M. C., les statuts à jour, la réquisition de modification d'inscription pour le registre du commerce du 18 décembre 2012 et l'extrait du registre du commerce du canton de Vaud du 17 janvier 2013, elle a satisfait à ses obligations, soulignant que cette documentation a été complétée par un certificat d'authenticité de Me V. certifiant les signatures apposées au mandat de fiducie et une attestation de la banque certifiant que M. C. est titulaire d'un coffre dans lequel sont déposés les titres .

Attendu qu'elle fait encore valoir que l'administration fiscale a clairement reconnu l'existence et la réalité juridique du mandat fiduciaire conclu entre M. C. et la société SEF.

Attendu qu'elle reprend le moyen tiré de ce que la taxe de 3 % doit sanctionner les contribuables qui tentent de se soustraire à l'impôt sur la fortune et qu'elle perd donc tout son sens lorsqu'elle sanctionne un actionnaire qui n'entre pas dans le champ de cet impôt et qu'en l'espèce il n'est pas démontré que M. C. ait voulu frauder l'impôt sur la fortune avec la détention de l'immeuble par l'intermédiaire de cette société .

Attendu qu'elle affirme que pour prouver la qualité d'actionnaire de M. C., il ne peut lui être fait reproche de ne produire d'autres documents que ceux admis en droit suisse et que pour des titres au porteur , la qualité d'actionnaire ne peut être justifiée que par la production de documents internes à la société ainsi que par une attestation de dépôt auprès d'une banque ou d'un fiduciaire car la tenue d'un registre d'actionnaire pour des titres au porteur n'est imposée en Suisse que depuis le 1er juillet 2015.

Que sont considérés comme documents justificatifs les actes sociaux déposés auprès des juridictions ou services publics de l'état de résidence de l'entité, les documents authentifiés par un membre d'une profession réglementée constatant la répartition des titres et tout autre document officiel délivré par l'administration étrangère précisant l'identité des actionnaires; que le contrat fiduciaire transmis, certifié par le notaire, ainsi que les procès-verbaux des organes sociaux de la société et l'acte authentique du notaire attestant que M. C. est effectivement le porteur des titres de la société répondent à ces exigences; que ne pas considérer ces documents reviendrait à violer la Convention de la Haye à laquelle la France et la Suisse sont parties et qui prévoit la reconnaissance automatique des actes publics étrangers en supprimant l'exigence de légalisation, les actes notariés ainsi que la déclaration officielle telle que la mention d'enregistrement ou la certification de signature sur un document privé étant concernés par cette convention ;que le mandataire fiduciaire confirme que son mandant est le seul et exclusif propriétaire du capital et des actions de la société et qu'il s'agit d'une attestation qui a la valeur juridique requise au regard des exigences jurisprudentielles, à savoir, la possibilité d'un recoupement avec des comptes ou la déclaration d'un tiers et l'existence d'une opposition ou, à tout le moins, l'absence d'une convergence d'intérêts entre le contribuable et ce tiers.

Attendu cependant qu'il résulte de l'examen des pièces versées par la société appelante :

- que les statuts de la société tels qu'ils sont produits n'apportent aucun élément sur l'identité des actionnaires ou associés et le nombre de parts qu'ils détiennent,

- que le certificat de résidence de M.C. délivré par les autorités belges ainsi que les documents produits au titre des factures EDF et des appels de cotisations de l'assurance habitation sont inopérants à prouver la qualité d'actionnaire unique de celui-ci quand bien même il serait le seul à acquitter les dépenses à ces titres ,

- que les procès-verbaux des assemblées générales tenues en 2009, 2010, 2012 ne contiennent aucun élément utile sur la question de la détermination exacte des actionnaires et du nombre de parts détenues,

- que le procès-verbal de l'assemblée générale du 18 décembre 2012 établi par le notaire qui fait état de ce que M.C. détient 49 parts et que M. C. détient une part à titre de porteur fiduciaire est inopérant dans la mesure où il est postérieur à la date du fait générateur de l'impôt, soit les 1ers janvier 2010, 2011, 2012,

- qu'il en est de même des statuts modifiés à la date du 18 décembre 2012 ainsi que du registre des actions à cette même date et du certificat de détention d'actions qui de surcroît, ne sont authentifiés par aucune autorité,

- que le contrat de mandat fiduciaire qui expose que le mandant , à savoir, M. C., a acquis la totalité du capital social est également inopérant dans la mesure où l'absence de convergence d'intérêts entre le contribuable et le mandant fiduciaire ne peut être retenue,

- que le fait d'adresser ses envois à l'adresse de la société fiduciaire n'est pas significatif de ce que l'administration aurait reconnu que M C. était l'associé unique dès lors qu'elle écrit au contribuable à son adresse et que celle ci est la même pour la socité Grombalia et la société SEF, fidiciaire, dont elle n'a au demeurant appris l'existence que lors de la mise en oeuvre de la procédure de communiquer;

- qu'enfin, le certificat de location du coffre auprès de la banque BNP Paribas est sans emport pour prouver la réalité de la détention unique des actions de la société par M.C. .

Attendu, par suite, que l'intégralité des moyens développés par l'appelante y compris celui tiré de la Convention de La Haye sont inopérants compte tenu de l'examen tel qu'il vient d'être fait des pièces versées au soutien de l'appel.

Attendu que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes tendant à l'annulation de la décision de rejet du 28 août 2013 et au dégrèvement du rappel de la taxe de 3 %.

Attendu sur les pénalités, que la société affirme n'avoir jamais reçu la mise en demeure du 23 octobre 2012, visée au titre du calcul desdites pénalités en page 10 de la proposition de rectification et souligne que les services de l'administration n'ont jamais fait la preuve de l'envoi et n'ont jamais transmis la preuve matérielle de la réception par la société de cette prétendue mise en demeure; que par ailleurs, plusieurs échanges et entretiens ont eu lieu pour tenter de répondre aux exigences de l'administration qui a été tenue informée de ses démarches démontrant sa bonne foi.

Mais attendu que si l'administration fiscale vise, par suite d'une erreur, une mise en demeure du 4 octobre 2012 à cette page de la proposition de rectification, elle a, dans les pages immédiatement précédentes, précisément listé toutes les mises en demeure adressées au contribuable, à savoir, celles du 20 avril 2012, du 8 juin 2012 et du 4 décembre 2012; qu'elle les verse présentement aux débats avec leurs accusés de reception respectifs de sorte que le bien fondé des réclamations de ce chef compte tenu des dispositions de l'article 1728-1 b du CGI est justifié, peu important à cet égard les vains échanges, envois de pièces et entretiens qui ont eu lieu entre l'administration et le contribuable, la bonne foi alléguée de ce chef du contribuable n'ayant pas à interférer .

Attendu, enfin, que cette majoration, qui sanctionne le contribuable au terme d'un processus protecteur de ses droits dans le cadre d'une obligation déclarative lui incombant et après que l'administration lui a délivré une mise en demeure, n'est ni inéquitable, ni disproportionnée alors en outre, qu'elle concourt à un but légitime constitué par le bon fonctionnement du système fiscal et les garanties offertes au contribuable.

Attendu, par suite, que le jugement sera confirmé et que l'appelante sera déboutée des fins de son recours.

Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

reçoit l'appel,

déboute la société Grombalia des fins de son recours et confirme le jugement en toutes ses dispositions

y ajoutant :

condamne la société Grombalia à verser à la direction générale des finances publiques la somme de 2000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne la société Grombalia à supporter les dépens et en ordonne la distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.