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Décisions

CA Amiens, 1re ch. sect. 1, 19 mai 2011, n° 10/02129

AMIENS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

M. Pezin, Mme Humez

Défendeur :

Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Belfort

Conseillers :

Mme Corbel, Mme Piet

Avoués :

SCP Tetelin-Marguet Et De Surirey, SCP Millon - Plateau

Avocat :

Me Lebegue

TI Soissons, du 23 avr. 2010

23 avril 2010

Vu le jugement du tribunal d'instance de Soissons qui a :

-condamné la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie à verser à M. Jean-Claude PEZIN et à Mme Jacqueline HUMEZ, son épouse, la somme de 1500 euros au titre de leur perte de chance et la somme de 600 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens,

-rejeté la demande formulée par la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Vu la déclaration d'appel déposée le 12 mai 2010 par les époux PEZIN ;

Vu les dernières conclusions des époux PEZIN qui, poursuivant l'infirmation du jugement attaqué demandent à la cour de condamner la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie à leur payer la somme de 5293,79 euros en réparation de leur préjudice financier avec intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2008, date de la mise en demeure, une somme de 1500 euros de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral ainsi qu'une indemnité de 3000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens avec distraction au profit de la SCP TETELIN-MARGUET & de SURIREY ;

Vu les dernières écritures du 17 février 2011 de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie qui conclut au caractère irrecevable ou à tout le moins mal-fondé de l'appel des époux PEZIN et formant appel incident, demande à la cour de débouter les époux PEZIN de toutes leurs demandes et de les condamner à lui payer une indemnité de 3000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de la SCP MILLON et PLATEAU ;

Vu l'ordonnance de clôture du 23 février 2011 ;

SUR CE,

*sur la faute de la banque :

Les époux PEZIN exposent que :

-ils ont souscrit le 25 janvier 1997 auprès de la Caisse d'Epargne Nord un titre de capitalisation au porteur sous la forme anonyme de 25000 francs avec un taux minimum garanti de 4,5% avec un minimum garanti sur 10 ans de 38086 francs ; en février 2007, ils ont sollicité le rachat de ces bons et il leur a été versé la somme de 5634,24 euros ;

-le 11 juin 1998 , ils ont renouvelé l'opération en souscrivant deux titres d'un montant de 25.000 francs pour une durée de 10 ans avec un taux minimum garanti de 8,75% puis le 19 août 1998 un autre titre de 25 000 francs pour un taux minimum garanti de 3,75% sur 8 ans.

-le 10 avril 2008, ils ont procédé au rachat anonyme des titres et la banque leur a versé les sommes de 3680,69 euros, 3680,75 euros et 3680,55 euros soit une différence de 5293,79 euros avec les sommes escomptées.

Ils font grief à la banque pour les titres souscrits en 1998 de ne pas les avoir prévenus que l'option fiscale leur permettant de choisir d'être imposés sur le revenu des personnes physiques leur était interdite en cas de souscription anonyme après le 1er janvier 1998, le régime fiscal dorénavant seul applicable à ce type de titre étant la taxation des plus-values au taux majoré en vigueur et un prélèvement de 2% par année de capitalisation sur le nominal souscrit. Cette défaillance de la banque dans son devoir d'information et de conseil sur la fiscalité applicable aux titres souscrits en 1998 leur a causé un préjudice tant financier que moral dont ils demandent la réparation.

La banque réplique que :

* l'article 97 de la loi de finances pour 2007 a modifié le régime fiscal des bons de capitalisation souscrits à compter du 1er janvier 2008, les bons souscrits en anonyme ne pouvant plus être soumis au régime de l'IRPP (impôts sur le revenu) mais exclusivement sur celui de l'anonymat (taxation des plus -values au taux majoré et prélèvement libératoire) ;

*comme le premier juge l'a retenu, lors de la souscription du contrat de capitalisation en 1998, une notice d'information a été remise aux époux PEZIN qui précise que le régime fiscal applicable dépend du mode de souscription et de l'identité de la personne qui en fait la demande ;

*le tableau récapitulatif figurant au bas de la notice fait apparaître clairement qu'en cas de souscription anonyme le régime fiscal applicable est celui de l'anonymat et non celui de l'imposition sur le revenu des personnes physiques.

Aussi, la banque soutient qu' elle n'a commis aucune défaillance dans son devoir d'information et de conseil.

Dès lors qu'il ressort des demandes de souscription signées par les époux PEZIN que ceux-ci reconnaissent dans la partie 'déclaration du souscripteur' juste au dessus de leurs signatures, avoir reçu une note les informant des principales dispositions fiscales régissant les contrats de capitalisation, ils ne peuvent prétendre n'avoir pas été en possession de ce document, peu important que leur signature ne soit pas précédée de la mention 'lu et approuvé'.

Dans la notice produite qui correspond à celle remise ( imprimé 4/98), la banque appelait l'attention des souscripteurs :

* sur la modification du régime fiscal applicable à compter du 1 janvier 1998 (cf la première phrase : 'l'article 97 de la loi de Finances pour 1997, complété par un décret publié le 19 décembre 1997 a modifié la fiscalité des bons de capitalisation souscrits à partir du 01/01/98) ;

* sur le contenu de cette modification : 'la fiscalité applicable est fonction du mode de souscription et de l'identité de la personne qui en fait la demande' ;

Un tableau récapitulatif de la fiscalité applicable en fin de note permettait de constater 'de visu' que si le mode de souscription était anonyme, le régime fiscal applicable était 'l'anonymat', ce qui excluait le régime de l'IRPP qui figurait uniquement comme possibilité pour les modes de souscription nominatif.

Aussi, les époux PEZIN étaient parfaitement informés que le régime fiscal des bons souscrits en 1998 n'étaient pas celui de 1997 et que le régime de l'imposition IRPP était supprimé pour le mode de souscription anonyme.

Toutefois, ainsi que l'a pertinemment relevé le premier juge, il peut être reproché à la banque de n'avoir pas délivré une information technique sur le régime fiscal de l'anonymat qui modifiait notablement l'économie du placement par rapport à celui fait par les appelants un an plus tôt. Il lui appartenait de leur préciser clairement les caractéristiques de ce régime fiscal qui n'étaient pas connus des époux PEZIN qui avaient fait des placements avec l'option d'imposition IRPP qui leur convenait parfaitement.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a reconnu une défaillance de la banque dans son devoir de conseil et d'information.

*sur le préjudice :

Le premier juge avec raison a considéré que le préjudice résultant pour les époux PEZIN de la défaillance contractuelle de la banque était la perte de chance de souscrire des bons de capitalisation sous forme nominative ou de n'en pas souscrire.

La banque remarque justement que le mode de souscription en anonyme constitue un titre au porteur librement cessible offrant la possibilité d'une transmission aisée à un tiers, caractéristiques qui ne se retrouvent pas dans les bons souscrits nominativement.

Dès lors, les époux PEZIN ne sauraient prétendre à l'indemnisation par la banque de leur manque à gagner tenant au nouveau régime d'imposition dès lors qu'il n'est pas acquis qu'ils n'auraient pas souscrit malgré celui-ci des bons anonymes pour bénéficier de leurs autres caractéristiques.

La cour confirme dès lors le jugement en ce qu'il a évalué le préjudice financier résultant de la perte de chance à la somme de 1500 euros et en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, l'échange de courriers avec la banque ne laissant apparaître aucune agressivité ou critique de la part de cette dernière en raison du défaut de conseil qui lui était imputé.

*sur les autres demandes :

Aucune considération d'équité ne commande de faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Les dépens seront supportés par les époux PEZIN tenus in solidum dès lors qu'ils succombent en leur appel.

PAR CES MOTIFS, la Cour,

Statuant après débats publics, par arrêt contradictoire rendu publiquement, en dernier ressort et mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement du tribunal d'instance de Soissons rendu le 23 avril 2010 entre les mêmes parties,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamne in solidum les époux PEZIN aux dépens.