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Décisions

Cass. com., 20 septembre 2011, n° 10-13.878

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Vincent et Ohl, SCP Waquet, Farge et Hazan

Cass. com. n° 10-13.878

19 septembre 2011

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 janvier 2010), que par décision du 23 décembre 2008, la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (l'AMF) a retenu que M. Xavier X..., M. Charles X... et M. Y... avaient commis, en juin 2003, des manquements d'initiés, le premier en communiquant une information privilégiée relative "aux grandes chances de dépôt imminent" d'une offre publique d'achat de la société Alcan sur les titres de la société Pechiney qu'il détenait du fait de ses fonctions au sein de la banque Morgan Stanley, agissant pour le compte de la société Alcan, les derniers en exploitant cette information par l'acquisition de titres de la société Pechiney ; qu'une sanction pécuniaire a été prononcée à leur encontre ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours, alors, selon le moyen :

1°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; que cette exigence implique que les autorités de poursuite communiquent à la défense toutes les preuves pertinentes en leur possession, à charge comme à décharge ; qu'en l'espèce, M. Y... a pris connaissance, dans le cadre de l'instance pénale diligentée à son encontre, d'une correspondance de la Commission européenne reçue le 23 mars 2005 par la DESM en réponse à une lettre qu'elle a adressée à M. le Président Romano Prodi, le 29 septembre 2004 ; que les termes de ce courrier enseignent notamment que les contacts entre les représentants de la société Alcan et les services de la Commission européenne qui ont eu lieu entre le 16 juin et le 7 juillet 2003 "revêtaient un caractère préliminaire et largement informel" ; que ce document, qui n'a pas été versé au dossier d'enquête et dont la communication a été refusée à M. Y..., était de nature à contredire l'hypothèse d'un dépôt imminent d'une OPA de la société Alcan sur la société Péchiney ; qu'en déboutant néanmoins M. Y... de sa demande d'annulation de la sanction prononcée à son encontre au motif inopérant qu'en sa qualité de mis en examen, M. Y... avait eu accès au courrier litigieux qui figurait dans son dossier pénal et que le contenu en avait été reproduit dans un courrier du 3 décembre 2008 versé aux débats, ce qui a rendu possible un débat contradictoire devant la commission des sanctions, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et les droits de la défense ;

2°/ que si l'AMF décide librement de la nature des investigations auxquelles elle procède, ainsi que des suites qu'elle entend leur donner, elle ne saurait, sans violer le principe d'égalité des armes et l'obligation de loyauté qui pèse sur elle, soustraire à la connaissance de la partie poursuivie des éléments de preuve recueillis au cours de l'enquête et la priver ainsi d'y puiser, le cas échéant, des éléments favorables à sa défense ou, à tout le moins, de contester la lecture qui en a été faite par les enquêteurs ; qu'en rejetant la demande de nullité de M. Y... au motif que le courrier de la Commission européenne n'avait pas été écarté de façon déloyale et qu'il n'était pas démontré une atteinte aux droits de la défense dès lors que l'AMF expliquait que ce courrier n'avait pas été versé au dossier dans la mesure où il "semblait dépourvu d'incidences sur la présente espèce et (…) fournissait en annexe l'identité de plusieurs fonctionnaires de la Commission européenne à l'égard desquels aucun soupçon n'avait été maintenu alors qu'ils étaient susceptibles d'avoir reçu des informations sur le projet de rachat Péchiney par les dirigeants d'Alcan lors de l'examen des questions de concurrence liées à cette opération", la cour d'appel a statué par des motifs inopérants au regard du principe d'égalité des armes invoqué par M. Y... et a violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les droits de la défense ;

3°/ qu'il n'appartient pas à l'AMF, partie poursuivante, de substituer sa propre appréciation de la portée des documents recueillis dans le cadre de son enquête à celle de la Commission des sanctions, puis le cas échéant, à celle de la cour d'appel ; qu'en estimant que les explications de l'AMF selon lesquelles le courrier de la commission "semblait dépourvu d'incidences sur la présente espèce" suffisaient à établir que cette pièce n'avait pas été écartée de manière déloyale, la cour d'appel a encore violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les droits de la défense ;

4°/ que le principe général des droits de la défense implique le droit pour toute personne, contre laquelle sont dirigées des accusations, d'y répondre ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué énonce d'une part que si l'AMF a été destinataire d'un courrier portant une dénonciation anonyme contre M. Y... qui ne figure pas au dossier d'enquête de l'AMF, ce courrier a été transmis au juge d'instruction et pouvait être consulté par M. Y... en sa qualité de mis en examen et d'autre part, que s'agissant, par nature d'un élément à charge, M. Y... n'était pas privé d'un moyen de défense ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu la portée du principe des droits de la défense, principe fondamental du droit communautaire, et principe général de valeur constitutionnelle ;

5°/ que la violation du droit de la défense dont est entachée une enquête menée de façon non contradictoire entraîne nécessairement la nullité de cette enquête et par voie de conséquence, la nullité de la saisine du juge disciplinaire et de la sanction prononcée par celui-ci ; qu'en renvoyant à la discussion "de fond", la partie des critiques formulées par le personne poursuive, la cour d'appel a violé les droits de défense par refus d'application et excédé ses pouvoirs ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient exactement que le fait que l'AMF ait procédé à une sélection des pièces du dossier finalement soumises à la commission des sanctions n'est pas, en soi, de nature à vicier la procédure à moins qu'il ne soit démontré que, manquant à son devoir de loyauté, elle n'ait distrait des éléments de nature à influer sur l'appréciation par la commission des sanctions, puis le cas échéant par la cour d'appel, du bien fondé des griefs retenus ;

Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt relève que le contenu de la lettre du 22 mars 2005 émanant de la Commission européenne a été reproduit dans un document versé au dossier le 3 décembre 2008, qu'une copie de ce document a été adressée à toutes les personnes mises en cause, qui ont pu en prendre connaissance, et qu'un débat contradictoire a ainsi été rendu possible devant la Commission des sanctions lors des séances des 22 et 23 décembre 2008 ; que l'arrêt ajoute que les explications données devant celle-ci par le représentant du collège suffisent à établir que la lettre du 22 mars 2005, qui fournissait l'identité de plusieurs fonctionnaires de la Commission européenne à l'égard desquels aucun soupçon n'avait été maintenu, n'avait pas été écartée de manière déloyale ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, établissant qu'aucune atteinte aux droits de la défense n'était résultée du fait que cette pièce ne figurait pas au dossier transmis à la commission des sanctions, la cour d'appel a écarté à bon droit le moyen de nullité invoqué ;

Attendu, enfin, qu'ayant relevé que si l'AMF avait été destinataire d'un courrier comportant une dénonciation anonyme visant M. Y..., celui-ci, qui avait pu en prendre connaissance, ne démontrait pas qu'elle avait manqué à son devoir de loyauté en s'abstenant de verser au dossier de l'enquête un élément de nature à influer sur l'appréciation des griefs retenus à son encontre, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. Y... fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ qu'une information privilégiée doit être précise ; que s'agissant d'une offre publique d'achat, la notion de précision implique un projet d'offre publique suffisamment défini entre les parties pour avoir des chances raisonnables d'aboutir, peu important l'existence d'aléas inhérents à toute opération de cette nature quant à la réalisation effective de ce projet ; que les seules informations sur des études et réflexions menées sur les possibilités de lancer une offre publique d'achat sur une société cible ne sont pas suffisamment précises pour être privilégiées ; que pour juger que l'existence d'une information privilégiée relative au dépôt imminent ou aux grandes chances de dépôt imminent d'une offre publique d'achat de la société Alcan sur les titres Pechiney était caractérisée dans tous ses éléments à partir du 3 juin 2003, la cour d'appel s'est fondée sur une réunion du conseil d'administration de la société Alcan au cours de laquelle la direction a communiqué à ses membres un simple rapport sur une "possible acquisition de Pechiney par la voie d'une offre publique" tout en relevant qu'à cette date, rien ne permettait d'affirmer que le conseil d'administration aurait alors accepté les conditions fixées ultérieurement par la Direction de la concurrence de la Commission européenne, auxquelles était subordonné le rapprochement entre les deux sociétés ; qu'en se fondant sur cette seule réunion pour dire que le projet d'offre publique d'achat avait des chances raisonnables d'aboutir dans un délai proche, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1er du règlement n° 90-08 de la COB dans sa rédaction applicable au litige ;

2°/ que M. Y... faisait valoir dans son mémoire d'appel (p.16 et 17) qu'il ressortait d'une note d'opération établie le 2 octobre 2003 par la société Alcan, versée aux débats (bordereau de communication de pièces n° 19), que cette dernière ne mentionnait pas la réunion du conseil d'administration de la société Alcan du 3 juin 2003 comme marquant une étape essentielle du projet d'offre publique d'achat des titres de la société Pechiney mais indiquait seulement que lors de cette réunion, le conseil d'administration avait demandé des informations complémentaires ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, étayées par un document émanant de la société Alcan, dont il résulte qu'à la date du 3 juin 2003, le projet d'offre publique d'achat n'était pas encore précisément défini au sein de la société Alcan pour pouvoir constituer une information privilégiée, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en l'espèce, pour juger que l'information privilégiée sur une "grande chance de dépôt imminent d'une OPA" était caractérisée dans tous ses éléments à partir du 3 juin 2003, la cour d'appel s'est fondée sur une réunion datée du 3 juin 2003 au cours de laquelle la direction de la société Alcan avait présenté à son Conseil d'administration un rapport sur une possible acquisition de Pechiney par la voie d'une offre publique et avait communiqué à ses membres des éléments précis sur la société Pechiney ainsi que sur les termes de l'offre publique d'achat inamicale envisagée ; que la cour d'appel a également relevé qu'au cours de cette réunion, les membres du conseil d'administration n'avaient formulé aucune objection sur l'acquisition proposée, mais que plusieurs d'entre eux avaient même encouragé la société Alcan à poursuivre dans cette voie ; qu'en s'abstenant de rechercher si M. Xavier X..., "Senior Assignment Associate" au département des fusions et acquisitions de la banque Morgan Stanley et dont le rôle a seulement consisté à désigner, le 2 juin 2003, les équipes opérationnelles affectées au projet d'OPA, avait eu connaissance de ces éléments et avait été ainsi en mesure de communiquer à M. Y... une information suffisamment précise sur "les grandes chances de dépôt imminent d'une OPA", la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1er du règlement n° 90-08 de la COB et 621-1 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;

4°/ que l'arrêt attaqué énonce que M. Xavier X... avait connaissance du stade avancé du projet puisqu'il n'a été conduit ni à compléter, ni à modifier la composition des équipes qu'il avait été chargé de mettre en place ni à mettre fin de manière anticipée à leur participation, de sorte qu'il "pouvait en déduire que l'offre irait à son terme" ; qu'en statuant par un motif hypothétique, la cour d'appel a violé l'article 445 du code de procédure civile ;

5°/ que M. Xavier X... ayant été chargé de constituer une équipe le 2 juin 2003, la circonstance qu'il n'a été ultérieurement conduit ni à la compléter ni à la modifier ni à y mettre fin, à supposer que cette circonstance puisse à la longue caractériser la détention d'une information sur le dépôt d'une OPA par Alcan, ne pouvait néanmoins avoir ce caractère dès le lendemain 3 juin 2003 ; que la cour d'appel n'a pas légalement caractérisé chez Xavier X... la détention d'une information privilégiée, et a violé les articles 1er du règlement n° 90-08 de la COB et 621-1 du règlement général de l'autorité des marchés financiers ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que la direction de la société Alcan, qui avait tenu des réunions avec les sociétés Morgan Stanley et Sullivan et Cromwell, les 25 avril et 23 mai 2003, afin de discuter des conditions relatives à l'émission de l'offre d'achat, a, le 3 juin 2003, présenté à son conseil d'administration un rapport sur une possible acquisition de la société Pechiney par la voie d'une offre publique ; que l'arrêt relève encore que, si rien ne permet d'affirmer que le conseil d'administration aurait alors accepté les conditions, fixées ultérieurement par la Commission européenne, auxquelles était subordonné un rapprochement entre les deux sociétés, il est toutefois établi qu'ont été communiquées aux membres du conseil d'administration des éléments précis sur la société Pechiney ainsi que sur les termes de l'offre publique d'achat inamicale envisagée ; que l'arrêt ajoute que, non seulement les membres du conseil d'administration n'ont formulé aucune objection sur l'acquisition proposée, mais que plusieurs d'entre eux ont encouragé la société Alcan à poursuivre dans cette voie ; que l'arrêt relève en outre que le 5 juin 2003, la société Alcan est passée à une phase opérationnelle significative en confiant à la société Publicis consultants une mission d'assistance et de conseil sur la définition et la mise en oeuvre de sa communication et de ses relations publiques pour la préparation de son offre sur la société Pechiney ; qu'ayant justement retenu de ces constatations qu'il existait, dés le 3 juin 2003, une information précise, dès lors que le projet d'offre publique avait, à cette date, des chances raisonnables d'aboutir dans un délai proche et qu'il était possible d'en tirer une conclusion quant à l'effet qui pourrait en résulter sur le cours des instruments financiers concernés, bien que la décision d'approbation de l'offre n'eût pas encore été prise par le conseil d'administration de la société Alcan et que l'opération eût été suspendue à l'accord des autorités de la concurrence, cette circonstance laissant subsister la réalité du projet, la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur le seul élément visé par la première branche et qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation de M. Y..., a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que M. Xavier X..., "Senior Assignment Associate" au département des fusions et acquisitions de la banque Morgan Stanley, a été chargé, à partir du 2 juin 2003, de constituer les équipes opérationnelles affectées au projet d'offre publique de la société Alcan sur les titres de la société Pechiney ; que l'arrêt ajoute que de telles fonctions impliquaient la connaissance du projet d'offre publique, même s'il pouvait ignorer certains de ses détails, mais aussi du stade avancé de ce projet puisqu'il n'a été conduit ni à compléter ni à modifier la composition des équipes qu'il avait été chargé de mettre en place, ni encore à mettre fin de manière anticipée à leur participation ; qu'il relève encore que le directeur général de la société Morgan Stanley, chargé du dossier Pechiney, a confirmé que M. Xavier X... "était au courant de ce qu'était la transaction" ; qu'ayant ainsi constaté que M. Xavier X... détenait à compter du 3 juin 2003 l'information privilégiée relative au dépôt prochain d'une offre publique de la société Alcan, la cour d'appel, qui a fait la recherche prétendument omise et qui n'a pas usé d'une motivation hypothétique, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. Y... fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que selon l'article 5 du règlement n° 90-08 de la COB, une personne ne peut se voir sanctionner du fait d'un manquement d'initié qu'à la condition qu'il soit établi d'une part, qu'elle possède, en connaissance de cause, une information privilégiée provenant directement ou indirectement d'une personne mentionnée aux articles 2,3 et 4 du présent règlement et d'autre part, qu'elle exploite cette information sur le marché ; que dès lors, il appartient à l'AMF d'établir la détention et la transmission d'une information privilégiée par le biais d'une personne initiée clairement identifiée ; qu'en jugeant que la caractérisation du manquement sanctionné par l'article 5 du règlement n° 90-08 de la COB ne nécessitait pas l'identification de celui qui est à l'origine de l'information, la cour d'appel a violé cette disposition ;

2°/ qu'à défaut d'une preuve directe, la transmission d'une information privilégiée doit être établie par un faisceau d'indices graves, précis et concordants susceptible de la caractériser ; que les seuls indices relatifs à la prétendue détention de l'information privilégiée ne permettent pas, en eux mêmes, d'établir la transmission de cette information ; qu'après avoir admis que les relations familiales ne permettent pas, en soi, de présumer la communication de l'information privilégiée, la cour d'appel a néanmoins retenu que les interventions de M. Charles X... sur le titre Pechiney ne pouvaient avoir d'autres explications que la détention de l'information privilégiée qui ne pouvait lui avoir été communiquée que par son frère M. Xavier X... ; qu'en se déterminant de la sorte sur la base des seuls indices relatifs à la prétendue détention d'une information privilégiée par M. Charles X..., la cour d'appel a violé l'article 5 du règlement n° 90-08 du règlement de la COB ;

3°/ que c'est à l'AMF, partie poursuivante, qu'il appartient de rapporter la preuve de la transmission de l'information privilégiée à la personne poursuivie ; qu'en retenant que les achats auxquels a procédé M. Y... à partir du 19 juin 2003 ne pouvaient s'expliquer que par l'exploitation de l'information provenant soit directement de M. Xavier X..., soit de son frère, M. Charles X..., la cour d'appel a imposé à M. Y... de faire la preuve - négative et évidemment impossible, s'agissant de faits inexistants - qu'il n'avait jamais bénéficié d'une quelconque information privilégiée relative au titre Pechiney ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé le principe de la présomption d'innocence ;

4°/ qu'à défaut d'une preuve directe, la transmission d'une information privilégiée doit être établie par un faisceau d'indices graves, précis et concordants susceptible de la caractériser ; que pour retenir que M. Xavier X... avait transmis, directement ou par l'intermédiaire de M. Charles X..., une information privilégiée à M. Y..., la cour d'appel s'est fondée d'une part, sur les relations professionnelles entre M. Y... et M. Charles X... et d'autre part, sur les dates d'acquisition des titres Pechiney réalisées respectivement le 19 juin 2003, par M. Y... et le 18 juin 2003 par M. Charles X... ; qu'en se fondant sur ces seuls éléments qui ne permettent pas, en eux-mêmes, d'établir que M. Y... aurait bénéficié de la transmission d'une quelconque information privilégiée soit directement de la part de M. Xavier X..., soit par l'intermédiaire de son frère, et qui n'établissent aucune transmission d'une information au bénéfice de M. Y..., la cour d'appel n'a pas suffisamment justifié sa décision au regard des articles L. 621-15 du code monétaire et financier et 5 du règlement n° 90-08 de la COB, et a privé sa décision de toute base légale au regard desdits textes ;

5°/ que la preuve de la détention d'une information privilégiée par un faisceau d'indices concordants n'est admise qu'à condition que les opérations effectuées par les personnes mises en cause ne puissent être expliquées autrement que par la détention de cette information ; que dès lors, le juge doit examiner l'ensemble des explications fournies par la personne poursuivie pour expliquer les opérations prétendument réalisées sur le fondement d'une information privilégiée ; que dans son mémoire d'appel (p. 26 à 28), M. Y... expliquait notamment que la société Pechiney, dont il suivait le cours depuis 2002, était contrainte, à terme, de se restructurer à grande échelle, en raison notamment de la baisse des prix de l'aluminium, que les cours bas des titres Pechiney suscitaient la convoitise d'autres sociétés, que début 2003, des signes de redressement du cours étaient perceptibles, que la société Pechiney connaissant une amélioration significative de ses résultats, depuis le mois de mai 2003, les volumes de titres échangés avaient augmenté par rapport à la moyenne des trois mois précédents et qu'une explosion des prix était intervenue à partir de mi-mai ; que M. Y... expliquait également que les analyses financières de Goldman et Sachs publiées les 5 et 19 juin 2003, peu avant qu'il réalise ses acquisitions, recommandaient l'achat du titre tout en prévoyant des objectifs de cours plus élevés ; qu'il faisait également valoir que le caractère prudent et progressif de ses acquisitions des titres Pechiney à compter du 19 juin 2003 ne correspond pas au comportement d'une personne qui dispose d'une information privilégiée depuis le 3 juin ; qu'en n'examinant pas l'ensemble des éléments fournis par M. Y... pour expliquer les achats des titres Pechiney effectués en juin 2003, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 621-15 du code monétaire et financier et 5 du règlement n° 90-08 de la COB ;

6°/ que M. Y... faisait encore valoir dans ses conclusions d'appel que les premières transactions atypiques sur le titre Pechiney étaient intervenues les 5 et 28 mai 2003, et versait aux débats (bordereau de communication pièce n° 14) un courrier des autorités monégasques adressé à l'AMF relatant les explications d'un client de la banque du Gothard qui a "relevé dès le 28 mai 2003 une augmentation des volumes de près de 500 %. La confirmation de l'intérêt du marché sur le titre et d'un trend fortement haussier s'est vérifiée le 12 juin 2003 avec une augmentation des volumes traités de 230 % et une augmentation du prix de 10,6 % avec un cours de clôture sur les maximadu jour. Les analyses d'Aurel Z... et UBS du 18 juin 2003 donnaient une recommandation d'achat sur le titre (…)" ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt constate que les achats auxquels a procédé M. Y... à partir du 19 juin 2003 ne peuvent s'expliquer que par l'exploitation de l'information privilégiée provenant directement ou indirectement de M. Xavier X..., lui-même initié au sens du règlement COB n° 90-08, applicable en la cause ; qu'il s'ensuit que la première branche, qui critique un motif surabondant, est inopérante ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'après avoir justement énoncé que les relations familiales ne permettent pas, en elles-mêmes, de présumer la communication de l'information, l'arrêt retient que, compte tenu des circonstances de l'espèce, qu'il a analysées, l'information relative au dépôt imminent d'une offre publique d'achat de la société Alcan sur les titres Pechiney ne pouvait avoir été communiquée à M. Charles X... que par son frère, M. Xavier X..., qui avait, comme lui, une activité professionnelle dans le domaine financier et qu'il voyait fréquemment ; qu'ainsi, c'est sans encourir la critique formulée par la deuxième branche que la cour d'appel, s'est prononcée comme elle a fait ;

Attendu, en troisième lieu, qu'ayant retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur probante des indices concordants constitués par le rapprochement des opérations effectuées sur le titre Pechiney par M. Y... et par M. Charles X..., ce dernier sur le fondement d'informations ne pouvant provenir que de son frère, et des liens existant entre M. Y... et MM. Charles et Xavier X..., que l'information privilégiée exploitée en connaissance de cause par le premier lui avait été transmise, directement ou indirectement, par ce dernier, la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, enfin, qu'après avoir constaté le caractère contradictoire des recommandations de la presse spécialisée et mentionné diverses analyses financières publiées en mai et juin 2003, dont celle de la société Goldman Sachs du 5 juin 2003, analyses dont il a relevé les conclusions divergentes relativement au titre Pechiney, l'arrêt retient que les explication avancées par M. Y... pour tenter de justifier son achat sont peu crédibles dés lors que la plupart de ces données, qui n'étaient pas univoques, étaient disponibles bien avant ses interventions à l'achat en juin 2003 ; que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre M. Y... dans le détail de son argumentation, a ainsi procédé à la recherche visée par la cinquième branche ;

D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu que le quatrième moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.