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Décisions

AMF, 21 juin 2007, n° SAN-2007-28

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

AMF n° SAN-2007-28

21 juin 2007

La société X, créée notamment par M. A, est une société de gestion de portefeuille agréée le 16 juillet 1999 par la COB. A titre principal, la société X exerce les activités de gestion d’OPCVM et de gestion sous mandat et intervient sur les marchés de valeurs mobilières et sur tous les produits financiers négociés sur les marchés français et principales places étrangères, ainsi que sur les marchés dérivés et à terme. A titre accessoire, elle pratique la transmission d’ordres et le conseil patrimonial. M. A est président directeur général de la société X depuis 2000. A la fin du mois de juin 2002, M. B a rejoint la société X en qualité de gérant de portefeuilles, avec un portefeuille de clientèle. Il a été licencié au mois de septembre 2006.

Le 25 février 2003, le directeur général de la COB a décidé l’ouverture d’une enquête sur « l’activité de  laSGP X, et de toute personne physique ou morale qui lui serait liée », à compter du 1er janvier 2002.

La direction des enquêtes et de la surveillance des marchés (DESM) a établi et déposé un rapport d’enquête le 22 mai 2006.

Selon  le  rapport,  la  société X  et  M. B  auraient  « eu  recours  de  façon  généralisée  et  abusive aux

« comptes parking », le recours généralisé et abusif pour certains comptes ayant été  reconnu  en audition ». Le caractère abusif aurait « été démontré tant au regard de la liquidité de nombreux titres stockés, que de la nature de certaines opérations, ou des méthodes de déstockage des titres, souvent tardives et parfois incohérentes », ce qui aurait mené M. B à « favoriser certains comptes clients, celui de sa femme et du FCP X […], ce que [ce dernier] a lui-même reconnu lors de son audition, ainsi sans doute que celui d’un certain nombre d’autres clients ».

En conséquence, les éléments relevés établiraient, d’une part, que la société X et M. B n’auraient pas respecté « la réglementation applicable en matière de passation d’ordres groupés, d’affectation des ordres, et d’égalité de traitement entre comptes gérés », en violation « des articles 4 et 16 du règlement n°96-03 de la COB (repris aux articles 322-34, 322-49 et 322-51 règlement général de l’AMF), article

L. 533-4 du code monétaire et financier ». D’autre part, les faits constatés au titre du contrôle interne seraient « susceptibles de constituer un manquement aux articles 10 du règlement COB n° 96-02 et 11 du règlement n° 96-03 applicables à l’époque des faits, et repris aux articles 322-12 et 322-20 du règlement général de l’AMF ».

Au vu des conclusions du rapport d’enquête, le président de l’AMF a pris la décision de notifier des griefs à la société X, ainsi qu’à MM. A et B. Les notifications de griefs adressées par lettres recommandées avecdemande d’avis de réception en date du 3 août 2006 à ces trois personnes reprochent ;

• à la société X, d’ « avoir utilisé des comptes de stockage, dits « compte parkings », de manière à la fois généralisée, injustifiée et excessivement longue et sans respecter de surcroît les règles d’affectation des ordres groupés , ce qui a permis de favoriser certains comptes au détriment d’autres », l’enquête ayant par ailleurs « montré que les contrôles effectués (…), par l’intermédiaire de M. A, avaient été défaillants », n’ayant « pas révélé d’opération suspecte  alors que les manquements à la réglementation en matière d’affectation des ordres groupés, étaientgénéralisés ». La notification de griefs précise enfin que l’ensemble de ces faits sont

« susceptibles de donner lieu à l’encontre de la société X à une sanction sur le fondement de l’article L. 533-4 du code monétaire et financier, de l’article 10 du règlement COB n° 96-02 et des articles 4,11 et 16 du règlement COB n° 96-03, applicables à l’époque des faits, aujourd’hui repris aux articles 322-12, 322-20, 322-34, 322-49 et 322-51 du règlement général de l’AMF, et sur le fondement de l’article L. 621-25 du code monétaire et financier applicable à l’époque des fais etrepris en substance à l’article L. 621-15 du code monétaire et financier » ;

• à M. A, président directeur général de la société X et responsable du contrôle interne et de la déontologie à l’époque des faits reprochés, les mêmes faits, ceux-ci étant susceptibles d’entraîner sa responsabilité à titre personnel, « sur le fondement de l’article L. 533-4 du code monétaire et financier, des articles 4 et 16 du règlement COB n° 96-03, applicables à l’époque des faits, aujourd’hui repris aux articles 322-34, 322-49 et 322-51 du règlement général de l’AMF, et sur le fondement de l’article L. 621-25 du code monétaire et financier, applicable à l’époque des faits et repris en substance à l’article L. 621-15 du même code » ;

• à M. B, gérant de portefeuilles au sein de la société X, d’avoir « utilisé des comptes de stockage, dits « comptes parkings », de manière à la fois généralisée, injustifiée et excessivement longue et sans respecter de surcroît les règles d’affectation des ordres groupés, ce qui a permis de favoriser certains comptes au détriment d’autres », ces faits étant susceptibles de donner lieu à son encontre, « à titre personnel, à une sanction sur le fondement de l’article  L. 533-4  du  code monétaire  et financier, des  articles 4  et 16 du règlement COB  n° 96-03, applicables à l’époque des faits, aujourd’hui repris aux articles 322-34, 322-49 et 322- 51 du règlement général de l’AMF, et sur le fondement de l’article L. 621-25 du code monétaire

• et financier, applicable à l’époque des faits et repris en substance à l’article L. 621-15 du même code ».

Copie des notifications de griefs ont été adressées par le président de l’AMF au président de la Commission des sanctions, en application de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier, par lettre du 3 août 2006.

Le président de la Commission des sanctions a désigné M. Jean-Claude Hanus en qualité de rapporteur par décision du 30 août 2006. Les personnes mises en cause en ont été avisées par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 6 septembre 2006, leur rappelant la possibilité d’être entendues par le rapporteur, à leur demande, en application du I. de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Des observations écrites ont été présentées par Mes Marc Lipskier et Christian Curtil, pour le compte de la société X et M. A, le  29 septembre 2006  et par Me  Stephen Monod, pour le compte  de M. B, le      1er décembre 2006.

Le rapporteur a déposé son rapport le 18 avril 2007.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception datée du 23 avril 2007, à laquelle était joint  le rapport de M. Jean-Claude Hanus, la société X,  M. A et  M. B ont été  convoqués  à  la  séance  du  21 juin 2007.

la société X et M. A ont fait parvenir des observations en réponse au rapport, reçues le 9 mai 2007.

II. MOTIFS DE LA DECISION

II.1. Sur les exceptions soulevées par la société X et M. A

1. Considérant que la société X et M. A soulèvent, dans un premier temps, l’ « illégalité des poursuites » engagées à leur égard, en alléguant la violation du principe constitutionnel de légalité des délits et des peines, du fait, d’une part, de la généralité des textes fixant les manquements reprochés et les sanctions encourues par les personnes mises en cause, et, d’autre part, de ce que les règlements définissant les obligations auxquelles sont soumis les professionnels ne pourraient être issues que d’un décret simple ou d’un décret en Conseil d’Etat ;

1.1. Considérant que, lorsqu’elle est appliquée aux sanctions administratives, l’exigence d’une définition des infractions sanctionnées qui découle du principe de légalité des délits et des peines se trouve satisfaite par la référence aux obligations auxquelles le professionnel est soumis en vertu des lois et règlements ; que, par suite, les infractions peuvent être définies par référence aux obligations auxquelles est soumise une personne en raison de l’activité qu’elle exerce, de la profession à laquelle  elle appartient ou de l’institution dont elle relève ;

Considérant, en l’espèce, que l’article L. 621-25 du code monétaire et financier, applicable à l’époque des faits objet des notifications de griefs, prévoyait que « les prestataires de services d’investissement agréés pour exercer le service mentionné au 4 de l’article L. 321-1 ainsi que les sociétés de gestion de portefeuille sont passibles des sanctions prononcées par la Commission des opérations de bourse à raison des manquements à leurs obligations professionnelles définies par les lois et règlements en vigueur. » ; que les articles L. 621-25 et L. 621-26, applicables à l’époque des faits objet des notifications de griefs, énumèrent limitativement les sanctions encourues par les professionnels, personnes morales d’une part, et personnes physiques d’autre part ; qu’il résulte de ces textes que les sociétés de gestion de portefeuille sont soumises au pouvoir de sanction de la COB (et, aujourd’hui de la Commission des sanctions de l’AMF), en cas de manquement aux « obligations professionnelles définies par les lois et règlements en vigueur » ; que les obligations professionnelles auxquelles les personnes mises en cause n’auraient pas satisfait, ainsi que les sanctions encourues, ont été visées par les notifications de griefs adressées aux personnes mises en cause par une référence précise au texte du règlement COB qui les définit, de sorte que les personnes mises en cause ont été mises en mesure d’identifier clairement ce qui leur était reproché et la sanction qu’elles encouraient ;

Qu’ainsi le moyen tiré de ce que le principe de légalité des délits et des peines aurait été méconnu, du fait de la généralité des textes définissant les manquements reprochés et fixant les sanctions encourues, ne saurait être retenu ;

1.2. Considérant, par ailleurs, qu’appliquée en dehors du droit pénal, l’exigence d’une définition des infractions sanctionnées se trouve satisfaite, en matière administrative, par la référence aux   obligations

1.3. auxquelles le professionnel est soumis en vertu des lois et règlements ; que les obligations susceptibles d’être sanctionnées sont uniquement celles résultant des termes de la loi ou celles dont le respect est expressément imposé par les textes réglementaires qui, dans le cadre déterminé par le législateur, précisent les principes généraux définissant les obligations des différentes catégories de professionnels ;

Considérant, en l’espèce, que l’ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 instituant une COB et relative à l’information des porteurs de valeurs mobilières et à la publicité de certaines opérations de bourse prévoit, en son article 4-1, que « pour l’exécution de sa mission, la commission peut prendre des règlements concernant le fonctionnement des marchés placés sous son contrôle ou prescrivant des règles de pratique professionnelle qui s’imposent aux personnes faisant appel à l’épargne, ainsi qu’aux personnes, qui, à raison de leur activité professionnelle, interviennent dans les opérations sur des titres placés par appel public à l’épargne ou assurant la gestion individuelle ou collective de portefeuilles de titres » ; que ce texte à valeur législative autorise expressément la COB à prendre des règlements prescrivant des règles de pratique professionnelle qui s’imposent aux personnes assurant la gestion individuelle ou collective de portefeuilles de titres et par suite, satisfait à l’exigence de définition des infractions susceptibles d’être sanctionnées ;

Qu’ainsi le moyen tiré de ce que le principe de légalité des délits et des peines aurait été méconnu, du faitde la nature du texte fixant les obligations sanctionnées, ne saurait être retenu ;

2. Considérant que la société X et M. A prétendent, dans un deuxième temps, que la procédure d’enquête est nulle (2.1.), que l’étendue de la saisie devrait être limitée (2.2) et que la procédure est prescrite (2.3.) ;

2.1. Considérant que la société X et M. A prétendent que l’AMF n’a pas été régulièrement saisie de l’enquête ayant donné lieu à la présente procédure, faute d’avoir repris pour son compte la décision initiale de la COB de procéder à une enquête ;

Considérant, toutefois, qu’en vertu de l’article 49 de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, les enquêtes en cours à la date de la 1ère réunion du Collège de l’AMF sont poursuivies de plein droit par les services de l’AMF ; qu’il en résulte que la poursuite par l’AMF d’une enquête initiée par le directeur général de la COBn’est pas conditionnée à une reprise formelle de l’enquête ou à l’ouverture d’une nouvelle enquête ;

2.2. Considérant que la société X et M. A soutiennent que les actes des enquêteurs ne pouvaient porter que sur des faits antérieurs à la décision d’ouverture d’enquête, prise le 25 février 2003 ;

Qu’en l’espèce, toutefois, la décision d’ouverture d’enquête portait sur « l’activité de la SGP X, et de  toute personne physique ou morale qui lui serait liée », à compter du 1er janvier 2002, et ce, sans que  soit précisé une durée ou un terme ;

2.3. Considérant que la société X et M. A soutiennent qu’en l’absence de poursuite valable, la prescription a commencé à courir à compter du 1e août 2003, si bien que les faits  reprochés  à  la  société X et à M. A sont prescrits ;

Que le moyen visant à remettre en cause la validité des poursuites engagées ayant été écarté, cet argument est inopérant ;

3. Considérant que la société X et M. A, dans un troisième temps, soulèvent la nullité de la procédure en raison de la violation des règles du procès équitable ;

3.1. Considérant que si la société X et M. A font état du « retard » avec lequel certaines pièces du dossier leur ont été transmises après la réception de la notification de griefs, ces pièces leur ont été remises  le  18  septembre  2006,  en  réponse  à  leur  demande,  formulée  pour  la  première  fois  le   7 septembre  2006 ;  qu’il  leur  appartenait  de  demander  que  le  point  de  départ  du  délai  dont   ils

disposaient pour répondre à la notification de griefs soit différé jusqu’au 18 septembre 2006 ; qu’au demeurant, par lettres qui leur ont été adressées respectivement en date des 30 août et 1er septembre 2006, ils se sont vu accorder un délai jusqu’au 30 septembre 2006 pour répondre aux notifications de

griefs en sorte que le délai légal d’un mois a commencé à courir à partir du moment où, le 31 août 2006, leur a été transmise une copie du dossier -exception faite des quelques pièces dont il est ultérieurement apparu qu’elles ne figuraient pas dans cette copie-, ce qui leur permettait d’entreprendre dès cette date  la rédaction de leur défense ;

3.2. Considérant que la société X et M. A invoquent une violation des règles du procès équitable, motif prisde ce que certaines pièces auxquelles il est fait référence dans des pièces cotées à la procédure

3.3. n’auraient pas été cotées, d’une part, et de ce que le CD ROM transmis le 18 septembre 2006 ne contiendrait pas la totalité des pièces dont il était censé être la copie, d’autre part ;

Considérant que, postérieurement à l’enquête, le fait qu’il a été procédé à une sélection des pièces du dossier finalement soumis à la Commission des sanctions n’est pas, en soi, de nature à vicier la procédure, à moins qu’il ne soit démontré que, manquant à son devoir de loyauté, l’AMF aurait distrait des éléments de nature à influer sur l’appréciation par la Commission des sanctions du bien-fondé des griefs fondés ; qu’en l’espèce, en l’absence d’élément de nature à établir une absence de loyauté dans  la sélection des pièces, le seul fait que certains courriers ou pièces auxquelles il est simplement fait référence dans d’autres pièces ne figurent pas en procédure n’est pas de nature à entraîner une  violation des droits de la défense ; qu’il en est de même, en l’absence d’élément venant à l’appui de telles allégations, du moyen tiré de ce que le CD ROM transmis le 18 septembre 2006 aux personnes mises encause ne contiendrait pas une copie fidèle des éléments de la procédure ;

3.3 Considérant que contrairement à ce qui est soutenu par la société X et M. A, l’existence ou l’absence de référencement de certains courriers cotés en procédure ou d’index général des pièces cotées n’est pas par lui-même constitutif d’une méconnaissance des règles du procès équitable ;

3.4. Considérant que si M. A prétend n’avoir pas été mis en mesure de se défendre utilement, faute d’avoir, su, à la lecture de la notification de griefs, à quel titre il était poursuivi, il résulte des termes clairs de cette notification de griefs que ce dernier était mis en cause à titre personnel, en sa qualité de dirigeant et de responsable du contrôle interne et de la déontologie au sein de la société X, en raison de manquements précisément identifiés dans ladite notification ;

3.5. Considérant que si la société X et M. A prétendent que l’absence de griefs à l’encontre du teneur de compte, qui a fourni des éléments aux enquêteurs, leur porte un grave préjudice, les « privant du droit de disposer de tous les éléments pertinents pour se disculper ou obtenir une atténuation de leur sanction », cette circonstance est indifférente du point de vue de la matérialité et de l’imputabilité des manquements notifiés à l’encontre de la société X et M. A ;

3.6. Considérant que la société X et M. A soutiennent que les actes de mission datés du 25 février 2003 sont nuls, dans la mesure où ils sont signés, non pas par le directeur général de la COB, mais par le  chef de service de l’Inspection, et ce sans qu’aucune délégation de pouvoir signée du directeur général soit visée à la procédure ;

Considérant que l’article 2 du décret n° 90-263 du 23 mars 1990 relatif à la procédure de sanctions administratives prononcées par la COB, dans sa version applicable à l’époque des faits, issue du décret n° 2000-721 du 1er août 2000, prévoit que « les ordres de mission nominatifs sont établis par le directeur général ou, en cas d’absence ou d’empêchement de celui-ci, par le secrétaire général ou le chef de service de l’inspection » ; qu’il résulte de ce texte que le pouvoir du chef de service de l’Inspection de

signer les ordres de mission du 25 février 2003 n’était en aucun cas subordonné à l’existence d’une délégation de pouvoir de la part du directeur général, dans l’hypothèse  d’un empêchement de ce  dernier; que l’existence d’un tel empêchement n’est pas sérieusement contestée ;

3.7. Considérant que si la société X et M. A soutiennent, dans leurs observations déposées postérieurement au dépôt du rapport du rapporteur, qu’il n’aurait pas été donné suite à une demande d’audition qui aurait été formulée par une lettre en date du 15 septembre 2006, cette lettre – qui, adressée au rapporteur portait sur une demande de pièces de la procédure –, se bornait sur ce point à énoncer :« nous serions, si vous le souhaitez, tout à fait disposés à vous rencontrer afin d’évoquer avec vous ce dossier et en particulier les difficultés que nous rencontrons, notamment pour obtenir l’intégralité des pièces du dossier AMF » ; qu’il résulte de ses termes mêmes que cette lettre ne constitue par une demande d’audition ; qu’ainsi le moyen, qui présente un caractère manifestement abusif , ne peut  qu’être écarté ;

Considérant, en conséquence de tout ce qui précède, que toutes les exceptions précitées doivent être rejetées ;

 II. 2.​Sur les manquements

A. Sur les griefs notifiés

Considérant que les griefs reprochés sont tous liés à l’utilisation des « comptes parking », également appelés comptes de stockage ou comptes d’attente, qui sont les comptes sur lesquels figurent des titres en attente d’affectation sur les comptes bénéficiaires finaux, entre la date d’acquisition ou de vente desdits titres sur le marché et la date de leur inscription en compte ; que ces comptes ont en principe pour objet de permettre, pour une valeur peu liquide, imposant, pour l’exécution d’un ordre, des interventions successives sur le marché, d’attendre la réalisation complète de l’ordre avant de l’affecter au cours moyen à un ou plusieurs clients ;

1. Sur les griefs tirés de la méconnaissance de l’article 16 du règlement COB n° 96-03

1.1. Considérant qu’il résulte de l’article 16 du règlement COB n° 96-03 que « Le prestataire doit obtenir la meilleure exécution possible des ordres », en veillant « à réduire de manière aussi brève que possible le délai total d’exécution des ordres depuis leur enregistrement initial jusqu’à l’exécution et la comptabilisation des opérations (…) » ; que cette obligation doit être respectée notamment dans le cadre de l’utilisation des comptes d’attente, les durées de stockage des titres sur ce type de compte ne devant pas être excessives au regard notamment de la nature des titres et/ou des opérations concernées ; qu’ainsi, ont été recensés en l’espèce, entre les mois d’avril à juillet, septembre et novembre 2002,        61 opérations sur des titres très liquides (parmi lesquels […]), la durée de stockage, notamment concernant des titres très liquides, pouvant par ailleurs excéder 10 voire 20 jours dans un bon nombre de cas ;

Qu’en l’état de ces constatations, le grief tiré du non-respect de l’article 16 du règlement COB n° 96-03 en raison d’une utilisation abusive, au cours de l’année 2002, des comptes d’attente au regard des durées de stockage et des titres et opérations concernés doit être retenu ;

1.2. Considérant qu’il résulte également de l’article 16 du règlement COB n° 96-03 que « Le prestataire doit obtenir la meilleure exécution possible des ordres (…) - il veille à l’horodatage des ordres par les intermédiaires et les dépositaires ; - il définit au préalable les règles d’affectation des ordres groupés ; - il ne doit pas réaffecter a posteriori les opérations effectuées » ;

Considérant qu’il résulte des pièces du dossier qu’au sein de la société X, il a été, à plusieurs reprises, procédé à une post-affectation des ordres ; que, par ailleurs, certaines opérations étaient dénouées à plus-value connue, c’est-à-dire affectées en compte final alors que la plus-value était connue lors du déstockage, l’achat et la vente étant inscrits en compte en même temps ; que ces pratiques, contraires aux prescriptions de l’article 16 du règlement COB n° 96-03, permettent d’affecter les opérations réalisées en fonction de l’évolution du cours des titres concernés entre le moment de leur négociation et celui de leur affectation finale, sur certains portefeuilles plutôt que sur d’autres en fonction du caractère gagnant de l’opération ;

Qu’en l’état de ces constatations, le grief tiré du non-respect de l’article 16 du règlement COB n° 96-03 au regard des conditions de déstockage des titres dans le cadre d’opérations intervenues en 2002 doit être retenu ;

2. Sur le grief tiré de la méconnaissance des articles 4 du règlement COB n° 96-03 et L. 533- 4 du code monétaire et financier

Considérant qu’il résulte des articles 4 du règlement COB n° 96-03 et L. 533-4 du code monétaire et financier que tout prestataire de services d’investissement doit exercer son activité avec compétence et diligence, au mieux des intérêts de ses clients et doit notamment assurer une égalité de traitement entre portefeuilles gérés ;

Qu’il résulte des pièces du dossier qu’au sein de la société X, les opérations favorables, c’est-à-dire dégageant une plus-value, n’ont pas été affectées de façon homogène mais de façon inégalitaire, en favorisant certains comptes au détriment d’autres ; qu’ainsi, le taux moyen d’affectation d’opérations favorables sur l’ensemble des comptes de la société X était de 54%, alors que le taux d’affectation d’opérations favorables sur certains comptes en particulier, notamment sur celui de l’épouse de M. B, avoisinait les 74% ; que ces derniers comptes présentaient également des taux actuariels très élevés, par rapport à la moyenne relevée sur l’ensemble des comptes ; qu’il doit être relevé que les comptes bénéficiant de taux actuariels élevés sont bien souvent ceux qui ont bénéficié d’un nombre élevé d’opérations déstockés à plus-values connues ;

 Qu’en l’état de ces constatations, il apparaît que l’égalité entre les clients de la société X n’a pas été assurée dans le cadre d’opérations intervenues en 2002, en violation des articles 4 du règlement COB  n° 96-03 et L. 533-4 du code monétaire et financier ;

3. Sur le grief tiré de la méconnaissance des articles 10 du règlement COB n° 96-02 et

L. 533-4 du code monétaire et financier

Considérant qu’il résulte des articles 10 du règlement COB n° 96-02 et L. 533-4 du code monétaire et financier que la société de gestion doit disposer de moyens, d’une organisation et de procédures de contrôle et de suivi en adéquation avec les activités exercées et les mettre en œuvre dans un souci d’efficacité ;

Considérant qu’à la date des manquements précédemment traités, les procédures de contrôle interne relatives à ces comptes et à la pré-affectation des ordres au sein de la société X étaient insuffisantes ; qu’en outre, le contrôle interne n’a pas été en mesure de déceler les manquements précités, réitérés sur plusieurs mois au cours de l’année 2002 ;

Que ces éléments attestent d’une défaillance caractérisée du contrôle interne au sein de la société X au cours de l’année 2002, en violation des articles 10 du règlement COB n° 96-02 et L. 533-4 du code monétaire et financier ;

B. Sur l’imputabilité des manquements

1. La société X

Considérant que les faits commis par les préposés d’un prestataire de services d’investissement dans le cadre de leurs fonctions et constitutifs de manquements à leurs obligations professionnelles sont susceptibles d’être retenus à l’encontre de ce prestataire, sans qu’il doive être établi ni que les organes dirigeants aient eu connaissance de ces manquements, ni qu’ils n’aient pas pris au préalable les dispositions appropriées pour en prévenir la survenance ; qu’ainsi, à la supposer établie, l’allégation selon laquelle les agissements reprochés sont le seul fait de M. B n’est pas en tout état de cause susceptible d’exonérer la société X de sa responsabilité ;

Considérant que si la société X entend tirer argument de ce qu’elle n’a pas été informée par l’AMF, au moment du recrutement de M. B, de ce qu’une enquête était en cours sur les agissements de celui-ci au sein de son ancien employeur, il ne saurait appartenir à l’AMF d’informer les professionnels de l’existence d’une enquête confidentielle sur les agissements dont un salarié a pu se rendre antérieurement coupable au près d’un autre employeur, de telles informations ne pouvant être révélées qu’au moment de la publication de la décision de la Commission des sanctions, lorsque celle-ci est ordonnée ; qu’ainsi la société X est particulièrement mal fondée à soulever cet argument, qui est, en outre, inopérant au regardde la matérialité des manquements tels qu’établis précédemment ;

Considérant, en conséquence, que les manquements précédemment établis, résultant, d’une part, de l’utilisation abusive des « comptes parking », en violation de l’article 16 du règlement COB n° 96-03, d’autre part, du non-respect du principe d’égalité entre portefeuilles gérés résultant des articles 4 du règlement COB n° 96-03 et L. 533-4 du code monétaire et financier, et, enfin de la  défaillance  du contrôle interne, en violation des articles 10 du règlement COB n° 96-03 et L. 533-4 du code monétaire  et financier, doivent être imputés à la société X ;

2. M. A

Considérant que M. A, au moment des faits, était non seulement président directeur général de la  société X, mais également responsable du contrôle interne, dont il a été établi en l’espèce qu’il était défaillant ; qu’en cette double qualité, il se devait à tout le moins de déceler par un contrôle efficace les manquements relevés ci-dessus ;

3. M. B

Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que M. B a contribué activement à l’utilisation abusive  des comptes d’attente afin de favoriser certains comptes au détriment d’autres, notamment le compte détenu par son épouse ; que cette utilisation contraire à la réglementation, revêt une gravité certaine, eu égard à son caractère répété sur plusieurs mois de l’année 2002, et au fait qu’elle a nécessairement causé préjudice à certains portefeuilles ;

Considérant que si M. B entend invoquer le caractère selon lui « marginal » des montants en jeu et le fait qu’il ait cessé ses agissements répréhensibles, aucune de ces circonstances n’est de nature à remettre encause la constitution et l’imputabilité des manquements tels qu’établis précédemment ;

Que, par ailleurs, le fait que M. B a déjà été sanctionné pour des agissements antérieurs distincts et commis dans une autre société, ne fait pas obstacle, au regard du principe non bis in idem, à ce qu’une sanction soit prononcée à son encontre ;

Qu’en l’état de ces éléments, les manquements précédemment établis, résultant, d’une part, de l’utilisation abusive des comptes d’attente, en violation de l’article 16 du règlement COB n° 96-03, d’autre part, du non-respect du principe d’égalité entre portefeuilles gérés résultant des articles 4 du règlement COB n°96-03 et L. 533-4 du code monétaire et financier doivent être imputés à M. B ;

III. SANCTIONS

Considérant qu’il résulte de l’article L. 621-25 du code monétaire et financier, dans sa version applicable à l’époque des faits visés par la notification de griefs, que« les prestataires de services d’investissement agréés pour exercer le service mentionné au 4 de l’article L. 321-1 ainsi que les sociétés de gestion de portefeuille sont passibles des sanctions prononcées par la COB [la Commission des sanctions] à raison des manquements à leurs obligations professionnelles définies par les lois et règlements en vigueur. » et que : « les sanctions applicables sont l’avertissement, le blâme, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des services fournis. (…) En outre, la COB peut prononcer, soit à la place, soit en sus de ces sanctions, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 750 000 € ou au décuple des profits éventuellement réalisés. »

Que selon l’article L. 621-26 du code monétaire et financier dans sa version applicable à l’époque des faits, les sanctions encourues par les personnes physiques placées sous l’autorité ou agissant pour le compte des sociétés de gestion de portefeuilles « sont l’avertissement, le blâme et le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle. En outre, la COB peut prononcer, soit à la place, soit en sus de ces sanctions, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 60 000 € ou au triple  des profits éventuellement réalisés. »

Considérant que les manquements relevés à l’encontre de M. B appellent, eu égard à leur nature et à leur gravité, une sanction professionnelle qui, tout en tenant compte de sa situation personnelle, soit exemplaire ; que, pour la détermination de la sanction prononcée à l’encontre de la société la société X et de M. A, il y a lieu de prendre en considération que les manquements relatifs à l’utilisation abusive des comptes d’attente et à la méconnaissance du principe d’égalité de traitement entre les portefeuilles gérés ne reflétaient pas une pratique délibérée de la société considérée dans son ensemble mais correspondaient essentiellement au comportement individuel d’un salarié ; qu’il y a également lieu de tenircompte de la petite taille de la société ainsi que de ses difficultés actuelles ;

IV. PUBLICATION

Considérant que l’article L. 621-15, V, du code monétaire et financier dispose que « la commission des sanctions peut rendre publique sa décision dans les publications, journaux,  ou  supports  qu’elle  désigne »; que par ces dispositions, le législateur a entendu permettre à la commission de tenir compte des exigences d’intérêt général relatives à la loyauté du marché, à la transparence des opérations et à la protection des épargnants qui fondent son pouvoir de sanction ainsi que de l’intérêt qui s’attache, pour la sécurité juridique de l’ensemble des opérateurs, à ce que ceux-ci puissent, en ayant accès à ses décisions, connaître l’interprétation des règles qu’ils doivent observer ; qu’en l’espèce, une telle publication n’est de nature ni à perturber le marché, ni à causer aux personnes mises en cause un préjudice disproportionné, si bien qu’il convient de l’ordonner ;

PAR CES MOTIFS,

Et après en avoir délibéré, sous la présidence de M. Daniel Labetoulle, par Mme Marielle Cohen- Branche et MM. Jean-Pierre Hellebuyck et Pierre Lasserre, membres de la 1ère section de la Commission des sanctions, en présence de la secrétaire de la séance,

DECIDE DE :

- prononcer un avertissement à l’encontre de la société X ;

- prononcer une sanction pécuniaire d’un montant de 5 000 € (cinq mille euros) à l’encontre de M. A ;

- prononcer à l’encontre de M. B une interdiction d’exercer pendant trois ans des activités dans le domaine de la gestion d’actifs pour compte de tiers, y compris la gestion d’OPCVM ;

- publier la présente décision au Bulletin des annonces légales obligatoires, ainsi que sur le site internet et dans la revue de l’AMF.