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Décisions

CA Colmar, 3e ch. civ. A, 18 mai 2020, n° 19/01785

COLMAR

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martino

Conseillers :

Mme Fabreguettes, Mme Arnold

JEX d’Illkirch GRAFFENSTADEN, du 27 févr…

27 février 2019

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Mme Fahima B. épouse B. et M. Bachir B. sont propriétaires d'un appartement dans la copropriété sise [...].

Par jugement en date du 31 mai 2017, les époux B. ont été condamnés solidairement à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...], agissant par son syndic la Sas Foncia Lobstein Sogestrim, les sommes de 2004,87 € au titre de charges de copropriété, avec intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2017, de 355,12 € au titre des frais nécessaires, avec intérêts au taux légal au jour du jugement et de 750 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Plusieurs actes d' exécution ont été diligentés dans un bref délai.

Sur assignation délivrée le 28 septembre 2017 par Mme Fahima B. épouse B., le juge de l' exécution délégué du tribunal d'instance d'Illkirch-Graffenstaden a :

-prononcé la nullité des actes de dénonciation en date du 29 août 2017 et 6 septembre 2017,

-constaté la caducité de la saisie attribution diligentée par le syndicat des copropriétaires sur les sommes détenues sur le compte bancaire ouvert par le couple B. auprès de la Caisse de Crédit Mutuel Concorde diligentée par acte du 23 août 2017, ainsi que de la saisie-vente à l'encontre des droits d'associés et des valeurs mobilières par acte du 5 septembre 2017,

-constaté que le syndicat des copropriétaires a ordonné la mainlevée des saisies litigieuses,

-condamné le syndicat des copropriétaires à payer à Mme Fahima B. épouse B. la somme de 400 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens comprenant les frais des saisies caduques.

Par acte du 24 mai 2017, Mme Fahima B. épouse B. a assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] devant le juge de l' exécution délégué d'Illkirch-Graffenstaden, contestant la saisie des droits et valeurs mobilières diligentée par le syndicat des copropriétaires par acte du 17 octobre 2017 et dénoncée le 24 octobre 2017.

Elle a sollicité qu'il soit sursis à statuer dans l'attente d'une décision quant à la recevabilité du dossier de surendettement qu'elle a déposé. Elle a sollicité au fond le cantonnement de la saisie au montant de la créance due et demande qu'il soit jugé que les frais d'huissier ont été inutiles et abusifs, seule la somme de 3246 € devant être mise à sa charge solidairement avec son époux. Elle a sollicité condamnation du défendeur à lui payer une somme de 1800 € à titre de dommages et intérêts pour utilisation abusive des voies d' exécution , ainsi qu'une somme de 1000 € au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1191. Elle a sollicité également des délais de paiement sur mois.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] a conclu au rejet des demandes, a sollicité validation de la mesure de saisie de droits d'associés et de valeurs mobilières diligentée le 17 octobre 2017 et a demandé condamnation de Mme Fahima B. épouse B. à lui payer la somme de 1800 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 27 février 2019, le juge de l' exécution délégué du tribunal d'instance d'Illkirch-Graffenstaden a :

-dit que la demande de sursis à statuer est devenue sans objet,

-validé la saisie des droits d'associés ou valeurs mobilières diligentée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...], représenté par son syndic la Sas Foncia Lobstein Sogestrim, le 17 octobre 2017 entre les mains de la Caisse de Crédit Mutuel Concorde, dénoncée le 24 octobre 2017 à Mme Fahima B. épouse B. et ce à hauteur de 4379,30 €,

-ordonné la mainlevée de la saisie des droits d'associés ou valeurs mobilières pratiquée le 17 octobre 2017 au-delà de la somme de 4379,30 €,

-débouté Mme Fahima B. épouse B. de sa demande de dommages et intérêts pour abus des voies d' exécution ,

-débouté Mme Fahima B. épouse B. de sa demande de délai de paiement,

-débouté le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...], représenté par son syndic la Sas Foncia Lobstein Sogestrim, de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

-débouté le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [...], représenté par son syndic la Sas Foncia Lobstein Sogestrim, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté Mme Fahima B. épouse B. de sa demande au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

-condamné Mme Fahima B. épouse B. aux dépens, recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle,

-rappelé que le jugement bénéficie de l' exécution provisoire de droit.

Mme Fahima B. épouse B. a interjeté appel partiel de cette décision le 4 avril 2019.

Par dernières écritures en date du 30 juillet 2019, elle conclut à l'infirmation partielle du jugement entrepris et demande à la cour de :

-invalider la saisie des droits d'associés ou valeurs mobilières diligentée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [...], représenté par son syndic la Sas Foncia Lobstein Sogestrim, le 17 octobre 2017 entre les mains de la Caisse de Crédit Mutuel Concorde, dénoncée le 24 octobre 2017 à l'appelante, en tout cas en limiter le montant à 3246 €, montant de la créance principale,

-ordonner la mainlevée de la saisie des droits d'associés ou valeurs mobilières diligentée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [...], représenté par son syndic la Sas Foncia Lobstein Sogestrim, le 17 octobre 2017 entre les mains de la Caisse de Crédit Mutuel Concorde, dénoncée le 24 octobre 2017 à l'appelante, et ce au-delà de la somme de 3246 €,

-condamner l'intimé à lui verser une indemnité de 1800 € à titre de dommages-intérêts, eu égard à l'usage abusif des voies d' exécution mises en œuvre,

-dire que ce montant sera augmenté des intérêts légaux à compter de la demande,

-accorder le des délais de paiement et de grâce à la concluante,

-ordonner le report, ou à défaut l'échelonnement, dans la limite de deux ans à compter de la signification de la décision à intervenir, de la dette correspondant au montant restant dû à l'intimée,

-confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

Sur appel incident,

-déclarer l'appel incident formé par la partie intimée irrecevable, en tout cas mal fondé,

-le rejeter intégralement,

En tout état de cause,

-confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

-condamner l'intimé à verser à Me Raphaël R., conseil de l'appelante, une somme de 2000 € au titre de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile,

-condamner l'intimé aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel,

-débouter l'intimé de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de sa demande de condamnation au frais et dépens.

Elle fait valoir que le créancier a mis en œuvre un nombre conséquent d'actes d'huissier dans un laps de temps très limité, ce qui en révèle le caractère abusif et la mauvaise foi de l'intimé qui avait connaissance de ses difficultés financières et sociales ; que le préjudice qu'elle a subi de ce fait justifie l'allocation de dommages-intérêts. Elle admet devoir une somme se limitant à 3246 € et fait valoir que la saisie litigieuse doit être cantonnée à ce seul montant.

Elle fait valoir que ses ressources sont très limitées et se résument à l'allocation spécifique de solidarité ; qu'elle est engagée dans un divorce très difficile et qu'elle doit faire face seule aux charges de la vie quotidienne avec deux enfants à charge ; qu'elle est fondée à solliciter des délais de grâce sur le fondement de l'article

R 121-1 du code des procédures civiles d' exécution , dans la mesure où elle est en capacité d'assumer le paiement de la moitié de la dette en deux ans.

Par écritures du 2 juillet 2019, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...], agissant par son syndic la Sas Foncia Lobstein Sogestrim, a conclu au rejet de l'appel et a formé appel incident pour voir infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Il demande à la cour de :

-condamner Mme Fahima B. épouse B. à lui payer une somme de 1800 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

En tout état de cause,

-condamner Mme Fahima B. épouse B. aux entiers frais et dépens d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 2000 € au titre des frais irrépétibles d'appel, par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que sur la base du jugement du 31 mai 2017, il a initié différentes saisies; qu'à la suite d'une erreur matérielle affectant une première série de mesures, l'huissier a diligenté une nouvelle mesure de saisie selon procès-verbal du 17 octobre 2017 dénoncée à l'appelante le 24 octobre 2017 et qui s'est révélée opérante à hauteur du montant réclamé de 4858,39 € ; que les frais mis en compte n'ont trait qu'à cette procédure et à une précédente procédure de saisie attribution non contestée ; qu'il dispose d'une créance liquide, certaine et exigible de 4379,30 € telle qu'appréciée par le premier juge.

Il soutient que les délais de paiement sollicités par Mme Fahima B. épouse B. ne sont pas justifiés, dans la mesure où celle-ci a déjà bénéficié de larges délais de fait ; qu'elle ne règle pas les charges courantes et qu'elle est de mauvaise foi, puisqu'elle a caché des éléments d'actif à la commission de surendettement qui a déclaré sa demande irrecevable'; qu'elle n'a pas mobilisé ses fonds pour faire face à ses dettes exigibles ; que la seule perspective de recouvrement réside dans la vente des valeurs saisies.

Il conteste toute utilisation abusive de voies d' exécution , aucun paiement n'ayant été fait malgré l'épargne de près de 17'000 € dont bénéficiaient les débiteurs et fait valoir qu'il n'a mis en œuvre que les strictes mesures de nature à permettre le paiement de la dette, que Mme Fahima B. épouse B. ne conteste pas à hauteur de 3246 €.

Il maintient qu'il subit un préjudice du fait de la résistance abusive de Mme Fahima B. épouse B. au paiement de la créance, justifiant l'allocation de dommages et intérêts.

MOTIFS

Vu l'ordonnance du 9 mai 2019 fixant l'affaire en audience de plaidoirie';

En vertu des dispositions de l'article L 111-2 du code des procédures civiles d' exécution , le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l' exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d' exécution .

L'article L 111-8 du même code dispose qu'à l'exception des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les frais de l' exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés. Les contestations sont tranchées par le juge.

En l'espèce, Mme Fahima B. épouse B. ne conteste pas l'existence d'une créance liquide, certaine et exigible en principal et ne critique que les frais mis en compte, au-delà de ceux que le premier juge a qualifié d'inutiles à hauteur de 36,05 € pour l'obtention d'un extrait du livre foncier et de 107,89 € au titre de frais de dénonciation d'une saisie attribution du 5 juillet 2017 qui s'est révélée infructueuse.

C'est au terme d'une exacte appréciation des faits de la cause et juste application de la règle de droit et par une motivation que la cour adopte, que le premier juge a retenu que les frais mis en compte pour le surplus ne présentaient aucun caractère abusif et étaient nécessaires au recouvrement de la créance.

Il suffit d'ajouter que Mme Fahima B. épouse B. n'est pas fondée à contester la mise en compte de frais relatifs à une première saisie attribution, qui s'est révélé infructueuse et à un commandement aux fins de saisie vente immobilière, ces actes n'ayant fait l'objet d'aucune contestation ; que contrairement à ce qu'affirme l'appelante, le créancier n'a pas multiplié les actes, mais n'a mis en œuvre que des mesures d' exécution utiles au recouvrement de sa créance.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a validé la saisie des droits d'associés ou valeurs mobilières effectuée le 17 octobre 2017 à hauteur de la somme de 4379,30 €.

La décision critiquée sera de même confirmée en ce qu'elle a débouté Mme Fahima B. épouse B. de sa demande en dommages et intérêts, aucun abus de la part du créancier n'étant démontré dans la mise en œuvre des procédures d' exécution , alors que la débitrice, qui n'a jamais contesté la créance en principal, n'a effectué aucun versement depuis sa condamnation par jugement du 31 mai 2017.

L'appelante, qui argue de revenus mensuels de l'ordre de 950 € par mois et qui a deux enfants à charge, ne peut solliciter le bénéfice de délais de paiement dans la mesure où elle ne propose que l'apurement de la moitié de la dette en vingt-quatre mois, alors que la condamnation avec son époux étant solidaire, le créancier a le droit de la poursuivre pour le paiement de la totalité de la somme due ; que l'octroi de délais de paiement ne peut se concevoir que si le débiteur est en mesure d'apurer substantiellement la dette pendant le cours ou à l'issue des délais accordés et que tel n'est pas le cas en l'espèce.

Bien que Mme Fahima B. épouse B. soit défaillante dans le paiement de la créance, l'intimé ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle serait en mesure de s'acquitter sans difficulté de cette obligation, de sorte que le premier juge a, à juste titre, rejeté la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Sur les frais et dépens :

Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront confirmées.

Succombant ses prétentions, Mme Fahima B. épouse B. sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile.

Il sera en revanche fait droit à la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile formée par l'intimé, en compensation partielle des frais non compris dans les dépens qu'il a dû exposer pour faire valoir ses droits en appel, à concurrence de la somme de 800 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré,

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme Fahima B. épouse B. à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence sise [...], représentée par son syndic la Sas Foncia Lobstein Sogestrim, la somme de 800 € (huit cents euros) par application de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE Mme Fahima B. épouse B. de sa demande fondée sur l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme Fahima B. épouse B. aux dépens de l'instance d'appel.