Cass. crim., 18 juin 2008, n° 08-82.856
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gall
Rapporteur :
Mme Koering-Joulin
Avocat général :
M. Charpenel
Avocat :
SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 145, alinéa 6, et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ;
"aux motifs qu'il résulte des observations de l'avocat du mis en examen, consignées au procès-verbal du débat contradictoire que « la porte a été fermée durant le débat » ; que force est de constater que cette formulation est pour le moins ambiguë, car elle ne met pas la cour en mesure de savoir si la publicité de l'audience a été omise dès le début du débat ou bien si elle a pris fin pendant son déroulé à la suite de la fermeture intempestive de la porte de la pièce où il avait lieu et d'apprécier ainsi l'importance de l'omission dénoncée ; que même si l'absence de publicité s'est poursuivie pendant tout le cours du débat, en méconnaissance des dispositions de l'article 145, alinéa 6, du code de procédure pénale qui édictent que le débat devant le juge des libertés et de la détention et le prononcé de la décision sont publiques pour les personnes mises en examen majeures, sauf décision contraire du magistrat, l'inobservation de cette formalité ne peut entraîner la nullité de l'ordonnance statuant sur la détention que s'il en est résulté une atteinte aux intérêts de la partie concernée ; que le mis en examen n'indique pas, dans ses écritures, en quoi l'omission du juge des libertés et de la détention a eu pour effet de porter atteinte à ses intérêts ; que la lecture des circonstances du débat devant le juge des libertés et de la détention ne permet pas non plus à la cour d'objectiver un tel grief, les deux seules personnes qui stationnaient à l'extérieur de la pièce, étant, selon l'avocat du mis en examen, ses deux confrères qui attendaient pour assister les deux autres co-mis en examen ; que le moyen tiré du caractère non public du débat sera, dans ces conditions, écarté ;
"alors que, d'une part, il résulte des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale que la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties ; qu'il s'en déduit que l'inobservation, par le juge, de la publicité du débat contradictoire et du prononcé de la décision, prévue par l'article 145, alinéa 6, du code de procédure pénale, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne mise en examen, dès lors qu'il n'est pas constaté que celle-ci, son avocat ou le ministère public se sont opposés à cette publicité dans les conditions exigées par cette disposition ; qu'en se déterminant par les motifs précités, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;
"alors que, d'autre part, l'article 145, alinéa 6, du code de procédure pénale, qui dispose que, si la personne mise en examen est majeure, le débat contradictoire a lieu et le juge statue en audience publique, ne prévoit aucune distinction selon que la publicité de l'audience a été omise dès le début du débat ou bien si elle a pris fin pendant son déroulé à la suite de la fermeture intempestive de la porte de la pièce où il avait lieu ; qu'en ajoutant à cette disposition une distinction qu'elle ne contient pas, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé" ;
Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation du débat contradictoire prise de ce qu'il résultait des constatations du procès-verbal que la porte du cabinet d'instruction avait "été fermée durant le débat", la chambre de l'instruction prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en cet état et dès lors que le fait que la porte fût fermée ne signifiait pas que le public eût été empêché d'entrer, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 199, alinéa 3, 706-71, R. 53-33 à R 53-39, et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué, qui vise la demande à comparaître faite par le mis en examen en même temps que l'appel, mentionne que celui-ci a eu la parole en dernier par l'intermédiaire de l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle depuis la maison d'arrêt d'Angers, conformément aux dispositions de l'article 706-71 du code de procédure pénale et R. 53-33 à R. 53-39 du même code ;
"alors que l'article 199, alinéa 3, du code de procédure pénale, impose, en matière de détention provisoire, la comparution personnelle de la personne mise en examen, lorsque la demande en est faite ; que l'article 706-71 du code de procédure pénale prévoit l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle pour le débat contradictoire préalable au placement en détention provisoire d'une personne détenue pour une autre cause, si les nécessités de l'enquête ou de l'instruction le justifient ; qu'en faisant application au mis en examen de l'article 706-71 du code de procédure pénale, aux lieu et place de l'article 199, alinéa 3, sans constater que le mis en examen était détenu pour une autre cause et que les nécessités de l'enquête et de l'instruction justifiaient le recours à ce procédé, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que Pascal X... a eu la parole en dernier, depuis la maison d'arrêt d'Angers, par l'intermédiaire d'un moyen de communication audiovisuelle, en application des dispositions des articles 706-71 et R. 53-33 à R.53-39 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il se déduit implicitement mais nécessairement desdites mentions que les conditions prévues respectivement par les alinéas 1 et 3 de l'article 706-71 du code de procédure pénale se trouvaient remplies en l'espèce ;
Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 137, 137-3 à 139, 143-1, 144, 145, et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le placement en détention provisoire du mis en examen ;
"aux motifs qu'outre le trouble exceptionnel et persistant qui s'attache à une tentative d'assassinat pour de l'argent, en raison du peu de considération pour la vie humaine que révèle ce genre de fait, il y a lieu également d'éviter que le mis en examen ne puisse se concerter avec son co-auteur ou le commanditaire du crime ; que le mis en examen avait été déjà condamné, le 20 novembre 2007, à la peine de trois mois d'emprisonnement avec SAME pendant deux ans pour menaces de mort réitérées ; qu'il résulte de ses propres indications qu'il était dans l'attente d'une nouvelle décision judiciaire concernant là encore des faits de violences ; que des risques de réitération des infractions sont donc caractérisés ; qu'enfin, le mis en examen ne peut justifier ni d'un domicile fixe, puisqu'il vit dans un squat, ni d'un emploi régulier ; qu'un tel mode de vie ne permet pas de garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice ; que ces circonstances particulières déduites des éléments de l'espèce, établissent que le placement en détention provisoire de la personne mise en examen demeure justifié au regard des critères limitativement énumérés par l'article 144 du code de procédure pénale ; que l'ordonnance doit dès lors être confirmée ;
"alors que le placement en détention provisoire est prescrit par une ordonnance spécialement motivée qui doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait sur le caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire ; qu'en ne prononçant pas sur ces obligations, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés" ;
Vu l'article 144 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 5 mars 2007 ;
Attendu qu'il résulte dudit article que la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que s'il est démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés de la procédure, qu'elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un ou plusieurs objectifs définis par ce texte et que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention plaçant Pascal X... en détention provisoire, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en se déterminant de la sorte, sans préciser expressément que les objectifs fixés ne pouvaient être atteints par un placement sous contrôle judiciaire, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé :
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes en date du 11 avril 2008, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Angers, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.