Cass. crim., 2 septembre 2009, n° 09-84.172
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pelletier
Rapporteur :
Mme Lazerges
Avocat général :
M. Mathon
Avocats :
Me Spinosi, SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky
Sur la recevabilité du mémoire personnel :
Attendu que ce mémoire, qui ne vise aucun texte de loi et n'offre à juger aucun moyen de droit, ne remplit pas les conditions exigées par l'article 590 du code de procédure pénale ; qu'il est, dès lors, irrecevable ;
Sur le premier moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 877 et suivants du code de procédure pénale, L. 522-17 du code de l'organisation judiciaire, 591 et 592 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction du tribunal supérieur d'appel de Mamoudzou était présidée par Jean-Claude Sarthou, vice-président du tribunal supérieur d'appel de Mamoudzou, désigné en qualité de président de la chambre de l'instruction par ordonnance du 27 avril 2009 de Mme le président du tribunal de première instance de Mamoudzou faisant fonction de président du tribunal supérieur d'appel ;
" alors qu'en vertu des dispositions applicables à Mayotte, en cas d'absence ou d'empêchement, le président du tribunal supérieur d'appel est remplacé, pour les besoins du service, par un magistrat du siège de ce tribunal, ou, à défaut, par le président du tribunal de première instance ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt que le tribunal supérieur d'appel a été présidé, lors des débats et du délibéré, par Jean-Claude Sarthou, vice-président du tribunal supérieur d'appel de Mamoudzou, désigné en qualité de président de la chambre de l'instruction, par ordonnance du 27 avril 2009 de Mme Marie-Thérèse Rix-Geay, président du tribunal de première instance de Mamoudzou ; qu'est entaché d'irrégularité l'arrêt rendu par la chambre de l'instruction du tribunal supérieur d'appel de Mamoudzou, irrégulièrement composée, comme étant présidée par l'un des vice-présidents du tribunal supérieur d'appel, Jean-Claude Sarthou, désigné par le président du tribunal de première instance " ;
Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que le président ayant siégé à l'audience du tribunal supérieur d'appel a été désigné par le président du tribunal de première instance remplaçant le président du tribunal supérieur d'appel conformément à l'article L. 522-17 du code de l'organisation judiciaire ;
Que, dès lors, le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article préliminaire et des articles des articles 137, 138, 139, 144, 567, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention ordonnant le placement en détention provisoire de Pascal X... et a rejeté sa demande de mise en liberté ;
" aux motifs que Pascal X... est poursuivi pour génocide et crime contre l'humanité ; que les faits reprochés sont particulièrement graves, s'agissant de faits à l'encontre desquels la prescription ne peut même pas être invoquée ; que l'instruction en est à son début, que des investigations sont à effectuer, et que les obligations du contrôle judiciaire sont insuffisantes au regard des fonctions définies par les articles 137 à 139 du code de procédure pénale, les conditions fixées par l'article 144 du code précité étant par ailleurs remplies ; qu'étant étranger en situation irrégulière, et en raison des lourdes peines encourues, le mis en examen est susceptible de tenter de se soustraire rapidement à la justice ; que la détention est l'unique moyen de garantir le maintien à la disposition de la justice de l'intéressé, de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant causé à l'ordre public par l'infraction, en raison de la gravité, des circonstances de sa commission ou de l'importance du préjudice qu'elle a causé (arrêt p. 3 et 4) ;
" 1 / alors que la chambre de l'instruction, appelée à statuer sur la demande de mise en liberté présentée par un mis en examen, doit se prononcer au regard des critères fixés par l'article 144 du code de procédure pénale ; qu'en se bornant à affirmer de manière générale que la détention provisoire de Pascal X... est l'unique moyen de « garantir le maintien à la disposition de la justice de l'intéressé, de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant causé à l'ordre public par l'infraction, en raison de sa gravité, des circonstances de sa commission ou de l'importance du préjudice qu'elle a causé » et en ne visant concrètement aucune considération objective et circonstanciée susceptible de justifier que soit retenue une telle mesure de détention, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 2 / alors que Pascal X... faisait valoir que la saisine du juge d'instruction du tribunal de première instance de Mamoudzou concernait des faits qui auraient été commis entre avril et juillet 1994, soit remontant à plus de quinze années et que sa mise en liberté ne risquait donc pas de causer un trouble persistant et exceptionnel à l'ordre public ; qu'en omettant de répondre à ce moyen péremptoire, la chambre de l'instruction a privé sa décision de motifs ;
" 3 / alors qu'en se bornant à énoncer qu'« étant étranger en situation irrégulière, et en raison des lourdes peines encourues, le mis en examen est susceptible de tenter de se soustraire rapidement à la justice » sans préciser davantage en quoi les peines encourues auraient été concrètement de nature à engendrer un risque de soustraction rapide de Pascal X... à la justice, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 4 / alors qu'en affirmant de manière générale que « les obligations du contrôle judiciaire sont insuffisantes au regard des fonctions définies par les articles 137 à 139 du code de procédure pénale, les conditions fixées par l'article 144 du code précité étant par ailleurs remplies », sans énoncer les considérations de droit et de fait justifiant l'insuffisance des obligations du contrôle judiciaire, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 5 / alors qu'en retenant que les faits reprochés sont particulièrement graves et qu'ils ont causé un important préjudice, la chambre de l'instruction a méconnu le principe de la présomption d'innocence ;
" 6 / alors que Pascal X... faisait valoir que son état de santé, paraplégie et maladie rénale grave, était incompatible avec une mesure de détention provisoire et qu'il subissait un traitement dégradant justifiant sa mise en liberté sous contrôle judiciaire ; qu'en délaissant totalement ce moyen péremptoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance de placement en détention provisoire de Pascal X..., l'arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre au mémoire dans lequel la personne mise en examen faisait valoir que son état de santé était incompatible avec une mesure de détention provisoire, le tribunal supérieur d'appel n'a pas justifié sa décision ;
Que, dès lors, la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé du tribunal supérieur d'appel de Mamoudzou (Mayotte), en date du 30 avril 2009, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe du tribunal supérieur d'appel de Mamoudzou (Mayotte) et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.