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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. civ., 17 février 2020, n° 17/04428

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

AXAMA (SCI)

Défendeur :

CNP (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chelle

Conseillers :

Mme Fabry, Mme Brisset

TGI Bordeaux, du 6 juill. 2017, n° 15/07…

6 juillet 2017

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte du 7 mai 2010, la SCI Axama a donné à bail commercial à la SARL CNP des locaux situés à Ambarès-et-Lagrave (Gironde) pour une durée de neuf ans avec effet au 1er juin 2010.

Le 18 juillet 2014, la société Axama a fait délivrer à la société CNP un commandement de payer loyers et factures, resté infructueux. Par ordonnance en référé du 9 mars 2015, elle a été déboutée de sa demande en paiement.

Par acte du 14 août 2015, la société Axama a assigné la société CNP devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins d'obtenir la constatation du jeu de la clause résolutoire à compter du 1er octobre 2013, l'expulsion de la société CNP et sa condamnation à lui payer la somme de 75 477,76 euros et la somme mensuelle de 450 euros à titre d'indemnité d'occupation à compter du 1er octobre 2014.

Par jugement du 6 juillet 2017, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

Prononcé la résiliation judiciaire du bail liant la société Axama et la société CNP à la date du 1er octobre 2013,

Débouté la société Axama du surplus de ses demandes,

Dit n'y avoir lieu au prononcé de l' exécution provisoire,

Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et laissé à chaque partie la charge de ses dépens.

Par déclaration du 20 juillet 2017, la société Axama a interjeté appel de cette décision, intimant la société CNP.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions déposées en dernier lieu le 11 décembre 2017, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société Axama demande à la cour de :

Déclarer recevable et bien fondée, la société AXAMA en son appel.

Débouter la société CNP de ses entières demandes, fins et prétention.

En conséquence,

Constater l'acquisition de la clause résolutoire au 18 août 2014.

Condamner la société CNP à payer la somme de 63.757,82 € correspondant au loyer d'octobre 2013 à août 2014.

Condamner la société CNP au paiement de la somme de 6.375,78 € au titre de la majoration de 10 %.

Condamner la société CNP au paiement de la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens d'instance en ce compris le coût du commandement du 18 juillet 2014.

La société Axama fait notamment valoir que, dans la mesure où le contrat de bail commercial était toujours en cours et eu égard au défaut de paiement de la société CNP des loyers commerciaux, elle a valablement délivré un commandement ; que la société CNP aurait sous-loué le local à une société vendant des canapés, en fraude des droits du bailleur ; qu'il n'existe donc aucune cause de décharge de l'obligation de paiement des loyers commerciaux.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 9 janvier 2020, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société CNP demande à la cour de :

Confirmer purement et simplement la décision déférée en ce qu'elle a prononcé la résiliation judiciaire du bail liant la SCI AXAMA et la SARL CNP à la date du 1er octobre 2013,

En conséquence,

Débouter la SCI AXAMA de toutes les demandes par elle dirigées contre de la SARL CNP,

Y ajoutant,

Condamner la SCI AXAMA à verser à la SARL CNP la somme de 6.000 Euros sur le fondement de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens de la présente procédure y compris les éventuels frais d' exécution de l'arrêt à intervenir.

La société CNP fait notamment valoir que la société Axama n'a jamais réellement expliqué, ni en référé, ni au fond devant les premiers juges, les conditions dans lesquelles, depuis l'année 2010, des enseignes appartenant au même groupe qu'elle ont continuellement occupé les locaux censés être toujours loué à elle ; que les locaux ont été reloués à ces deux structures ou qu'ils ont été mis à leur disposition à titre gratuit.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 janvier 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

La société Axama, bailleresse et appelante, outre le constat de l'acquisition de la clause résolutoire, présente une demande de paiement de loyers.

La société CNP, preneuse, demande la confirmation du jugement.

Sur la date de fin du bail commercial

L'appelante soutient que le tribunal de grande instance a abusivement considéré que la locataire avait quitté les lieux au plus tard le 1er septembre 2013, et que son commandement de payer du 18 juillet 2014 visant la clause résolutoire avait dès lors été délivrée de manière indue.

Elle fait valoir que le seul fait de quitter le local commercial ne pouvait faire cesser de plein droit le bail commercial.

Il résulte de l'article L. 145-4 du code de commerce que la durée du contrat de bail commercial ne peut être inférieure à neuf ans.

Toutefois, le contrat peut faire l'objet d'une résiliation anticipée, notamment par un congé donné par le preneur ou par le bailleur à l'expiration d'une période triennale, ou encore par une résiliation amiable, à moins qu'une clause de résiliation de plein droit insérée au contrat ne soit mise en jeu.

En l'espèce, la société CNP se prévaut implicitement d'une résiliation amiable, en ce que le bailleur aurait accepté qu'elle procède à la cession du droit au bail à une autre locataire, la Sarl « l'Île des Petites Canailles ».

La société CNP oppose en effet que, avec l'accord de la SCI Axama, une promesse de cession notariée du bail a été passée entre elle et une société tierce le 2 juillet 2013, et qu'elle a alors régularisé un nouveau bail commercial pour un local à Saint-Loubès (Gironde).

La société CNP fait valoir que l'acte de cession du droit au bail n'a finalement pas pu intervenir du fait de la société Axama, qui a refusé de signer et transmettre la procuration pour être représentée qui lui avait été adressée.

Elle fait valoir que le local d'Ambarès-et-Lagrave a été occupé ensuite pendant plusieurs années par plusieurs enseignes de la Socotex, société qui fait partie du même groupe que la SCI Axama, ce qui est toutefois contesté par le bailleur.

Or, s'il est constant qu'un projet de cession du droit au bail existait et rencontrait l'accord du bailleur, force est de constater que cette cession n'est jamais intervenue, et que la SCI Axama n'a pas autrement consenti à une résiliation amiable hors ce projet de cession du droit au bail.

A cet égard, il n'y a pas lieu de rechercher une quelconque imputabilité de l'absence de conclusion de la cession, alors même que la SCI Axama conteste être responsable de l'échec, en ce qu'elle a en réalité transmis au notaire les pièces nécessaires (sa pièce n° 17), et qu'elle peut même faire utilement valoir que l'échec est du fait de la société candidate à la reprise du bail.

Le bailleur peut exciper utilement d'un courrier électronique du 7 décembre 2013 de la société CNP (sa pièce n° 23), sous son nom commercial de « Caraméricaine », répondant à une relance en paiement des loyers du 28 novembre précédent, par lequel le signataire, Dominique Coudert, qui apparaît être l'interlocuteur habituel chez le preneur (Cf. pièce n° 9), dont il résulte que CNP dit avoir adressé la moitié du loyer de novembre, et se retrouvé en difficulté en raison de « l'annulation des petites canailles » et souhaitait que soit trouvée « une solution a la miable » (sic).

Dans ces conditions, le départ des locaux de la société CNP ne saurait constituer le terme du bail commercial, qui ne peut être fixé qu'au 18 août 2014, soit un mois après le commandement de payer les loyers et visant la clause résolutoire délivré le 18 juillet 2014, dont il n'est pas contesté qu'il soit resté infructueux.

Le jugement qui a fixé au 1er septembre 2013 une date de résiliation judiciaire sera en conséquence infirmé, et il sera constaté l'effet de la clause résolutoire à compter du 18 août 2014.

Sur les demandes financières

Contrairement aux affirmations du preneur, il n'est pas établi que le local aurait été reloué après le départ de la société CNP et jusqu'au 18 août 2014. Le bailleur relève que les constats d'huissier de 2015 ne font nullement état d'une activité commerciale, mais seulement de la présence de panneaux publicitaires sur les façades.

Il doit y être ajouté que des constats d'huissier effectués les 5 janvier, 11 mars et 17 septembre 2015 (pièces n° 10, 11 et 12 de CNP) ne sont pas pertinents pour le présent litige, qui ne porte que sur les loyers ayant couru jusqu'en août 2014.

Il en résulte que les loyers sont dus jusqu'à la date de la résiliation du bail ci-dessus.

La SCI Axama expose que la somme de 59 256,84 euros portée au commandement du 18 juillet 2014 doit être majorée du loyer du mois d'août suivant, soit un total de 63 757,82 euros, ainsi que de la majoration contractuelle de 10%, soit 6 357,78 euros.

Ces demandes financières ne sont aucunement contestées en elles-mêmes par la société CNP, et se trouvent justifiées par le commandement du 18 juillet 2014, par le montant du loyer mensuel, et par les termes du bail.

Il y a donc lieu de faire droit aux demandes de la SCI Axama.

Sur les autres demandes

Partie tenue aux dépens de première instance et d'appel, qui incluront les frais du commandement du 18 juillet 2014, la société CNP paiera à la SCI Axama la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande relative aux frais d' exécution présentée par la société CNP en même temps que celle relative aux dépens dont elle est pourtant distincte, qui est en l'état purement hypothétique, rien ne laissant ici présumer une volonté de résistance de son adversaire nécessitant la mise en œuvre d'une procédure d' exécution forcée, outre qu'elle est vaine puisqu'aucune somme ne lui est allouée, est au surplus superfétatoire, puisque la loi, notamment par les dispositions de l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d' exécution , met déjà par principe les frais d'une exécution forcée nécessaire à la charge du débiteur, sous le contrôle du juge de l' exécution .

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu entre les parties le 6 juillet 2017 par le tribunal de grande instance de Bordeaux,

Et, statuant à nouveau,

Constate l'acquisition au 18 août 2014 de la clause résolutoire incluse dans le bail consenti le 7 mai 2010 à la société CNP par la SCI Axama,

Condamne la société CNP à payer à la SCI Axama :

- la somme de 63 757,82 euros au titre des loyers dus,

- la somme de 6 375,78 euros au titre de la majoration contractuelle,

- la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société CNP aux dépens de première instance et d'appel, qui incluront les frais du commandement du 18 juillet 2014,

Dit n'y avoir lieu à statuer ici sur des frais d'une exécution forcée hypothétique.