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Décisions

Cass. soc., 6 janvier 2021, n° 19-10.662

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schamber

Rapporteur :

Mme Monge

Avocats :

SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Angers, du 8 nov. 2018

8 novembre 2018

Désistement partiel

1. Il est donné acte à Pôle emploi Pays de la Loire de son désistement de pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le syndicat CGT Pôle emploi Pays de la Loire.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 8 novembre 2018), Mme V... a été engagée en qualité d'agent hautement qualifié de la fonction ressources humaines, catégorie employés, coefficient 170 de la convention collective nationale applicable à Pôle emploi du 22 novembre 2009, au sein de l'établissement public Pôle emploi Pays de la Loire (Pôle emploi) suivant contrat à durée déterminée du 23 février 2015 pour une durée de six mois. Un nouveau contrat à durée déterminée a été conclu le 20 août 2015 pour quatre mois.

3. Le 25 novembre 2015, la salariée a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée avec attribution d'une indemnité de requalification et la fixation du coefficient applicable à celui de 190 depuis la date de son embauche, outre paiement d'un rappel de salaire. Le second contrat à durée déterminée étant arrivé à son terme le 31 décembre 2015, elle a demandé à la juridiction de dire que la rupture de son contrat de travail s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de lui allouer les indemnités de rupture subséquentes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une certaine somme à titre de rappel de salaire, outre les congés payés afférents avec intérêts et capitalisation des intérêts, alors :

« 1°/ que le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, le document intitulé "relations et procédures de gestion entre le CIDC et les régions du grand Ouest" comportait une annexe intitulée "identification des référents" précisant que ceux-ci étaient "en charge de la planification des actions" et visant "J... B... et U... V... pour les Pays de la Loire" ; qu'en qualifiant ce document d'"organigramme", pour dire que la salariée pouvait bénéficier à l'embauche du coefficient 190, la cour d'appel a dénaturé ledit document en violation du principe susvisé ;

2°/ que, subsidiairement, aux termes de l'accord d'entreprise de l'Assedic des Pays de la Loire, "le déroulement de carrière du personnel de niveau employé s'effectuer comme suit, dans la limite des amplitudes de coefficient et du nombre des postes prévus à l'organigramme : 190 : coefficient de départ (
)" ; que l'attribution de ce coefficient lors du recrutement du salarié ne concerne donc que les postes prévus à l'organigramme ; qu'en l'espèce, le Pôle emploi Pays de la Loire faisait valoir, preuves à l'appui, que la salariée ne pouvait pas solliciter le coefficient "190", lors de son recrutement, son poste d'"Agent hautement qualifié" ne figurant pas dans l'organigramme de la direction régionale, pas plus que dans celui du centre Inter régional de développement des compétences (CIDC) Grand Ouest qu'il s'agisse de l'organisation actuelle de celui-ci ou de l'organigramme cible ; que pour sa part, la salariée invoquait un document sur lequel elle figurait en qualité d'"interlocuteur référent
en charge de la planification des actions" qu'elle présentait comme un organigramme du CIDC ; qu'en se limitant à retenir que l'organigramme du CIDC produit aux débats laissait apparaître que la salariée y était désignée en tant qu'"interlocuteur référent en charge de la planification des actions pour la région Pays de la Loire" sans préciser en quoi l'organigramme visé par l'accord d'entreprise applicable était nécessairement le document présenté comme tel par la salariée et non pas les organigrammes pourtant officiels produits par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'accord précité ;

3°/ qu'aux termes de l'accord d'entreprise de l'Assedic des Pays de la Loire, "le déroulement de carrière du personnel de niveau employé s'effectuer comme suit, dans la limite des amplitudes de coefficient et du nombre des postes prévus à l'organigramme : 190 : coefficient de départ (
)" ; que l'attribution de ce coefficient lors du recrutement du salarié ne concerne donc que les postes prévus à l'organigramme ; qu'en retenant, par motifs éventuellement adoptés, que la référence à cet organigramme ne pouvait avoir pour effet que de limiter ou conditionner les éventuels avancements dans des délais plus courts que les délais maxima de la période d'automaticité, l'application du coefficient 190 étant applicable, comme coefficient de départ, sans restriction à tout salarié recruté au sein de Pôle emploi Pays de la Loire, la cour d'appel a violé les dispositions dudit accord d'entreprise. »

Réponse de la Cour

5. L'accord d'entreprise conclu le 5 juillet 2002 entre les Assedic des Pays de la Loire et les organisations syndicales représentatives du personnel, applicable au sein de l'établissement public Pôle emploi Pays de la Loire, prévoit qu'il est entendu que les durées d'activité s'apprécient dans un poste occupé au sein de l'Assedic des Pays de la Loire et que le déroulement de carrière du personnel de niveau employé s'effectue, dans la limite des amplitudes de coefficient et du nombre des postes prévus à l'organigramme, comme suit : 190 : coefficient de départ ; 200 : coefficient à 1 an d'activité dans un poste à 190 ; 210 : coefficient à 2 ans d'activité dans un poste à 200; 220 : coefficient à 1 an d'activité dans un poste à 210 ; 230 : coefficient à 1 an d'activité dans un poste à 220 ; 245 : coefficient à 1 an d'activité dans un poste à 230. Au-delà du 245, il n'est prévu aucune automaticité, ni délai.

6. Ayant, d'abord, relevé, par motifs adoptés, que ce texte ne définissait pas l'organigramme auquel il faisait référence, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments qu'elle décidait d'écarter, a pu, sans le dénaturer, constater que le document produit émanant du centre Inter régional de développement des compétences Grand Ouest (le CIDC) laissait apparaître que la salariée y était désignée en tant qu'"interlocuteur référent en charge de la planification des actions pour la région Pays de la Loire", peu important qu'elle l'ait qualifié d'organigramme.

7. Ayant, ensuite, retenu, à bon droit, par motifs adoptés, que l'accord d'entreprise ne posait aucune restriction à l'application du coefficient 190, qualifié de coefficient de départ, à tout salarié recruté au sein de Pôle emploi Pays de la Loire, la cour d'appel, qui, par motifs propres, a énoncé justement que la rémunération perçue par un salarié engagé en contrat à durée déterminée ne pouvait être inférieure à celle que percevrait un salarié en contrat à durée indéterminée dans la même entreprise, aux mêmes fonctions et à qualification professionnelle équivalente, en a exactement déduit que le fait que la salariée ait été recrutée en contrat à durée déterminée n'avait pas d'incidence sur l'application des dispositions de l'accord d'entreprise et que si la convention collective applicable à la relation de travail prévoyait une embauche au coefficient 170, les dispositions de cet accord, plus favorables, fixant ce coefficient de départ à 190, devaient lui bénéficier.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

9. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, de le condamner à payer à la salariée une certaine somme à titre d'indemnité de requalification, de dire que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité pour irrégularité de la procédure et d'indemnité pour licenciement abusif, alors :

« 1°/ que les juges du fond ne peuvent ni accueillir ni rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve soumis à leur appréciation par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, une multitude de pièces, dont certaines émanaient de la salariée elle-même, était produite aux débats démontrant le caractère exceptionnel de l'arrivée de la gestion des convocations aux formations ainsi que l'effectivité de ce transfert dont était résulté un surcroît temporaire de l'activité du Pôle emploi Pays de la Loire ; qu'en affirmant par motifs propres qu'il n'était pas établi que la convocation des stagiaires aux formations organisées par le CIDC, soit un surcroît temporaire d'activité, celle-ci relevant de l'activité normale et des tâches permanentes du Pôle production du CIDC, et par motifs adoptés qu'aucune pièce versée au débat ne venait caractériser ledit transfert, la cour d'appel qui ne s'est pas concrètement expliquée sur les nombreux éléments produits en ce sens, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que l'accroissement temporaire peut résulter d'une augmentation temporaire de l'activité normale et habituelle de l'entreprise ; qu'en l'espèce, le Pôle emploi Pays de la Loire faisait valoir, preuves à l'appui, que l'arrivée de la gestion des convocations avait généré un surcroît temporaire de son activité sur la seule année 2015 ; qu'en estimant que le fait que la convocation des stagiaires aux formations organisées par le CIDC relevait de l'activité normale et des tâches permanentes du Pôle production excluait l'existence d'un accroissement temporaire d'activité, la cour d'appel a violé l'article L. 1242-2 2° du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige;

3°/ que l'indication dans le contrat à durée déterminée de ce qu'il est conclu pour faire face à un surcroît temporaire d'activité constitue l'énoncé d'un motif suffisamment précis qui peut donc être précisé par voie de conclusions ; qu'en l'espèce, rappelant que le contrat de travail énonçait avoir été conclu pour "accroissement temporaire d'activité" "en vue de faire face à une opération exceptionnelle liée à l'augmentation de la charge d'activité générée notamment dans le cadre de la mise en oeuvre du transfert des convocations stagiaires formation, des régions vers le CIDC", le Pôle emploi Pays de la Loire faisait valoir que ce surcroît temporaire était dû non seulement à la charge d'activité générée par le transfert des convocations des stagiaires des régions vers le CIDC, mais aussi à la nécessité de faire face, du fait de la nomination de Pôle emploi comme opérateur du conseil en évolution professionnelle (CEP) et de la mise en place du nouveau programme de gestion des demandeurs d'emploi (NPDE), à des besoins de formations particuliers pour ses agents et conseillers "demandeurs d'emploi" limités à la seule année 2015, plusieurs documents produits confirmant l'existence d'un pic en 2015 du niveau des formations réalisées ; que l'employeur ajoutait qu'il lui fallait au surplus, à l'époque, anticiper la perte de la gestion de la formation professionnelle des agents de la région Basse Normandie vers le CIDC Inter Nord ; qu'en se bornant à confirmer le jugement ayant estimé que le motif de recours était limité à la convocation des stagiaires aux formations organisées par le CIDC à l'exclusion d'une ou de plusieurs formations spécifiques des conseillers des régions du Grand Ouest, la cour d'appel a violé les articles L. 1242-2 2° du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause et L. 1242-12, alinéa 1 de ce même code. »

Réponse de la Cour

10. Ayant dit, à bon droit, que l'énonciation précise du motif que doit comporter le contrat à durée déterminée fixe les limites du litige au cas où la qualification du contrat se trouve contestée et qu'il appartient à l'employeur de prouver sa réalité, la cour d'appel qui, a relevé que la salariée avait été engagée en vue de faire face à une opération exceptionnelle liée à l'augmentation de la charge d'activité générée notamment dans le cadre de la mise en oeuvre du transfert des convocations stagiaires formation des régions vers le CIDC et retenu, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis sans être tenue de s'expliquer sur ceux qu'elle décidait d'écarter, que la preuve n'était pas rapportée par Pôle emploi de ce que la convocation des stagiaires aux formations organisées par le CIDC représentât un surcroît temporaire d'activité, a pu, en l'absence d'invocation devant elle d'autres causes d'accroissement temporaire d'activité qui fussent en rapport avec l'engagement et les fonctions confiées à la salariée, en déduire que le contrat à durée déterminée de la salariée devait être requalifié en contrat à durée indéterminée.

11. Le moyen, qui manque en fait en sa deuxième branche, n'est donc pas fondé.

Sur les troisième et quatrième moyens, réunis

Enoncé du moyen

12. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents et d'indemnité pour licenciement abusif, alors « que la cassation à intervenir de l'arrêt en ce qu'il a estimé que la salariée aurait dû bénéficier, lors de son embauche, du coefficient 190 s'étendra aux chefs de dispositif ayant condamné le Pôle emploi Pays de la Loire à lui payer une indemnité compensatrice de préavis "pour un emploi 190 niveau II" et une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse "compte tenu du montant de la rémunération versé", et donc après repositionnement au coefficient 190, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

13. Le premier moyen ayant été rejeté, le moyen tiré d'une cassation par voie de conséquence, est sans portée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Pôle emploi Pays de la Loire aux dépens.