Cass. 1re civ., 19 avril 2023, n° 21-15.093
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
AIG Europe (Sté)
Défendeur :
Generali IARD, Scheuten Solar Solutions BV (Sté), MJA, Alrack BV (Sté), Allianz Benelux NV (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Duval-Arnould
Rapporteur :
M. Chevalier
Avocats :
SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 4 mars 2021) rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 29 janvier 2020, pourvoi n° 18-26.146), la société Free power, assurée par la société Generali IARD (la société Generali) a été chargée par la société Codiver Holding de la construction d'une centrale de production d'électricité photovoltaïque. A la suite de désordres constatés sur des panneaux photovoltaïques que la société Free power avait acquis de la société Scheuten Solar Systems, assurée par la société AIG Europe, dus à des boîtiers de jonction réalisés par la société Alrack, assurée par la société Allianz, la société Codiver Holding a recherché la responsabilité de la société Free power et la société Generali, assignée en garantie, a transigé avec la société Codiver Holding et l'a indemnisée à hauteur de 206 351,19 euros.
3. La société Generali a assigné les liquidateurs des sociétés Scheuten Solar Solutions, Scheuten Solar Sytems et Scheuten Solar France en fixation de cette somme au passif de ces sociétés ainsi que la société AIG Europe en paiement de celle-ci sur le fondement de la garantie des vices cachés et de la responsabilité du fait des produits défectueux.
Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen du pourvoi incident, dont l'examen est préalable
Enoncé du moyen
5. La société Generali fait grief à l'arrêt de limiter sa créance à l'encontre de la société Scheuten Solar Systems et de la société AIG Europe à la somme de 47 677,03 euros sur le fondement des dispositions des articles 1386-1 et suivants, devenus 1245 et suivants du code civil , alors « que le producteur d'un produit défectueux est tenu de réparer intégralement le dommage qui résulte d'une atteinte à un bien autre que ce produit ; qu'en l'espèce, la société Generali soutenait que le remplacement des panneaux solaires était nécessaire pour préserver le bâtiment auquel ils étaient incorporés d'un risque d'incendie; qu'en retenant, pour fixer à 47 677,03 euros les sommes dues à la société Generali, qu'il convenait de déduire de la somme de 206 351,19 euros versée à la société Codiver 158 674,16 euros correspondant au coût de remplacement des panneaux solaires défectueux, sans rechercher si ce remplacement était nécessaire pour éviter la ruine de l'immeuble appartenant à la société Codiver, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1386-2, devenu 1245-1, du code civil. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article 1386-2, alinéa 2, devenu 1245-1, alinéa 2,du code civil, les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux ne s'appliquent qu'à la réparation du dommage qui résulte d'une atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui-même.
7. Après avoir retenu que les boîtiers de jonction équipant les panneaux photovoltaïques étaient susceptibles de causer un incendie, que ces panneaux étaient dès lors défectueux et qu'ils avaient dû être remplacés, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de déduire de la somme due à la société Generali la somme de 158 674,16 euros correspondant au coût de ce remplacement et non à un dommage résultant d'une atteinte à un bien autre que les produits défectueux eux-mêmes.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
8. La société AIG Europe fait grief à l'arrêt de déclarer la société Scheuten Solar Systems responsable des conséquences dommageables des désordres subis par la société Codiver Holding en application des dispositions des articles 1386-1 et suivants, devenus 1245 et suivants du code civil et de la condamner à payer à la société Generali la somme de 47 677,03 euros outre des intérêts, alors « que ne sont couverts par la responsabilité de plein droit du fait des produits défectueux que les dommages consécutifs à l'atteinte à un bien autre que le produit défectueux, qu'en évaluant le préjudice garanti par la société AIG Europe à la somme versée par la société Generali à la victime déduction faite du coût de remplacement des produits défectueux, sans expliquer en quoi consistait le préjudice restant à la charge de la société AIG Europe dont cette dernière contestait qu'il ait pu réparer un dommage consécutif à l'atteinte à un bien autre que le produit défectueux, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1386-2 ancien, devenu 1245-1, du code civil ».
Réponse de la Cour
Vu l'article 1386-2, devenu 1245-1, du code civil :
9. Selon ce texte, les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux ne s'appliquent qu'à la réparation du dommage qui résulte d'une atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui-même.
10. Pour condamner la société AIG Europe à payer à la société Generali la somme de 47 677,03 euros, l'arrêt retient que la somme de 206 351,19 euros intègre à hauteur de 171 351,19 euros le coût des travaux de réparation suivant devis de la société Free Power du 15 janvier 2014 et le montant d'un chèque de 35 000 euros émis en exécution d'une transaction et qu'il y a lieu d'en déduire la somme de 158 674,16 euros correspondant au remplacement des panneaux.
11. En statuant ainsi, sans expliquer ce qu'indemnisait la somme de 47 677,03 euros mise à la charge de la société AIG, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
12. La société Generali fait grief à l'arrêt de dire inapplicable la garantie des vices cachés et limiter à 47 677,03 euros la somme due par les sociétés Scheuten Solar Systems BV et AIG Europe, alors « en toute hypothèse, que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ; qu'en l'espèce, la société Generali soutenait que son assuré, la société Free Power s'était approvisionnée en panneaux photovoltaïques auprès de la société Scheuten Solar Systems BV et que dans le cadre de ce contrat de vente, cette dernière était tenue de garantir les défauts cachés des panneaux; qu'en retenant, pour dire inapplicable la garantie des vices cachés et limiter à 47 677,03 euros les sommes dues à la société Generali par les sociétés Scheuten Solar Systems BV et AIG Europe, que la société Generali était subrogée dans les droits de la société Codiver, laquelle n'avait conclu aucun contrat de vente avec la société Scheuten Solar Systems BV, sans rechercher si la garantie des vices cachés n'était pas due en application du contrat de vente conclu avec la société Free Power, dans les droits de laquelle la société Generali était également subrogée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1641 du code civil :
13. Aux termes de ce texte, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix.
14. Pour rejeter la demande de la société Generali, l'arrêt retient que la société Codiver Holding, dans les droits de laquelle elle est subrogée, n'a pas conclu de contrat de vente avec la société Scheuten Solar Systems.
15. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la société Generali n'était pas également subrogée dans les droits et actions de la société Free Power, son assurée, contre la société Scheuten Solar Systems, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, d'une part, il condamne la société AIG Europe à payer à la société Generali IARD la somme de 47 677,03 euros outre intérêts capitalisés à compter du 14 mai 2018 et, d'autre part, il rejette l'action de la société Generali IARD fondée sur l'article 1641 du code civil, l'arrêt rendu le 4 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne la société Generali IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille vingt-trois.