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Décisions

CA Bastia, ch. civ. sect. 2, 3 novembre 2021, n° 20/00455

BASTIA

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

G.A.E.C. d'Alistru

Défendeur :

Cooperative Agricole D'approvisionnement Du Nord De L'ile Et De La Cote Orientale - CANICO

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gilland

Conseillers :

Mme Deltour, Mme Molies

JEX Bastia, du 19 avr. 2018, n° 17/01314

19 avril 2018

EXPOSÉ DES FAITS

Par acte d'huissier du 6 novembre 2017, le Groupement agricole d'exploitation en commun d'Alistru a fait appeler la Coopérative agricole d'approvisionnement du Nord de l'île et de la Côte orientale par-devant le juge de l' exécution du tribunal de grande instance de Bastia aux fins de :

*Vu principalement les articles L. 111-8, R. 211-1, R 211-3 et R 123-1 du CPCE,

Voir constater la nullité et, à défaut, la caducité de la saisie attribution à exécution successive pratiquée le 23 septembre 2017 entre los mains du Payeur régional de la COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE CORSE ;

Subsidiairement, pour voir constater l'irrecevabilité de la procédure de saisie ainsi que le caractère indu des intérêts et dépens figurant au décompte et,

En tout état de cause,

Voir imputer les frais de la procédure de saisie à la CANICO qu'il est encore demandé de condamner à payer une somme de 150 euros sur le fondement des dispositions de l'article 70 du code de procédure civile.'

Par jugement du 19 avril 2018, le juge de l' exécution du tribunal de grande instance de Bastia a :

*Déclaré le recours recevable ;

Dit bonne et valable la saisie attribution à exécution successive pratiquée le 28 septembre 2017 entre les mains da Monsieur le Payeur Régional de la COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE CORSE par la COOPÉRATIVE AGRICOLE D'APPROVISIONNEMENT DU NORD DE L'ÎLE ET DE LA CÔTE ORIENTALE -CANICO ' au préjudice du GROUPEMENT AGRICOLE D'EXPLOITATION EN COMMUN D'ALISTRU, GAEC d'ALISTRU, pour la somme de 45 178,02 euros en principal, 1 50 euros an titre de l'article 70 du CPC, outre les dépens et le coût des actes de procédure, ainsi que les intérêts à calculer au taux légal dans la limite de la prescription quinquennale et sur le principal seulement ;

Débouté les parties pour le surplus et autre demandes différents ou contraires ;

Dit n'y avoir lieu a application de l'article 70 du CPC ;

Condamné le GROUPEMENT AGRICOLE D'EXPLOITATION EN COMMUN D'ALISTRU, GAEC d'ALISTRU aux entiers dépens; et dit qu'ils pourront être recouvrés directement par Maître Angeline T., avocat, sur son affirmation de droit s'agissant dos frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 599 du code de procédure civile'

Par déclaration au greffe du 27 avril 2018, procédure enregistrée sous le numéro 18-347, le Groupement agricole d'exploitation en commun d'Alistru a interjeté appel du jugement prononcé en ce qu'il a :

*Débouté le GAEC D'ALISTRU de

- à titre principal : constater en premier lieu la nullité de la saisie et à défaut constater sa caducité

-subsidiairement : constater l'irrecevabilité de la procédure de saisie, ainsi que le caractère indu des dépens figurant au décompte

- en tout état de cause, de laisser les frais de la procédure de saisie à la charge de la CANICO, et l'a débouté de sa demande de condamnation de la CANICO à la somme de 150 ' sur le fondement de l'article 70 cpc, ainsi que les entiers dépens sur le fondement de l'article 696 cpc,

Dit bonne et valable la saisie attribution à exécution successive pratiquée le 28 septembre 2017 pour la somme de 45178,02 ' en principal, 150 ' au titre de l'article 70 cpc outre les dépens et le coût des actes de procédure,

Condamné le GAEC D'ALISTRU aux entiers'

Par conclusions déposées au greffe le 22 juin 2018, la Coopérative agricole d'approvisionnement du Nord de l'île et de la Côte orientale a demandé à la cour de :

*- Confirmer l'ordonnance ;

- Condamner la société GAEC D'ALISTRU à payer la somme de 2 50 euros en application de l'article 70 du Code de procédure civile ;

- Dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Maître Angeline T. pourra recouvrer directement les frais dont il a fait avance sans avoir reçu provision.'

Par ordonnance du 11 juillet 2018, le président de la conférence de la chambre civile de la cour d'appel de Bastia a :

*- Déclaré l'appel interjeté par le GAEC d'Alistru caduc,

- Condamné le GAEC D'alistru au paiement des frais et dépens,

- Condamné le GAEC d'Alistru à payer à la société Canico la somme de 80 euros en a application des dispositions de l'article 70 du Code de procédure civile.'

Par arrêt du 2 octobre 2019, rectifié le 2 septembre 2020, dans le cadre d'une procédure sur déféré enregistrée sous le numéro 18-556, la 1ère section de la chambre civile de la cour d'appel de Bastia a :

*- Rapporté l'ordonnance du président de la conférence du 11 juillet 2018,

- Renvoyé l'affaire à la mise en état à l'audience du 8 janvier 2020,

- Rejeté la demande en condamnation fondée sur les dispositions de l'article 70 du code de procédure civile,

- Réservé les dépens.'

Par ordonnance du 13 mai 2020, le conseiller de la mise en état de la 2° section de la chambre civile de la cour d'appel de Bastia a :

*- Ordonné d'office la radiation de l'affaire n°18-556,

- Laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens dans l'attente d'une éventuelle décision au fond.'

Par déclaration au greffe du 29 septembre 2020, procédure enregistrée sous le numéro 20-455, Groupement agricole d'exploitation en commun d'Alistru a procédé à la réinscription de la procédure initiée le 27 avril 2018.

Par ordonnance du 3 février 2021, le conseiller désigné par le premier président de la cour d'appel a :

'- ordonné le renvoi de l'affaire à la mise en état du 31 mars 2021 pour clôture ou radiation à charge pour les parties de se mettre en état,

- dit que les dépens de l'incident suivront ceux du fond.'

Par conclusions déposées au greffe le 29 mars 2021, le Groupement agricole d'exploitation en commun d'Alistru a demandé à la cour de :

'Vu les articles 654 et 655 cpc, R 211-1, R 123-1, R 211-3,L 11-2 , L 111-8 cpc exec, 696 et 70 cpc,

Réformer le jugement du juge de l' exécution du tribunal de Grande Instance de Basta, en date du 19 avril 2018 en ce que le Juge a débouté le GAEC D'ALISTRU de

- à titre principal: constater en premier lieu la nullité de la saisie et à défaut constater sa caducité

- subsidiairement: constater l'irrecevabilité de la procédure de saisie, ainsi que le caractère indu des dépens figurant au décompte

- en tout état de cause, de laisser les frais de la procédure de saisie à la charge de la CANICO, et l'a débouté de sa demande de condamnation de la CANICO à la somme de 150 ' sur le fondement de l'article 70 cpc, ainsi que les entiers dépens sur

le fondement de l'article 696 code de procédure civile et

-en ce qu'il a dit bonne et valable la saisie attribution à exécution successive pratiquée le 28 septembre 2017 pour la somme de 45178,02 ' en principal, 150 ' au titre de l'article 70 cpc outre les dépens et le coût des actes de procédure, et a condamné le GAEC D'ALISTRU aux entiers dépens

Statuant à nouveau

À titre principal :

Prononcer en premier lieu la nullité de la saisie

À défaut, Prononcer sa caducité

Subsidiairement :

Prononcer l'irrecevabilité de la procédure de saisie, ainsi que le caractère indu des dépens

figurant au décompte.

En tout état de cause,

Condamner la CANICO à conserver la charge des frais de la saisie

Condamner la CANICO à payer au GAEC D'ALISTRO la somme de 150 ' sur le fondement de l'article 70 cpc, ainsi que les entiers dépens sur le fondement de l'article 696 cpc.'

Par ordonnance du 31 mars 2021, la procédure a été clôturée et fixée à plaider au 2 septembre 2021.

Le 2 septembre 2021, la présente procédure a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 3 novembre 2021.

La cour, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait, en application de l'article 455 du code de procédure civile, expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions notifiées par les parties.

SUR CE

Le premier juge pour écarter les demandes présentées par le Groupement agricole d'exploitation en commun d'Alistru a considéré que les formalités légales avaient été respectées et que les irrégularités dénoncées si elles existaient ne feraient pas grief à l'appelant.

En l'absence d'appel incident de la Coopérative agricole d'approvisionnement du Nord de l'île et de la Côte orientale les dispositions arrêtées dans le cadre du jugement de première instance relatives aux intérêts sont définitives

* Sur la nullité de la saisie

S'il est réel que l'article 654 du code de procédure civile dispose que «La signification doit être faite à personne. La signification à une personne morale est faite à personne lorsque l'acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet» il n'en reste pas moins possible en application de l'article 655 du même code que «Si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence. L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification. La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire. La copie ne peut être laissée qu'à condition que la personne présente l'accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité. L'huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise».

En l'espèce, il n'est nullement contesté que l'acte contesté a été remis à domicile, à une personne présente, Madame Odile C., inspectrice des finances, que l'huissier de justice a clairement indiqué sur son acte que les circonstances rencontrées lors de cette délivrance rendaient impossible la signification à personne, n'ayant pu lors de son passage avoir de précisions suffisantes sur le lieu où se trouvait le destinataire et qu'il a ainsi intégralement respecté les dispositions de l'article 655 du code de procédure civile, comme le premier juge l'a retenu dans une motivation pertinente ; le fait que l'article R 211-1 du code des procédures civiles d' exécution mentionne pour la saisie un acte d'huissier de justice au tiers fait ainsi référence aux dispositions des articles 654 et 655 du code de procédure civile, n'imposant nullement comme condition de régularité la seule signification à personne.

De plus, s'agissant d'une irrégularité de forme, l'appelant ne démontre nullement le grief qu'il a subi de cette signification à domicile et non à personne.

Ce moyen est, en conséquence, rejeté.

* Sur le non-respect des dispositions de l'article R 123-1 du code des procédures civiles d' exécution

L'article R 123-1 du code de procédure civile dispose que «Sauf dispositions contraires, lorsqu'une mesure d' exécution forcée ou une mesure conservatoire est pratiquée entre les mains d'un tiers sur le fondement d'un jugement, seul le dispositif est porté à sa connaissance».

En l'espèce, l'appelant fait valoir que l'intégralité du dispositif de la décision fondant la saisie n'est pas reproduit dans l'acte qui lui a été signifié. Cependant, comme le premier juge l'a très finement retenu, cet article n'exige pas que le dispositif du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée soit intégralement indiqué, les caractéristiques du jugement et l'ensemble des sommes auxquelles il a été condamné étant reprises permettant une identification parfaite du dit titre et et largement suffisant.

De plus, s'agissant à nouveau d'une irrégularité de forme, l'appelant ne démontre aucunement ni ne revendique d'ailleurs l'existence du moindre grief à son encontre.

Ce moyen est aussi rejeté.

* Sur l'existence d'une procédure collective

L'appelant prétend que la procédure collective ouverte à son profit a suspendu toutes les actions en recouvrement intentées à son encontre.

Cependant, la procédure revendiquée n'est pas la procédure de droit commun et est exclusive de la procédure prévue par la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises, s'agissant d'une

procédure de règlement à l'amiable destinée à prévenir et à régler les difficultés financières des exploitations agricoles régie par les L 351-1 et suivant du code rural et de la pêche maritime.

Dans ce cadre bien précis, l'article L 351-4 du dit code dispose que «Le président du tribunal, qui nomme un conciliateur en application de l'article L. 351-4, peut également prononcer la suspension provisoire des poursuites pour un délai n'excédant pas deux mois. Ce délai peut être prorogé pour la même durée. Cette décision suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement à ladite décision et tendant :

1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

Elle arrête ou interdit également toute voie d' exécution de la part de ces créanciers, tant sur les meubles que sur les immeubles. Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont, en conséquence, suspendus».

Ainsi, la suspension des poursuites est non de droit mais résulte du seul pouvoir du président du tribunal judiciaire (de grande instance en 2015) et cette suspension n'a rien d'automatique, l'appelant ne justifiant, de plus, aucunement avoir saisi le dit président d'une telle demande, que cela soit en 2015 ou encore récemment, cette procédure étant, selon les dernières écritures déposées toujours en cours.

D'ailleurs la lecture de l'ordonnance prononcée le 15 juin 2015 permet de vérifier que, si dans ses motifs il est clairement mentionné la faculté pour le président du tribunal de suspendre provisoirement les poursuites pour un délai n'excédant pas deux mois, cette suspension n'a pas été motivée et n'est nullement indiquée dans le dispositif de cette décision, alors qu'en application de l'article 455 du code de procédure civile la décision est énoncée sous forme de dispositif, seule partie du jugement dont, en application de l'article 901 du même code , il peut être interjeté appel.

Il convient donc de rejeter ce moyen lui aussi inopérant.

* Sur l'absence de justification de certains dépens

L'appelante ne précise pas quels dépens elle conteste et il n'appartient pas à la présente juridiction de faire le tri entre les différents dépens énoncés et mis à la charge de l'appelante qui se doit a minima de justifier de sa demande.

Ce moyen est écarté compte tenu de son imprécision.

* Sur les demandes fondées sur l'article 70 du code de procédure civile

S'il est équitable de laisser à la charge de l'appelant les frais irrépétibles qu'il a engagés, il n'en va pas de même pour l'intimée ; en conséquence, il convient de débouter le Groupement agricole d'exploitation en commun d'Alistru de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 70 du code de procédure civile, et d'allouer à ce titre à la Coopérative agricole d'approvisionnement du Nord de l'île et de la Côte orientale la somme de 1 50 euros.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant

Déboute le Groupement agricole d'exploitation en commun d'Alistru de l'ensemble de ses demandes y compris celle fondée sur les dispositions de l'article 70 du code de procédure civile,

Condamne le Groupement agricole d'exploitation en commun d'Alistru à payer à la Coopérative agricole d'approvisionnement du Nord de l'île et de la Côte orientale la somme de 1 50 euros au titre des dispositions de l'article 70 du code de procédure civile,

Condamne le Groupement agricole d'exploitation en commun d'Alistru au paiement des entiers dépens, dont distraction au profit de Me Angeline T., avocate.