Cass. 1re civ., 19 avril 2023, n° 21-23.726
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Sunpower Energy Solutions France
Défendeur :
Smac, Engie, Tyco Electronics France, TE Connectivity Solutions Gmbh
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Duval-Arnould
Rapporteur :
Mme de Cabarrus
Avocats :
SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Foussard et Froger
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Versailles, 28 mai 2019, 18 mai 2020 et 9 septembre 2021), en 2009, la société GDF Suez, devenue la société Engie, a confié la réalisation d'une centrale de production d'électricité photovoltaïque à la société Smac. Celle-ci a acquis des panneaux photovoltaïques à la société Tenesol, aux droits de laquelle vient la société Sunpower Energy Solutions France (la société Sunpower), qui avait assemblé les connecteurs fabriqués et fournis par la société Tyco Electronics Logistics AG, devenue la société TE Connectivity Solution (la société TE Connectivity).
3. Après la mise en service de l'installation en 2010, des interruptions de production d'électricité sont survenues.
4. Après avoir obtenu une expertise judiciaire attribuant ces désordres aux connecteurs, la société Engie a assigné les sociétés Smac, Sunpower et TE Connectivity en réparation de ses préjudices sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux et de la garantie des vices cachés.
5. La société TE Connectivity a été condamnée sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux à payer à la société Engie une indemnité en réparation de son préjudice immatériel consécutif à la défectuosité des connecteurs et la société Smac, garantie par la société Sunpower, a été condamnée à réparer, sur le fondement de la garantie des vices cachés, le préjudice matériel subi par la société Engie à la suite de la dépose et la repose des panneaux photovoltaïques et des connecteurs.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal et sur le moyen du pourvoi incident éventuel
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
7. La société Sunpower fait grief à l'arrêt du 28 mai 2019, tel que complété par l'arrêt du 18 mai 2020 et interprété par l'arrêt 9 septembre 2021, de rejeter l'appel en garantie formé contre la société TE Connectivity, alors « que le régime de la garantie du fait des produits défectueux n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extra-contractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ; qu'en écartant l'appel en garantie formé par l'exposante à l'encontre de la société TE Connectivity au motif que les conditions de la responsabilité du fait des produits défectueux étaient réunies à son égard et que ce fondement était exclusif de tout autre et au motif, ajouté par l'arrêt du 9 septembre 2021, que sa responsabilité ne pouvait être recherchée que [lire « ne pouvait pas être recherchée »] sur le fondement de la garantie des vices cachés, quand la circonstance que la société TE Connectivity ait vu sa responsabilité engagée à l'égard de l'acquéreur final sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux n'excluait pas qu'elle puisse être déclarée tenue de garantir le vendeur intermédiaire sur le fondement de la garantie des vices cachés, la cour d'appel a violé l'article 1386-2, devenu 1245-1, et 1641 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1386-2, devenu 1245-1, et 1641 du code civil :
8. Selon le premier de ces textes, les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux s'appliquent à la réparation du dommage qui résulte d'une atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui-même, sans préjudice de l'application des dispositions de l'article 1386-18, devenu 1245-17, du code civil.
9. Aux termes du second, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix.
10. Il s'en déduit que la responsabilité du producteur peut être recherchée, d'une part, sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux au titre du dommage qui résulte d'une atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui-même, d'autre part, sur le fondement de la garantie de vices cachés au titre notamment du dommage qui résulte d'une atteinte au produit qu'il a vendu.
11. Pour rejeter l'appel en garantie formé par la société Sunpower contre la société TE Connectivity, l'arrêt du 28 mai 2019, complété par l'arrêt du 18 mai 2020 et interprété par l'arrêt du 9 septembre 2021, retient que, dès lors que la responsabilité de cette société a été retenue sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux et que ce fondement est exclusif de tout autre, sa responsabilité ne peut être recherchée sur un autre fondement et notamment celui de la garantie des vices cachés.
12. En statuant ainsi, alors que le fait que la société TE Connectivity, fournisseur, ait été déclarée responsable à l'égard de la société Engie, sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux n'excluait pas qu'elle puisse être déclarée tenue de garantir la société Sunpower, vendeur intermédiaire, sur le fondement de la garantie des vices cachés, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il rejette la demande de condamnation de la société TE Connectivity Solution à garantir la société Tenesol, devenue la société Sunpower Energy Solutions France, et statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile entre ces deux sociétés, l'arrêt rendu le 28 mai 2019 complété par l'arrêt du 18 mai 2020 et interprété par l'arrêt du 9 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la société TE Connectivity Solution aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société TE Connectivity Solution et la condamne à payer à la société Sunpower Energy Solutions France la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille vingt-trois.