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Décisions

CA Angers, ch. com. sect.. a, 18 mai 2021, n° 20/00664

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

CIPAV

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Corbel

Conseillers :

Mme Breda, M. Benmimoune

JEX Le Mans, du 24 févr. 2020, n° 19/024…

24 février 2020

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte d'huissier du 18 juillet 2019, M. Loïc F. a fait assigner la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse (la CIPAV), devant le juge de l' exécution du tribunal de grande instance du Mans, en mainlevée de la saisie-attribution de créance pratiquée entre les mains de la Banque AXA [...], suivant procès-verbal de saisie du 11 juin 2019 qui lui avait été dénoncé le 19 juin 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions, M. F. a demandé au juge de l' exécution , au visa des articles L. 111-1 et suivants, R.141-1, R. 211-10 et R. 211-11 du code des procédures civiles d' exécution , de :

- dire et juger que la contrainte du 9 décembre 2015 est nulle et prescrite,

- dire et juger nulle la contrainte du '16 février 2016",

- dire et juger nulle et de nuls effets la saisie-attribution pratiquée le 11 juin 2019 et la dénonciation de la saisie-attribution du '19 juillet 2019",

- ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée,

- ordonner la déconsignation des sommes saisies et la restitution desdites sommes,

- condamner la CIPAV à lui payer une somme de 2.500 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamner la CIPAV aux dépens,

- condamner la CIPAV à lui payer une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En défense, la CIPAV a demandé au juge de l'exécution de rejeter toutes les demandes de M. F. et de le condamner à lui payer une somme de 1.500 euros à titre d'indemnité de procédure outre les dépens et les frais de la mesure d' exécution .

Par jugement du 24 février 2020, le juge de l' exécution du tribunal judiciaire du Mans a :

- déclaré recevable la contestation de M. Loïc F.,

- dit que les actes de signification des contraintes sont réguliers au regard des dispositions de l'article 658 du code de procédure civile,

- débouté M. Loïc F. de sa demande d'annulation et de mainlevée totale de la saisie-attribution de créances pratiquées à la requête de la CIPAV, suivant procès-verbal signifié à AXA Banque, [...] le 11 juin 2019,

- déclaré l'action en exécution de la contrainte n°20140591067311 décernée le 9 décembre 2015 et signifiée le 11 février 2016 prescrite,

- cantonné en conséquence la saisie-attribution du 11 juin 2019 aux sommes dues en vertu de la contrainte n°2014059106311 décernée le 31 octobre 2016 et signifiée le 5 décembre 2016 soit à une somme totale de 1.227,56 euros,

- ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pour le surplus,

- rappelé que les frais d' exécution sont à la charge du débiteur,

- rappelé que le coût du certificat de non contestation rédigé par l'huissier, la signification au tiers saisi de ce certificat et la mainlevée de quittance au tiers saisi sera supporté par la CIPAV,

- débouté M. Loïc F. de sa demande de dommages et intérêts,

- dit que chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a exposés,

- débouté les parties de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que les décisions du juge de l'exécution bénéficient de l' exécution provisoire de droit.

Par déclaration reçue au greffe le 5 juin 2020, la CIPAV a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a déclaré recevable la contestation de M. Loïc F. ; a déclaré l'action en exécution de la contrainte n°20140591067311 décernée le 9 décembre 2015 et signifiée le 11 février 2016 prescrite ; a cantonné en conséquence la saisie-attribution du 11 juin 2019 aux sommes dues en vertu de la contrainte n°2014059106311 décernée le 31 octobre 2016 et signifiée le 5 décembre 2016 soit à une somme totale de 1.227,56 euros ; a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pour le surplus ; a rappelé que le coût du certificat de non contestation rédigé par l'huissier, la signification au tiers saisi de ce certificat et la mainlevée de quittance au tiers saisi sera supporté par la CIPAV; a dit que chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a exposés ; a débouté la CIPAV de sa demande d'article 700 du code de procédure civile ; intimant M. Loïc F..

M. Loïc F. a formé appel incident.

La CIPAV et M. Loïc F. ont conclu.

Une ordonnance du 8 février 2021 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe

- le 1er juillet 2020 pour la CIPAV,

- le 30 juillet 2020 pour M. Loïc F.,

qui peuvent se résumer comme suit.

La CIPAV demande à la cour, au vu de l'article R. 133-3 du code de la Sécurité sociale, et au vu de la contrainte du 16 octobre 20178, signifiée le 6 décembre 2017, de :

- recevoir la CIPAV en ses conclusions d'appelante et la déclarer bien fondée,

- réformer le jugement du 24 février 2020 en ce qu'il a déclaré prescrite la contrainte du 9 décembre 2015 et cantonné la saisie attribution du 11 juin 2019 aux sommes dues en vertu de la contrainte n°20149591067311 décernée le 31 octobre 2016 et signifiée le 5 décembre 2016 soit à une somme totale de 1.227,56 euros,

statuant à nouveau,

- valider la saisie attribution du 11 décembre 2019 en son entier montant,

- débouter M. F. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. F. à payer à la CIPAV la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais afférents à la saisie attribution critiquée.

La CIPAV soutient que M. F. n'a formé aucune opposition aux contraintes qui ont été émises aux titres de cotisations impayées par son directeur, le 9 décembre 2015 et le 31 octobre 2016 qui lui ont été signifiées respectivement le 16 février 2016 et le 6 décembre 2016, qu'ainsi elles sont devenues exécutoires et constituaient toutes deux des titres exécutoires et définitifs sur la base desquels elle était fondée à procéder à un acte d' exécution forcée.

Elle conteste toute prescription de la contrainte du 9 décembre 2015. Elle affirme qu'elle disposait d'un délai de 5 ans à compter du délai d'un mois imparti par l'article L. 244-2 du code de la Sécurité sociale, suivant la lettre de mise en demeure du 4 mai 2015 pour procéder à la signification de la contrainte en application de l'article L.244-11 dudit code dans sa rédaction applicable au litige, faisant valoir que la mise en demeure et cette contrainte ont été émises avant le 1er janvier 2017 de sorte que le délai de 3 ans de l'article L. 244-9 du même code était inapplicable à la cause en vertu de l'article 24 IV 1° de la loi n°2016-1827 du 23 décembre 2016.

Au fond, la CIPAV prétend que M. F., qui n'a jamais justifié de son statut de travailleur salarié, est tenu de cotiser aux trois régimes obligatoires qu'elle gère (assurance vieillesse de base, retraite complémentaire et invalidité-décès) et qu'elle est habilitée à recouvrer les cotisations puisqu'il exerce une profession affiliée à son régime. Elle observe qu'il résulte de l'article L. 642-1 du code de la Sécurité sociale qu'il n'existe pas de seuil d'affiliation en-deça duquel l'assuré serait dispensé de cotiser en fonction de ses revenus, quelles que soient les difficultés financières de l'adhérent.

Elle estime avoir régulièrement calculé les montants des cotisations dues par M. F. au titre des trois régimes obligatoires précités, tant pour l'exercice 2014 que pour l'exercice 2015.

Elle entend voir confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. F. de sa demande de dommages et intérêts considérant que l'intimé ne justifie pas de la réalité de son préjudice ni ne démontre de faute de sa part.

M. Loïc F. demande à la cour, au vu de la saisie attribution du 11 juin 2019, des pièces versées aux débats, des articles L.111-1 et suivants, R. 141-1, R. 211-10 et R. 211-1 du code des procédures civiles d' exécution , et de l'article 122 du code de procédure civile, de :

- dire et juger irrecevable, en tous les cas mal fondé, l'appel interjeté par la CIPAV,

- recevoir M. F. en ses conclusions d'appelant incident et le déclarer bien fondé,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit la contrainte n°20140591067311 décernée le 9 décembre 2015 et signifiée le 16 février 2016 prescrite et laissé à la charge de la CIPAV tous les frais afférents à la saisie attribution,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. F. de sa demande d'annulation et de mainlevée de la saisie attribution de créances pratiquée à la requête de la CIPAV suivant procès-verbal, et validé la saisie attribution du 11 juin 2019 aux sommes dues en vertu de la contrainte n°20140591067311 décernée le 31 octobre 2016 et signifiée le 6 décembre 2016, soit à une somme totale de 1.227,56 euros,

et ainsi statuant à nouveau de ces chefs,

- dire et juger nulle et de nuls effets la saisie-attribution pratiquée le 11 juin 2018, la dénonciation de la saisie-attribution du 19 juillet 2019,

- dire et juger nulle la contrainte décernée le 31 octobre 2016 et signifiée le 6 décembre 2016,

- ordonner la mainlevée de la saisie pratiquée,

- prendre acte de la présente demande de déconsignation et de restitution des sommes saisies,

en conséquence,

- ordonner la déconsignation et la restitution des sommes saisies,

- condamner la CIPAV au paiement de la somme de 2.500 euros au titre du préjudice subi,

- condamner la partie saisissante au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

M. F. soutient que la saisie-attribution pratiquée le 11 juin 2019 est nulle et de nul effet dans la mesure où elle n'est pas fondée sur un titre exécutoire puisque la contrainte du 9 décembre 2015 était prescrite à la date de délivrance du procès-verbal de saisie-attribution. Il oppose à la CIPAV que l'article L. 244-11 dudit code n'est pas applicable en l'espèce puisque visant la prescription prévue pour délivrer une contrainte à la suite d'une mise en demeure de régler des cotisations et non celle pour exécuter une contrainte émise, qui, cette dernière, eu égard à la nature de la créance, est de 3 ans et était déjà de cette même durée, selon une jurisprudence établie de la Cour de cassation dès avant la loi n°2016-1827 du 23 décembre 2016.

A titre incident, l'intimé considère que la saisie attribution du 11 juin 2019 doit être annulée et que sa mainlevée doit être ordonnée.

L'intimé affirme qu'il n'a pas été en mesure de former opposition aux contraintes que la CIPAV soutient lui avoir délivrées en 2016 dès lors qu'il n'en a pas été destinataire, qu'aucun des actes ne lui a été remis en personne. Il soutient que la mise en demeure du 4 mai 2015 n'a pu produire effet et est irrégulière faute d'avoir été adressée à l'adresse qui était alors la sienne, qu'il s'ensuit que la contrainte émise subséquemment et lui ayant été notifiée le 16 février 2016 n'est pas valable et est aussi nulle et de nul effet, et que les actes de procédures subséquents sont ainsi aussi sans effet. Il relève que la CIPAV n'a toujours pas actualisé sa nouvelle adresse.

A défaut pour la cour de retenir une prescription ou nullité, M. F. fait valoir que les demandes adverses sont mal fondées dès lors que n'ayant aucune activité non salariée, mais disposant au contraire d'un statut de salarié d'une société depuis septembre 2013, il ne pouvait se retrouver affilié à la CIPAV et redevable de cotisations à l'égard de l'appelante. En tout état de cause, il en déduit que la CIPAV ne pouvait pas poursuivre en l'état sa mesure de recouvrement.

Alléguant avoir subi un préjudice du fait de la saisie injustifiée de ses comptes par la CIPAV, ayant influé négativement les pourparlers qu'il avait entamés avec sa banque pour acquérir une entreprise, il sollicite des dommages et intérêts aux fins de le voir réparer.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de nullité de la signification des contraintes émises les 9 décembre 2015 et 31 octobre 2016

M. Loïc F. invoque la nullité de la signification des contraintes émises par le directeur de la CIPAV les 9 décembre 2015 et le 31 octobre 2016 dans la mesure où il prétend n'en avoir, tout comme s'agissant des mises en demeures qui en constituaient les préalables respectifs, pas été destinataire.

Il est constaté que l'intimé ne justifie pas avoir formé opposition aux deux contraintes litigieuses, devant le tribunal des affaires de Sécurité sociale compétent, dans le délai imparti par l'article R. 133-3 du code de la Sécurité Sociale dans sa rédaction applicable à la cause.

Il est constant qu'une contrainte émise par le directeur d'un organisme de Sécurité sociale ne peut être contestée, au travers de l'existence, du montant ou de l'exigibilité de la dette pour laquelle elle a été émise, et dans les délais légaux, que devant le tribunal judiciaire spécialement désigné à cet effet en vertu de l'article L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire, territorialement compétent ; que le juge de l'exécution ne dispose pas d'une telle compétence et n'est pas investi du pouvoir de prononcer la nullité d'une contrainte du fait d'un défaut de notification préalable d'une mise en demeure de payer, ne peut tirer ainsi, comme le rappelle justement le premier juge, aucune conséquence de droit d'un défaut de justification d'une telle notification par l'organisme de Sécurité sociale.

En revanche, le juge de l'exécution a le pouvoir de statuer sur la régularité formelle de la saisie-attribution pratiquée par la CIPAV sur la base de la contrainte que cette dernière a signifiée et qu'elle prétend constituer un titre exécutoire.

Il convient donc de s'assurer ainsi de la régularité formelle de la signification des contraintes litigieuses.

A défaut d'opposition devant la juridiction légalement compétente, ces contraintes emportent tous les effets d'un jugement.

Or, en vertu de l'article 503 du code de procédure civile, les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire. Autrement dit, il est constant qu'une contrainte contre laquelle il n'a pas été fait opposition mais qui n'est pas signifiée régulièrement ne peut donner lieu à une mesure d' exécution forcée.

En vertu de l'article R. 133-3 alinéa 1er du code de la Sécurité sociale, la contrainte est signifiée au débiteur par acte d'huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Au cas d'espèce, il est observé suivant procès-verbaux de signification des 16 février 2016 et 5 décembre 2016, que les significations respectives des contraintes des 9 décembre 2015 et 31 octobre 2016 ont été faites par l'huissier instrumentaire à chaque fois, régulièrement, selon les modalités de l'article 656 du code de procédure civile, par dépôt des actes en l'étude, M. F. se trouvant à ces occasions absent de l'adresse ([...]) qui avait été indiquée par la CIPAV comme constitutive de la dernière adresse de l'intimé connue d'elle.

Il est relevé que l'huissier instrumentaire a, pour chaque signification, précisé avoir adressé la lettre prévue à l'article 658 du code de procédure civile ; que les mentions indiquées sur ces procès-verbaux de signification valent jusqu'à inscription de faux dont il n'a pas été argué ni pour l'un ni pour l'autre.

Si M. F. prétend, en produisant la copie d'un bail d'habitation à effet du 24 avril 2015, qu'il n'habitait plus à l'adresse à laquelle lui ont été signifiées les deux contraintes litigieuses, il n'en demeure pas moins, comme l'a constaté le premier juge lui-même, que par courrier recommandé avec avis de réception du 28 août 2015, donc postérieur, M. F. se domiciliait toujours à l'adresse à laquelle la CIPAV a fait signifier les contraintes, qu'il ne rapporte a fortiori pas la preuve d'avoir avisé l'appelante d'un changement d'adresse en persistant à indiquer cette même adresse pour domicile dans les correspondances des parties.

Dans ces conditions, le jugement dont appel doit être approuvé en ce qu'il a été considéré que les contraintes émises les 9 décembre 2015 et 31 octobre 2016 ont été régulièrement signifiées à M. F. et qu'elles sont définitives, à défaut d'opposition du débiteur dans le délai prévu à cet effet.

Sur la prescription et l'existence d'un titre exécutoire,

Selon l'article L.211-1 du code des procédures civiles d' exécution , une saisie attribution ne peut être pratiquée que par un créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.

Si les parties ne débattent plus de ce point devant la cour, il est constant que le juge de l'exécution est compétent pour statuer sur une fin de non-recevoir tirée de la prescription, pour connaître de la question de la mise en oeuvre de la mesure de saisie dans le délai d' exécution du titre exécutoire.

Il est acquis en droit et selon la jurisprudence antérieure à l'entrée en vigueur de l'article L 244-9 du code de la Sécurité sociale dans sa rédaction issue de loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016, que l'exécution d'une contrainte qui ne constitue pas l'un des titres mentionnés au 1° à 3° de l'article L 111-3 du code des procédures civiles d'exécution est soumise, eu égard à la nature de la créance, à la prescription de trois ans prévue par l'article L 244-3 du code de la Sécurité sociale.

Dans sa version applicable au jour des deux contraintes litigieuses, l'article L. 244-9 du code de la Sécurité sociale disposait que : 'La contrainte décernée par le directeur d'un organisme de sécurité sociale pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard comporte, à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal de grande instance spécialement désigné en application de l'article L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire, dans les délais et selon des conditions fixés par décret, tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire.'

La loi n°2016-1827 du 23 décembre 2016 a ajouté que 'le délai de prescription de l'action en exécution de la contrainte non contestée et devenue définitive est de trois ans à compter de la date à laquelle la contrainte a été notifiée ou signifiée, ou un acte d' exécution signifié en application de cette contrainte'.

Conformément à l'article 24 IV 1° de cette même loi, ces dernières dispositions relatives à la prescription s'appliquent aux cotisations et contributions sociales au titre desquelles une mise en demeure a été notifiée à compter du 1er janvier 2017.

En l'espèce, la CIPAV a fait signifier les deux contraintes en cause, décernées à M. Loïc F., respectivement les 16 février 2016 et 5 décembre 2016, lesquelles l'ont été par l'huissier à l'étude en application de l'article 656 du code de procédure civile, et n'ont pas fait l'objet de recours.

L'article L. 244-9 du code de la Sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi du 23 décembre 2016 ne s'applique donc pas aussi bien pour la contrainte émise le 9 décembre 2015 que pour celle décernée le 31 octobre 2016, s'agissant de la computation du délai de prescription.

Toutefois, comme l'invoque à tort la CIPAV, le délai de prescription de la créance de l'organisme social prévu par l'article L. 244-3 du code de la Sécurité sociale (soit trois ans de cotisations plus celles de l'année de mise en demeure), ne doit pas être confondu avec le délai de prescription de trois ans de l'action en exécution du titre exécutoire que constitue la contrainte, lequel court à compter de la date de signification de cette décision, à défaut de disposition prévoyant un point de départ différent.

Or, il est constaté que la saisie attribution pratiquée par la CIPAV est intervenue suivant procès-verbal de saisie du 11 juin 2019, soit plus de trois années après la signification de la contrainte du 9 décembre 2015, sans que la CIPAV ne puisse se prévaloir d'un acte interruptif de prescription. En conséquence, l'action en exécution de la contrainte décernée le 9 décembre 2015 se trouvait prescrite, comme les cotisations et majorations de l'année 2014 objets de la créance. Ainsi, la contrainte émise le 9 décembre 2015 ne pouvait pas constituer un titre exécutoire constatant une créance certaine, liquide et exigible.

De son côté, sa signification étant intervenue moins de trois ans avant que la CIPAV ne fasse procéder à la délivrance du procès-verbal de saisie attribution du 11 juin 2019, l'action au fin de l'exécuter n'étant pas prescrite, la contrainte émise le 31 octobre 2016 constitue un titre exécutoire constatant une créance certaine, liquide et exigible, au titre des cotisations et majorations de l'année 2015, sur la base duquel l'appelante pouvait pratiquer une saisie attribution.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'à son terme, il en a été ainsi jugé.

Sur la discussion du bien fondé des contraintes

M. Loïc F. excipe du caractère infondé des poursuites en se prévalant de ce que son statut ne permettait pas à la CIPAV de prélever des cotisations à son encontre.

Cependant, ainsi qu'il a été rappelé, le juge de l' exécution est compétent en application de l'article L 213-6 du code de l'organisation judiciaire, pour connaître de toutes difficultés d' exécution qui s'élèvent à l'occasion de l' exécution forcée d'un titre exécutoire. Or, une contrainte définitive constitue un titre exécutoire en vertu des articles L. 111-3 du code des procédures civiles d' exécution et L. 244-9 du code de la Sécurité sociale. Il n'a donc pas le pouvoir de trancher les contestations portant sur le bien-fondé d'une contrainte décernée par un organisme de sécurité sociale, en ce compris la question de l'affiliation de par son statut professionnel du débiteur aux régimes gérés par l'organisme de sécurité sociale ou encore celle de l'assiette des cotisations.

Sur le cantonnement des effets de la saisie attribution

M. Loïc F. soutient que la prescription de l'action en exécution de la contrainte du 9 décembre 2015 doit emporter la nullité de la saisie attribution pratiquée le 11 juin 2019 et que la mainlevée de cette mesure doit en conséquence en son intégralité être ordonnée.

Toutefois, en vertu de l'article R. 211-12 du code des procédures civiles d' exécution , le juge de l' exécution donne effet à la saisie pour la fraction non contestée de la dette.

Il n'est pas contestable, comme l'a jugé à bon droit le premier juge, que si la saisie ne peut emporter attribution et paiement des sommes réclamées au titre de la contrainte décernée le 9 décembre 2015, pour un principal de 857,57 euros correspondant au montant des cotisations et majorations de 2014 y étant visées, en revanche, cette saisie continue à produire ses effets relatifs à la contrainte rendue le 31 octobre 2016. Ainsi, la mainlevée intégrale de la saisie attribution litigieuse ne saurait être ordonnée mais ses effets doivent être cantonnés aux sommes dues en vertu de cette dernière contrainte.

Au vu des sommes détaillées sur le décompte de l'huissier figurant au procès-verbal de saisie du 11 juin 2019, il y a lieu de confirmer le jugement dont appel, en ce qu'il a, à juste titre, retenu que le cantonnement des effets de la saisie attribution devait s'opérer à hauteur de la somme de 1.227,56 euros correspondant à la somme du montant en principal de la créance de cotisations et de majorations pour l'année 2015 (1.037 euros + 76,73 euros) et du montant des frais de procédure et droit de recouvrement (41,69 euros + 72,14 euros) concernant la contrainte du 31 octobre 2016.

Sur la demande en paiement de dommages-intérêts formée par M. F.

Au vu des considérations précédentes, comme l'a jugé à bon droit le premier juge, M. F. ne peut valablement se prévaloir d'un caractère injustifié de la saisie attribution mise en oeuvre par la CIPAV sur le fondement d'une contrainte valant titre exécutoire pour recouvrer une créance certaine, liquide et exigible, laquelle ne peut s'analyser en une procédure abusive.

L'intimé sera débouté ainsi de sa demande de dommages et intérêts qu'il a maintenue à titre incident devant la cour.

Sur les frais et dépens

Les dispositions du jugement entrepris relatives à la charge des dépens, des frais irrépétibles, des frais d'exécution , du coût du certificat de non-contestation rédigé par l'huissier, de signification au tiers saisi de ce certificat et de mainlevée de quittance au tiers saisi seront confirmées.

Succombant respectivement en leur appel principal et en leur appel incident, les parties conserveront chacune la charge de leurs frais irrépétibles et de leurs dépens en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

- Rejette les demandes formées tant par la CIPAV que par M. F. au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel.