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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. civ., 29 janvier 2020, n° 17/03235

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sodiferbat (SAS)

Défendeur :

Azur Interim Azur Interim (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chelle

Conseillers :

Mme Fabry, M. Pitti

T. com. Bordeaux, du 9 mai 2017, n° 2016…

9 mai 2017

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Au mois d'octobre 2015, la SAS SODIFERBAT, entreprise de bâtiment, a sollicité la SARL AZUR INTÉRIM, agence de travail temporaire, pour recruter un salarié en intérim dans le cadre d'un chantier situé à BOULIAC.

La société AZUR INTÉRIM a mis Monsieur Jean-Michel M., salarié intérimaire, à la disposition de la société SODIFERBAT par contrat de mise à disposition en date du 30 octobre 2015 pour une pose de bardages. La durée du contrat a été fixée du 2 novembre 2015 au 18 décembre 2015 inclus.

Le même jour, Monsieur Jean-Michel M. a signé, quant à lui, un contrat de mission temporaire conforme au contrat de mise à disposition avec la société SODIFERBAT.

Monsieur M. a effectivement travaillé sur le chantier de BOULIAC pour la société SODIFERBAT à partir du 2 novembre 2015 comme prévu par le contrat liant les parties.

Le 6 novembre 2015, Monsieur Jean-Michel M. a changé d'employeur, son nouvel employeur étant désormais la société MANPOWER. M. M. a, malgré ce changement d'employeur, continué sa mission sur le chantier de BOULIAC pour la société SODIFERBAT.

Le 13 novembre 2015, la société SODIFERBAT a reçu un courrier en date du 12 novembre 2015 avec accusé réception de la société AZUR INTÉRIM lui facturant la mise à disposition de Monsieur M. jusqu'au terme prévu par le contrat du 30 octobre 2015, soit le 18 décembre 2015, soutenant que le contrat aurait été résilié unilatéralement par la SAS SODIFERBAT.

Par courrier électronique en réponse du même jour, la SAS SODIFERBAT a indiqué qu'elle avait interrompu le contrat du 30 octobre 2015 par erreur et a confirmé la poursuite du contrat de mise à disposition dudit contrat.

Par exploit d'huissier de justice délivré le 19 juillet 2016, la société AZUR INTÉRIM a fait assigner la SAS SODIFERBAT devant le tribunal de commerce de Bordeaux pour solliciter la condamnation de cette dernière au paiement de diverses sommes pour un montant en principal de 7.168,57 €, outre les intérêts, en raison d'une résiliation fautive du contrat de mise à disposition signé le 30 octobre 2015, outre la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 9 mai 2017, le tribunal de commerce de BORDEAUX a condamné la société SODIFERBAT à payer à la société AZUR INTÉRIM les sommes suivantes :

- 5.905,79€ correspondant à la facturation de la totalité de la mission de Monsieur M. à titre d'indemnisation pour rupture anticipée et fautive du contrat de mise à disposition, augmentée des intérêts à un taux de 10,5 % à compter du 31 mars 2016,

- 200 € à titre d'indemnité forfaitaire,

- 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La SAS SODIFERBAT a interjeté appel de ce jugement le 29 mai 2017.

Par conclusions récapitulatives n°3 signifiées le 27 mars 2018, la SAS SODIFERBAT demande à la cour d'appel d'infirmer le jugement entrepris et de

- débouter la société AZUR INTÉRIM de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.

- condamner la société AZUR INTERIM à lui verser la somme de 3.600 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La SAS SODIFERBAT expose qu'elle ne serait nullement à l'origine du transfert de M.M. à l'agence MANPOWER. En tout état de cause, elle soutient que le contrat conclu entre les parties ne pouvait plus être exécuté puisque M. Jean-Michel M. ne faisait plus partie de l'effectif de la société AZUR INTÉRIM.

Elle ajoute qu'elle n'avait pas résilié le contrat la liant avec la SARL AZUR INTERIM et que cette dernière ne démontrerait pas qu'elle a rompu de manière anticipée le contrat de mise à disposition du 30 octobre 2015.

Par conclusions n°2 notifiées le 19 mars 2018, la SARL AZUR INTERIM demande à la cour d'appel de confirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS SODIFERBAT à lui payer les sommes de -5.905,79 € correspondant à la facturation de la totalité de la mission de Monsieur M. à titre d'indemnisation pour rupture anticipée et fautive du contrat de mise à disposition, augmentée des intérêts de 10,5 % à compter du 31 mars 2016, 200 € à titre d'indemnité forfaitaire et 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La SARL AZUR INTERIM demande l'infirmation de ce jugement pour le surplus et demande à la cour d'appel de :

- condamner la SAS SODIFERBAT à lui payer une somme de 2.334,38 € en réparation de la perte de marge subie, avec intérêts de droit à compter du 19 juillet 2016, et avec capitalisation des intérêts dus par année entière en application de l'article 1343-2 du code civil.

- débouter la SAS SODIFERBAT de l'intégralité de ses prétentions et conclusions.

- condamner la SAS SODIFERBAT à lui payer en cause d'appel une somme supplémentaire de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'appel,

- condamner la SAS SODIFERBAT aux éventuels frais d' exécution de la décision à intervenir, et aux droits à la charge du créancier retenus par l'huissier instrumentaire en application de l'article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 dans sa rédaction en vigueur issue du décret n° 2001-21 du 8 mars 2001.

La SARL AZUR INTERIM expose que la SAS SODIFERBAT aurait résilié de manière anticipée et fautive le contrat litigieux qui liait les parties. Elle fait valoir que la SAS SODIFERBAT serait à l'origine de la mise la mise à disposition de Monsieur M. par l'intermédiaire de la société MANPOWER dès le lundi 9 novembre 2015 et non par son intermédiaire et que cette nouvelle mise à disposition, par un autre employeur, aurait nécessairement été précédée d'une négociation commerciale et d'une signature de contrats entre les sociétés SODIFERBAT et MANPOWER.

S'agissant de son préjudice, elle affirme qu'elle aurait subi non seulement un préjudice financier en raison de l'absence de paiement de la facture de la mission pour la période totale du contrat et des frais d' exécution mais également un préjudice de perte de marge évaluée par l'expert à la somme de 2.334,38 euros.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 novembre 2019.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 11 décembre 2019 et mise en délibéré ce jour.

SUR CE,

Aux termes de l'article 1134 du code civil selon la version applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties et le juge du fond interprète chaque clause du contrat en respectant l'économie générale de l'acte tout entier.

En l'espèce, il est établi que la société AZUR INTÉRIM a mis Monsieur Jean-Michel M., salarié intérimaire, à la disposition de la société SODIFERBAT par contrat de mise à disposition en date du 30 octobre 2015 pour une pose de bardages. La durée du contrat a été fixée du 2 novembre 2015 au 18 décembre 2015 inclus. La durée hebdomadaire prévue par le contrat était de 35 heures avec un taux horaire HT de 23,44 euros et une indemnité de repas journalière de 6,20 euros. Le contrat signé par les deux parties précise que l'entreprise utilisatrice déclare avoir pris connaissance des conditions générales de prestations figurant au verso du contrat qui font partie intégrante du contrat. Dans les conditions générales de prestation, il est notamment prévu à l'article 1 paragraphe d) '

Date de début et de fin de mission' : 'le non-respect de l'engagement de la durée prévue au contrat de prestation donne lieu à facturation normale jusqu'au terme du contrat initialement prévu.'

En application du contrat liant les deux parties, la SARL AZUR INTERIM a établi une facture du 12 novembre 2015, adressée le même jour à la soiécté utilisatrice, pour la durée prévue du contrat liant les parties du 2 novembre au 18 décembre 2015 pour un montant total de 5.905,79 euros. Il est constant que la SAS SODIFERBAT ne s'est pas acquittée de cette facture et ce malgré le courrier électronique en date du 13 novembre 2015 de Monsieur Julien J., conducteur de travaux de la SAS SODIFERBAT, indiquant que le contrat de mise à disposition signé entre les parties continuait à prendre ses effets. Nonobstant ce courrier électronique, il ressort des pièces produites aux débats, en particulier des deux attestations produites aux débats par la SARL AZUR INTERIM et rédigées par M. Jean-Michel M., qui n'est d'ailleurs plus salarié de cette société, que le changement d'employeur de ce dernier, de la SARL AZUR INTERIM à la SARL MANPOWER, a été à l'initiative de la SAS SODIFERBAT. Si la SAS SODIFERBAT entend contester les attestations rédigées par M. M. par des attestations rédigées par Monsieur Roland G., chef de chantier, il convient de considérer que les attestations de ce dernier n'ont guère de valeur probante au regard du lien de subordination existant entre Monsieur G. et son employeur la SAS SODIFERBAT. En tout état de cause, cette dernière ne donne aucune explication, ni devant les premiers juges ni au stade d'appel, sur la raison pour laquelle elle n'a finalement pas continué le contrat, et payé la facture établie par la SARL AZUR INTERIM, comme elle l'avait faussement indiqué dans son courrier électronique du 13 novembre 2015.

Dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que la SAS SODIFERBAT a résilié de fait de manière fautive et anticipée le contrat de mise à disposition du 30 octobre 2015 et en ce qu'il l'a condamnée, en application des stipulations de l'article 1 paragraphe d) susvisées du contrat de mise à disposition, à la somme de 5.905,79 euros au titre de la facture impayée du 12 novembre 2015 augmentée du taux contractuel majoré de 10,5% à compter de la mise en demeure.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné la partie appelante à l'indemnité forfaitaire de 40 euros par facture, soit 200 euros pour les 5 factures établies par la SARL AZUR INTERIM, indemnité forfaitaire prévue par l'article 3 des conditions générales du contrat de mise à disposition liant les deux parties.

La SARL AZUR INTERIM demande également une indemnisation en raison de la perte de marge subie à la suite de la rupture du contrat de M. M. pour la période du 19 décembre 2015 au 25 décembre 2015 ainsi que de la période du 4 janvier 2016 au 29 avril 2016. Au soutien de ses prétentions, elle produit aux débats des attestations de Monsieur Bruno B., expert-comptable de la SARL AZUR INTERIM, aux termes desquelles le perte de marge de la société en raison de la rupture du contrrat de M. M. serait de 1.062,78 euros pour la période du 19 décembre 2015 au 29 avril 2016 et de 1.271,60 euros pour la période du 1er mai au 30 septembre 2016. Toutefois, la perte de marge revendiquée par la SARL AZUR INTERIM doit être considérée comme un préjudice hypothétique et non certain puisqu'il concerne une période postérieure au contrat de mise à disposition de M. M. et que ce dernier aurait pu librement changer d'employeur. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal de commerce de Bordeaux a rejeté cette demande de la SARL AZUR INTERIM.

Il résulte de ce qui précède que le jugement entrepris sera intégrélament confirmé.

La SARL AZUR INTERIM demande la condamnation de la SAS SODIFERBAT aux dépens mais croit pouvoir ajouter la condamnation de cette dernière 'aux éventuel frais d' exécution de la décision à intervenir et aux droits à la charge du créancier retenus par l'huissier instrumentaire en application de l'article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 dans sa rédaction en vigueur issue du décret n°2001-21 du 8 mars 2001".

Or, en l'état, les frais d' exécution pour recouvrer la créance sont purement hypothétiques, rien ne laissant ici présumer une volonté de résistance de son adversaire nécessitant la mise en œuvre d'une procédure d' exécution forcée. Cette demande est au surplus superfétatoire, puisque la loi, notamment par les dispositions de l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d' exécution , met déjà par principe les frais d'une exécution forcée nécessaire à la charge du débiteur, sous le contrôle du juge de l' exécution .

Dans ces conditions, si la SAS SODIFERBAT, partie succombante devant la présente instance, supportera la charge des dépens, y compris ceux de première instance, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, les demandes de la SARL AZUR INTERIM relatives aux éventuels frais d' exécution étant quant à elles rejetées.

Enfin, au regard des circonstances de l'espèce, il serait inéquitable de laisser à la charge de la SARL AZUR INTERIM la totalité des frais qu'elle a dû engager dans le cadre de la présente instance. Dès lors, la SAS SODIFERBAT sera condamnée à lui verser la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris;

Y ajoutant :

Rejette les demandes de la SARL AZUR INTERIM tendant à la condadamnation de la SAS SODIFERBAT à d'éventuels frais d' exécution du présent arrêt;

Condamne la SAS SODIFERBAT à verser à la SARL AZUR INTERIM la somme de 2.000 euros (deux mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SAS SODIFERBAT aux dépens.