CA Angers, ch. com. A, 30 décembre 2019, n° 18/02383
ANGERS
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Van Gampelaere
Conseillers :
Mme Robveille, Mme Portmann
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte d'huissier du 10 novembre 2017, a été régularisé un procès-verbal de saisie-attribution de créances relativement à des contraintes impayées, sur le compte de dépôt (n° [...]) détenu par M. Michel B., débiteur, auprès de la société CIC Banque CIO-BRO, agence du Mans.
La dénonciation de cette saisie-attribution a été signifiée à M. B. par acte du 15 novembre 2017.
Par acte d'huissier du 12 décembre 2017, M. B. a fait assigner la Caisse du RSI des Pays de la Loire et l'URSSAF devant le juge de l' exécution du tribunal de grande instance du Mans aux fins de :
au principal,
- dire que les actes régularisés à la requête de la caisse RSI et l'URSSAF sont nuls et nul effet en application des dispositions de l'article 648 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire,
- à défaut pour la caisse RSI et l'URSSAF de rapporter la preuve qu'elle a qualité pour agir pour recouvrer les prétendues créances découlant de contraintes rendues par les directeurs d'organismes, dire que la procédure régularisée par ladite entité est nulle et de nul effet,
à titre infiniment subsidiaire,
- dire que la procédure de saisie-vente régularisée par la caisse RSI et l'URSSAF ne saurait prospérer pour défaut d'exigibilité de sa créance,
- ordonner la mainlevée de la saisie-attribution litigieuse,
en tout état de cause,
- condamner la partie demanderesse à lui régler une indemnité de 2.400 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'URSSAF s'est substituée au RSI des Pays de la Loire.
Par jugement du 12 novembre 2018, le juge de l' exécution du tribunal de grande instance du Mans a :
- déclaré les demandes de M. B. irrecevables,
- condamné M. B. aux dépens,
- débouté l'URSSAF de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour juger M. B. irrecevable en ses demandes, le premier juge a constaté que le demandeur ne justifiait pas avoir observé les modalités et délais de recours, à l'encontre de la saisie-attribution litigieuse, impartis par l'article R.211-1 du code des procédures civiles d' exécution , qu'il ne prouvait pas avoir envoyé par voie recommandée la lettre de dénonciation de son recours, dont il se prévalait d'une copie. Il a relevé qu'il ne produisait pas davantage avant la clôture des débats, l'accusé de réception de cette lettre par l'huissier instrumentaire, en dépit du fait que l'URSSAF avait soulevé l'irrecevabilité de sa demande.
Par déclaration reçue au greffe le 27 novembre 2018, M. B. a interjeté appel de cette décision, en ce que le juge de l' exécution du tribunal de grande instance d'Angers a déclaré ses demandes irrecevables et l'a condamné aux dépens, intimant l'URSSAF.
M. B. et l'URSSAF ont conclu.
Une ordonnance du 06 mai 2019 a clôturé l'instruction de l'affaire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :
- le 26 décembre 2018 pour M. B.,
- le 15 janvier 2019 pour l'URSSAF,
qui peuvent se résumer comme suit.
M. B. demande à la cour de :
- le recevoir en son appel ; l'y déclarant fondé et y faisant droit,
- infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau,
- le dire parfaitement recevable en son action,
- dire que les actes régularisés à la requête de la caisse RSI et l'URSSAF sont nuls et de nul effet en application des dispositions de l'article 648 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire,
- à défaut pour la caisse RSI et l'URSSAF de rapporter la preuve qu'elle a qualité pour agir pour recouvrer des prétendues créances découlant de contraintes rendues par les directeurs d'organismes,
- dire que la procédure régularisée par ladite entité est nulle et de nul effet,
en tout état de cause,
- ordonner la mainlevée de la saisie-attribution litigieuse,
faisant application des dispositions de l'article 650 du code de procédure civile,
- dire que ces actes doivent être qualifiés d'inutiles et qu'en conséquence, leurs coûts et les frais générés devront être laissés à la charge de l'huissier qui les a faits,
- déclarer l'intimée irrecevable, en tout cas mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions ; l'en débouter,
- condamner l'intimée à lui régler une indemnité de 3.600 € en application de l'article 700 du code de procédure civile a titre des frais irrépétibles d'appel,
- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel et accorder à son conseil le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.
M. B. indique justifier avoir dénoncé sa contestation de la saisie-attribution à l'huissier instrumentaire par pli recommandé avec avis de réception et avoir adressé au tiers-saisi l'information de son recours.
Il invoque la nullité des actes d' exécution régularisés à son encontre.
D'abord, il prétend que la mention prescrite à peine de nullité par l'article 648 du code civil relative à la désignation du requérant n'a pas été respectée, ce qui lui causerait un grief puisqu'il ne se trouverait ainsi pas en mesure de vérifier avec précision les entités qui lui réclament des sommes et à quel titre. Il affirme que la mention litigieuse apposée par l'huissier instrumentaire n'est en outre pas conforme au statut légal et administratif du RSI et de l'URSSAF.
Puis, il excipe du défaut de qualité à agir de l'entité dénommée 'la caisse RSI et l'URSSAF', soutenant qu'en vertu d'un arrêté ministériel du 15 septembre 2011, seule l'URSSAF des Pays de la Loire a qualité pour régulariser des procédures de recouvrement et d' exécution à l'encontre de redevables de cotisations relevant de l'URSSAF de la Sarthe.
Il prétend que les actes d' exécution litigieux étaient inutiles dès lors que son compte objet de la saisie-attribution est débiteur, et considère que leurs coûts et les frais bancaires générés doivent être supportés par l'huissier instrumentaire.
M. B. explique la genèse de ses difficultés de paiement de ses cotisations sociales. Il indique se trouver dans une situation précaire corrélative à d'importants problèmes de santé au titre desquels il s'est vu reconnaître un statut d'invalide de catégorie 2.
L'URSSAF, prise en la personne de son représentant légal, indiquant venir aux droits de la caisse RSI conformément à l'article 15 de la loi n°2017-1836 du 30 décembre 2017, sollicite de la cour qu'elle :
- déboute M. B. de son appel,
- confirme la décision du juge de l' exécution du 12 novembre 2018,
- valide la saisie-attribution régularisée le 10 novembre 2017 en vertu de contraintes définitives et exécutoires,
- déboute M. B. de sa demande d'article 700 du code de procédure civile,
- déboute M. B. de toutes ses demandes comme injustes et infondées en droit,
- condamne M. B. au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne M. B. aux entiers dépens.
Indiquant venir aux droits de la caisse RSI et se prévalant de contraintes non frappées d'oppositions, l'URSSAF prétend détenir des titres définitifs et exécutoires à l'égard de M. B., et ainsi une créance liquide et exigible, permettant de fonder les mesures d' exécution régularisées en vue du recouvrement de cette créance.
Elle estime que l'appelant qui invoque une nullité de forme des actes d' exécution , liée à une prétendue irrégularité de la mention concernant l'identité des créanciers, ne justifie d'aucun grief en résultant au sens de l'article 114 du code de procédure civile.
Elle soutient qu'au contraire la saisie-attribution a légalement pu être régularisée au nom d'elle-même et de la caisse RSI et que l'acte d'exécution doit produire son plein et entier effet. Elle précise que depuis le 11 mai 2017, en application de l'article 16 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 et des décrets n° 2017-864 et n° 2017-876 du 09 mai 2017, le recouvrement des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants relève de la compétence conjointe d'elle-même et des caisses RSI, y compris pour les dossiers en cours.
Elle fait valoir que la Cour de cassation admet que si l'organe représentant légalement la personne morale doit être désigné, la mention du nom de la personne physique qui exerce les pouvoirs de représentant n'est pas exigée.
Elle note en tout état de cause que l'acte indique de manière précise les modalités et délais de recours.
Elle estime qu'il s'infère de l'article L. 111-7 du code des procédures civiles d' exécution , un principe de libre choix par le créancier de la voie d' exécution qui lui semble la plus appropriée. Elle affirme que la procédure de saisie-attribution a été, en l'espèce, privilégiée pour être la moins coûteuse et la plus efficace des voies d' exécution . Elle rappelle que selon l'article L. 111-8 du même code , les frais de l' exécution forcée sont à la charge du débiteur.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I. Sur la recevabilité de la contestation de la saisie-attribution de M. B.
Selon l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d' exécution ' A peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers par lettre simple et en remet une copie, à peine de caducité de l'assignation, au greffe du juge de l' exécution au plus tard le jour de l'audience.''
Pour déclarer M. B. irrecevable en sa contestation, le premier juge lui a reproché de ne pas avoir produit aux débats la preuve de l'envoi par lettre recommandée avec demande d'avis de réception de son courrier de dénonciation à l'huissier instrumentaire et de ne pas avoir davantage produit l'accusé de réception de cette lettre par l'huissier instrumentaire.
L'intimée conclut à la confirmation du jugement sur ce point.
Cependant M. B. produit aux débats en pièces N° 4 et 6 :
- la copie de la lettre du 12 décembre 2017 aux termes de laquelle Maître F., huissier de justice ayant délivré l'assignation saisissant le juge de l' exécution , déclare transmettre copie de cet acte à Maître M. huissier de justice ayant procédé à la saisie attribution du 10 novembre 2017,
- l'avis de réception de cette lettre, le 13 décembre 2017, par la SCP M..
Il justifie ainsi du respect des formalités exigées par l'article R 211-11 du code des procédures civiles d' exécution de sorte que, au vu des pièces produites en appel, il convient d'infirmer le jugement entrepris qui l'a, sur ce fondement, déclaré irrecevable en ses prétentions.
II. Sur la demande de nullité des actes de poursuites
M. B. fonde sa demande en nullité sur les dispositions de l'article 648 du code de procédure civile aux termes duquel tout acte d'huissier de justice doit, à peine de nullité, indiquer, si le requérant est une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement.
Le procès-verbal de saisie-attribution signifié le 10 novembre 2017 ainsi que sa dénonciation délivrée le 15 novembre 2017, mentionnent qu'ils sont délivrés à la demande de 'La Caisse RSI et l'URSSAF, prise en la personne de leurs directeurs en exercice, et élisant domicile [...]'.
M. B. soutient que cette mention ne répond pas aux exigences de l'article 648 du code de procédure civile ce qui lui a causé un grief puisqu'elle ne l'a pas mis en mesure de vérifier avec précision les entités qui lui réclamaient les sommes visées dans les actes litigieux et à quel titre.
Il ajoute que la mention litigieuse n'est pas conforme au statut légal administratif du RSI et de L'URSSAF, la loi 2016-1827 du 23 décembre 2016 ne permettant pas aux entités poursuivantes de prétendre à la régularité de la procédure.
Cependant, il n'existe, en l'espèce, aucun doute sur la personne du créancier poursuivant, les contraintes litigieuses ayant été décernées par la caisse nationale RSI chargée à leurs dates du recouvrement des cotisations et contributions de sociales dues par les travailleurs indépendants, et l'identité du requérant à la saisie, telle que mentionnée dans les actes de recouvrement est conforme aux dispositions légales et réglementaires applicables à la cause (article 16 de la loi du 23 décembre 2016 et décret du 9 mai 2017) aux termes desquelles le recouvrement amiable et contentieux des cotisations et contributions sociales dues par les travailleurs indépendants était, au jour des actes de saisie, assuré conjointement par les caisses de RSI et les URSSAF.
Aucune nullité n'est donc encourue à raison de la désignation de l'identité des requérants dans les actes de saisie.
III. Sur la fin de non recevoir tirée d'un défaut de qualité pour agir de la RSI et de l'URSSAF
Au soutien de cette fin de non recevoir, l'appelant fait valoir que seule l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales des Pays de Loire aurait eu qualité pour régulariser des procédures de recouvrement à l'encontre des redevables de cotisations relevant de l'Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociales de la Sarthe.
Il invoque ainsi le bénéfice d'un arrêté ministériel du 15 septembre 2011.
Cependant, dès lors qu'à la date de la saisie litigieuse, l'URSSAF et La Caisse RSI avait qualité conjointe pour poursuivre le recouvrement des cotisations, les actes ont pu être délivrés à en leurs deux noms avec élection de domicile au siège de l'agence de la RSI ;
La fin de non recevoir soulevée par M. B. sera écartée.
IV. Sur la demande de mainlevée de la saisie et le sort des frais de recouvrement
M. B. a été débouté de son exception de nullité et de sa fin de non recevoir tirée du défaut de qualité pour agir.
L'intimée produit les contraintes dont elle poursuit le recouvrement dont il n'est pas contesté qu'elles sont devenues définitives faute d'opposition.
Pour conclure à l'inutilité des frais engagés, l'appelant fait valoir que la saisie était inutile puisqu'elle portait sur un compte bancaire débiteur.
Cependant, ce n'est qu'après délivrance de l'acte de saisie que l'huissier a pu apprendre du tiers saisi que le compte était débiteur et en l'absence de paiement spontané des cotisations restant dues, il était loisible au créancier, sans abus de son droit, de mettre en oeuvre une procédure de recouvrement forcé.
M. B. sera débouté de sa demande de mainlevée de la saisie et de sa demande tendant à voir laisser les frais de saisie à la charge de l'huissier instrumentaire, étant observé que s'il apporte des précisions sur sa situation matérielle il ne forme pas pour autant de demande de délais de paiement.
V. Sur les dépens et les frais non répétibles
M. B. qui succombe en ses prétentions supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser aux parties la charge de leurs frais non répétibles de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant ;
DÉCLARE M. Michel B. recevable en sa contestation ;
DÉBOUTE M. Michel B. de l'ensemble de ses demandes et prétentions en ce compris sa demande de mainlevée de la saisie litigieuse ;
VALIDE en conséquence la saisie attribution litigieuse,
CONDAMNE M. Michel B. aux dépens de première instance et d'appel,
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.