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Décisions

Cass. com., 19 avril 2023, n° 21-20.655

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Fontaine

Avocats :

SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, Me Bertrand

Paris, du 3 juin 2021

3 juin 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 juin 2021), le 10 mai 2013, la SCI du [Adresse 3] (la SCI) a consenti un bail commercial à la société Feel Good Coffee.

2. Un jugement du 27 août 2020 a prononcé la résolution du plan de redressement de la société Feel Good Coffee et mis cette dernière en liquidation judiciaire, la société MJC2A étant désignée en qualité de liquidateur.

3. Le 5 octobre 2020, la SCI a délivré au liquidateur un commandement de payer les loyers postérieurs au jugement d'ouverture, puis demandé, par une requête du 3 novembre 2020, la résiliation du bail.

4. Le 6 octobre 2020, le liquidateur a saisi le juge-commissaire afin que soit autorisée la cession de gré à gré du fonds de commerce de la société débitrice, en ce compris le bail commercial, en application de l'article L. 642-19 du code de commerce.

5. Par une ordonnance du 17 décembre 2020, le juge-commissaire a, en dépit de l'opposition de la SCI, autorisé la cession du fonds de commerce de la société débitrice au profit de la société SLR Sushi.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La SCI fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande de résiliation du bail et d'ordonner la cession de gré à gré du fonds de commerce de la société Feel Good Coffee au profit de la société SLR Sushi, alors que « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut relever d'office un moyen sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce point ; qu'en relevant d'office le moyen selon lequel "la demande du bailleur de résiliation du bail est une demande nouvelle et il y a lieu de relever d'office son irrecevabilité en application de l'article 564 du code de procédure civile" sans inviter, au préalable, la SCI du [Adresse 3] à présenter ses observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

7. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

8. Pour déclarer irrecevable la demande de la SCI tendant à voir constater la résiliation du bail, l'arrêt retient que cette demande est nouvelle et qu'il y a lieu de relever d'office son irrecevabilité en application de l'article 564 du code de procédure civile.

9. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. La SCI fait grief à l'arrêt d'ordonner la cession de gré à gré du fonds de commerce précédemment exploité par la société Feel Good Coffee au profit de la société SLR Sushi, alors « qu'en application de l'article L. 642-19 du code de commerce, en cas de liquidation judiciaire le juge-commissaire autorise, aux prix et conditions qu'il détermine, la vente de gré à gré des autres biens du débiteur ; que la cession du droit au bail se fait aux conditions prévues par le contrat de bail ; qu'en l'espèce, la société SCI du [Adresse 3] faisait valoir que, même en cas de liquidation judiciaire, le respect des conditions et clauses prévues au bail commercial s'imposaient au juge-commissaire dans le cadre d'une cession du fonds de commerce et en conséquence qu'une cession de fonds de commerce et de bail commercial ne pouvait être autorisée par le juge commissaire sans l'agrément du bailleur dès lors que celui-ci était exigé par les clauses du bail ; qu'en retenant, pour confirmer l'ordonnance autorisant la cession du fonds de commerce, que l'article 6.1.8 du contrat imposant l'agrément du bailleur pour toute cession du bail ne s'appliquait pas en cas de cession de fonds de commerce, la cour d'appel a violé l'article L. 642-19 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, aujourd'hui article 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et les articles L. 145-16, dans sa rédaction antérieure à la loi du 14 mai 2022, L. 641-12 et L. 642-19 du code de commerce :

11. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'en cas de liquidation judiciaire, la cession du droit au bail, seule ou même incluse dans celle du fonds de commerce, autorisée par le juge-commissaire, se fait aux conditions prévues par le contrat à la date du jugement d'ouverture, à l'exception de la clause imposant au cédant des obligations solidaires avec le cessionnaire. En conséquence, le bailleur est fondé à se prévaloir de la clause du bail prévoyant l'agrément du cessionnaire par le bailleur.

12. Pour rejeter la contestation de la SCI, qui s'opposait à la cession du fonds incluant le droit au bail en soutenant qu'il résultait de l'article 6.1.8 du bail que la cession était subordonnée à son agrément, l'arrêt retient que cette clause ne s'applique qu'en cas de cession du bail et non du fonds de commerce, comme c'est le cas en l'espèce.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.