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Décisions

Cass. 2e civ., 14 juin 2006, n° 02-17.868

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

M. Grignon Dumoulin

Avocat général :

M. Benmakhlouf

Avocats :

Me Spinosi, SCP Le Bret-Desaché

Rennes, du 14 mai 2002

14 mai 2002

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Louis X... a souscrit le 31 décembre 1988 quatre contrats de capitalisation auprès de la société Suravenir, par l'intermédiaire de la caisse de crédit mutuel de Bretagne (la banque), ayant donné lieu chacun à l'émission de titres au porteur ; qu'après son décès, sa fille, Mme Jocelyne X..., a fait opposition au paiement des titres par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée à la banque le 10 novembre 1994 ; que le 18 décembre 1996, M. Y..., qui s'était vu remettre les bons par le fils de Louis X..., M. Philippe X..., s'est déclaré auprès de la société Suravenir et s'est vu opposer un refus de paiement ; que, par courrier du 14 janvier 1997, la société Suravenir a adressé au notaire chargé de la succession de Louis X... une attestation justifiant de l'absence de présentation des titres au porteurs dans les deux années de la demande d'opposition ; que, le 12 février 1997, les enfants de Louis X..., Jocelyne, Dominique, Paul, représenté par Mme Z..., syndic à la liquidation des biens de ce dernier (les consorts X...), ont assigné M. Y..., M. Philippe X..., Mme Maria et M. Pierre, Louis X... devant le tribunal de grande instance aux fins de faire juger que l'opposition du 10 novembre 1994 n'avait pas été contestée dans le délai de deux ans prévu par l'article R. 160-6 du Code des assurances, que les titres étaient la propriété de la succession et qu'ils devaient être remis au notaire chargé de la succession ; que, le 27 mars 1998, à la suite d'une transaction, M. Y... a restitué les bons à M. Philippe X... ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que M. Philippe X... fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré valable l'opposition adressée au gérant de la banque, alors, selon le moyen, que quiconque prétend avoir été dépossédé d'un contrat ou police d'assurance-vie, ou d'un bon ou contrat de capitalisation ou d'épargne, lorsque le titre est au porteur, doit en faire la déclaration au siège social de l'entreprise d'assurance ; que cette disposition est d'ordre public ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations suivant lesquelles l'opposition n'avait pas été faite au siège social de la société Suravenir mais au gérant de la banque, la cour d'appel a violé l'article L. 160-1 du Code des assurances ;

Mais attendu qu'aucun texte ne prévoit la nullité de la déclaration prévue par l'article L. 160-1 du Code des assurances au motif qu'elle n'aurait pas été adressée au siège social de l'entreprise d'assurances ;

Et attendu que, par motifs adoptés, l'arrêt retient que la société Suravenir n'a pas contesté l'existence et la date de la déclaration qui lui a été délivrée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu les articles L. 160-1, L. 160-2, R. 160-4, R. 160-5 et R. 160-6 du code des assurances ;

Attendu que la manifestation du porteur produit effet, dans les conditions prévues par les articles R. 160-4 et R. 160-5, même au-delà du délai de deux ans prévu par l'article R. 160-6, tant que l'opposant n'a pas demandé au président du tribunal de grande instance ou du tribunal d'instance l'autorisation de se faire délivrer un duplicata du contrat ;

Attendu que pour confirmer le jugement donnant autorisation pour la succession de se faire délivrer par la société Suravenir duplicata des quatre bons, l'arrêt énonce que, pour contredire l'opposition, le porteur doit agir avant le terme du délai de deux ans fixé par l'article R. 160-6, dont l'échéance ouvre à l'opposant, en l'absence de toute contradiction, le droit d'obtenir la délivrance d'un duplicata ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement donnant autorisation pour la succession de se faire délivrer par la société Suravenir duplicata des quatre bons, l'arrêt rendu le 14 mai 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée.