CA Pau, ch. soc., 10 novembre 2022, n° 20/00902
PAU
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Sdel Sud-Ouest Industrie (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cautres
Conseillers :
Mme Nicolas, Mme Sorondo
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [O] [E] a été embauché le 17 mai 2015 par la société SDEL sud-ouest industrie en qualité de superviseur SSE, niveau 3, position 2, suivant contrat à durée indéterminée de chantier régi par la convention collective nationale du bâtiment pour un chantier au Congo.
Le 9 juillet 2016, le contrat a été renouvelé pour un chantier au Congo.
Le 24 août 2016, il a été licencié pour fin de chantier.
À compter du 7 décembre 2016, il a été une nouvelle fois embauché en contrat à durée indéterminée de chantier pour un chantier situé à [Localité 4].
Du 18 mars au 8 avril 2017, M. [O] [E] a été placé en arrêt de travail au motif d'un accident du travail survenu le 12 mars 2017.
Le 22 mars 2017, la société SDEL sud-ouest industrie a déclaré cet accident à la CPAM qui a refusé de le prendre en charge en tant qu'accident du travail.
Du 22 mai au 23 juin 2017, M. [O] [E] a fait l'objet d'un arrêt de travail.
Du 23 juin au 1er octobre 2017, il a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie professionnelle que la CPAM a refusé de prendre en charge par une première décision du 30 octobre 2017 avant d'indiquer qu'elle reprenait l'instruction du dossier le 15 mars 2018 suite à l'avis du médecin expert ayant indiqué que la maladie du salarié entre dans le tableau 57 des maladies professionnelles.
Le 12 octobre 2017, les parties ont conclu une rupture conventionnelle qui a été tacitement homologuée le 23 novembre 2017.
Le 13 février 2019, M. [O] [E] a saisi la juridiction prud'homale.
Par jugement du 21 février 2020, le conseil de prud'hommes de Pau a notamment':
- dit que 1'action en annulation de la rupture conventionnelle homologuée du contrat de travail de M. [O] [E] est prescrite depuis le 23 novembre 2018 et l'a débouté de sa demande à ce titre,
- débouté M. [O] [E] :
* de sa demande à titre de discrimination relative à la préservation de son état de santé,
* de sa demande à titre de manquement de la part de la société SDEL sud-ouest industrie à son obligation de sécurité,
* de sa demande de rappel de salaire et de dommages et intérêts,
- débouté M. [O] [E] de l'intégralité de ses autres demandes, fins et conclusions,
- débouté le défendeur de l'ensemble de ses demandes,
- dit que chaque partie assumera la charge de ses dépens.
Le 24 mars 2020, M. [O] [E] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 14 mai 2020, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [O] [E] demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien fondé son appel,
- réformer le jugement entrepris,
- en conséquence :
- condamner la société SDEL sud-ouest industrie à lui payer la somme de 3 171,13 € bruts à titre de rappel de rémunération outre la somme de 317,11 € bruts à titre d'indemnité de congés payés afférente,
- condamner la société SDEL sud-ouest industrie à lui payer la somme de 1 500 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la reprise indue, en octobre 2017, d'une partie de la rémunération due sur le fondement des articles 1231-1 du code civil et L. 1222-1 du code du travail,
- dire et juger que la société SDEL sud-ouest industrie a manqué à l'obligation de sécurité s'agissant de la préservation de la santé des travailleurs dans l'entreprise,
- condamner la société SDEL sud-ouest industrie à lui payer la somme de 5'000 € nets à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles L. 4121-1 du code du travail et 1153 du code civil,
- dire et juger que son action tendant à l'annulation de la rupture conventionnelle intervenue le 23 novembre 2017 n'est pas prescrite au regard des dispositions de l'article L. 1134-5 du code du travail,
- ordonner, par application de l'article L. 1132-4 du code du travail, l'annulation de la rupture conventionnelle du contrat de travail intervenue le 24 novembre 2017 pour être intervenue pour un motif discriminatoire à raison de l'état de santé au sens de l'article L. 1132-1 du code du travail,
- condamner la société SDEL sud-ouest industrie à lui payer les sommes suivantes :
* 1 195,85 € nets à titre d'indemnité légale de licenciement,
* 12 300 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice généré par le caractère abusif et illicite de la rupture sur le fondement de l'article L. 1235-3-1 du code du travail,
- condamner la société SDEL sud-ouest industrie à lui payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société SDEL sud-ouest industrie aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les éventuels frais d' exécution forcée.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 4 août 2020, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société SDEL sud-ouest industrie demande à la cour de’ :
- sur les prétendus manquements à l'obligation de sécurité,
- in limine litis :
- dire et juger que le conseil de prud'hommes de Pau n'était pas juridiquement compétent pour connaître de la demande en paiement de dommages-intérêts formulée par M. [O] [E],
- en conséquence, infirmer le jugement sur ce point,
- dans l'hypothèse où la cour retiendrait la compétence prud'homale (et par là même sa propre compétence) :
- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré qu'elle n'avait pas manqué à son obligation de sécurité vis-à-vis de M. [O] [E],
- à supposer que par extraordinaire la cour fasse droit à la demande de M. [O] [E]': constater que ce dernier ne rapporte absolument pas la preuve d'un quelconque préjudice qu'il aurait subi du fait de cette prétendue violation par l'employeur de son obligation de sécurité,
- en conséquence : débouter le salarié de la demande indemnitaire qu'il formule à ce titre,
- sur le rappel de salaire sollicité,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [O] [E] de sa demande de rappel de salaire et de dommages et intérêts,
- sur la validité de la rupture du contrat de travail,
- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté l'absence de discrimination en raison de l'état de santé,
- en conséquence : confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré qu'en l'absence de justification d'une discrimination supposée, l'action prud'homale de M. [O] [E] était prescrite au jour où il l'a introduite,
- en tout état de cause, de dire et juger que la rupture conventionnelle homologuée du contrat de travail de M. [O] [E] est valable,
- en toute hypothèse,
- débouter M. [O] [E] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700,
- condamner M. [O] [E] au paiement de la somme de 3'000'€ en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la présente procédure d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 avril 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la compétence de la cour s'agissant de la demande en paiement de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
Le juge prud'homal est compétent pour apprécier l'existence d'un manquement à l'obligation de sécurité et attribuer, le cas échéant, des dommages intérêts, dès lors que les préjudices dont il est demandé réparation sont distincts de ceux découlant d'un accident du travail ou une maladie professionnelle.
M. [O] [E] demande à ce que soit réparé son préjudice découlant des manquements suivant': absence de visite médicale d'embauche, maintien en activité imposé malgré un accident du travail, absence de visites de reprise.
Ces demandes portent ainsi sur des préjudices distincts de ceux découlant d'un accident du travail ou une maladie professionnelle, à l'exception de celui consistant en une perte de chance d'éviter un accident du travail et une maladie professionnelle qui sont intervenus.
En conséquence, le juge prud'homal et la chambre sociale de la cour sont compétents pour connaître des demandes de M. [O] [E] sauf en ce qu'il sollicite la réparation de la perte de chance d'éviter un accident du travail et une maladie professionnelle qui sont intervenus.
Sur le manquement à l'obligation de sécurité
En application des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail, l'employeur est tenu d'une obligation générale de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des salariés dans l'entreprise. Il doit prendre les mesures nécessaires pour en assurer l'effectivité.
Ne méconnaît pas son obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
En application des articles':
- R. 4624-10 du code du travail dans sa version applicable jusqu'au 31 décembre 2016':
Le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail.
- R. 4624-11 du code du travail dans sa version applicable jusqu'au 31 décembre 2016':
L'examen médical d'embauche a pour finalité :
1° De s'assurer que le salarié est médicalement apte au poste de travail auquel l'employeur envisage de l'affecter,
2° De proposer éventuellement les adaptations du poste ou l'affectation à d'autres postes,
3° De rechercher si le salarié n'est pas atteint d'une affection dangereuse pour les autres travailleurs,
4° D'informer le salarié sur les risques des expositions au poste de travail et le suivi médical nécessaire,
5° De sensibiliser le salarié sur les moyens de prévention à mettre en oeuvre.
- R. 4624-12 du même code dans sa version applicable jusqu'au 31 décembre 2016':
Sauf si le médecin du travail l'estime nécessaire ou lorsque le salarié en fait la demande, un nouvel examen médical d'embauche n'est pas obligatoire lorsque les conditions suivantes sont réunies :
1° Le salarié est appelé à occuper un emploi identique présentant les mêmes risques d'exposition,
2° Le médecin du travail intéressé est en possession de la fiche d'aptitude établie en application de l'article R. 4624-47,
3° Aucune inaptitude n'a été reconnue lors du dernier examen médical intervenu au cours :
a) Soit des vingt-quatre mois précédents lorsque le salarié est à nouveau embauché par le même employeur,
b) Soit des douze derniers mois lorsque le salarié change d'entreprise.
- R. 4624-31 du même code dans sa version applicable aux faits':
Le travailleur bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail :
1° Après un congé de maternité,
2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle,
3° Après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.
Dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise.
M. [O] [E] demande à ce que soit réparé son préjudice découlant des manquements suivant': absence de visite médicale d'embauche, maintien en activité imposé malgré un accident du travail, absence de visites de reprise.
La société SDEL sud-ouest industrie demande à ce que M. [O] [E] soit débouté de sa demande.
S'agissant de l'absence d'examen médical d'embauche, la société SDEL sud-ouest industrie justifie de l'organisation d'une visite médicale intervenue le 12 mai 2015. Cependant, cette visite ne constitue pas une visite médicale d'embauche dès lors que rien ne permet de vérifier qu'elle a été effectuée par un médecin du travail, le document versé aux débats étant signé par un médecin du «'centre de bilan de santé des expatriés'» sans mention de la qualité de médecin du travail, et qu'elle a donné lieu à un certificat de non-contradiction et d'aptitude à une expatriation au lieu d'un certificat d'aptitude au poste.
Il en résulte que la société SDEL sud-ouest industrie a manqué à son obligation d'organiser une visite médicale d'embauche.
S'agissant du maintien en activité imposé malgré un accident du travail, M. [O] [E] ne verse aux débats aucune pièce permettant d'établir que la société SDEL sud-ouest industrie a fait pression pour qu'il continue à travailler malgré son accident du travail. Ce manquement n'est donc pas établi.
S'agissant de l'absence de visites de reprise, l'organisation d'une telle visite n'était pas obligatoire après l'arrêt de travail du 18 mars au 8 avril 2017 qui a duré moins d'un mois, et ce, même si M. [O] [E] était parvenu à démontrer qu'il aurait dû être arrêté dès le 12 mars 2017, date de l'accident du travail.
Elle ne l'était pas davantage pour l'arrêt du 22 mai au 23 juin 2017, M. [O] [E] n'a pas repris le travail puisque cet arrêt pour maladie a été directement suivi d'un arrêt de travail pour maladie professionnelle.
Concernant l'arrêt de travail de plus de trente jours intervenu entre le 23 mai au 1er octobre 2017, la société SDEL sud-ouest industrie verse aux débats une convocation et une fiche médicale d'aptitude dont il ressort qu'une visite médicale d'aptitude est intervenue le 2 octobre 2017 et qu'elle a donné lieu à une décision d'aptitude sans réserve.
Il en résulte que contrairement à ce que soutient M. [O] [E], l'employeur a organisé cette visite le premier jour de la reprise de sorte qu'il n'a pas commis de manquement.
S'agissant du préjudice subi par M. [O] [E] du fait de l'absence de visite médicale d'embauche, le salarié se prévaut uniquement d'une perte de chance d'éviter un accident du travail et une maladie professionnelle qui ne relèvent pas de la compétence de la cour. En outre, il ne verse aux débats aucune pièce permettant d'étayer l'existence d'un autre préjudice.
En conséquence, il convient de débouter M. [O] [E] de la partie de sa demande qui relève de la compétence de la présente cour.
Sur le maintien de salaire,
En application de l'article 6.13 de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment non visées par le décret du 1er mars 1962 (c'est-à-dire occupant plus de 10 salariés)':
L'indemnité versée par l'employeur complète les indemnités journalières de la sécurité sociale et, éventuellement, toute autre indemnité ayant le même objet, perçue par l'ouvrier à l'occasion de son arrêt de travail, dans les conditions suivantes': pour un accident ou une maladie couverts par la législation de sécurité sociale relative aux accidents du travail et aux maladies professionnelles pour une indisponibilité supérieure à 30 jours': jusqu'à concurrence de 100 % du salaire de l'intéressé du 1er au 90e jour de l'arrêt de travail.
Il appartient au juge prud'homal à qui est posée la question du maintien de salaire en application de l'article précité d'apprécier si un arrêt de travail est un accident ou une maladie couverte par la législation de sécurité sociale relative aux accidents du travail et aux maladies professionnelles.
M. [O] [E] demande à ce que la société SDEL sud-ouest industrie soit condamnée à lui payer la somme de 3'171,13 € bruts à titre de rappel de rémunération outre la somme de 317,11 € bruts à titre d'indemnité de congés payés afférente.
La société SDEL sud-ouest industrie demande à ce que M. [O] [E] soit débouté de sa demande.
Contrairement à ce que soutient la société SDEL sud-ouest industrie, il est sans incidence que la décision de la CPAM reconnaissant l'existence d'une maladie professionnelle ne lui soit pas opposable car elle intervient postérieurement à une première décision de refus de prise en charge. Le juge prud’homal doit en effet apprécier si les arrêts de travail sont couverts par la législation de sécurité sociale relative aux accidents du travail et aux maladies professionnelles sans être tenu par les décisions de la CPAM.
L'existence d'une maladie professionnelle à l'origine des arrêts de travail n'est pas contestée par la société SDEL sud-ouest industrie
Elle est étayée par les certificats d'arrêts de travail et par le rapport de l'expert désigné par la CPAM suite à la contestation du salarié qui a précisé que la maladie entre dans le tableau 57 des maladies professionnelles.
Il convient en conséquence de retenir que ces documents établissent que les arrêts de travail sont consécutifs à une maladie professionnelle.
Les arrêts de travail consécutifs à cette maladie professionnelle ont duré du 23 juin au 1er octobre 2017, soit plus de 30 jours.
La société SDEL sud-ouest industrie était donc tenue de maintenir intégralement le salaire de M. [O] [E] pendant les 90 premiers jours.
Compte tenu des éléments salariaux versés aux débats et de l'absence de contestation du quantum de la demande de M. [O] [E], il convient de condamner la société SDEL sud-ouest industrie à verser à M. [O] [E] la somme de 3'171,13 € bruts au titre du maintien de salaire correspondant au montant des retenues opérées par la société SDEL sud-ouest industrie.
Compte tenu de ce rappel sur maintien de salaire, la société SDEL sud-ouest industrie doit être également à verser à M. [O] [E] la somme de 317,11'€ bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés correspondante, dès lors qu'elle n'a pu déclarer ces sommes non versées à la caisse de congés payés du bâtiment.
Le jugement entrepris doit donc être infirmé sur ce point.
Sur la réparation du préjudice découlant de «'la reprise indue, en octobre 2017, d'une partie de la rémunération due'»
M. [O] [E] demande à ce que la société SDEL sud-ouest industrie soit condamnée à lui payer la somme de 1 500 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la reprise indue, en octobre 2017, d'une partie de la rémunération due.
Cette dernière demande à ce qu'il soit débouté de sa demande au motif qu'elle n'avait pas à maintenir intégralement le salaire.
Il résulte du bulletin de salaire du mois d'octobre qu'aucun salaire n'a été payé au titre de ce mois en raison d'une «'régularisation'» opérée par la société SDEL sud-ouest industrie pour récupérer les sommes qu'elle estimait avoir versé à tort au titre d'un arrêt de travail consécutif à une maladie professionnelle.
Il a cependant été établi que ces sommes avaient été versées à juste titre de sorte que la société SDEL sud-ouest industrie a commis un manquement en les récupérant.
En application des articles':
- 1231-6 du code civil':
Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.
- L. 3251-3 du code du travail':
En dehors des cas prévus au 3° de l'article L. 3251-2, l'employeur ne peut opérer de retenue de salaire pour les avances en espèces qu'il a faites, que s'il s'agit de retenues successives ne dépassant pas le dixième du montant des salaires exigibles.
La retenue opérée à ce titre ne se confond pas avec la partie saisissable ou cessible.
Les acomptes sur un travail en cours ne sont pas considérés comme des avances.
M. [O] [E] ne soutient ni ne démontre la mauvaise foi de la société SDEL sud-ouest industrie, laquelle ne résulte pas du seul manquement aux obligations de verser le maintien de salaire dû et de ne pas opérer de retenues ayant pour objet de récupérer des sommes versées à juste titre ou pour effet de dépasser le dixième du montant des salaires exigibles.
Il ne soutient ni ne démontre davantage l'existence d'un préjudice distinct du retard de paiement, étant précisé que':
- le document versé aux débats par le salarié précisant qu'un prêt de 2 000 € a été souscrit le 5 février 2018, soit plusieurs mois après la retenue litigieuse,
- la mention manuscrite indiquant que le 5 février 2018 correspondrait à la date de la première échéance de remboursement n'emporte pas la conviction car elle est contredite par le document sur lequel elle est apposée et ne donne aucune indication quant à la date à laquelle le prêt aurait été souscrit antérieurement,
- les conditions financières de ce prêt, accordé au salarié ainsi qu'à son épouse, ne sont pas précisées.
En conséquence, M. [O] [E] doit être débouté de sa demande, le jugement déféré devant être confirmé sur ce point.
Sur la rupture conventionnelle
S'agissant de la prescription,
En application des articles':
- L. 1471-1 du code du travail, dans sa version applicable aux faits':
Toute action portant sur l' exécution se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
Le deuxième alinéa n'est toutefois pas applicable aux actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l' exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L. 1233-67, L. 1234-20, L. 1235-7, L. 1237-14 et L. 1237-19-10, ni à l'application du dernier alinéa de l'article L. 1134-5.
- L. 1134-4 du même code ':
L'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.
- 2224 du code civil':
Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Il en résulte que l'action tendant à contester une rupture conventionnelle en ce qu'elle serait discriminatoire se prescrit par cinq ans à compter de la révélation du caractère discriminatoire de la rupture.
M. [O] [E] a saisi la juridiction prud'homale le 13 février 2019 pour contester une rupture conventionnelle conclue le 3 octobre 2017 et homologuée tacitement le 23 novembre 2017, soit dans le délai de 5 ans.
En conséquence, la prescription n'est pas acquise et la demande est recevable.
Le jugement entrepris doit donc être infirmé sur ce point.
S'agissant du bien-fondé de la demande,
En application des articles':
- L. 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable aux faits':
Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte en raison de son état de santé,
- L. 1132-4 du code du travail':
Toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul.
- L. 1134-1 du même code dans sa version applicable aux faits':
Lorsque survient un litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
- L. 1237-11 du même code ':
L'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties.
Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.
M. [O] [E] ne verse aux débats aucune pièce permettant d'établir que l'employeur est effectivement à l'initiative de la rupture conventionnelle. S'agissant de l'absence de visite de reprise qu'il reproche à son employeur, il a été établi que la société SDEL sud-ouest industrie a organisé une telle visite dès le premier jour de reprise du salarié.
En l'espèce, le fait que la rupture conventionnelle ait été conclu peu de temps après des arrêts de travail ne suffit pas à lui seul à laisser supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte en fonction de l'état de santé.
Au contraire, la société SDEL sud-ouest industrie verse aux débats notamment un courrier daté du 2 octobre 2017, soit le jour de la reprise du travail, qui n'est pas contesté par M. [O] [E] et dont il ressort que c'est le salarié qui a demandé à ce qu'une rupture conventionnelle soit conclue avant qu'un entretien ne soit organisé le 5 octobre suivant et que la convention de rupture soit signée le 12 octobre 2017.
Il en résulte que M. [O] [E] ne rapporte pas les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte en fonction de son état de santé qui lui incombent, et que la société SDEL sud-ouest industrie justifie la conclusion de la rupture conventionnelle par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination consistant à répondre favorablement à la demande de M. [O] [E].
En conséquence, le caractère discriminatoire en fonction de l'état de santé de la rupture conventionnelle n'est pas établi.
M. [O] [E] doit donc être débouté de sa demande.
Sur les demandes accessoires
Les dépens doivent être supportés par la partie qui succombe, la société SDEL sud-ouest industrie.
La charge des frais d' exécution forcée est régie par les dispositions d'ordre public de l'article L.'111-8 du code des procédures civiles d' exécution , lequel précise qu'à l'exception des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, les frais de l' exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés.
Aucun décret en Conseil d'État ne prévoit en matière prud'homale d'exception quant à la charge des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement.
En application de l'article 76 du code de procédure civile auquel renvoie implicitement l'article R. 121-1 du code des procédures d' exécution , la cour ne peut relever d'office que la question de la charge des frais d' exécution relève de la compétence exclusive du juge de l' exécution en application des articles L. 121-1 et R. 121-1 du code des procédures civiles d' exécution et L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire.
Cependant, la cour ne peut faire droit à une demande relative à la charge de frais d' exécution forcée qui n'ont pas encore été engagés dès lors qu'il ne peut être déterminé par avance s'ils seront nécessaires.
Il convient en conséquence de débouter M. [O] [E] de sa demande à ce titre.
Il n'est pas inéquitable de condamner la société SDEL sud-ouest industrie à verser à M. [O] [E] une somme de 2 000'€ en application de l'article 700 du code de procédure civile tout en la déboutant de sa propre demande formée sur le fondement des mêmes dispositions.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a débouté M. [O] [E] :
- de sa demande à titre de manquement de la part de la société SDEL sud-ouest industrie à son obligation de sécurité,
- de sa demande de réparation du préjudice découlant de la reprise indue, en octobre 2017, d'une partie de la rémunération due.
Le confirme sur ces points.
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit qu'elle est compétente pour statuer sur la demande au titre du manquement à l'obligation de sécurité sauf en ce qu'il lui est demandé de réparer le préjudice de perte de chance de prévenir un accident du travail et une maladie professionnelle qui sont intervenus, partie de la demande sur laquelle la cour se déclare incompétente au profit du pôle social du tribunal judiciaire de Pau.
Déboute M. [O] [E] de sa demande au titre du manquement à l'obligation de sécurité pour la partie de cette demande relevant de sa compétence.
Condamne la société SDEL sud-ouest industrie à verser à M. [O] [E] la somme de 3'171,13'€ bruts au titre du maintien de salaire, outre la somme de 317,11'€ bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés correspondante.
Dit que la contestation par M. [O] [E] de la rupture conventionnelle en tant qu'elle est discriminatoire n'est pas prescrite.
Dit que la rupture conventionnelle n'est pas discriminatoire et déboute M. [O] [E] de sa demande tendant à ce que cette rupture soit annulée.
Déboute M. [O] [E] de ses demandes indemnitaires relatives à la rupture de son contrat de travail.
Déboute M. [O] [E] de sa demande au titre des frais d' exécution forcée.
Condamne la société SDEL sud-ouest industrie aux entiers dépens et à verser à M. [O] [E] la somme de 2'000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.