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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. civ., 13 mai 2020, n° 18/03742

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Crédit Foncier de France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Penavayre

Conseillers :

Mme Truche, M. Arriudarre

TGI Toulouse, du 12 juill. 2018, n° 16/0…

12 juillet 2018

FAITS ET PROCEDURE

Suivant offre de prêt émise le 4 juin 2007, et acceptée le 20 juin 2007, le CREDIT FONCIER DE FRANCE (la banque) a consenti à Madame G. un prêt destiné à lacquisition dun logement neuf en VEFA d'un montant de 133 400€ au taux de 4,85% révisable à compter du 180ème mois, remboursable en 300 mensualités de 864,81€ assurance incluse, à compter de la période de compte courant de 24 mois et de différé d'amortissement de 3 mois.

L'offre mentionnait un taux effectif global annuel de 5,57%, et un taux de période de 0,46%.

Suivant avenant du 13 juillet 2013, à effet du 6 août 2013, le taux conventionnel a été stipulé à 3,9000%, le solde du prêt étant remboursable en 273 mensualités de 799,11€ assurance incluse.

L'avenant mentionnait un taux effectif global annuel de 4,4881%, et un taux de période de 0,3740%.

Se prévalant d'une analyse de son contrat de prêt effectuée à sa demande par Monsieur J. le 14 janvier 2016, Madame G. a par acte du 5 février 2016, fait assigner le CREDIT FONCIER DE FRANCE devant le tribunal de grande instance de TOULOUSE, afin de voir prononcer la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels, la substitution du taux d'intérêt légal, et d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

Par jugement du 12 juillet 2018, le tribunal de grande instance de TOULOUSE a :

- déclaré irrecevable l'action de Madame G. en déchéance du droit aux intérêts à raison d'un TEG erroné dans l'offre de prêt du 4 juin 2007,

- déclaré recevable l'action de Madame G. en nullité de la stipulation des intérêts conventionnels au titre de l'avenant du 21 juin 2013,

- débouté Madame G. de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Madame G. aux dépens,

- condamné Madame G. à payer au CREDIT FONCIER DE FRANCE

la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration électronique du 23 août 2018 Madame G. a relevé appel de cette décision en toutes ses dispositions.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans le dispositif de ses dernières écritures du 21 novembre 2018, Madame G. demande à la cour au visa des articles L312- 1 et suivants du code de la consommation, 1147, 1907 du code civil, 515 et 700 du code de procédure civile, L131-1 du code des procédures d' exécution , d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

- de dire et juger son action recevable,

- de dire et juger que le taux effectif global indiqué dans l'offre n'intègre pas les frais de garantie et/ou le coût des intérêts intercalaires et les assurances pendant la période d'anticipation,

- de dire et juger que la banque a utilisé une année de 360 jours dans ses calculs de l'avenant du 21 juin 2013,

À titre principal,

- de prononcer la nullité de la clause d'intérêts contenue dans le contrat de prêt du 4 juin 2007 et l'avenant du 21 juin 2013, et prononcer la substitution du taux d'intérêt légal pour chaque année d' exécution du contrat,

À titre subsidiaire,

- de prononcer la déchéance de la banque de son droit aux intérêts conventionnels, et d'y substituer le taux d'intérêt légal,

En tout état de cause,

- d'enjoindre au CCF, au besoin sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter du 8e jour suivant la signification de la décision à venir, de produire un nouveau tableau d'amortissement de la substitution du taux légal taux d'intérêt conventionnel,

- de dire que la cour se réserve le droit de liquider l'astreinte,

- de condamner le CCF à lui restituer les intérêts en trop versés par le passé (entre la signature du contrat et le jour de la décision à intervenir),

- de condamner le CCF à lui verser la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans le dispositif de ses dernières écritures du 7 décembre 2018, le CREDIT FONCIER DE FRANCE demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'irrecevabilité/mal fondé de la demande de nullité en présence d'un prêt Scrivener, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande d'irrecevabilité/mal fondé de l'action en nullité et en conséquence :

- de déclarer irrecevable Mme G. en son action en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels engagée sur la base d'une offre de prêt soumise aux dispositions d'ordre public de la loi Scrivener, codifiée aux articles L. 312-1 et suivants du Code de la consommation ou à tout le moins mal fondé ;

- de déclarer irrecevable Mme G. en son action en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels engagée sur la base d'un avenant au sens de l'article L. 312-14-1 du Code de la consommation ;

à défaut,

- de la déclarer mal fondée et de l'en débouter,

en tout état de cause,

- de condamner Mme G. à lui régler la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- de la condamner aux dépens en ce compris l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement prévus à l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d' exécution dont distraction au profit de Madame Catherine B.-V., avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La cour pour plus ample exposé des faits , de la procédure, des demandes et moyens des parties, se réfère expressément à la décision entreprise et aux dernières conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité

recevabilité des demandes relatives à l'offre initiale

En application de l'article 1304 du code civil, l'action en nullité de la stipulation d'intérêts doit être engagée dans un délai de cinq ans sous peine d'être atteinte par la prescription.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le délai de prescription prévu par l'article L 110-4 du code de commerce applicable à l'action en déchéance du droit aux intérêts est également de cinq ans. Pour les prescriptions en cours, ce délai court à compter de l'entrée en vigueur de la loi, soit le 19 juin 2008, sans pouvoir dépasser le délai initial.

Conformément à l'article 2224 du Code civil, le délai court dans les deux cas à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur qu'il invoque.

La prescription commence à courir à compter de la date de la conclusion du contrat de prêt si l'emprunteur est en mesure de déceler par lui-même , à la seule lecture de l'acte, les erreurs affectant le taux et, à défaut, à la date à laquelle l'erreur lui a été révélée. L'erreur est décelable notamment lorsque le contrat mentionne expressément les éléments à partir duquel le calcul des intérêts ou du TEG a été effectué, qu'il manque des mentions obligatoires de façon apparente, ou que l'examen des documents contractuels révèle des discordances.

S'agissant de l'offre initiale, Mme G. reproche à la banque de n'avoir pas pris en compte dans le calcul du TEG les intérêts intercalaires et les cotisations d'assurance payés pendant la période d'anticipation.

En bas de la page 3 de l'offre, il est indiqué que les frais de dossier s'élèvent à 760€, les frais de garantie à 1986€, que le taux effectif global est de 5,57% et le taux de période à 0,46%, ces taux étant calculés pour un prêt entièrement débloqué et ne prenant pas en compte les primes d'assurance de la période préalable de déblocage total des fonds, le coût total prévisionnel du prêt assurances et accessoires compris étant de 125'566,45€.

Il est donc clairement indiqué que les primes d'assurance de la période de préfinancement ne sont pas incluses dans le calcul du TEG, et cette phrase est compréhensible pour un emprunteur même profane et sans compétences particulières. Mme G. est donc irrecevable à se prévaloir de ce grief.

De même, le coût total prévisionnel du prêt servant de base au calcul du TEG n'inclut à l'évidence pas les intérêts de la période de compte courant et de la période de différé.

L'échéancier des amortissements intégré à l'offre précise que les intérêts non payés pendant la phase de compte courant ont été estimés forfaitairement, en concertation avec l'emprunteur, à 6470 €, qu'en conséquence l'échéancier prévisionnel des amortissements est établi en estimant le solde liquidatif du compte courant à 139'970€, et que conformément à la définition du compte courant figurant aux conditions financières, ce sont le rythme de déblocage des fonds, la durée du compte courant et les versements effectifs de l'emprunteur pendant cette période qui détermineront le solde liquidatif du compte courant correspondant au montant du prêt à rembourser. Il est en outre indiqué que les échéances de la période d'amortissement sont calculées sur un capital qui intègre les intérêts dus au titre de la période de différé total.

La somme de 6470 € d'intérêts estimés pour la période de compte courant ainsi déterminée ne figure pas dans les sommes comptabilisées au titre du coût du crédit, ce qui ressort de la simple lecture de l'offre.

C'est ainsi à juste titre que le premier juge a considéré que les demandes fondées sur l'inexactitude du TEG dans l'offre initiale étaient prescrites, pour avoir été présentées le 5 février 2016, alors que le délai de prescription de l'action en nullité expirait le 20 juin 2012. L'action en déchéance du droit aux intérêts est également prescrite, le délai expirant le 19 juin 2013.

A titre surabondant, il sera observé que selon le rapport d'analyse financière produit par Madame G., le TEG s'établit à 5,11% et le taux de période à 0,426%, soit des taux inférieurs aux taux de 5,57% et de 0,46% indiqués à l'offre, l'erreur étant en conséquence en faveur de l'emprunteur et en conséquence non sanctionnable.

recevabilité des demandes relatives à l'avenant

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir.

La question de la sanction applicable à un taux d'intérêt conventionnel, un taux de période ou un taux d'intérêt erroné nécessite un examen au fond et n'est pas une fin de non recevoir au sens de ce texte.

Dès lors il y a lieu de débouter la banque de la fin de non recevoir qu'elle soulève, la sanction encourue en cas d'irrégularité de la stipulation d'intérêt conventionnel ne pouvant être déterminée avant que l'irrégularité ne soit constatée.

La demande en nullité de la stipulation d'intérêts figurant dans l'avenant présentée par Madame G. sera en conséquence déclarée recevable.

Sur le fond

En application combinée des articles 1907 alinéa 2 du code civil (lequel ne prévoit pas la base de calcul du taux conventionnel) , et L313-1, L313-2 et R313-1 du code de la consommation, le taux d'intérêt conventionnel mentionné par écrit dans l'acte de prêt consenti à un consommateur ou un non professionnel doit, comme le TEG, être calculé sur la base d'une année civile.

L'avenant du 13 juillet 2013 mentionne expressément que durant la période d'amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant du, au taux fixé dans les conditions particulières, sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours.

Cette clause ne suffit pas en elle-même à entraîner la nullité de la stipulation d'intérêts et s'il existe une recommandation de la commission des clauses abusives concernant les conventions de comptes de dépôt en application desquelles les intérêts sont calculés quotidiennement (05-02 du 20 septembre 2005), tel n'est pas le cas des crédits immobiliers.

Le mode de calcul de l'intérêt conventionnel se distingue de l'énonciation elle-même du taux de l'intérêt conventionnel auquel l'emprunteur consent et qui doit, en application de l'article 1907 du code civil, être indiqué par écrit. La seule stipulation de la clause n'entraîne pas en elle même de sanction, si le taux d'intérêt est exact, et la banque a toujours la possibilité de démontrer que nonobstant l'existence d'une clause de calcul des intérêts sur une année de 360 jours, elle a calculé les intérêts sur la base de l'année civile.

Il incombe à celui qui se prévaut d'une inexactitude du taux, ou d'un surcoût d'intérêts, de rapporter la preuve d'une erreur en sa défaveur supérieure à une décimale, les remarques de l'annexe de l'article R313-1 du code de la consommation relatifs à la définition de l'année civile et du mois normalisé, ainsi qu'à l'exigence d'une exactitude d''au moins une décimale', établissant des régles applicables à tout calcul d'intérêts en matière de prêt.

Ainsi lorsque les dates d'échéance sont fixées au même jour de chaque mois comme c'est le cas en l'espèce, les intérêts conventionnels de la période peuvent être calculés sur un mois normalisé de 30,41666 jours, ce qui permet d'établir le tableau d'amortissement prévisionnel que le prêteur a l'obligation de communiquer, et de prévoir des échéances fixes tout au long du contrat.

Il sera observé que le calcul des intérêts mensuels est le même que l'on utilise le rapport 30/360 ou le rapport 30,41666 / 365 ou encore 1/12, le résultat étant dans tous les cas 0,083333. C'est donc à juste titre que la banque fait valoir que la clause litigieuse est une clause de rapport ou d'équivalence financière qui n'impacte pas les intérêts et leur taux pour les échéances entières, et que le tableau d'amortissement prévisionnel du prêt est établi sur la base d'une année civile.

En l'espèce, l'avenant ne comporte que des échéances entières, et il n'est rapporté la preuve d'aucune incidence du mode de calcul des intérêts sur le taux conventionnel qui y est stipulé.

En conséquence, faute d'établir que le taux d'intérêt qui figure aux offres de prêt est erroné, aucune sanction ne peut être prononcée du fait du mode de calcul des intérêts. Madame G. sera en conséquence déboutée de ses demandes, la décision entreprise étant en conséquence confirmée.

Sur l'article 700 du CPC et les dépens

Il convient à raison de l'équité de condamner Madame G. à payer une somme supplémentaire de 1000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Madame G. à payer au CREDIT FONCIER DE FRANCE une somme supplémentaire de 1000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame G. aux dépens exposés en cause d'appel, en ce compris l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement prévus à l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d' exécution dont distraction au profit de Madame Catherine B.-V., avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.