Cass. crim., 7 décembre 1995, n° 95-80.669
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
M. Culié
Avocat général :
M. Perfetti
Avocat :
SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 485 alinéa 4, 512 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué mentionne que lors des débats et du délibéré, la Cour était composée de M. Christian Payard, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, des conseillers Eliane Renon, André Perez et lors du prononcé de la décision de M. Daniel Mercier, conseiller faisant fonctions de président, et des conseillers Christian Payard et Eliane Renon ;
"alors que ne met pas la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la régularité de la composition de la juridiction ayant statué, l'arrêt qui, comme en l'espèce, n'indique pas qu'il ait été fait application, pour la décision, des dispositions de l'article 485 alinéa 4 et qui fait état pour l'audience des débats et celle du prononcé de l'arrêt de deux compositions différentes" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 485 et 486 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a été signé par un magistrat qui n'a participé ni aux débats ni au délibéré, ainsi qu'il résulte des mentions de l'arrêt" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que l'arrêt attaqué mentionne que, lors des débats, qui se sont déroulés le 9 mars 1994, et lors du délibéré, la cour d'appel était composée de M. Payard, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du titulaire empêché, de Mme Renon et de M. Perez, conseillers ; qu'à l'audience du 25 janvier 1995, à laquelle l'arrêt a été rendu, la cour d'appel était composée de M. Mercier, conseiller faisant fonctions de président, de M. Payard et de Mme Renon ;
Attendu qu'il se déduit de ces mentions que la décision a été lue par un des deux magistrats qui, ayant assisté aux débats et participé au délibéré, étaient présents lors du prononcé ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1341 et suivants, 1985 du Code civil, 405, 406 et 408 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Claude X... coupable d'abus de confiance et l'a condamné à la peine de trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis ainsi qu'à diverses peines ;
"aux motifs adoptés des premiers juges qu'en détournant au préjudice de Mme Y... les fonds qui lui avaient été remis à titre de mandat, Jean-Claude X... a commis l'abus de confiance visé à la prévention ;
"alors qu'au cas où la preuve d'un délit est subordonnée à l'existence d'un contrat, celui-ci doit être prouvé d'après les règles établies par le Code civil ; qu'en s'abstenant de rechercher si, en l'espèce, le mandat résultait des éléments de preuve prévus par les articles 1341 et suivants du Code civil, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 901, 931 et 1315 du Code civil, 405, 406 et 408 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Claude X... coupable d'abus de confiance et l'a condamné à la peine de trois ans d'emprisonnement, dont deux ans avec sursis ainsi qu'à diverses peines ;
"aux motifs qu'outre le fait, tenant de l'utopie, qu'après seulement trois semaines d'hébergement, les époux Y... auraient brusquement décidé de se démunir totalement de leur pécule obtenu par l'épargne, au profit de personnes qu'ils connaissaient depuis très peu de temps, les sollicitations de Jean-Claude X..., qui n'avait pas de procuration sur les livrets et comptes de ses hôtes et qui a, tel un chaperon, accompagné Mme Y... dans tous ses mouvements et démarches, y compris jusque dans le bureau du banquier, sont révélatrices de la résolution de Jean-Claude X... de détourner à son profit les bons remis à titre précaire par le souscripteur auquel ces billets devaient procurer un revenu ; que si Mme Y... avait eu l'intention libérale que lui prête le prévenu, elle aurait remis à ce dernier les fonds qu'elle venait de retirer de la Caisse d'Epargne et n'aurait donc pas eu à recourir à un autre mode de placement auprès d'un établissement bancaire différent, et singulièrement celui dans lequel Jean-Claude X... est titulaire d'un compte ; que dans la mesure où ce dernier considérait qu'il était devenu propriétaire des biens, à la faveur de la libéralité alléguée, il s'avère que n'était ni rationnelle, ni sensée la démarche consistant à solliciter le 21 septembre 1990 un emprunt de 200 000 francs alors qu'il lui était loisible, selon sa thèse, de négocier les bons à son gré ; que n'est pas établie l'intention libérale de Mme Y..., personne âgée, à l'état de conscience un peu amoindri et préoccupée par l'état de santé de son mari qui décèdera deux mois après l'opération du 8 août 1990 ; que Jean-Claude X..., dont le comportement délictueux est indiscutable, sera déclaré coupable du délit d'abus de confiance et de celui, non contesté et établi, de détention sans autorisation de l'arme et des cartouches découvertes à son domicile ;
"alors que, d'une part, le don manuel n'a d'existence que par la tradition réelle que fait le donateur de la chose donnée ; que, dès lors, le possesseur qui prétend avoir reçu une chose - en l'espèce des titres au porteur - en don manuel bénéficie d'une présomption en ce sens, et il appartient à celui qui revendique la chose de rapporter la preuve de l'absence de don manuel ou de prouver que la possession dont se prévaut le détenteur de la chose ne réunit pas les conditions légales pour être efficace ; qu'en retenant que l'intention libérale prêtée au donateur par les détenteurs des titres au porteur n'est pas établie, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les textes susvisés ;
"alors que, d'autre part, c'est au jour du don manuel que les juges du fond doivent se placer pour apprécier la contestation de son existence ; qu'en se plaçant, en l'espèce, au jour de la remise des fonds à la banque ainsi qu'à celui de l'emprunt sollicité ultérieurement par le prévenu, et non au jour de la remise qui a été faite des bons au porteur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"alors qu'en outre, un jugement de condamnation doit, à peine de nullité, constater tous les éléments constitutifs de l'infraction qui a motivé la condamnation, l'insuffisance de motifs équivalant à un défaut de motifs ; qu'en se bornant à énoncer, par une formule lapidaire, que les sollicitations de Jean-Claude X..., qui n'avait pas de procuration sur les livrets et comptes de ses hôtes et qui a, tel un chaperon, accompagné Mme Y... dans tous ses mouvements et démarches, y compris jusque dans le bureau du banquier, sont révélatrices de la résolution de Jean-Claude X... de détourner à son profit les bons remis à titre précaire par le souscripteur auquel ces billets devaient procurer un revenu, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux articulations essentielles des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'abus de confiance, seul remis en cause par le demandeur, dont elle a déclaré le prévenu coupable, et ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice découlant de cette infraction ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstance de la cause contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.