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Décisions

CA Poitiers, ch. soc., 31 mars 2022, n° 20/00513

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Adapei-Aria de Vendee

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Castagné

Conseillers :

Mme De Brier, Mme Collet

Cons. Prud’h. La Roche-Sur-Yon, du 10 fé…

10 février 2020

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

A compter du 10 septembre 2015, l'association ADAPEI-ARIA de Vendée a embauché Mme Kelly N. en qualité d'agent de service intérieur ' surveillant de nuit, dans le cadre d'un contrat de travail adossé à un «'emploi d'avenir'» d'une durée déterminée de 36 mois (soit jusqu'au 9 septembre 2018) et à temps partiel (121,34 heures par mois).

Du 19 septembre 2016 au 20 mars 2017, Mme N. a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie suivi d'un congé maternité.

Le 1er avril 2017, les parties ont signé un avenant au contrat de travail.

Mme N. a de nouveau été placée en arrêt de travail pour maladie du 27 avril 2017 au 28 février 2018.

Le 9 septembre 2018, l'association ADAPEI-ARIA de Vendée a remis à Mme N. un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation Pôle Emploi.

Le 27 février 2019, Mme N. a saisi le conseil de prud'hommes de La Roche-sur-Yon, qui par jugement du 10 février 2020, a :

- requalifié en contrat à durée indéterminée le contrat à durée déterminée liant Mme N.,

- débouté Mme N. de sa demande de licenciement nul,

- dit et jugé que la rupture du contrat s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- condamné l'association ADAPEI-ARIA de Vendée à lui verser les sommes de':

* 1.394,96 euros net à titre d'indemnité de requalification,

* 4.882,36 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2.789,92 euros brut à titre d'indemnité de préavis, outre 278,99 euros brut au titre des congés payés afférents,

* 1.394,96 euros net à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 1.500 euros net à titre de dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi

* 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l' exécution provisoire,

- dit que les condamnations prononcées seront assorties des intérêts de droit pour les condamnations à caractère salarial à compter de la saisine du Conseil et pour les condamnations à caractère indemnitaire à compter du prononcé du jugement, les intérêts bénéficiant eux-mêmes des prescriptions de l'article 1343-2 du code civil,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes, plus amples ou contraires,

- condamné l'association ADAPEI-ARIA de Vendée aux dépens, dont les frais d'huissier en cas d' exécution forcée.

Par déclaration au greffe le 18 février 2020, l'association ADAPEI-ARIA de Vendée a formé appel contre ce jugement en visant toutes les dispositions à l'exception de celles ayant débouté Mme N. de sa demande de licenciement nul et débouté Mme N. du surplus de ses demandes.

Par ordonnance du 10 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a clôturé la procédure au même jour et renvoyé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 8 décembre 2021, tenue en formation collégiale.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES':

Par ses dernières conclusions, remises au greffe le 21 décembre 2020, l'association ADAPEI-ARIA de Vendée demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Mme N. de sa demande tendant à ce que la rupture soit jugée comme un licenciement nul et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de versement de dommages et intérêts pour discrimination, et de':

- dire et juger que l'association ADAPEI-ARIA de Vendée n'a pas manqué à ses obligations et engagements souscrits dans le cadre de l'engagement de Mme N. dans le cadre d'un contrat-emploi d'avenir à durée déterminée,

- dire et juger que les relations contractuelles entre l'association et Mme N. ont été rompues du fait de l'arrivée à son terme de ce contrat à durée déterminée,

- débouter Mme N. de ses demandes subséquentes,

- dire et juger que Mme N. n'a subi aucune discrimination liée à son état de santé,

- débouter Mme N. du surplus de ses demandes,

- condamner Mme N. au versement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Pour s'opposer à la demande de requalification du contrat de travail, l'association ADAPEI-ARIA de Vendée fait valoir que':

- l'erreur n'est pas créatrice de droit'; bien que l'avenant du 1er avril 2017 évoque, de manière erronée, un contrat de travail à durée indéterminée, Mme N. ne pouvait se méprendre puisqu'il était fait référence au contrat conclu le 10/9/2015 et que l'objet de l'avenant était clairement stipulé, à savoir l'annualisation de la durée du travail en application d'un accord collectif d'entreprise';

- elle n'a pas manqué à son obligation de formation, dans la mesure où':

* il est rappelé que le contrat d'accompagnement dans l'emploi a été conclu afin de permettre à Mme N. d'obtenir la qualification de surveillant de nuit qualifié, et non d'aide-soignant';

* les actions d'accompagnement professionnel et de formation ont été déterminées dans la demande d'aide à l'insertion professionnelle signée par les parties'; elles consistaient en une aide à la prise de poste et à l'élaboration du projet professionnel, ainsi qu'en une formation d'adaptation au poste de travail'; l'association ADAPEI-ARIA de Vendée est allée au-delà de ces engagements, en mettant en œuvre un plan d'actions de formation complet'; l'association a ainsi organisé, pendant la durée du contrat la liant à Mme N., trois sessions de formation permettant d'obtenir la qualification de surveillant de nuit'; Mme N. bénéficiait en outre d'un référent (M. L.) au sein de la Mission Locale du Yonnais, autorité attribuant l'aide à l'insertion professionnelle, ainsi que d'un tuteur (Mme B.) au sein de l'association, personnes qu'elle a régulièrement rencontrées au cours de son contrat';

* Mme N. était parfaitement informée, par la demande d'aide à l'insertion qu'elle a signée, de la qualification visée et des actions d'accompagnement professionnel lui permettant d'obtenir cette qualification'; elle admet qu'elle a été informée et sensibilisée à chaque fois des dates des sessions de formation'; l'absence de suivi effectif des formations ne peut être imputée à l'association, dès lors qu'elle résulte de son désintérêt affiché pour cette formation (Mme N. souhaitant plutôt suivre une formation d'aide soignante) et de ses absences d'une durée totale de plus de 18 mois';

- la jurisprudence autorise le recours aux CDD d'accompagnement dans l'emploi pour pourvoir temporairement des postes liés à l'activité permanente de l'entreprise'; Mme N. n'était pas intéressée par un poste de surveillant de nuit, et n'a pas postulé sur un tel poste, et ne peut donc reprocher à l'association d'avoir embauché sur ces postes les deux autres salariés engagés comme elle dans le cadre d'un dispositif emploi d'avenir.

A l'encontre de la demande de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de formation, l'association ADAPEI-ARIA de Vendée soutient qu'elle n'a commis aucun manquement et qu'en outre Mme N. ne justifie pas d'un préjudice.

L'association ADAPEI-ARIA de Vendée considère que le contrat a été rompu par la survenance du terme prévu, et que cette rupture ne peut donc être qualifiée d'abusive. Elle conteste toute discrimination à raison de l'état de santé, en soutenant que Mme N. ne peut pas se comparer aux deux autres salariées engagées dans le cadre d'un contrat emploi d'avenir, qui elles ont suivi des sessions de formation complètes et ont présenté leur candidature au poste de surveillant de nuit.

Par ses dernières conclusions, remises au greffe le 28 septembre 2020, Mme N. demande à la cour de':

> confirmer le jugement en ce qu'il a':

- requalifié le contrat de Mme N. en CDI et lui a alloué les sommes de':

* 1.394,96 euros net à titre d'indemnité de requalification,

* 2.789,92 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 278,99 euros brut au titre des congés payés afférents,

* 1.394,96 euros net à titre d'indemnité de licenciement,

* 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

> réformer le jugement pour le surplus et':

- dire que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement nul,

- allouer à Mme N. les sommes suivantes':

* 5.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour absence de formation,

* 8.370 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- condamner l'association ADAPEI-ARIA de Vendée à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en remboursement de ses frais irrépétibles devant la cour,

- dire que les créances allouées produiront intérêt au taux légal à compter du dépôt de la demande, et dire qu'il sera fait application de l'article 1154 du code civil prévoyant la capitalisation des intérêts,

- condamner l'association ADAPEI-ARIA de Vendée aux dépens.

A l'appui de sa demande de requalification, Mme N. soutient que':

- l'association ADAPEI-ARIA de Vendée ne démontre pas que la référence à un contrat à durée indéterminée résulte d'une erreur de frappe';

- le recours à un CDD aidé ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir un emploi permanent'; or elle a été recrutée pour pourvoir un poste relevant de l'activité normale et permanente de l'entreprise, et il était prévu dès la conclusion du contrat de le pérenniser, ce que l'association ADAPEI-ARIA de Vendée ne conteste pas'; un recrutement a été lancé sur son poste à pourvoir dès le 10 septembre 2018 et ses deux collègues en contrats aidés se sont vues proposer un CDI';

- son employeur n'a pas respecté son obligation de formation':

* s'agissant des actions de formation, Mme N. admet avoir demandé au bout de six mois d'activité à bénéficier d'une formation d'aide-soignante, mais justifie cette demande par le fait qu'elle n'était pas tenue de se limiter à la seule qualification correspondant au poste occupé et conteste toute déloyauté de sa part à travers cette démarche. Elle estime qu'il ne peut en être déduit qu'elle aurait refusé de suivre des formations de surveillante de nuit, affirme qu'elle n'a pas pu suivre les deux sessions de formation dont elle a été informée, dans la mesure où elle était en congé maternité, et assure qu'elle n'a jamais eu connaissance de la troisième session évoquée par l'employeur, en faisant remarquer que le terme de cette troisième session excédait le terme de son contrat. Elle fait valoir que le dispositif emploi d'avenir permettait de prolonger la durée du contrat, dans la limite de cinq ans au total, pour permettre l'achèvement d'un cycle de formation, ce qui lui aurait permis de suivre la 3e formation. Elle soutient que l'employeur doit organiser des formations effectives';

* s'agissant de l'accompagnement dans un parcours d'insertion, Mme N. fait valoir que la réaction de l'association à sa demande de formation comme aide-soignante est révélatrice d'un manque de compréhension du dispositif'; qu'en outre, elle n'a jamais reçu le formulaire établi avec la Mission locale, ne savait pas qui était désigné pour être son tuteur et n'a pas bénéficié du moindre suivi par une telle personne'; qu'elle n'a pas non plus bénéficié d'entretiens réguliers avec son référent de la Mission locale et sa tutrice.

* Mme N. n'a pas eu son attestation d'expérience professionnelle en fin de contrat.

A l'appui de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de formation, Mme N. soutient que le contrat signé, destiné à favoriser son intégration dans un travail, a été complètement dévoyé.

Mme N. fait valoir que la survenance du terme d'un CDD requalifié en CDI ne peut constituer un motif légitime de rupture'; que cette rupture est en outre discriminatoire, dès lors qu'elle n'a pas obtenu le CDI espéré, alors qu'un recrutement a été lancé pour pourvoir à son poste et que ses deux collègues qui étaient dans la même situation qu'elle ont quant à eux été embauchés en CDI'; que seules les différenciaient ses absences pour maladie et maternité, qui sont donc au moins partiellement à l'origine de son éviction. Elle considère qu'en justifiant cette situation par le fait que ses collègues avaient suivi la formation de surveillant de nuit, l'employeur confirme la discrimination dont elle a été victime.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE L'ARRÊT :

Sur la qualification du contrat de travail adossé à l'«'emploi d'avenir'» de Mme N.

1. En premier lieu, la cour relève que le contrat de travail daté du 29 septembre 2015 et ayant pris effet au 10 septembre 2015 était conclu de manière parfaitement explicite pour une durée déterminée de 36 mois, du 10 septembre 2015 au 9 septembre 2018. Mme N. ne conteste d'ailleurs pas avoir été initialement engagée dans le cadre d'un contrat à durée déterminée.

L'avenant daté du 1er avril 2017 est intitulé «'avenant de modification du temps de travail au contrat de travail en date du 10/09/2015'» et porte exclusivement sur l'annualisation du temps de travail de Mme N. au regard de l'accord collectif d'entreprise du 9 novembre 2016, et sur le lissage de la rémunération afférente.

Dès lors, le seul fait que cet avenant mentionne «'le contrat de travail à durée indéterminée, conclu le 10/9/2015 entre Mademoiselle N. KELLY et l'Association prévoyant une durée de travail de 121,37 heures par mois et transformé comme suit': [annualisation du temps de travail]'» ne permet pas de qualifier de CDI le contrat de travail, n'est manifestement qu'une erreur matérielle qui ne saurait traduire la volonté commune des parties de s'engager dans un contrat de travail à durée indéterminée.

La cour retient que le contrat liant les parties est demeuré un contrat à durée déterminée.

2. En vertu de l'article L. 1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4 notamment.

Il est rappelé que sur le fondement de l'article L. 1242-3, il est possible de conclure un contrat de travail à durée déterminée :

1° Au titre de dispositions légales destinées à favoriser le recrutement de certaines catégories de personnes sans emploi ;

2° Lorsque l'employeur s'engage, pour une durée et dans des conditions déterminées par décret, à assurer un complément de formation professionnelle au salarié.

Ainsi se trouve visé l'emploi d'avenir, qui en vertu de l'article L. 5134-110 du code du travail, a pour objet de faciliter l'insertion professionnelle et l'accès à la qualification des jeunes sans emploi âgés de seize à vingt-cinq ans au moment de la signature du contrat de travail soit sans qualification, soit peu qualifiés et rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi, par leur recrutement dans des activités présentant un caractère d'utilité sociale ou environnementale ou ayant un fort potentiel de création d'emplois.

Le contrat de travail à durée déterminée rattaché à la mise en œuvre des politiques de l'emploi, tel le contrat de travail adossé à un emploi d'avenir, qui peut être tant un CDI qu'un CDD (article L. 5134-115 du code du travail), peut être conclu pour pourvoir temporairement un poste lié à l'activité normale de l'entreprise.

Dès lors, le fait que Mme N. ait été recrutée pour pourvoir un poste de surveillante de nuit relevant de l'activité normale et permanente de l'entreprise, ce que l'association ADAPEI-ARIA de Vendée ne conteste pas, n'est pas susceptible d'entraîner une requalification du contrat litigieux en contrat de travail à durée indéterminée.

3. L'emploi d'avenir est l'un des dispositifs légaux de la politique de l'emploi. Sur le fondement des articles L. 5134-19-3, L. 5134-112 et R. 5134-165 du code du travail, l'emploi d'avenir est conclu sous la forme, selon le cas, d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE) ou d'un contrat initiative-emploi (CIE), qui constituent les deux formes possibles du contrat unique d'insertion (CUI) défini à l'article L. 5134-19-1. Les dispositions relatives à ces contrats (CAE/CIE) s'appliquent à l'emploi d'avenir, sous réserve des dispositions spécifiques prévues par la section 8 relative à l'emploi d'avenir.

En l'espèce, l'association ADAPEI-ARIA de Vendée qui appartient au secteur non marchand, est susceptible de conclure des CUI-CAE. D'ailleurs, les dispositions de l'article 6 du contrat de travail liant les parties énoncent que celui-ci est bien régi par les dispositions légales et réglementaires relatives aux contrats d'accompagnement dans l'emploi sous réserve des dispositions spécifiques aux emplois d'avenir.

Sur le fondement des articles L. 5134-20 relatif au CAE et L. 5134-110 relatif à l'emploi d'avenir, ces contrats ont pour objet de faciliter l'insertion professionnelle de personnes sans emploi. S'agissant de l'emploi d'avenir, l'article afférent ajoute qu'il a également pour objet l'accès à la qualification des jeunes sans emploi.

L'article L. 5134-114, spécifique à l'emploi d'avenir, dispose ainsi que l'aide relative à l'emploi d'avenir est attribuée au vu des engagements de l'employeur sur le contenu du poste proposé et sa position dans l'organisation de la structure employant le bénéficiaire de l'emploi d'avenir, sur les conditions d'encadrement et de tutorat ainsi que sur la qualification ou les compétences dont l'acquisition est visée pendant la période en emploi d'avenir. Ces engagements portent obligatoirement sur les actions de formation, réalisées prioritairement pendant le temps de travail, ou en dehors de celui-ci, qui concourent à l'acquisition de cette qualification ou de ces compétences et les moyens à mobiliser pour y parvenir. Ils précisent les modalités d'organisation du temps de travail envisagées afin de permettre la réalisation des actions de formation. Ces actions de formation privilégient l'acquisition de compétences de base et de compétences transférables permettant au bénéficiaire de l'emploi d'avenir d'accéder à un niveau de qualification supérieur.

L'aide est également attribuée au vu des engagements de l'employeur sur les possibilités de pérennisation des activités et les dispositions de nature à assurer la professionnalisation des emplois.

Il est ajouté que selon l'article L. 5134-117, également spécifique à l'emploi d'avenir, les compétences acquises dans le cadre de l'emploi d'avenir sont reconnues par une attestation de formation, une attestation d'expérience professionnelle ou une validation des acquis de l'expérience prévue à l'article L. 6411-1. Elles peuvent également faire l'objet d'une certification inscrite au répertoire national des certifications professionnelles.

La présentation à un examen pour acquérir un diplôme ou à un concours doit être favorisée pendant ou à l'issue de l'emploi d'avenir.

A l'issue de son emploi d'avenir, le bénéficiaire qui souhaite aboutir dans son parcours d'accès à la qualification peut prétendre aux contrats de travail mentionnés au livre II et au chapitre V du titre II du livre III de la sixième partie ainsi qu'aux actions de formation professionnelle mentionnées à l'article L. 6313-1, selon des modalités définies dans le cadre d'une concertation annuelle du comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle.

Enfin, l'article L. 5134-115 spécifique à l'emploi d'avenir dispose que lorsqu'il est à durée déterminée, le contrat de travail est conclu en principe pour une durée de 36 mois'; que cependant, à titre dérogatoire, afin de permettre au bénéficiaire d'achever une action de formation professionnelle, le prescripteur peut autoriser une prolongation du contrat (et de l'aide à l'insertion, selon l'article L. 5134-113) au-delà de la durée maximale de 36 mois, sans que cette prolongation puisse excéder le terme de l'action de formation concernée.

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation de formation.

En l'espèce, le contrat de travail évoque un emploi d'agent de service intérieur ' surveillant de nuit.

La demande d'aide adossée au contrat de travail mentionne comme actions d'accompagnement et de formation prévues': aide à la prise de poste, élaboration du projet professionnel et appui à sa réalisation, adaptation au poste de travail.

Mme N. a été absente, outre les périodes de congés payés':

- du 19 septembre 2016 au 20 mars 2017 dans le cadre d'un congé maladie suivi d'un congé maternité,

- du 27 avril 2017 au 28 février 2018, dans le cadre d'un arrêt maladie en lien avec un accident du travail au titre d'un autre emploi.

Elle a donc travaillé pour l'association ADAPEI-ARIA de Vendée de septembre 2015 à septembre 2016, un peu plus d'un mois en mars-avril 2017, puis de mars à septembre 2018, soit environ 18 mois.

Dans ce contexte, il est établi que Mme N. a, de manière effective, suivi une formation de sauveteur secouriste du travail les 8 et 9 juin 2016.

Elle a en outre, de fait, exercé les fonctions de surveillante de nuit sous l'autorité de Mme B., sa chef de service qui était également sa tutrice, ainsi qu'il résulte du formulaire de demande d'aide. A cet égard, Mme N. ne peut sérieusement soutenir qu'elle ignorait l'identité de son tuteur, dès lors que le formulaire de demande d'aide désignait Mme B., sa chef de service, en cette qualité, et que Mme N. a signé ce formulaire, ce qui suppose qu'elle en a pris connaissance.

Cependant, elle n'a pas suivi la session de formation «'surveillant de nuit qualifié'», d'une durée de 9 mois environ, proposée par son employeur pour lui permettre d'acquérir la qualification afférente au poste occupé. Ces formations étaient prévues du 19 avril 2016 au 26 janvier 2017, du 14 mars 2017 au 19 décembre 2017 et enfin du 20 mars 2018 au 18 décembre 2018.

Certes, ses absences n'ont pu que compliquer la mise en œuvre d'une formation longue de neuf mois à son profit. En outre, il est relevé que Mme N. a fait part de son désintérêt pour cette formation de surveillante de nuit environ six mois après son embauche, ainsi qu'il ressort des attestations de Mme B. et de Mme V., selon lesquelles «'rapidement après le début du contrat, Kelly m'a signalé ne pas vouloir suivre la formation surveillant de nuit, correspondant à son poste de travail'» et «'elle avait déjà dit à Mme B. (chef de service) qu'elle ne souhaitait pas faire cette formation car son projet professionnel était de faire la formation d'aide-soignante'». Elle a confirmé son désintérêt en janvier 2017 à l'occasion d'une conversation téléphonique avec Mme V., ainsi qu'il résulte du courriel de cette dernière du 30 janvier 2017 rapportant au service des ressources humaines de l'association que Mme N. «'n'est pas intéressée par la formation de surveillant de nuit, elle souhaiterai faire une prépa au concours d'aide-soignante. Elle l'avait précisé à Michel M. mais il lui avait été répondu que ce n'était pas possible.'» Enfin, l'association ADAPEI-ARIA de Vendée n'était pas tenue de lui assurer une formation à un emploi radicalement différent de celui dans lequel elle s'était engagée, et pouvait donc légitimement refuser de l'inscrire dans une formation d'aide-soignante sans rapport avec son emploi de surveillante de nuit.

Pour autant, alors que l'arrêt de travail de Mme N. a pris fin le 28 février 2018 et qu'une troisième session de formation était prévue à partir du 20 mars 2018, qui aurait pu se poursuivre dans le cadre d'une éventuelle autorisation de prolongation du contrat de travail et de l'aide afférente au-delà du 9 septembre 2018, l'association ADAPEI-ARIA de Vendée ne justifie pas avoir évoqué avec Mme N. cette possibilité. Le fait que la salariée ait manifesté son désintérêt pour cette formation un an plus tôt ne pouvait justifier que l'employeur renonce à toute proposition de formation, cela d'autant plus qu'il s'agissait d'une formation qualifiante.

En outre, l'association ADAPEI-ARIA de Vendée ne justifie pas avoir remis à Mme N., ni même avoir établi, une attestation de formation ou une attestation d'expérience professionnelle, alors que la salariée avait à tout le moins exécuté son contrat de travail et suivi une formation de sauveteur secouriste du travail, éléments importants pour faciliter son insertion professionnelle et exigés par les textes.

Au vu de ces différents éléments, la cour retient que l'association ADAPEI-ARIA de Vendée a partiellement manqué à son obligation de formation, ce qui justifie une requalification du contrat de travail adossé à l'emploi d'avenir en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun.

4. L'association ADAPEI-ARIA de Vendée est donc condamnée à lui payer la somme de 1.394,96 euros net à titre d'indemnité de requalification, sur le fondement de l'article L. 1245-2 du code du travail.

Sur la rupture du contrat de travail et les demandes pécuniaires afférentes

Le contrat de travail, requalifié en contrat à durée indéterminée, a pris fin le 9 septembre 2018, date du terme du CDD dans lequel s'étaient engagées les parties.

Mme N. se prévalant d'une éviction, d'un licenciement discriminatoire car fondé sur sa santé et son état de maternité, il est rappelé qu'en vertu des articles L. 1132-1 et suivants du code du travail est prohibée toute mesure de discrimination d'un salarié, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, cela en raison notamment de sa grossesse ou de son état de santé.

L'article L. 1132-4 sanctionne par la nullité toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance de ces dispositions.

L'article L. 1134-1 précise que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, il est constant que les deux collègues de Mme N., bénéficiant comme elle d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi concomitant au sien, ont obtenu, contrairement à elle, un CDI les employant comme surveillantes de nuit à l'issue de leurs emplois d'avenir respectifs.

Il n'est pas contesté que ces deux collègues n'ont pas été absentes pendant le temps de l'emploi d'avenir, contrairement à elle.

Cette différence de traitement laisse supposer l'existence d'une discrimination à raison de l'état de grossesse et de santé. Cela d'autant plus que si les deux collègues de Mme N. ont obtenu le «'certificat de formation de surveillante de nuit qualifiée'» le 26 janvier 2017, contrairement à elle, l'une des deux n'a été embauchée en CDI qu'en qualité d'agent de service intérieur et non d'ouvrier qualifié.

Néanmoins, Mme N. ne conteste aucunement qu'elle n'a pas fait acte de candidature pour obtenir le poste proposé en CDI, au contraire de ses deux collègues. Il est d'ailleurs relevé que dans son courrier du 27 septembre 2018 adressé à Mme V., elle estime qu'elle aurait du poursuivre ses fonctions au sein de l'établissement au seul motif qu'elle était en CDI, ce qui est erroné ainsi que les développements ci-dessus l'établissent.

L'employeur apporte ainsi une justification objective à l'absence de conclusion d'un CDI avec Mme N..

La demande tendant à qualifier la rupture du contrat de travail de licenciement nul est rejetée, et le jugement confirmé de ce chef.

En revanche, du fait du manquement de l'employeur à son obligation de formation et de la requalification, en conséquence, du contrat litigieux en CDI, la rupture de fait du contrat requalifié est dépourvue de cause réelle et sérieuse.

Le jugement est donc confirmé de ce chef, et en ce qu'il a condamné l'association ADAPEI-ARIA de Vendée à payer à Mme N.':

- 2.789,92 euros brut à titre d'indemnité de préavis, outre 278,99 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 1.394,96 euros net à titre d'indemnité de licenciement.

S'agissant de la demande de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, il est rappelé qu'en vertu de l'article L. 1235-3 dans sa version en vigueur depuis le 1er avril 2018, il y a lieu d'octroyer à la salariée une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre 3 et 4 mois de salaire brut au regard de ses trois ans d'ancienneté.

Mme N. ne justifie pas de sa situation professionnelle actuelle, se contentant d'indiquer (conclusions de septembre 2020) qu'elle est en congé-maternité, qu'elle est toujours engagée dans un contrat de travail avec son deuxième employeur (SAMSIC) et faisant état de difficultés financières attestée par un courrier de sa banque d'octobre 2019.

Dès lors, au regard notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme N., de son ancienneté, de son âge (28 ans à l'époque de la rupture du contrat), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de confirmer le jugement lui ayant alloué une somme de 4.882,36 euros net à titre d'indemnité pour licenciement abusif.

Sur la demande de dommages et intérêts pour absence de formation

Au regard des manquements de l'employeur décrits ci-dessus, Mme N. a subi un préjudice puisqu'elle a perdu une chance de pouvoir se prévaloir d'une formation qualifiante et ne peut en tout état de cause faire état des compétences effectivement acquises.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'association ADAPEI-ARIA de Vendée à payer à Mme N. la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur le remboursement des indemnités chômage

En vertu de l'article L. 1235-4 du code du travail dans sa version actuellement en vigueur et dans le cas prévu à l'article L. 1235-3 applicable en l'espèce, "le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées".

La cour, ajoutant à la décision de première instance, fait application de ces dispositions à hauteur d'un mois.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

En qualité de partie succombante pour l'essentiel, l'association ADAPEI-ARIA de Vendée est condamnée aux entiers dépens, tant de première instance que de l'instance d'appel.

S'agissant des dépens afférents aux actes et procédures d' exécution , il est rappelé que la présente décision permet le recouvrement des frais de son exécution forcée. En application de l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d' exécution , ces frais sont à la charge du débiteur (à l'exception des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement, qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État), sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés, et les contestations éventuelles sont tranchées par le juge. Le juge du fond n'a donc pas à statuer par avance sur le sort de ces frais. Le jugement est infirmé en ce sens.

Par suite de sa condamnation aux dépens, l'association ADAPEI-ARIA de Vendée est condamnée à payer à Mme N. la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en supplément de la somme allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions frappées d'appel,

- sauf à préciser que les «'intérêts de droit'» s'entendent des «'intérêts courant au taux légal'»

- et sauf en ce que le jugement a condamné l'association ADAPEI-ARIA de Vendée au paiement des frais d'huissier en cas d' exécution forcée,

Ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, à hauteur d'un mois d'indemnité de chômage,

Condamne l'association ADAPEI-ARIA de Vendée à payer à Mme N. la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel,

Condamne l'association ADAPEI-ARIA de Vendée aux dépens, tant de première instance que d'appel.