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Décisions

Cass. com., 1 mars 1994, n° 92-16.393

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Nicot

Rapporteur :

M. Leclercq

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocats :

Me Choucroy, SCP Vier et Barthélémy

Versailles, du 24 avr. 1992

24 avril 1992

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SCI Montmorency et environs (la SCI) a acquis de M. et Mme X... un immeuble moyennant le versement d'une somme et d'une rente viagère, à charge pour les vendeurs d'obtenir la mainlevée des inscriptions hypothécaires ; que celles-ci n'ayant pas été levées, la SCI s'est fait autoriser judiciairement à ne pas payer le prix convenu ; qu'ultérieurement, Mme Y..., veuve X... (Mme X...) a fait signifier à la SCI un commandement d'avoir à payer les arrérages de sa rente ; que la SCI a demandé que ce commandement soit déclaré judiciairement sans effet, invoquant à cette fin la prescription des arrérages de rentes pour les années antérieures aux 5 dernières années et la compensation de ce qui reste dû avec les créances pour lesquelles les hypothèques avaient été inscrites et dont elle a prétendu être, entre-temps, devenue cessionnaire ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir reconnu la SCI créancière du montant d'un effet de commerce accepté par M. X..., bien que le titre ne mentionne pas le nom du bénéficiaire, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'aux termes des articles 110, 183 et 184 du Code de commerce, les lettres de change et billets à ordre qui ne portent pas le nom du bénéficiaire ne valent ni comme lettres de change ni comme billets à ordre, la mention " à vue " n'ayant, aux termes des articles 131 et 132 du même Code, trait qu'au délai de présentation ; que ce n'est donc qu'au prix de la violation des articles susvisés que la cour d'appel a pu juger qu'en l'absence de mention du bénéficiaire, la mention " à vue " et la possession du titre justifiaient la demande en paiement ; et alors, d'autre part, qu'aux termes de l'article 132 du Code de commerce, lorsqu'une lettre de change est payable à vue, elle doit être présentée au paiement dans le délai d'un an, à compter de sa date de création, l'article 179, applicable aux billets à ordre en vertu de l'article 185, prévoyant quant à lui que toutes les actions résultant de la lettre de change contre l'accepteur se prescrivent par 3 ans à compter de la date d'échéance ; qu'en la présente espèce, le billet à ordre avait été créé le 14 janvier 1975 et aurait donc dû être présenté au paiement au plus tard le 14 janvier 1976, tant et si bien que l'action du porteur contre l'accepteur se trouvait prescrite le 15 janvier 1979 et qu'en admettant que le porteur puisse réclamer le paiement au-delà de cette date, la cour d'appel a violé les articles 132, 179 et 185 du Code de commerce ;

Mais attendu que la cour d'appel a, à bon droit, retenu que le titre au porteur, ne comportant pas mention de bénéficiaire, et produit par la société, établissait la créance de celle-ci, dans les termes du droit commun, sur le souscripteur de la mention d'acceptation ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 2277 du Code civil ;

Attendu que pour décider que les intérêts des créances de la SCI ne sont pas soumis à la prescription quinquennale, l'arrêt retient que dans son assignation, la société précise les créances qu'elle oppose en compensation aux réclamations de son adversaire et que ces mentions expriment suffisamment une demande en paiement ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, sans rechercher si pour le temps passé plus de 5 ans avant l'acte interruptif, les intérêts étaient soumis à prescription parce que s'appliquant à des créances non contestées dans leur principe ni leur quotité, et périodiquement exigibles ou s'ils ne constituaient que la réparation du préjudice causé au créancier pour le retard mis par le débiteur à lui rembourser son dû, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu les articles 2244 et 2277 du Code civil ;

Attendu que pour décider que les intérêts des créances de la SCI ne sont pas soumis à la prescription quinquennale, l'arrêt retient que par son assignation, la société a demandé paiement de ses créances, tout en relevant par ailleurs que deux de ces créances n'ont été cédées à la SCI qu'en cours d'instance d'appel ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'interruption de la prescription des intérêts ne peut résulter d'un acte signifié par quelqu'un d'autre que le créancier, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit qu'il n'y a pas prescription quinquennale des intérêts dus sur les créances de la SCI, et en ce qu'il a dit que l'expert prendra en considération cet élément de décision, l'arrêt rendu le 24 avril 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.