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Décisions

CA Bourges, 1re ch. civ., 15 septembre 2022, n° 21/00939

BOURGES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Waguette

Conseillers :

M. Perinetti, Mme Ciabrini

TJ Bourges, du 8 juill. 2021

8 juillet 2021

EXPOSÉ :

Le 27 juillet 2018, [Y] [O] a vendu à [X] [Z] un véhicule AUDI A4 immatriculé CR ' 763 ' GN, moyennant la somme de 22.000 €.

Arguant d'un problème de vibration lors de son retour à son domicile, Monsieur [Z] a présenté le véhicule à un concessionnaire AUDI qui a sollicité l'historique du véhicule.

A l'issue de cette investigation, il a été indiqué à Monsieur [Z] que le kilométrage n'était pas de 49.590 kilomètres tel que mentionné sur le contrôle technique mais de 242.028 kilomètres.

Monsieur [Z] a déposé plainte auprès de la gendarmerie de [Localité 6] et a parallèlement saisi son assureur qui a missionné un expert en vue d'une réunion amiable.

Ce dernier a indiqué que le véhicule avait parcouru 259.739 kilomètres et avait été réparé à la suite d'un choc arrière, soulignant que le carnet d'entretien fourni par le vendeur faisait mention de dates et de kilométrages faussés.

Par exploit d'huissier en date du 25 juin 2020, Monsieur [Z] a saisi le tribunal judiciaire de Bourges aux fins de voir ordonner la résolution de la vente du véhicule et de voir condamner Monsieur [O] à lui restituer le prix de vente, soit 22.000 euros, outre 10.000 euros à titre de dommages et intérêts et 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Monsieur [O] a conclu au rejet de l'intégralité des demandes de Monsieur [Z].

Par jugement en date du 8 juillet 2021, le tribunal a statué ainsi :

- PRONONCE la résolution de la vente passée entre Monsieur [X] [Z] et Monsieur [Y] [O] le 27 juillet 2018 portant sur le véhicule AUDI A 4 immatriculé [Immatriculation 5] ;

En conséquence,

- CONDAMNE Monsieur [O] à payer à Monsieur [Z] la somme de 22.000 euros en restitution du prix de vente dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 200 euros par jour de retard, pendant une durée de six mois ;

- DIT, qu'après paiement, Monsieur [O] devra récupérer le véhicule mis à disposition par Monsieur [Z] au lieu où il se trouve, à ses frais ;

- CONDAMNE Monsieur [O] à payer à Monsieur [Z] une indemnité de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- DEBOUTE Monsieur [Z] du surplus de sa demande et les parties de toutes autres demandes; CONDAMNE Monsieur [O] aux dépens ;

- CONDAMNE Monsieur [O] à payer une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Dans l'hypothèse où Monsieur [O] ne réglerait pas spontanément les sommes auxquelles il est condamné par le présent jugement,

- DIT qu'il sera condamné à supporter tous les frais d'exécution y compris les honoraires proportionnels de recouvrement de l'huissier conformément à l'article L.111-8 du Code de Procédures d'Exécution.

[Y] [O] a interjeté appel du jugement par déclaration en date du 26 août 2021.

Faisant principalement valoir que le détail du rapport d'expertise amiable est particulièrement succinct et se fonde sur des données extérieures qui ne sont pas jointes au document, que le défaut de conformité doit correspondre à ce qui avait été convenu lors de la vente et qu'il ne ressort d'aucun élément versé aux débats par Monsieur [Z] que le kilométrage était un des points de son consentement et que d'ailleurs il n'en est pas fait mention sur l'acte de cession , [Y] [O] demande à la cour , dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 21 mars 2022 , à la lecture desquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, de :

- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente passée entre Monsieur [Z] et Monsieur [O] le 27 juillet 2018 et a condamné ce dernier à régler à Monsieur [Z] la somme de 22 000 euros en restitution du prix de vente dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement sous peine d'une astreinte de 200 euros par jour de retard pendant une durée de six mois, et a condamné Monsieur [O] à récupérer le véhicule à ses frais, l'a condamné à une indemnité de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi qu'à une indemnité procédurale de 2 500 euros et aux entiers dépens, en ce compris les frais d'exécution de l'article L 111-8 du Code des Procédures Civiles d'Exécution.

- Débouter Monsieur [Z] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions et appel incident.

- Condamner Monsieur [Z] à verser en application de l'article 37 de la loi sur l'aide juridictionnelle la somme de 2 500 euros à la SELARL ALCIAT JURIS.

- Condamner Monsieur [Z] aux entiers dépens.

[X] [Z], intimé et appelant à titre incident, demande pour sa part à la cour , dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 10 février 2022 , à la lecture desquelles il est pareillement renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, de :

- Déclarer l' appel de Monsieur [Y] [O] non fondé et l'en débouter.

- Confirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de Bourges du 8 juillet 2021 en ce qu'il a prononcé pour défaut dans l'obligation de délivrance la résolution de la vente passée entre Monsieur [X] [Z] et Monsieur [Y] [O] le 27 juillet 2018 portant sur le véhicule AUDI A4 immatriculé [Immatriculation 5] et en conséquence a condamné Monsieur [Y] [O] à payer à Monsieur [X] [Z] la somme de 22 000,00 € en restitution du prix de vente dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement sous peine passé ce délai d'une astreinte de 200,00 € par jour de retard pendant une durée de six mois.

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'après paiement, Monsieur [Y] [O] devrait récupérer le véhicule mis à sa disposition par Monsieur [X] [Z] au lieu où il se trouve à ses frais.

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Monsieur [Y] [O] à payer à Monsieur [X] [Z] une indemnité de 2 500,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour ses frais irrépétibles de première instance et l'a condamné aux dépens de première instance.

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que dans l'hypothèse où Monsieur [Y] [O] ne réglerait pas spontanément les sommes auxquelles il est condamné, il sera condamné à supporter tous les frais d'huissier et ceux y compris les honoraires proportionnels de recouvrement d'huissier conformément à l'article L111-8 du Code des Procédures d'Exécution.

- Recevoir Monsieur [X] [Z] en son appel incident et réformer la décision entreprise ce qu'elle n'a condamné Monsieur [Y] [O] à ne lui payer qu'une somme de 1 000,00 € à titre de dommages et intérêts.

- Statuant à nouveau, condamner Monsieur [Y] [O] à payer à Monsieur [X] [Z] une indemnité de 10.000,00 € à titre de dommages et intérêts.

- Condamner Monsieur [Y] [O] à payer à Monsieur [X] [Z] une somme de 2 000,00 € pour ses frais irrépétibles au niveau de l' appel .

Condamner Monsieur [Y] [O] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 juin 2022 .

SUR QUOI :

I) sur le manquement allégué à l'obligation de délivrance :

Il résulte de l'article 1604 du Code civil que « la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur ».

En application de l'article 1610 du même code, si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur.

Le vendeur d'un véhicule automobile étant tenu de délivrer une chose conforme aux caractéristiques convenues, il manque à son obligation de délivrance s'il fournit à son acquéreur un véhicule automobile dont le kilométrage réel ne correspond pas à celui figurant sur le compteur du véhicule et sur les documents qu'il remet à ce dernier au moment de la vente.

En l'espèce, il résulte de l'imprimé Cerfa intitulé « déclaration de cession d'un véhicule » en date du 27 juillet 2018 que Monsieur [O] a vendu à Monsieur [Z] un véhicule automobile de marque Audi de type A4 Avant immatriculé CR 763 GN mis en circulation pour la première fois le 28 février 2013, moyennant un prix de 22.000 € payé au moyen d'un chèque de banque établi par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Pyrénées.

Monsieur [Z] produit (pièce numéro 4 de son dossier) le procès-verbal de contrôle technique dudit véhicule qui lui a été remis au moment de la vente par son vendeur, et qui fait état, à la date du 7 mai 2018, d'un "kilométrage relevé" de 49.599 km.

Il est pourtant établi que Monsieur [Z] a pris contact avec le service clientèle Audi (pièce numéro 5), qui lui a fait parvenir l'historique des interventions réalisées sur le véhicule dont il résulte que le kilométrage de ce dernier s'établissait à 242.028 km à la date du 30 mars 2017, soit plus d'un an avant l'achat.

En outre, il apparaît que l'assureur protection juridique de Monsieur [Z] a fait procéder à une expertise amiable du véhicule le 10 avril 2019 ' à laquelle Monsieur [O] a été dûment convoqué mais ne s'est pas présenté sans s'excuser ' dont il résulte que, « suite à l'interrogation du STAN », il a pu notamment être établi que des réparations avaient été effectuées sur le véhicule pour un montant de 4.873,12 € le 2 juin 2016 alors que le kilométrage de celui-ci s'élevait à 200.306 km, puis le 30 janvier 2018 ' soit six mois avant la vente ' pour la somme de 845,60 €, alors même que le kilométrage du véhicule s'établissait à 259.739 km.

En conclusion de ce rapport, l'expert amiable indique : « le kilométrage relevé le jour de l'expertise sur le véhicule n'est pas conforme au kilométrage réellement effectué par ce dernier (') Le kilométrage compteur est incohérent. Le carnet d'entretien fourni par le vendeur est tamponné à des dates et des kilométrages faussés ».

Les éléments contenus dans le rapport d'expertise amiable ' à laquelle Monsieur [O] était dûment convoqué ' corroborent, ainsi, l'historique du véhicule communiqué à Monsieur [Z] par le service relation clients de la marque Audi, de sorte qu'il ne saurait être sérieusement contesté par Monsieur [O] que le véhicule qu'il a vendu à Monsieur [Z] le 27 juillet 2018 présentait à cette date, en réalité, un kilométrage bien supérieur (plus de 260 000 km) au kilométrage figurant sur le compteur de celui-ci et sur le document établi lors du contrôle technique (49 599 km).

Le kilométrage d'un véhicule vendu d'occasion constituant une caractéristique essentielle de ce dernier - révélatrice de la durée de vie prévisible du moteur et, par conséquent, déterminante notamment du prix convenu - c'est à juste titre que le premier juge a retenu que Monsieur [O] avait manqué à son obligation de délivrer une chose conforme à ce qui avait été convenu entre les parties.

La décision dont appel devra donc être confirmée en ce qu'elle a prononcé la résolution du contrat de vente de ce chef et condamné Monsieur [O] à restitution du prix de vente de 22 000 € sous astreinte avec récupération du véhicule après paiement.

II) sur la demande de dommages-intérêts :

Monsieur [O] sollicite l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a mis à sa charge le paiement d'une indemnité de 1000 € à titre de dommages-intérêts, faisant principalement valoir qu'il ne peut lui être reproché aucune tromperie dans le cadre de la vente du véhicule, alors même qu'il n'était plus professionnel dans le négoce automobile au moment de ladite vente, réalisée en conséquence à titre simplement personnel.

Monsieur [Z] a interjeté appel incident sur ce point, sollicitant que la somme allouée soit portée à 10 000 €, reprochant à son vendeur d'avoir été de mauvaise foi et de lui avoir vendu, en toute connaissance de cause, un véhicule dont le compteur kilométrique faisait apparaître un kilométrage erroné. Il précise que les agissements de l'appelant l'ont plongé « dans une situation financière dramatique alors qu'il avait engagé une somme importante de 22 000 € ».

Il résulte de l'extrait K bis produit en pièce numéro 8 du dossier de l'intimé que Monsieur [O] a été inscrit au registre du commerce et des sociétés pour une activité d'« achat-vente de véhicules d'occasion » entre le 3 mars 2017 et le 2 mars 2018.

La carte grise du véhicule litigieux fait apparaître que celui-ci avait fait l'acquisition de ce véhicule le 19 avril 2018, avant de le revendre à Monsieur [Z] le 27 juillet suivant.

Même s'il avait, en conséquence, cessé son activité professionnelle d'achat-vente de véhicules automobiles d'occasion à cette date, il n'en demeurait pas moins avisé en matière automobile et il ne peut donc légitimement prétendre avoir ignoré le caractère erroné du kilométrage présenté par le véhicule automobile dont il avait fait l'acquisition et dont il avait pu se convaincre de l'état.

En l'absence de tout justificatif versé par Monsieur [Z] au titre d'un préjudice autre que la déception résultant de ne pas avoir obtenu la livraison du véhicule automobile en conformité avec les spécifications convenues par les parties, c'est à juste titre que le premier juge a évalué à la somme de 1000 € l'indemnité devant revenir, à ce titre, à l'intimé.

La décision dont appel devra donc également être confirmée de ce chef.

III) sur les autres demandes :

L'équité commandera d'allouer à Monsieur [Z] une indemnité de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles que celui-ci a dû exposer devant la cour .

Par ces motifs :

La cour

' Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris

Y ajoutant

' Condamne [Y] [O] à verser à [X] [Z] la somme de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

' Condamne [Y] [O] aux entiers dépens d' appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.