CA Paris, Pôle 4 ch. 11, 22 février 2021, n° 18/28412
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Pacifica (SA), Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Tarn
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gilly-Escoffier
Conseillers :
Mme Touati, Mme Bardiau
FAITS ET PROCÉDURE
Le 4 février 2015, M. Jonathan F. a été victime d'un accident causé par un ami, M. Frédéric P., qui, lors d'un repas, a jeté dans sa direction un couteau dont la lame a pénétré dans l'orbite de son oeil droit.
M. P. a déclaré le sinistre à son assureur de responsabilité civile, la société Pacifica, laquelle n'a pas contesté le droit à indemnisation de M. F. et a mis en oeuvre une mesure d'expertise amiable confiée au docteur R., M. F. étant assisté de son médecin-conseil, le docteur L..
Après dépôt du rapport d'expertise le 8 septembre 2015, M. F. a assigné le 19 mai 2017 la société Pacifica et la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn en indemnisation de ses préjudices.
Par jugement du 26 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :
- déclaré M. Frédéric P., sous la garantie de la société Pacifica, responsable de l'accident dont a été victime M. Jonathan F. le 4 février 2015,
- condamné la société Pacifica à payer à M. Jonathan F. les sommes suivantes :
* 432 euros au titre des frais divers,
* 20 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,
* 1 437,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
* 7 000 euros au titre des souffrances endurées,
* 60 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
* 2 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent,
- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jugement,
- condamné la société Pacifica à payer à M. Jonathan F. la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- prononcé l'exécution provisoire à hauteur des trois quarts des sommes allouées à M. Jonathan F.,
- condamné la société Pacifica aux entiers dépens de l'instance qui pourront être recouvrés directement par Maître Frédéric F. dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
- débouté M. Jonathan F. du surplus de ses demandes.
Par déclaration du 19 décembre 2018, M. F. a relevé appel de ce jugement en ce qu'il a limité la condamnation de la société Pacifica à la somme de 20 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre de la perte de gains professionnels futurs et en ce qu'il l'a débouté du surplus de ses demandes, comprenant notamment une demande d'expertise.
La caisse primaire d'assurance maladie du Tarn, bien que destinataire de la déclaration d'appel qui lui a été signifiée le 8 février 2019 à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions de M. Jonathan F., notifiées le 6 septembre 2019, aux termes desquelles, il demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien fondé en sa demande M. Jonathan F.,
- débouter la société Pacifica de tous ses moyens, fins et conclusions,
A titre principal :
- réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 26 novembre 2018 en ce qu'il a débouté M. Jonathan F. de sa demande d'expertise médicale,
Statuant à nouveau,
- ordonner une mesure d'expertise médicale, confiée à tel expert qu'il plaira à la cour de désigner,
- ordonner le sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,
- renvoyer à la mise en l'état dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,
A titre subsidiaire :
- réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 26 novembre 2018 en ce qu'il a :
débouté M. F. de sa demande au titre des PGPF,
limité l'indemnisation de l'incidence professionnelle à 20 000 euros,
Statuant à nouveau,
- indemniser M. Jonathan F. au titre de ces postes de préjudice et condamner la société Pacifica à payer :
PGPF : 567 311,69 euros
incidence professionnelle : 150 000 euros,
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 26 novembre 2018, en ce qu'il a accordé à M. F. les sommes suivantes :
452 euros au titre des frais divers,
1 437,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
7 000 euros au titre des souffrances endurées,
60 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
2 500 euros au titre du préjudice esthétique,
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 26 novembre 2018 en ce qu'il a condamné la société Pacifica :
à l'article 700 du code de procédure civile (3 000 euros),
aux dépens,
- dire que le jugement sera opposable à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn,
- prononcer l'exécution provisoire de la présente décision,
- condamner en cause d'appel la société Pacifica à payer à M. Jonathan F. la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Pacifica aux entiers dépens de la présente instance, qui seront distraits au profit de Maître Jacques B., qui comprendront les frais d'huissier pour la mise en cause de l'organisme social, le droit de plaidoirie et les frais de signification et d'exécution, dont le droit de recouvrement ou d'encaissement prévu par l'article R. 444-55 du code de commerce issu du décret du 26 février 2016,
- condamner la société Pacifica aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le montant pourra être recouvré par Maître Jacques B., conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions de la société Pacifica, notifiées le 29 septembre 2020, par lesquelles elle demande à la cour de :
- dire et juger M. Jonathan F. mal fondé en son appel,
- en conséquence, le débouter de l'ensemble de ses demandes,
- dire et juger la société Pacifica recevable et bien fondée en son appel,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Pacifica à payer à M. Jonathan F. les sommes suivantes :
20 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,
60 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
3 000 euros au titre des frais irrépétibles,
Et, statuant à nouveau ;
- débouter M. Jonathan F. de sa demande au titre de l'incidence professionnelle,
- allouer à M. Jonathan F. la somme de 43 680 euros en réparation du déficit fonctionnel permanent,
- débouter M. Jonathan F. de sa demande au titre des frais irrépétibles,
- confirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses autres dispositions,
- dire et juger que chaque partie conservera la charge de ses dépens.
MOTIFS DE L'ARRÊT
La cour n'est saisie par l'effet des appels principal et incident que des dispositions du jugement relatives au rejet de la demande d'expertise présentée par M. F., au rejet de sa demande d'indemnisation au titre de la perte de gains professionnels futurs, et à l'indemnisation de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent.
Sur la demande de nouvelle expertise
M. F., qui expose qu'il présentait avant l'accident une défaillance visuelle au niveau de l'oeil gauche sollicite à titre principal la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise médicale en faisant valoir que l'expert amiable, le docteur R., qui a relevé que son acuité visuelle était de 0,5/10 à l'oeil droit et constaté qu'il ne voyait que des formes à gauche, n'a pas tiré les conséquences de ses constatations dont il s'évinçait l'existence d'un retentissement professionnel certain.
Il souligne que les experts désignés par les sociétés d'assurance ont tendance à conclure dans un sens favorable à ces dernières et reproche au docteur R. d'avoir refusé de s'adjoindre un sapiteur ophtalmologiste.
Répliquant aux écritures de la société Pacifica, il soutient que sa demande d'expertise ne tend pas à suppléer sa carence dans l'administration de la preuve et que le certificat médical du docteur P. qu'il verse aux débats indique de façon claire qu'il a «perdu la vue au niveau de l'oeil droit et présente des troubles de la vision à gauche».
La société Pacifica qui s'oppose à la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise fait valoir que cette demande vise, en violation de l'article 146 du code de procédure civile, à transférer à un expert la charge de la preuve du préjudice prétendument subi.
Elle soutient que les conclusions du docteur R. qui sont également celles du médecin-conseil de M. F. ne sont affectées d'aucune contradiction et que le recours à un sapiteur ophtalmologiste ne s'imposait pas.
Sur ce, il convient d'observer que contrairement à ce que suggère M. F., le docteur R. n'a nullement constaté l'existence de troubles de la vision au niveau de l'oeil gauche et, à l'inverse, relevé dans la partie de son rapport consacrée à l'examen de la fonction visuelle qu'il présentait une «taie à la face interne de l'oeil droit en latéro-cornéen» et qu'il avait une « acuité visuelle de 0,5/10 au niveau de l'oeil droit et de 10/10 au niveau de l'oeil gauche.»
L'expert a donc clairement constaté que l'acuité visuelle de M. F. était normale à gauche.
Il a également retranscrit les doléances de M. F. qui à six mois de l'accident se plaignait seulement de «ne voir que des formes avec l'oeil droit».
Le docteur R. a repris ces éléments dans la partie «discussion» de son rapport en relevant que : «l'examen clinique le jour de l'expertise montre une taie blanche au niveau de la face interne de l'oeil, une acuité visuelle à 0,5/10 pour l'oeil droit, il ne voit que des formes pour 10/10 à gauche».
En dépit d'une erreur de ponctuation, la référence faite par l'expert à une vision limitée à des formes se rapporte clairement à l'oeil droit et non à l'oeil gauche dont l'acuité visuelle de 10/10 est normale.
En retenant dans le corps de son rapport l'existence d'une simple gêne dans les activités professionnelles, compte tenu de la gêne à la conduite automobile et de la nécessité de porter des lunettes de protection pour tous travaux de martelage, scie électrique ou meuleuse, l'expert n'a pas omis de tirer les conséquences de ses constatations dont il résultait qu'à la date de la consolidation fixée au 8 septembre 2015, si M. F. avait quasiment perdu la vision à l'oeil droit, il conservait une acuité visuelle normale de 10/10 à l'oeil gauche.
Par ailleurs, le docteur R., médecin qualifié en réparation du dommage corporel, dont les conclusions ont été validées par le médecin-conseil de M. F. qui les a signées, s'est expliqué sur l'absence de recours à un sapiteur ophtalmologiste dans une lettre du 27 janvier 2016 en relevant que «selon le barème du concours médical, le taux d'AIPP de perte de vision d'un oeil est de 25 % (...). Lors des conclusions, nous avons fixé un taux d'AIPP à 24 % (...). L'avis d'un sapiteur ophtalmologique n'est donc pas nécessaire.»
Enfin, si M. F. produit en cause d'appel un certificat médical établi le 26février 2019, par le docteur P., médecin généraliste, selon lequel il aurait perdu la vue au niveau de son oeil droit et présenterait des troubles de la vision à gauche, sans plus de précision sur la nature de ces troubles, ce certificat médical ne permet pas de remettre en cause la pertinence du rapport d'expertise du docteur R. concernant l'évaluation des préjudices de M. F. au titre de son dommage initial et peut seulement, le cas échéant, justifier d'une éventuelle aggravation de ses lésions initiales dont la cour n'est pas saisie.
Il n'y a pas lieu dans ces conditions d'ordonner une nouvelle expertise médicale, la cour disposant des éléments d'information suffisants pour statuer sur les postes de préjudice contestés en cause d'appel.
Sur la perte de gains professionnels futurs
Ce poste de préjudice est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.
Les premiers juges ont débouté M. F. de sa demande d'indemnité au titre des pertes de gains professionnels futurs en relevant qu'il était sans emploi à la date de l'accident, que l'inaptitude au travail alléguée n'était pas établie et qu'en dépit de la perte de son acuité visuelle à l'oeil droit, il était toujours en capacité d'occuper des emplois offrant une rémunération équivalente à celle des emplois qu'il occupait avant l'accident.
M. F. qui fait valoir qu'il ne voit que des formes avec l'oeil gauche et que son acuité visuelle est de 0,5/10 à l'oeil droit, en déduit que les séquelles qu'il conserve le rendent inapte à tout emploi et sollicite au titre de sa perte de gains professionnels futurs, une indemnité d'un montant de 567 311,69 euros, calculée sur la base d'un revenu de référence de 1 170,69 euros, correspondant au SMIC, qu'il capitalise en fonction du prix de l'euro de rente viagère prévu par le barème de capitalisation de la Gazette du palais 2016 pour un homme âgé de 31 ans à la date de consolidation.
Il précise que s'il était en recherche d'emploi à la date de l'accident, il avait précédemment exercé une activité professionnelle régulière, qu'il a, en dépit de son grand handicap, poursuivi ses recherches d'emploi après l'accident, lesquelles se sont avérées vaines en raison de ses limitations fonctionnelles et qu'il bénéficie depuis novembre 2018 de l'allocation aux adultes handicapés.
La société Pacifica objecte que les médecins qui ont procédé à l'examen de M. F. lors de l'expertise amiable contradictoire n'ont aucunement considéré que ce dernier était inapte à la reprise d'une activité professionnelle rémunérée et que c'est par une dénaturation des termes du rapport d'expertise que l'intéressé affirme que les séquelles de l'accident l'auraient rendu aveugle, alors que si l'acuité visuelle de son oeil droit est très faible (0,5/10), elle est totale pour l'oeil gauche (10/10).
Elle estime qu'au plan professionnel, cette perte d'acuité visuelle n'entraîne aucune conséquence, sauf l'obligation de porter des lunettes de protection pour certaines activités très spécifiques.
Elle relève également qu'il est établi d'une part, que M. F. n'avait aucune activité professionnelle lorsque l'accident est survenu, d'autre part, que les activités qu'il a pu exercer au cours des années précédentes étaient extrêmement réduites, voire inexistantes.
Elle en déduit que M. F. qui ne travaillait pas à la date de l'accident et dont les séquelles ne lui interdisent en rien de travailler dans les postes qu'il occupait avant l'accident ne justifie d'aucune perte de gains professionnels futurs imputable à l'accident.
Sur ce, il résulte du rapport d'expertise qu'à la suite de sa blessure à l'oeil droit, M. F. a dû subir deux interventions chirurgicales, la première le 5 février 2015 pour suturer la plaie, la seconde le 12 février 2015 en raison de l'apparition d'un décollement rétinien.
Les séquelles d'une blessure à un oeil devant s'apprécier au regard de leur incidence sur la fonction visuelle globale, le docteur R. a procédé à un examen clinique des deux yeux de M. F. et relevé la présence d'une «taie à la face interne de l'oeil droit en latéro-cornéen», c'est-à-dire d'une tâche, et constaté que l'acuité visuelle de l'intéressé était de 0,5/10 à l'oeil droit mais de 10/10 à l'oeil gauche.
Contrairement à ce que suggère M. F., il n'a ainsi été relevé lors de l'expertise aucun trouble de la vision au niveau de l'oeil gauche.
Le docteur R. a d'un commun accord avec le docteur L., médecin-conseil de M. F., évalué le déficit fonctionnel permanent résultant des séquelles constatées à 24%, en précisant dans une lettre du 27 juin 2016 adressée au conseil de M. F. que le taux d'AIPP pour la perte de la vision d'un oeil était de 25 %.
Il est constant que M. F. était sans emploi à la date de l'accident.
Il résulte des pièces versées aux débats que dans les quatre années précédant l'accident, M. F. a travaillé du 1er octobre 2011 au 29 mars 2012 comme préparateur manutentionnaire (pièce n° 18), qu'il a ensuite perçu une allocation de retour à l'emploi à compter du 12 avril 2012 (pièce n° 19), puis effectué des missions d'intérim ponctuelles comme ouvrier paysagiste en 2013 et en 2014 (pièces 21, 23 et 24).
Comme l'ont justement relevé les premiers juges, la baisse d'acuité visuelle de M. F. à l'oeil droit lui permet de reprendre une activité professionnelle rémunérée équivalente à celles qu'il occupait avant l'accident, en l'absence d'inaptitude professionnelle retenue par le docteur R. qui a seulement relevé dans le corps de son rapport une gêne dans les activités professionnelles «compte tenu de la gêne à la conduite automobile» et de la nécessité «pour tous travaux de martelage, scie électrique, meuleuse etc.., de porter des lunettes de protection.»
Il ressort d'ailleurs des documents produits, que M. F. a été suivi par pôle emploi après la consolidation de son état de santé et a élaboré avec son conseiller un projet personnalisé d'accès à l'emploi incluant une recherche d'emploi comme préparateur de commandes ou manutentionnaire.
Dans une lettre du 31 mars 2016 visée par M. F. dans ses conclusions d'appel (pièce n° 33) son conseiller pôle emploi résume leurs échanges relatifs à l'élaboration de ce projet.
Par ailleurs, la circonstance que la commission des droits de l'autonomie des personnes handicapées ait décidé le 8 novembre 2018 d'accorder à M. F. une allocation aux adultes handicapés, dont les conditions d'attribution sont indépendantes de l'évaluation du préjudice en droit commun, ne suffit pas à caractériser l'existence d'une perte de gains professionnels futurs en lien de causalité avec l'accident, alors que M. F. était sans emploi lors de sa survenance et que l'expert qui a constaté que son acuité visuelle à l'oeil gauche était de 10/10 n'a retenu aucune inaptitude professionnelle mais seulement certaines gênes professionnelles précisément décrites.
Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a débouté M. F.de sa demande d'indemnisation au titre d'une perte de gains professionnels futurs.
Sur l'incidence professionnelle
Ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap.
Les premiers juges ont admis l'existence d'une incidence professionnelle qu'ils ont évaluée à la somme de 20 000 euros.
M. F. réclame au titre de ce poste de préjudice une indemnité de 150 000 euros en faisant valoir que la perte d'un oeil alors que l'oeil valide n'a que 50% de sa capacité de vision entraîne inéluctablement pour la victime une restriction de ses possibilités professionnelles futures, une dévalorisation manifeste sur le marché de l'emploi, voire comme dans son cas, la renonciation à avoir une vie et une carrière professionnelle.
La société Pacifica qui conclut au rejet de la demande relève que l'incidence retenue par les experts tenant à l'obligation de porter des lunettes de sécurité pour la réalisation de certaines tâches spécifiques n'entraîne aucune pénibilité particulière et ne peut justifier quelque indemnité que ce soit au titre de l'incidence professionnelle.
Sur ce, les séquelles conservées par M. F.qui selon le rapport d'expertise a une acuité visuelle très réduite de 0,5/10 à l'oeil droit qui lui permet seulement de distinguer des formes, induisent une restriction de ses possibilités professionnelles, mais également une dévalorisation sur le marché du travail par rapport à des personnes valides ainsi qu'une pénibilité accrue pour tout type d'emploi, étant observé que l'expert a retenu une gêne à la conduite automobile, laquelle limite le périmètre de ses recherches d'emploi.
Les premiers juges ont fait une juste évaluation de ce poste de préjudice et leur décision sera confirmée sur ce point.
Sur le déficit fonctionnel permanent
Ce poste de préjudice vise à indemniser, pour la période postérieure à la consolidation, les atteintes aux fonctions physiologiques, les souffrances chroniques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiale et sociale.
Le docteur R. a retenu un taux d'AIPP (déficit fonctionnel permanent) de 24 %.
La société Pacifica conclut à l'infirmation du jugement qui a chiffré ce poste de préjudice à la somme de 60 000 euros et demande qu'il soit fixé à la somme de 43 680 euros sur la base d'une valeur du point de 1 820 euros.
M. F. demande à la cour de confirmer l'évaluation des premiers juges;
Sur ce, au vu des séquelles constatées, à savoir la présence d'une taie blanche au niveau de la face interne de l'oeil droit et une acuité visuelle de cet oeil de 0,5/10 ainsi que des troubles induits par ce handicap dans les conditions d'existence de M. F. qui était âgé de 30 ans à la date de la consolidation, il convient de confirmer le jugement qui a évalué ce poste de préjudice à la somme de 60 000 euros.
Sur les demandes annexes
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.
La société Pacifica qui succombe partiellement en ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.
M. F. demande que soient inclus dans les dépens les frais d'huissier relatifs à la mise en cause de son organisme social, le droit de plaidoirie et les frais de signification et d'exécution, prévu par l'article R. 444-55 du code de commerce issu du décret du 26 février 2016.
Les dépens afférents aux instances, actes et procédures d'exécution, qui sont ceux limitativement énumérés par l'article 695 du code de procédure civile, comprennent les droits de plaidoirie et les débours relatifs aux actes ou procédures judiciaires, de sorte qu'il n'y a pas lieu de prévoir spécialement que ces frais sont inclus dans les dépens.
Il n'y a pas lieu de se prononcer sur les frais éventuels d'exécution forcée, qui, en application de l'article L. 111-8 du code des procédure civiles d'exécution, sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils sont exposés.
Enfin, les émoluments proportionnels de recouvrement ou d'encaissement des huissiers de justice sont en application de l'article R.444-55 du code de commerce à la charge du débiteur pour ceux mentionnés au numéro 128 du tableau 3-1 annexé à l'article R. 444-3 du code de commerce (recouvrement ou encaissement après avoir reçu mandat ou pouvoir à cet effet, des sommes dues en application d'une décision de justice, d'un acte ou d'un titre en forme exécutoire) et à la charge du créancier pour ceux mentionnés au numéro 129 du tableau 3-1 annexé à l'article R. 444-3 du code de commerce (recouvrement ou encaissement, après avoir reçu mandat ou pouvoir à cet effet, des sommes dues par un débiteur).
Cette répartition ne peut être remise en cause par le juge, sauf dans les litiges nés du code de la consommation en application de l'article R.631-4 du code de la consommation .
Le présent litige n'étant pas un litige de consommation, la demande de M. F. tendant à voir inclure dans les dépens l'intégralité du droit de recouvrement ou d'encaissement prévu par l'article R. 444-55 du code de commerce sera rejetée.
L'équité ne commande pas, enfin, d'allouer à M. F. une indemnité de procédure en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant, dans les limites de l'appel, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Rejette, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la demande de M. Jonathan F. au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
Condamne la société Pacifica aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Rejette les demandes de M. Jonathan F. relatives aux émoluments de recouvrement ou d'encaissement.