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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 8, 4 octobre 2018, n° 18/04637

PARIS

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lebée

Conseillers :

M. Malfre, M. Gouarin

TGI Créteil, du 8 févr. 2018, n° 15/0012…

8 février 2018

Par jugement d'orientation du 1er juin 2017, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Créteil a ordonné la vente forcée du bien saisi, lequel a été adjugé le 14 septembre 2017 aux sociétés Bina et Ile-de-France Bâtiment pour le prix de 572 000 euros.

Une surenchère a été formée par Mme P.. Elle n'a pas été affichée, M. F. offrant de payer le principal, les intérêts, les frais taxés et les émoluments de vente calculés en appliquant les dispositions de l'article 44 du décret du 2 avril 1960.

L'avocat du créancier poursuivant estimant que l'article 44 n'était pas applicable à l'espèce et qu'ainsi le montant proposé pour ses émoluments était insuffisant, l'offre n'a pas été acceptée. M. F. a élevé un incident devant le juge de l'exécution pour faire trancher ce point.

Par jugement du 8 février 2018, le juge de l'exécution de Créteil a

- reçu Christian F. en sa contestation, dit celle-ci non fondée et l'a rejetée,

- dit que la vente par adjudication sur surenchère aura lieu à la barre du tribunal le 17 mai 2018 et qu'il appartiendra à Edith F. de procéder aux formalités de publication de cette vente,

- débouté Paulette P. de toutes ses demandes, condamné Christian F. à payer la somme de 1 500 euros à Edith F. sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et ordonné l'emploi des dépens en frais taxés de vente.

M. Christian F. a interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe le 1er mars 2018.

Par dernières conclusions du 30 avril 2018, il demande à la cour de

- infirmer le jugement entrepris,

- lui donner acte de ce qu'il a offert de régler à la barre du tribunal, l'intégralité des causes du commandement valant saisie immobilière, augmentées des frais de poursuite taxés, ainsi que des émoluments,

- dire et juger que l'émolument dû à l'avocat poursuivant est égal à la moitié des trois quarts de l'émolument global en application de l'article 44 du décret du 2 avril 1960,

- lui donner acte de ce qu'il présente 5 chèques de banque un correspondant à la créance de 16 225,59 euros, un autre de 10 069,14 euros correspondant aux frais de vente et un correspondant aux intérêts de la créance d'un montant de 2 013,68 euros et deux chèques correspondant aux émoluments d'un montant de 4 953,71 euros (un de 4201,61 euros et un de 752,10 euros),

- en tout état de cause, constater l'extinction de la créance de Madame Edith F., nonobstant le montant des émoluments,

- en conséquence, dire qu'il n'y a pas lieu de vente par adjudication du saisi et condamner Mme Edith F. à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions du'25 juin 2018, Mme Edith F., créancière poursuivante et intimée, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de rejeter l'ensemble des demandes formées par l'appelant et de le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.

La clôture ayant été prononcée par ordonnance du 28 juin 2018, par conclusions déposées le 10 septembre 2018, Mme D., faisant valoir qu'elle vient d'obtenir l'aide juridictionnelle, demande à la cour de rabattre l'ordonnance de clôture et de dire et juger ses conclusions recevables et bien fondées, en conséquence, y faire droit. Elle déclare s'en rapporter à la décision de la cour sur le bien-fondé de la réclamation de son ex-mari M. Christian F., demande acte de ce que M. F. n'a pas payé la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile par jugement du 14 septembre 2017, enfin de le condamner à lui rembourser le timbre fiscal de 225 euros dont elle a dû faire l'avance et aux entiers dépens.

La déclaration d'appel et les conclusions d'appelant ont été signifiées à Mme P. les 10 avril et 23 mai 2018 en l'étude de l'huissier, à la société Bina le 10 avril 2018 à personne présente et le 23 mai en l'étude de l'huissier, à la société Ile-de-France Bâtiment Immobilier les 10 avril et 23 mai 2018 en l'étude de l'huissier et au Service des impôts des particuliers de Champigny sur Marne les 11 avril et 24 mai 2018 à personne se déclarant habilitée à les recevoir. Ces intimés n'ont pas constitué avocat.

A l'audience du 12 septembre 2018, la clôture a été reportée au jour des plaidoiries.

SUR CE

Sur la demande principale :

Les parties sont contraires sur l'application aux faits de l'espèce des dispositions de l'article 44 du décret du 2 avril 1960 - désormais abrogé, mais applicable en la cause eu égard à la date d'engagement de la procédure-, ainsi rédigé': "Lorsque la procédure de vente est arrêtée :'

a) Avant le dépôt du cahier des charges, il est alloué; à l'avoué poursuivant : le droit fixe prévu à l'article 2; A chacun des autres avoués : le quart du même droit.'

b) Après le dépôt du cahier des charges, il est alloué aux différents avoués en cause, à répartir entre eux conformément aux dispositions de l'article 39, un émolument égal à la moitié de celui calculé, comme il est dit à l'article 30, sur le montant de la mise à prix."

Pour rejeter la demande de M. F., le premier juge, se fondant sur le titre de la section VII du décret, "Abandon de la procédure", où se trouve l'article litigieux, a estimé que cet article ne pouvait recevoir application qu'en cas d'abandon de la procédure, alors qu'en l'espèce la procédure n'était nullement abandonnée.

C'est cependant à bon droit que M. F. fait valoir que, quoi qu'il en soit du titre de la section, ledit article, utilisant non le mot "abandonnée" mais le mot "arrêtée" doit recevoir application lorsque la procédure de vente n'arrive pas à son terme pour quelque motif que ce soit. Il sera relevé à ce titre que l'article 45 qui suit immédiatement l'article litigieux, prévoit une possibilité de reprise : « Si la procédure de vente est reprise entre les mêmes parties, il est alloué le complément de l'émolument'», disposition qui exclut l'exigence d'un abandon pur et simple de la procédure. L'article 44 est donc applicable aux faits de la cause.

M. F. reproche également au premier juge d'avoir autorisé la remise en vente du bien alors qu'il avait présenté cinq chèques de banque représentant la paiement de la totalité de la créance en principal et intérêts, ainsi que les frais taxés de la vente, et qu'ainsi, quoiqu'il en soit des émoluments, la créance était éteinte et la vente ne pouvait avoir lieu.

S'il résulte de l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution que les frais de poursuite sont l'accessoire de la dette pour le paiement de laquelle a été diligentée la procédure de'saisie, et qu'ainsi le créancier est fondé à continuer les poursuites de saisie immobilière contre le débiteur tant qu'il n'a pas obtenu le règlement desdits frais, cette possibilité ne peut sans abus de langage être étendue aux émoluments des avocats, qui ne constituent nullement des frais de recouvrement et de poursuite.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a autorisé la poursuite de la vente alors que les causes de la saisie étaient réglées par les chèques précités, étant précisé par ailleurs que l'émolument que M. F. s'est engagé à payer doit être calculé selon les dispositions de l'article 44 précité, soit la somme de 4 953,71 euros qui n'a pas été critiquée.

Le jugement sera de même infirmé en ce qu'il a condamné M. F. à payer la somme de 1 500 euros à Mme F. sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et ordonné l'emploi des dépens en frais taxés de vente.

Sur les autres demandes :

Les demandes de "donner acte" et de "constater" de M. F. et de Mme D. seront rejetées comme dépourvues d'effets juridiques et ne constituant pas des prétentions au sens de l'article 954 du code de procédure civile.

Mme F. qui succombe supportera les charge des dépens de première instance et d'appel, ainsi que celle des frais irrépétibles qu'elle a exposés et versera à M. F. au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 2 000 euros.

La demande de Mme D. tendant à voir condamner M. F. à lui rembourser le timbre fiscal de 225 euros ne peut prospérer, la charge de ces frais étant comprise dans les dépens. Il en va de même de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile dès lors qu'elle n'est dirigée que contre M. F..

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement, sauf en ce qu'il reçut M. Christian F. en sa contestation et débouté Mme Paulette P. de toutes ses demandes,

Statuant à nouveau, dit n'y avoir lieu à vente forcée du bien saisi, les causes de la saisie étant intégralement payées,

Dit que l'article 44 du décret du 2 avril 1960 est applicable à l'émolument que M. F. s'est engagé à payer,

Rejette toute autre demande,

Condamne Mme Edith F. à payer à M. Christian F. la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de première instance et d'appel.