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Décisions

CA Metz, 3e ch., 29 novembre 2018, n° 17/01975

METZ

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Fevre

Conseillers :

Mme Martino, M. Lambert

TI Saint-Avold, du 28 sept. 2016

28 septembre 2016

Par acte sous seing privé du 8 avril 2014, la société coopérative agricole à capital variable CRISTAL UNION a passé commande auprès de la société SARL SNEM de travaux de tuyauterie pour un montant total HT de 100 622 euros.

L'exécution d'une partie des travaux a été sous-traitée par la SARL SNEM à M .Helmi H..

Le 15 mai 2014, le chèque d'un montant de 8000 euros émis par la SARL SNEM à l'ordre de M. H. et présenté à l'encaissement par ce dernier, a été rejeté consécutivement à l'opposition motivée par la perte du chèque, formée par le tireur.

Par jugement du 28 septembre 2016, le tribunal d'instance de SAINT-AVOLD a ordonné la main levée de l'opposition au paiement du chèque, condamné la SARL SNEM à payer à M.H. la somme de 80 euros en réparation de son préjudice moral, déclaré irrecevable à hauteur de 8000 euros la demande en répétition de l'indu formée reconventionnellement par la SARL SNEM, débouté la SARL SNEM du surplus de sa demande en répétition de l'indu et condamné la SARL SNEM aux dépens et au paiement d'une somme de 600 euros en application del'article 700 du code de procédure civile.

Le chèque représenté à l'encaissement par M H. le 16 décembre 2016 est revenu impayé pour défaut de provision et l'établissement bancaire tiré a établi un certificat de non-paiement en date du 28 janvier 2017 lequel a été notifié à la SARL SNEM le 22 février 2017.

Le 16 mars 2017, Maître Nicolas C., huissier de justice à SARREGUEMINES, a signifié à la société SARL SNEM un titre exécutoire daté du 14 mars 2017 ainsi qu'un commandement de payer, aux fins de saisie-vente, la somme principale de 8000 euros.

Par acte d'huissier de justice signifié le 13 avril 2017, la SARL SNEM a fait assigner M. H. à comparaître devant le juge de l'exécution du tribunal d'instance de SAINT- AVOLD aux fins:

* de se voir autoriser à consigner la somme de 8000 euros sur le compte séquestre ouvert à la CARPA de METZ en attente d'une décision à intervenir sur le fond, à rendre par le tribunal d'instance de SAINT-AVOLD par elle saisi,

* de voir ordonner la main levée du commandement aux fins de saisie vente pour la totalité des montants visés au commandement en principal intérêts et frais .

Par jugement contradictoire du 29 juin 2017, le tribunal d'instance de SAINT-AVOLD a débouté la SARL SNEM de ses demandes et l'a condamnée à payer à M.H. la somme de 50 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

Pour statuer ainsi le juge de l'exécution a relevé que la SARL SNEM qui prétendait que la somme de 8000 euros, objet du chèque remis à M.H. n'était pas due, n'avait produit aux débats aucune des pièces visées dans l'assignation.

La SARL SNEM a relevé appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe le 10 juillet 2017.

En ses dernières écritures en date du 3 septembre e 2018, elle demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 29 juin 2017 rendu par le tribunal d'instance de SAINT-AVOLD,

statuant à nouveau,

- déclarer la demande de la société SNEM recevable et bien fondée,

-ordonner la main levée en principal, intérêts et frais de toutes les mesures d'exécution forcée entreprises par M.H.,

- condamner M. H. à payer à la société SNEM la somme de 2 369,84 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner M. H. à payer à la société SNEM la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les frais et dépens de la procédure d'instance et d'appel,

- débouter M. H. de l'ensemble de ses demandes.

La SARL SNEM fait valoir que le contrat de sous-traitance la liant à M H. a été conclu pour un prix de 9 860 euros réglé partiellement en cours de chantier à hauteur d'un montant de 6000 euros correspondant aux prestations réalisées, que le chèque établi pour un montant de 8000 euros correspondait à une avance sur travaux à exécuter sollicitée par M H., que suite à la remise de ce chèque, celui ci et les personnes travaillant pour son compte ont abandonné le chantier , que néanmoins M H. se prévalant du titre exécutoire a multiplié les procédures d'exécution forcée en sorte qu'elle a fait le choix de payer la somme principale en remettant à l'huissier huit chèques de 1000 euros chacun le 11 janvier 2018, la dette ayant été soldée au 28 août 2018.

Elle soutient que les mesures d'exécution mises en oeuvre par M H. sont injustifiées puisque celui ci sait que le chèque qui lui a été remis ne correspond à aucune contrepartie , que la situation financière de la société SNEM est catastrophique et qu'il ne pourra pas restituer les montants perçus dans le cadre des mesures d'exécution forcée lorsqu'un jugement rendu par un tribunal statuant sur le fond le lui ordonnera. Il estime compte tenu de ces éléments que M H. a abusé de son droit à mettre en oeuvre des mesures d'exécution forcée qui ont engendré plus de 2500 euros de frais d'huissier pour une dette principale de 8000 euros.

Elle fait plaider sur la demande reconventionnelle adverse en paiement de dommages et intérêts qu'elle avait avantage à obtenir de verser la somme de 8000 euros sur un compte de séquestre afin d'obtenir une garantie de représentation de cette somme, une fois le litige définitivement tranché au fond et que dans le cadre de la procédure intentée par M H., elle a invoqué l'absence de contrepartie à la remise du chèque.

En ses dernières conclusions du 4 juin 2018, M.H. demande à la cour de :

- dire et juger mal fondé l'appel formé par la SARL SNEM à l'encontre du jugement rendu par le tribunal d'instance de SAINT-AVOLD le 29 juin 2017,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- y ajoutant,

- condamner la SARL SNEM à payer à M. H. une somme de 5000 euros pour procédure et appel abusifs,

- condamner la SARL SNEM à payer à M H. la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ,

- le condamner aux entiers frais et dépens de la procédure.

Il prétend que la somme de 8000 euros due en principal par la société SNEM n'a pas été réglée dans son intégralité .

Il met en avant la mauvaise foi de la société SNEM qui ne s'est pas présentée devant le juge de l'exécution alors qu'elle était demanderesse, a formé appel contre le jugement rendu le 29 juin 2017 sans apporter aucun élément nouveau par rapport à l'argumentation par ailleurs mal fondée en droit précédemment développée. Il estime que les deux procédures présentent un caractère abusif.

L'ordonnance de clôture est en date du 4 septembre 2018.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appel

Aux termes de l'article R 121- 20 code des procédures civiles d'exécution, le délai d'appel à l'encontre des décisions du juge de l'exécution est de quinze jours .

L'appel est recevable pour avoir été formé le 10 juillet 2017 dans le délai de quinze jours suivant la notification en date du 4 juillet 2017 du jugement entrepris.

Sur le fond

Sur les demandes introduites par la SARL SNEM

L'article L111-7 du code des procédures civiles d'exécution dispose ' le créancier a le choix de mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance. L'exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation.

Selon l'article L 121-3 du code des procédures civiles d'exécution , le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la main levée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en ca s d'abus de saisie.

L'article 1315 devenu 1353 du code civil dispose :' celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.'

Il est de jurisprudence établie que le titre servant de fondement aux poursuites autorise le recouvrement direct des frais de l'exécution forcée lesquels sont à la charge du débiteur en en application de l'article L 111-8 al 1er du code des procédures civiles d'exécution .

En l'espèce, la SARL SNEM, exposant avoir réglé sa dette en principal, ne sollicite plus l'autorisation de verser la somme de 8000 euros sur un compte séquestre mais demande devant la cour la main levée des différentes mesures d'exécution forcées mises en oeuvre par Mr H. après signification du titre exécutoire établi par Maître C., huissier de justice à SARREGUEMINES le 14 mars 2017.

Il est constant au vu du décompte établi le 30 août 2018 par Maître C. que la dette a bien été apurée en principal par l'encaissement des huit chèques d'un montant d e1000 euros remis en paiement à l'huissier de justice.

Toutefois la SARL SNEM n'apporte aucun élément de nature à établir le règlement de l'intégralité des frais d'exécution et intérêts dont il a été fait état aux divers actes d'exécution forcée diligentés et dont le montant s'élevant à plus de 2500 euros n'apparaît pas manifestement disproportionné en regard du montant de la créance en principal.

La demande de main -levée des mesures d'exécution forcée en cours n'est donc pas fondée.

Par ailleurs la SARL SNEM n'établit pas ainsi qu'elle le prétend que M.H. ait commis une faute en engageant à son encontre des mesures d'exécution forcées en connaissance du fait que le chèque d'un montant de 8000 euros qu'elle lui a remis ne correspondait à aucune contrepartie et qu'il n'aurait pas les moyens de rembourser l'indu éventuellement mis à sa charge par une décision judiciaire à intervenir , alors qu'en sa lettre adressée au gérant de cette société le 14 mai 2014, ce dernier refusait de restituer le chèque litigieux en faisait valoir que celui ci avait pour objet de solder le montant restant dû sur l'exécution de différents travaux accomplis en sous-traitance dont notamment le chantier en cours pour le compte de la société CRISTAL UNION et que la perspective de se voir condamner à rembourser un éventuel indu demeurait très aléatoire en l'absence de demande introduite en justice à ce titre postérieurement au jugement du tribunal d'instance de SAINT-AVOLD en date du 28 septembre 2016 ayant déclaré irrecevable la demande de la société SNEM en restitution de la somme de 8000 euros.

Enfin M. H. n'a pas commis de faute en entreprenant plusieurs mesures d'exécution simultanément ( commandement de payer aux fins de saisie -vente délivré le 16 mars 2017 dont les effets ont été suspendus, procès-verbal de dénonciation au débiteur de l'indisponibilité du certificat d'immatriculation de deux véhicules dressé le 24 août 2017, procès-verbal de dénonciation de saisie-attribution établi le 16 octobre 2017, la mesure s'étant révélée infructueuse) quant bien même il aurait eu connaissance de la situation économique et financière gravement compromise de la SARL SNEM alors que cette dernière a été en définitive en mesure de régler le montant de la dette en principal au cours de l'année 2018.

Le jugement sera confirmé et la SARL SNEM sera déboutée de ses demandes en main levée de toutes les mesures d'exécution forcée mises en oeuvre et en dommages et intérêts pour saisie abusive.

Sur les demandes introduites par M. H.

Il est prétendu que les procédures initiées par l'appelante devant le juge de l'exécution puis dans le cadre du présent appel présenteraient un caractère abusif.

Toutefois, il est rappelé que l'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages- intérêts que dans le cas où celle ci a été introduite de mauvaise foi avec une légèreté blâmable ou l'intention de nuire.

En l'espèce, la demande d'autorisation de consigner des fonds sur un compte séquestre, fondée sur le caractère litigieux de la créance dont se prévaut M. H. ne caractérise pas une faute faisant dégénérer en abus le droit d'ester en justice alors même que dans le cadre de l'instance introduite par M. H. au mois de juin 2014, la SARL SNEM avait déjà invoqué l'absence de contrepartie à la remise du chèque en cause.

De même relever appel pour faire valoir des moyens déjà avancés devant le premier juge et rejetés par celui ci ne suffit pas à caractériser un abus de droit de saisir la juridiction du second degré pour statuer en fait et en droit sur la chose jugée en première instance.

M.H. sera en conséquence débouté de sa demande en dommages et intérêts.

Sur les mesures annexes

Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a condamné la société SARL SNEM aux dépens et au paiement d'une somme de 50 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL SNEM , partie perdante en appel , sera condamnée aux dépens de la procédure en application de l'article 696 du code de procédure civile et à payer à M. H. une somme de 1 200 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile à titre de remboursement de tout ou partie des frais irrépétibles non compris dans les dépens exposés par celui ci pour faire assurer sa défense dans la présente procédure.

Elle sera déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe en application de l'article 450 alinéa2 du code de procédure civile et contradictoirement,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions et y ajoutant,

CONDAMNE la société SARL Société Nouvelle d' Entretien et de Montage (SNEM) à payer à M H. Helmi la somme de 1200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires

CONDAMNE la société SARL SNEM aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été prononcé par mise à disposition publique au greffe le 29 novembre 2018, par Madame Caroline FEVRE, Président de Chambre, assistée de Mademoiselle Sonia DE SOUSA, Greffier, et signé par elles.