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Décisions

CA Metz, 3e ch., 28 octobre 2021, n° 20/01514

METZ

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martino

Conseillers :

Mme Gizard, M. Michel

CA Metz n° 20/01514

27 octobre 2021

Selon acte d'huissier de justice en date du 3 juillet 2019, la préfecture de la Moselle s'est vu signifier à la demande de M. Jean-François A. un procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule de marque Peugeot immatriculé CK-457-GQ appartenant à Mme Elsa Z. et ce en vertu d'une ordonnnance de référé du tribunal d'instance de Metz en date du 28 mars 2019 ayant condamné cette dernière à payer à M. Jean-François A. une indemnité provisionnelle d'occupation mensuelle de 713,13 euros à compter du 1er novembre 2018 jusqu'à libération effective des lieux ainsi qu'une somme de 1071,60 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

La dénonciation du procès-verbal d'indisponibilité à Mme Elsa Z. est intervenue par acte d'huissier de justice en date du 9 juillet 2019.

Par acte d'huissier de justice signifié le 17 septembre 2019, Mme Elsa Z. a fait assigner M. Jean-François A. devant le juge de l'exécution de Metz aux fins de voir constater l'absence de créance de M. Jean-François A. à son encontre et annuler la signification de de la copie de la déclaration d'indisponibilité. Elle a sollicité en outre condamnation de M. Jean-François A. aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 1500 ' en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. A. a conclu au rejet de l'ensemble des demandes et prétentions de la demanderesse et à la condamnation de Mme Elsa Z. à lui payer la somme de 500 ' en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance.

Par jugement du 6 août 2000, le juge de l'exécution a :

- rejeté la demande aux fins de voir déclarer nulle la signification de la copie de la déclaration d'indisponibilité signifiée le 9 juillet 2019 à Mme Elsa Z.,

-rejeté la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné Mme Elsa Z. aux dépens de la procédure.

Pour rejeter les demandes de Mme Elsa Z. , le premier juge a retenu que M. Jean-François A. , titulaire d'un titre exécutoire constitué par l'ordonnance de référé prononçée le 28 mars 2019, de plein droit exécutoire par provision en toutes ses dispositions, était en droit de réclamer l'indemnité de 1071,60 euros allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'instance, et ce dès la signification du titre exécutoire soit dès le 27 juin 2019, nonobstant le fait que Mme Elsa Z. ait formé un appel contre cette décision.

Par ailleurs il a relevé que l'exactitude du décompte des sommes dues qui doit figurer dans la signification de la copie de la déclaration n'est pas une condition de caducité ou de nullité de cette signification, seul le paiement complet de la créance pouvant rendre inutile la procédure d'exécution engagée par le défendeur et ce au moment où la procédure d'exécution a été initiée ; qu'en l'espèce M. Jean-François A. était légitime à engager une procédure d'exécution pour le paiement de sa créance composée de l'indemnité prévue à l'article 700 du code de procédure civile et des frais rendus nécessaires par le paiement du solde tardif à l'application de l'article L 111- 8 du code des procédures civiles d'exécution.

Par déclaration reçue au greffe le 24 août 2020 Mme Elsa Z. a interjeté appel de cette décision dont elle a sollicité l'infirmation en ce que sa demande en nullité de la signification de la copie de la déclaration d'indisponibilité signifiée en date du 9 juillet 2019 a été rejetée, en ce que sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure a été rejetée et en ce qu'elle a été condamnée aux dépens de la procédure.

L'affaire a été orientée dans le cadre de la procédure visée aux articles 905 et suivants du code de procédure civile.

En ses dernières conclusions en date du 29 mars 2021, Mme Elsa Z. demande à la cour de :

- recevoir son appel,

- infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau,

- prononcer la nullité du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation signifié le 3 juillet 2019 à la préfecture de la Moselle,

-prononcer la nullité de la dénonciation du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation signifiée le 9 juillet 2019 à Mme Elsa Z.,

- ordonner la mainlevée de la saisie du véhicule de Mme Elsa Z.,

-condamner M. Jean-François A. à payer à Mme Elsa Z. la somme de 5000 ' à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

-condamner M. Jean-François A. aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 4000 ' en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que le procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation signifié à la préfecture de la Moselle le 3 juillet 2019 comporte l'indication que celui-ci a été établi en vertu d'une 'ordonnance contradictoire premier ressort rendu par le tribunal d'instance de Metz en date du 11 avril 2019"; qu'or aucune ordonnance contradictoire n'a été rendue le 11 avril 2019 par le tribunal d'instance de Metz contre Mme Elsa Z., que la saisie du véhicule dans ces conditions est nulle de même que la signification du procès- verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation.

Elle soutient par ailleurs que le décompte erroné mentionné dans le procès-verbal de signification relève en réalité d'une fraude par laquelle M. Jean-François A. a volontairement fait croire à l'existence d'une créance importante d'un montant de 8431,38 euros pour pouvoir immobiliser le véhicule de son ancienne locataire alors que l'intégralité des loyers, charges et indemnité d'occupation avaient été réglées avant la mise en œuvre de la mesure d'exécution.

Elle estime la mesure d'exécution forcée abusive alors que la somme de 8431,38 euros représentant l'indemnité d'occupation due était réglée et que le blocage de son véhicule n'était pas de nature à mettre un terme à son occupation sans droit ni titre du local appartement à M. Jean-François A. . Elle ajoute que ce dernier avait pour intention d'obtenir indûment un nouveau règlement des indemnités d'occupation d'ores et déjà payées en contrepartie de la mainlevée du blocage de son véhicule et rappelle que l'indemnité due au titre de l'article 700 du code de procédure civile a été réglée à M. Jean-François A. le 6 février 2020. Elle affirme avoir subi du fait de la signification du procès-verbal d'indisponibilité de son véhicule, un préjudice en ce qu'elle a été mise dans l'impossibilité de prendre possession de son nouveau véhicule le 14 mai 2020 ni de faire établir une nouvelle carte grise et a été contrainte de louer un autre véhicule ; qu'en outre elle a payé la somme supplémentaire de 1144,37 euros le 7 juillet 2020 pour obtenir la levée de la saisie.

En ses dernières conclusions en date du 16 février 2021, M. Jean-François A. demande à la cour de rejeter l'appel, de débouter Mme Elsa Z. de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et conclusions, de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Metz du 6 août 2020 en toutes ses dispositions et de condamner Mme Elsa Z. aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 2000 ' en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il expose au soutien de ses demandes que l'huissier instrumentaire a expressément visé dans l'acte de signification du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation la clause d'exécution provisoire datée du 11 avril 2019 figurant au verso de la dernière page de l'ordonnance de référé du 28 mars 2019 que Mme Z. ne pouvait méconnaître dès lors que celle-ci lui a été signifiée le 27 juin 2019 et qu'elle en a interjeté appel le 17 juillet 2019; que le titre exécutoire dont s'est prévalu le créancier est bien la clause exécutoire contenue dans l'ordonnance de référé du 28 mars 2019, l'exécution n'étant possible qu'avec la clause d'exécution forcée; que subsidiairement et en tout état de cause l'acte de dénonciation signifié à la préfecture n'a causé aucun grief à Mme Elsa Z. et qu'au demeurant l'acte de procès-verbal de disponibilité mentionnait expressément tant l'ordonnance de référé du 28 mars 2019 que la clause exécutoire datée du 11 avril 2019 .

Il affirme qu'il demeurait créancier de Mme Elsa Z. et plus particulièrement de la somme de 1071,60 euros jusqu'au 5 février 2020, date de son paiement, et était donc en droit d'user de toutes les mesures d'exécution prévues par la loi ; il soutient que dès le règlement de ladite somme soit le 7 février 2020, l'huissier de justice à donné mainlevée de la mesure d'exécution.

L'ordonnance de clôture a été prise le 24 juin 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

Aux termes de l'article R 121- 20 du code des procédures civiles d'exécution, le délai d'appel à l'encontre des décisions du juge de l'exécution est de quinze jours.

L'appel est recevable pour avoir été formé le 24 août 2020 dans le délai de quinze jours suivant la notification du jugement effectuée par le greffe le 10 août précédent.

Sur les demandes en nullité du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation signifiée le 3 juillet 2019 à la préfecture de la Moselle et de la dénonciation du dit procès-verbal d'indisponibilité signifiée le 9 juillet 2019 à Mme Elsa Z.

Selon l'article L 223-1 du code des procédures civiles d'exécution la saisie par déclaration à l'autorité administrative est ouverte aux créanciers détenteurs d'un titre exécutoire.

Selon l'article R223-2 du code des procédures civiles d'exécution, la déclaration valant saisie contient à peine de nullité:

1° les nom et adresse du débiteur ou s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social,

2° le numéro d'immatriculation et la marque du véhicule saisi,

3° la mention du titre exécutoire dont se prévaut le créancier.

L'article R 223-3 du même code dispose que copie de cette déclaration est signifiée au débiteur dans les huit jours qui suivent à peine de caducité.

En l'espèce, par ordonnnance de référé réputée contradictoire du tribunal d'instance de Metz en date du 28 mars 2019 sur laquelle a été apposée la clause exécutoire en date du 11 avril 2019, Mme Elsa Z. a été condamnée à payer à M. Jean-François A. une indemnité provisionnelle d'occupation mensuelle de 713,13 euros à compter du 1er novembre 2018 jusqu'à libération effective des lieux ainsi qu'une somme de 1071,60 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

S'il est exact que le procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation dressé par huissier de justice et signifié le 3 juillet 2019 à la préfecture de la Moselle comporte une mention erronée en ce qu'il est indiqué qu'il est agi en vertu d'une ' ordonnance contradictoire premier ressort rendu par le tribunal d'instance de Metz en date du 11 avril 2019", cette erreur n'est pas de nature à entraîner la nullité de l'acte en l'absence de grief alors que Mme Z. avait connaissance de l'ordonnance du 28 mars 2019 qui lui avait été signifiée le 27 juin 2019 et alors que la dénonciation qui lui a été faite le 9 juillet du procès-verbal d'indisponibilité comportait la mention exacte « agissant en vertu d'une ordonnance de référé numéro RF 144/ 2019 rendue par le président du tribunal d'instance de Metz en date du 28 mars 2019 muni de la clause exécutoire le 11 avril 2019", en sorte qu'aucune confusion n'a pu naître dans son esprit.

Les demandes en nullité sont rejetées.

La demande en main-levée de la mesure d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule est en tout état de cause sans objet, mainlevée de celle-ci ayant été donné par le créancier dès le mois de juillet 2020.

Le jugement est confirmé.

Sur la demande en nullité pour fraude de la dénonciation en date du 9 juillet 2019 du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation

Il est constant qu'à la date d'établissement du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du 3 juillet 2019 Mme Elsa Z. n'était redevable à M. Jean-François A. d'aucune somme au titre de l'indemnité d'occupation mise à sa charge par le juge des référés alors que figure à l'acte de signification mention de neuf échéances mensuelles impayées du mois de novembre 2018 au mois de juillet 2019.

Toutefois Mme Elsa Z. ne peut être suivie dans sa prétention selon laquelle cet état de fait caractériserait une fraude, M. Jean-François A. ayant selon elle volontairement fait croire à l'existence de créances importantes pour pouvoir immobiliser son véhicule et ce alors qu'il ne pouvait ignorer -pour avoir régulièrement perçu les indemnités d'occupation dues après résiliation du bail- que son ancienne locataire ne lui était redevable d'aucune somme à ce titre.

En effet, aucun élément ne permet de tenir pour établi que l'huissier de justice mandaté par M. Jean-François A. n'aurait pas établi de procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule de Mme Elsa Z. s'il avait eu connaissance de ce que la créance était limitée en principal à un montant de 1071,60 euros.

Il est rappelé par ailleurs que le décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ne figurait pas à la déclaration valant saisie signifiée à la préfecture de la Moselle.

Enfin Mme Elsa Z., qui n'ignorait pas avoir réglé au créancier l'intégralité des indemnités d'occupation dues pour la période considérée a été informée par la signification de la copie de la déclaration des modalités de sa contestation en sorte qu'ayant été mise en mesure de critiquer les montants portés en compte , elle ne peut soutenir que le procès-verbal d'indisponibilité ne pouvait se comprendre que par la volonté du bailleur de lui faire payer indûment une seconde fois les indemnités d'occupation déjà réglées.

La volonté frauduleuse de M. Jean-François A. n'étant pas établie, la demande en nullité est rejetée.

Sur la demande en dommages et intérêts pour saisie abusive

L'article L 121-2 du code des procédures civiles d'exécution prévoit la possibilité pour le juge de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas de saisie abusive.

Mme Elsa Z. ne conteste pas qu'au jour de la signification de la copie de la déclaration valant saisie, elle restait redevable en exécution de l'ordonnance du 28 mars 2019 d'un montant de 1071,60 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que des dépens.

Dès lors comme l'a relevé le premier juge, M. Jean-François A. était légitime à engager une procédure d'exécution pour le paiement du solde restant dû sur sa créance.

Il est fait grief à M. Jean-François A. d'avoir fait preuve d'une diligence excessive en faisant mettre à exécution l'ordonnnance du 29 mars 2019, quatre jours seulement après avoir fait procéder à la signification de celle-ci à la débitrice.

Il doit être cependant relevé qu'à la date de la dénonciation de la mesure d'exécution à la débitrice, onze jours s'étaient écoulés sans qu'une quelconque proposition de règlement de l'indemnité dûe au titre de l'article 700 et des dépens ne soit formulée et que par ailleurs, il est établi qu'il n'entrait pas dans les intentions de Mme Elsa Z. de régler spontanément l'indemnité mise à sa charge au titre de l'article 700 du code de procédure civile, celle-ci n'ayant procédé au paiement de la somme dûe qu'au mois de février 2020 , peu après le rendu de l'arrêt de la présente cour d' appel en date du 12 décembre 2019 ayant déclaré son appel irrecevable .

Il ne peut en outre être reproché à l'intimé d'avoir agi avant même l'expiration du délai d'appel, l'exécution forcée d'un titre exécutoire provisoire étant admise et se faisant aux risques et péril du créancier poursuivant.

Enfin le créancier n'a pas commis de faute en ne faisant procéder à la main levée de la mesure d'exécution que le 7 juillet 2021 , une fois l'ensemble des frais rendus nécessaires par le paiement du solde tardif réglés en application de l'article L 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, étant relevé que les seuls frais portés en compte à la signification du 9 juillet 2019 s'élevaient déjà à un montant de 905,41 euros.

L'erreur commise par le créancier qui a fait figurer dans le décompte signifié à la débitrice 9 mensualités d'indemnité d'occupation qui avaient été pourtant régulièrement réglées par la débitrice ne permet pas de considérer la mesure d'exécution comme abusive en l'absence de justification d'une intention de nuire alors que Mme Z. demeurait bien redevable d'un solde impayé.

En tout état de cause et s'agissant du préjudice moral prétendument subi de ce fait il est relevé que l'ordonnance de référé du 28 mars 2019, ne comporte aucune mention relative à un éventuel impayé de loyers ou indemnités d'occupation , la question posée étant celle de l'occupation sans droit ni titre suite au congé délivrée par la locataire et l'expulsion devant en résulter et que seul l'huissier de justice instrumentaire qui depuis a été informé de la réalité de la situation de Mme Z. a pu avoir connaissance de l'existence des prétendus arriérés d'indemnité d'occupation.

Les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité civile pour abus de saisie n'étant pas réunies, la demande en dommages et intérêts est rejetée

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives au sort des dépens et des demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile sont confirmées.

Mme Elsa Z., partie perdante à hauteur de cour, est condamnée aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR , statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et contradictoirement,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions.

Y ajoutant

REJETTE la demande en nullité du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation signifiée le 3 juillet 2019 à la préfecture de la Moselle.

REJETTE la demande en dommages et intérêts formée par Mme Elsa Z..

DIT n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

REJETTE toutes autres demandes des parties

CONDAMNE Mme Elsa Z. aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame MARTINO, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de METZ et par Madame GUIMARAES, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.