Cass. 1re civ., 8 février 1983, n° 81-14.573
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Joubrel
Rapporteur :
M. Fabre
Avocat général :
M. Sadon
Avocat :
SCP de Chaisemartin et Barthélémy
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, PRIS EN SES DEUX BRANCHES :
ATTENDU, SELON LES ENONCIATIONS DES JUGES DU FOND, QUE M X... A ETE PENALEMENT CONDAMNE POUR AVOIR DETOURNE, EN FRANCE, AU PREJUDICE DE M Y... A... Z..., 1262 ACTIONS DE LA COMPAGNIE UNION ET PHENIX ESPAGNOL, DONT 812 ONT ETE REVENDUES EN BOURSE, A MADRID, PAR L'ENTREMISE DE L'AGENCE DE BIARRITZ DU CREDIT LYONNAIS ET 450, DANS DES CONDITIONS SEMBLABLES, A LA BOURSE DE BARCELONE PAR L'ENTREMISE DE LA BANQUE VEUVE MORIN-PONS DE LYON ;
QUE, N'AYANT PU RECOUVRER SA CREANCE CONTRE M X..., QUI AVAIT FAIT CREDITER DU MONTANT DE CES VENTES LA SARL SARRADE ET LANNES, DONT IL ETAIT LE GERANT, POUR APURER SES DECOUVERTS, M Y... A... Z... A, PAR ACTE DU 21 MAI 1968, ASSIGNE DEVANT LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE LE CREDIT LYONNAIS ET LA SOCIETE ANONYME BANQUE VEUVE MORIN-PONS, EN REPARATION DU PREJUDICE QUE LUI AVAIT CAUSE LA NEGLIGENCE DE CES ETABLISSEMENTS BANCAIRES DANS LA VERIFICATION DES TITRES ET DES OPERATIONS DE VENTE QU'ILS AVAIENT ACCEPTE D'ACCOMPLIR ;
ATTENDU QUE LA BANQUE VEUVE MORIN-PONS REPROCHE A L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE D'AVOIR DECLARE LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE TERRITORIALEMENT COMPETENT POUR CONNAITRE DE L'ACTION FORMEE CONTRE ELLE, BIEN QUE SON SIEGE SOCIAL FUT A LYON, ALORS, SELON LE MOYEN, D'UNE PART, QUE LA SIMPLE IDENTITE DE FAUTES ET DE PREJUDICES PARFAITEMENT DISTINCTS, IMPUTES A DEUX DEFENDEURS DIFFERENTS NE CARACTERISE PAS UN LIEN DE CONNEXITE ET NE PERMETTAIT DONC PAS DE PORTER LES DEUX ACTIONS EN RESPONSABILITE DEVANT LE MEME TRIBUNAL ET ALORS QUE, D'AUTRE PART, L'ACTION EN RESPONSABILITE ENGAGEE CONTRE LA BANQUE VEUVE MORIN-PONS AYANT SA SOURCE, NON DANS LE DETOURNEMENT DES TITRES, MAIS DANS LA MANIERE DONT ILS AVAIENT ETE ACCEPTES EN VUE DE LEUR NEGOCIATION PAR CETTE BANQUE, LE LIEU OU AVAIT ETE COMMIS LE DETOURNEMENT ETAIT INDIFFERENT ET NE POUVAIT FONDER LA COMPETENCE ;
MAIS ATTENDU QU'IL SUFFIT POUR QUE LE DEMANDEUR SOIT FONDE A SE PREVALOIR DE LA PROROGATION DE COMPETENCE TERRITORIALE PREVUE PAR L'ARTICLE 46, ALINEA 2, DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE, QU'IL EXERCE UNE ACTION DIRECTE ET PERSONNELLE CONTRE CHACUNE DES PARTIES ASSIGNEES ET QUE LA QUESTION A JUGER SOIT LA MEME POUR TOUTES, QUELLE QUE SOIT DU RESTE LA MESURE EN LAQUELLE CHACUNE PEUT ETRE ENGAGEE ;
QU'EN L'ESPECE, IL RESULTE DE L'ARRET ATTAQUE QUE L'OBJET DES DEMANDES ETAIT DE FAIRE CONDAMNER A REPARATION L'UNE ET L'AUTRE SOCIETE DEFENDERESSES AUXQUELLES M Y... A... Z... IMPUTAIT LE MEME COMPORTEMENT FAUTIF EN LEUR QUALITE DE BANQUIER, DANS LA RECEPTION DES TITRES QUI LUI AVAIENT ETE DEROBES PAR M X... ET DANS L'EXECUTION D'OPERATIONS RIGOUREUSEMENT IDENTIQUES EN VUE DE LEUR NEGOCIATION EN BOURSE A L'ETRANGER ;
QUE SUR CE POINT, L'ARRET QUI A CONSTATE L'EXISTENCE D'UN LIEN DE CONNEXITE ENTRE LES DEUX ACTIONS, EST DONC LEGALEMENT JUSTIFIE ;
QU'EN AUCUNE DE SES BRANCHES, LE MOYEN N'EST FONDE ;
SUR LE DEUXIEME MOYEN, PRIS EN SES TROIS BRANCHES : ATTENDU QUE LA BANQUE VEUVE MORIN-PONS REPROCHE AUSSI A LA COUR D'APPEL D'AVOIR REJETE LA FIN DE NON-RECEVOIR TIREE DE LA PRESCRIPTION DE L'ACTION ENGAGEE CONTRE ELLE EN FAISANT APPLICATION DE LA LOI FRANCAISE ALORS, SELON LE MOYEN, QUE LA RESPONSABILITE DE LA BANQUE ETANT RECHERCHEE SUR LE FONDEMENT D'UNE MECONNAISSANCE DES DISPOSITIONS DE LA LOI ESPAGNOLE, LA PRESCRIPTION ETANT SOUMISE A CETTE LOI ;
QU'IL EST AUSSI SOUTENU, D'UNE PART, QUE L'ACTION EN RESPONSABILITE CIVILE INTENTEE CONTRE LA BANQUE ET REPOSANT SUR LES CONDITIONS DANS LESQUELLES ELLE AVAIT ACCEPTE LES TITRES EN VUE DE LEUR REVENTE ETAIT INDEPENDANTE DE LA CONDAMNATION PENALE DE L'AUTEUR DU DETOURNEMENT, DE SORTE QUE L'INSTANCE PENALE NE POUVAIT ETRE UNE CAUSE DE SUSPENSION DE LA PRESCRIPTION, ET, D'AUTRE PART, QU'EN RELEVANT D'OFFICE ET SANS PROVOQUER LES OBSERVATIONS DES PARTIES, LE MOYEN TIRE DU DEFAUT DE PRODUCTION DE LA SIGNIFICATION DE L'ARRET DE LA CHAMBRE CRIMINELLE DE LA COUR DE CASSATION REJETANT LE POURVOI DE M DAUGAS, LES JUGES D'APPEL N'ONT PAS RESPECTE LE PRINCIPE DE LA CONTRADICTION ;
MAIS ATTENDU QU'EN DROIT INTERNATIONAL PRIVE FRANCAIS, SAUF CONVENTION INTERNATIONALE CONTRAIRE, LA PRESCRIPTION EXTINCTIVE D'UNE OBLIGATION EST SOUMISE A LA LOI QUI REGIT CELLE-CI ET QUE LA LOI TERRITORIALE COMPETENTE POUR GOUVERNER LA RESPONSABILITE CIVILE EXTRA-CONTRACTUELLE EST LA LOI DU LIEU OU LE DOMMAGE A ETE REALISE ;
QU'EN L'ESPECE, IL RESULTE DE L'ARRET ATTAQUE QUE LE DOMMAGE RESULTANT DES FAUTES IMPUTEES PAR M Y... A... Z... A LA BANQUE VEUVE MORIN-PONS A ETE REALISE EN FRANCE OU A ETE DONNE L'ORDRE DE VENTE DES TITRES FRAUDULEUSEMENT DETOURNES ;
QUE, PAR CE SEUL MOTIF, SUBSTITUE A CEUX QUE LE MOYEN CRITIQUE, L'ARRET SE TROUVE LEGALEMENT JUSTIFIE EN CE QU'IL A SOUMIS A LA LOI FRANCAISE LA PRESCRIPTION DE L'ACTION CIVILE EN REPARATION ;
QU'EN AUCUNE DE SES BRANCHES, LE MOYEN NE PEUT ETRE ACCUEILLI ;
SUR LE TROISIEME MOYEN, PRIS EN SES DEUX BRANCHES : ATTENDU QUE L'ARRET EST ENCORE CRITIQUE POUR AVOIR ACCUEILLI LA DEMANDE EN REPARATION, SANS REPONDRE AUX CONCLUSIONS FAISANT VALOIR QUE LA BANQUE N'AVAIT JAMAIS ETE EN CONTACT DIRECT AVEC UN AGENT DE CHANGE ESPAGNOL ET QU'ELLE N'AVAIT PAS A SE PREOCCUPER DE L'ORIGINE DES TITRES LORS DE LEUR RECEPTION ;
QU'IL EST EN OUTRE SOUTENU QUE LA BANQUE QUI RECOIT D'UN DE SES CLIENTS HABITUELS DES TITRES AU PORTEUR, DONT RIEN NE PEUT LUI FAIRE SOUPCONNER L'ORIGINE FRAUDULEUSE N'A PAS L'OBLIGATION DE SE LIVRER A DES INVESTIGATIONS SUR LEUR PROVENANCE ;
MAIS ATTENDU QUE LE PRINCIPE DE LA NON INGERENCE DU BANQUIER DANS LES AFFAIRES DU CLIENT NE DOIT PAS L'EMPECHER DE REMPLIR SES OBLIGATIONS ET QUE, VIS-A-VIS DES TIERS, IL RESTE SOUMIS AUX REGLES GENERALES DE LA RESPONSABILITE DELICTUELLE ;
QU'A CET EGARD, SI LES TITRES AU PORTEUR SONT LEGALEMENT PRESUMES APPARTENIR A CELUI QUI LES A EN SA POSSESSION, IL APPARTIENT AU BANQUIER DE S'ASSURER DU DROIT DU PORTEUR LORSQUE LES CIRCONSTANCES DANS LESQUELLES IL RECOIT LES TITRES SONT DE NATURE A FAIRE NAITRE DES SOUPCONS ;
QU'EN L'ESPECE, L'ARRET A RELEVE UN CERTAIN NOMBRE D'ANOMALIES QUI ETAIENT APPARENTES : LE NOMBRE ANORMALEMENT IMPORTANT DES TITRES PRESENTES PAR M X... DONT LA BANQUE CONNAISSAIT LA SITUATION OBEREE COMME AUSSI CELLE DE LA SOCIETE QU'IL GERAIT, LA CREATION RECENTE DES TITRES QUI RESULTAIT D'UN SIMPLE EXAMEN FORMEL ET SUFFISAIT A REVELER LE CARACTERE MENSONGER DES PROPOS DE M X... QUANT A LEUR ORIGINE ;
QU'IL A RETENU AUSSI QUE L'ETABLISSEMENT BANCAIRE N'IGNORAIT PAS QUE LA VENTE DE CES TITRES DEVAIT INTERVENIR DANS UN PAYS OU LE DROIT DE PROPRIETE DU VENDEUR SUR LES TITRES NEGOCIES DOIT ETRE ETABLI PREALABLEMENT A TOUTE NEGOCIATION ;
QUE DE CES CONSTATATIONS ET APPRECIATIONS DE FAIT, LA COUR D'APPEL, QUI N'ETAIT PAS TENUE DE REPONDRE PAR UN MOTIF SPECIAL A LA SIMPLE ARGUMENTATION VISEE PAR LA PREMIERE BRANCHE DU MOYEN, A PU DEDUIRE A LA CHARGE DE LA BANQUE VEUVE MORIN-PONS LES NEGLIGENCES GENERATRICES DE RESPONSABILITE A L'EGARD DU PROPRIETAIRE DES TITRES ;
QU'AINSI, EN AUCUNE DE SES BRANCHES, LE MOYEN N'EST FONDE ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 24 JUIN 1981 PAR LA COUR D'APPEL DE PAU.