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Décisions

CA Grenoble, juridiction du premier président, 30 novembre 2022, n° 22/00115

GRENOBLE

Ordonnance

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Options Securite Securiteam (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

Me Kuzma, Me Mallard

CA Grenoble n° 22/00115

29 novembre 2022

Le 01/10/2007, M. [H] [E] a été embauché par la société Options Sécurité Securiteam en qualité de chef de poste par contrat à durée indéterminée.

Le 28/05/2021, il a été en arrêt de travail.

Le 10/05/2022, lors d'une visite de reprise, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste sans possibilité de reclassement.

Saisi par M. [H] [E] par procédure accélérée au fond, le 30/05/2022, le conseil des prud'hommes de Valence a, par ordonnance du 14/09/2022, déclaré le recours recevable et ordonné une expertise, le requérant devant consigner 1.200 euros.

Par déclaration du 29/09/2022, l'employeur a relevé appel de cette décision.

Le 07/10/2022, il a licencié M. [H] [E].

Par acte du même jour, la société Options Sécurité Securiteam a assigné M. [H] [E] devant la première présidente de la cour d'appel de Grenoble aux fins de se voir autorisée à interjeter appel de la décision du conseil des prud'hommes, faisant valoir en substance que :

- son recours est recevable ;

- elle justifie d'un motif grave et légitime autorisant un appel immédiat, le salarié étant déficient dans l'administration de la preuve ;

- le conseil des prud'hommes a excédé sa compétence dans les missions confiées à l'expert ;

- la décision étant insuffisamment motivée, le principe du contradictoire a été violé ;

- la mesure d'expertise ordonnée lui porte gravement préjudice, car elle a été contrainte de reprendre le paiement du salaire.

Pour conclure à l'irrecevabilité de la demande ainsi qu'au débouté de la requérante et réclamer reconventionnellement 2.000 euros au titre des frais visés à l'article 700 du code de procédure civile, M. [H] [E] réplique que la demande d'autorisation d'appel est tardive et qu'aucun motif grave et légitime n'est démontré.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la recevabilité de la demande :

Selon l'article 272 du code de procédure civile, 'la décision ordonnant l'expertise peut être frappée d'appel indépendamment du jugement sur le fond sur autorisation du premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime. La partie qui veut faire appel saisit le premier président qui statue selon la procédure accélérée au fond. L'assignation doit être délivrée dans le mois de la décision'.

L'assignation en référé a été délivrée dans le mois de la décision déférée à la cour, et un appel a été interjeté, étant précisé qu'il n'appartient pas au juge des référés de se prononcer sur la validité de l'appel, cette appréciation étant du ressort du juge du fond saisi.

La demande est ainsi recevable.

Sur le motif grave et légitime :

Le premier juge, pour ordonner une expertise médicale, a considéré que l'avis du médecin du travail était contesté par le salarié, qui a produit un avis d'un médecin psychiatre. Dès lors, si cette mesure d'instruction a été ordonnée, ce n'est pas en violation de l'article 146 du code de procédure civile, pour suppléer la carence du salarié dans l'apport de la preuve, mais parce que le conseil des prud'hommes n'était pas suffisamment informé pour trancher la contradiction entre les divers éléments versés aux débats.

Quant au fait que le premier juge aurait excédé ses pouvoirs en demandant à l'expert de se prononcer sur l'aptitude du salarié à occuper son poste, il sera observé que les conclusions expertales ne lient pas le juge et qu'il était d'une bonne administration de la justice que le maximum d'éléments de fait soient recueillis de façon à ce que l'affaire puisse être jugée au fond efficacement.

En se référant aux conclusions de chacune des parties et en soulignant que les conclusions du médecin du travail étaient contestées, le premier juge a exposé les circonstances qui nécessitaient l'expertise, conformément à l'article 265 du code de procédure civile.

Enfin, si l'employeur fait valoir qu'il a dû reprendre le paiement des salaires, ce n'a pu être que pour une période limitée, puisque M. [H] [E] a été licencié le 07/10/2022.

Dans ces conditions, la requérante ne justifie pas d'un motif grave et légitime pour être autorisée à relever d'ores et déjà appel de la décision avant dire droit du conseil des prud'hommes. Sa demande sera en conséquence rejetée.

Sur la demande reconventionnelle :

Il n'apparaît pas équitable de laisser à la charge de M. [H] [E] l'intégralité des frais irrépétibles qu'il a dû exposer dans le cadre de cette instance. La société requérante sera condamnée à lui verser la somme de 800 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS :

Nous, Patrick Béghin, conseiller délégué par la première présidente, statuant selon la procédure accélérée au fond, publiquement, par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe :

Rejetons la demande formée par la société Options Sécurité Securiteam ;

La condamnons à payer à M. [H] [E] la somme de 800 euros au titre des frais visés à l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamnons aux dépens.