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Décisions

Cass. com., 19 janvier 2022, n° 19-17.767

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guérin

Rapporteur :

Mme Daubigney

Avocats :

SCP Foussard et Froger, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Paris, du 8 avr. 2019

8 avril 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 avril 2019), la société Holding de contrôle et de participations (la société SHCP) a, le 6 août 1997, acquis l'usufruit de 13 174 actions de la société Fleury Michon auprès de M. [K] et s'est engagée, par une promesse unilatérale, à acquérir de ce dernier la nue-propriété de ces actions le 1er janvier 1993 si M. [K] en faisait la demande entre le 1er janvier 2011 et le 30 juin 2012 M. [K] a levé cette option le 6 juin 2012 et la cession a été réalisée le 28 février 2013, date à laquelle l'ordre de mouvement a été enregistré par l'établissement teneur du compte.

2. Le 24 septembre 2015, l'administration fiscale a notifié à M. [K] une proposition de rectification de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dû au titre de l'année 2013, en incorporant à l'assiette de cet impôt la créance qu'il détenait au 1er janvier 2013 sur la société SHCP, correspondant au prix de la nue-propriété des actions cédées.

3. Après avis de mise en recouvrement, et en l'absence de réponse à sa réclamation par l'administration fiscale, M. [K] l'a assignée afin d'être déchargé du surplus d'imposition réclamé.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. M. [K] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement qui l'a débouté de ses demandes, alors :

« 1°/ qu' application de l'article 885 E du code général des impôts, l'assiette de l'ISF est constituée par la valeur nette au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant au redevable de l'impôt ; qu'en vertu des articles L. 228-1 du code de commerce et L. 211-17 du code monétaire et financier, en cas de cession de valeurs mobilières admises à la négociation sur un marché réglementé ou de valeurs mobilières non admises à cette négociation mais inscrites en compte chez un intermédiaire habilité participant à un système de règlement et de livraison d'instruments financiers, le transfert de propriété s'effectue dans les conditions prévues à l'article L. 431-2 du code monétaire et financier, et résulte, par suite, de l'inscription des instruments en cause au compte-titres de l'acquéreur tenu par l'émetteur ou par un intermédiaire, à la date et dans les conditions définies par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ; qu'il en résulte que ces valeurs mobilières doivent être comprises au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune dans le patrimoine du vendeur, dès lors que l'inscription au compte de l'acheteur, telle que définie par le règlement général de l'autorité des marchés financiers, n'a pas encore eu lieu au 1er janvier de l'année d'imposition ; qu'en jugeant néanmoins que le transfert de propriété était sans incidence sur l'existence d'une créance qui serait certaine dans son principe et dans son montant et antérieure à cette mutation, la cour d'appel a violé les articles 885 E du code général des impôts, L. 228-1 du code de commerce et L. 211-17 du code monétaire et financier ;

2°/ qu'en application de l'article 885 E du code général des impôts, l'assiette de l'ISF est constituée par la valeur nette au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant au redevable de l'impôt ; qu'en vertu des articles L. 228-1 du code de commerce et L. 211-17 du code monétaire et financier, en cas de cession de valeurs mobilières admises à la négociation sur un marché réglementé ou de valeurs mobilières non admises à cette négociation mais inscrites en compte chez un intermédiaire habilité participant à un système de règlement et de livraison d'instruments financiers, le transfert de propriété s'effectue dans les conditions prévues à l'article L. 431-2 du code monétaire et financier, et résulte, par suite, de l'inscription des instruments en cause au compte-titres de l'acquéreur tenu par l'émetteur ou par un intermédiaire, à la date et dans les conditions définies par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ; qu'il en résulte que ces valeurs mobilières doivent être compris au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune dans le patrimoine du vendeur, dès lors que l'inscription au compte de l'acheteur, telle que définie par le règlement général de l'autorité des marchés financiers, n'a pas encore eu lieu au 1er janvier de l'année d'imposition ; que retenir l'existence d'une créance de prix suite à une promesse unilatérale d'achat d'actions au 1er janvier de l'année d'imposition cependant que le vendeur est tenu de déclarer au titre de son patrimoine imposable ces valeurs mobilières dès lors que l'inscription au compte de l'acheteur, telle que définie par le règlement général de l'autorité des marchés financiers, n'a pas encore eu lieu au 1er janvier de l'année d'imposition conduit à inclure dans l'assiette imposable de l'impôt de solidarité sur la fortune la valeur patrimoniale des actions à deux reprises ; qu'en jugeant que l'obligation de soumettre la créance de prix résultant de la promesse unilatérale d'achat d'actions dans l'assiette de l'ISF 2013 ne conduisait pas à imposer deux fois les mêmes actifs puisque M. [K] n'était pas imposable sur la valeur des actions litigieuses depuis la cession de l'usufruit des titres en date du 6 août 1997, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard des articles 885 E du code général des impôts, et L. 228-1 du code de commerce et L. 211-17 du code monétaire et financier. »

Réponse de la Cour

5. L'assiette de l'ISF est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes physiques qui y sont assujetties.

6. Après avoir, par motifs propres et adoptés, énoncé que, par application des dispositions des articles L. 228-1, R. 228-10 du code de commerce et L. 211-17 du code monétaire et financier, la date effective du transfert de la nue-propriété des actions dont était titulaire M. [K] au profit de la société SCHP était intervenue le 28 février 2013, l'arrêt retient que la levée d'option, effectuée par M. [K] le 6 juin 2012, lui avait conféré une créance de prix de cession, certaine dans son principe et déterminée dans son montant, antérieure au transfert de la propriété des titres, la promesse ne prévoyant aucune possibilité de report de la cession au-delà du 1er janvier 2013.

7. De ces énonciations et appréciations, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la seconde branche, a exactement déduit que la créance détenue par M. [K] sur la société SCHP devait être intégrée à l'assiette de l'ISF dû au titre de l'année 2013, peu important la date effective de transfert de propriété de la nue-propriété des actions.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. M. [K] fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en application de l'article 885 D du code général des impôts, les dettes grevant les patrimoines sont susceptibles d'être admises en déduction pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune sous les mêmes conditions et dans les mêmes limites qu'en matière de droits de succession ; qu'en application de l'article 768 du code général des impôts, pour être déductibles, les dettes doivent exister au 1er janvier de l'année d'imposition, être à la charge personnelle du redevable, et être justifiées par tous modes de preuve compatibles avec la procédure écrite ; qu'en jugeant que l'obligation de délivrance liée à la levée d'option n'a pas de valeur patrimoniale, cependant que son inexécution se résout par allocation de dommages-intérêts d'un montant équivalent au prix de la cession, la cour d'appel a violé l'article 768 du code général des impôts. »

Réponse de la Cour

10. Pour être déductible de l'assiette de l'ISF, une dette doit, par application des articles 885 D et 768 du code général des impôts, être certaine au jour du fait générateur de l'impôt, soit au 1er janvier de l'année d'imposition, une dette incertaine pouvant toutefois être rétroactivement déduite lorsque son montant est ultérieurement arrêté. Il en est ainsi de l'obligation de délivrance d'une chose vendue échéant après la date du fait générateur de l'impôt, qui consiste, selon l'article 1604 du code civil, à transporter la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur et qui n'est donc pas valorisable en termes monétaires, l'éventuelle inexécution de cette obligation, postérieurement à cette date, dût-elle se résoudre en dommages-intérêts. C'est ainsi à bon droit que la cour d'appel a retenu que l'obligation de délivrance des actions cédées, dont M. [K] était débiteur au 1er janvier 2013, n'avait pas de valeur patrimoniale et qu'elle ne constituait donc pas une dette déductible du patrimoine, au sens de l'article 768 du code général des impôts.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.