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Décisions

CAA Paris, 9e ch., 25 octobre 2018, n° 17PA02700

PARIS

Arrêt

Annulation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jardin

Président assesseur :

M. Dalle

Conseiller :

Mme Stoltz-Valette

Rapporteur public :

Mme Mielnik-Meddah

Avocat :

Me Léger

CAA Paris n° 17PA02700

24 octobre 2018

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...A...ont demandé au Tribunal administratif de Dijon la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement nº 1602196/1-1 du 31 mai 2017, le Tribunal administratif de Paris, auquel le dossier avait été transmis par une ordonnance du 9 février 2016 du président de la 2ème chambre du Tribunal administratif de Dijon prise sur le fondement de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er août 2017 et le 1er mai 2018, M. et MmeA..., représentés par Me Léger, avocat, demandent à la Cour :

1º) d'annuler le jugement nº 1602196/1-1 du 31 mai 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2º) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 et des pénalités correspondantes ;

3º) de mettre une somme de 7 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les avis d'imposition qui leur ont été adressés ne sont pas motivés, ne se réfèrent pas à une proposition de rectification et portent le même numéro, bien que les impositions recouvrées soient différentes ;

- en application de l'article L. 228-1, alinéa 9, du code de commerce, les titres ont été transférés à leurs enfants à " l'inscription des valeurs mobilières au compte de l'acheteur ", c'est-à-dire au 13 février 2011, date à laquelle leurs enfants ont été inscrits sur le registre des mouvements de titres comme les nouveaux titulaires des actions ;

- l'administration admet dans sa doctrine (BOI-ENR-DMTG-20-10-10-201311211) que l'acceptation du bénéficiaire d'une donation sous seing privé peut être tacite ; en l'espèce, chacun des enfants avait tacitement accepté la donation à la date du 1er mars 2011 ;

- il ressort d'un faisceau d'indices significatif que la donation est intervenue antérieurement à la cession ;

- l'administration ne peut lui opposer l'absence d'enregistrement, cette formalité ne servant qu'à la liquidation des droits d'enregistrement ;

- l'administration a méconnu la théorie du " contrat-fait ", reprise à l'article 1200 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance nº 2016-131 du 10 février 2016 et porté atteinte au droit de propriété ;

- elle n'a pas respecté les garanties inhérentes à la procédure de répression des abus de droit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la vente était devenue juridiquement parfaite antérieurement aux donations consenties par les requérants ;

- l'administration prend acte de la date de cession au 1er mars 2011 retenue par le Tribunal ;

- la condition résultant de l'article 932 du code civil tenant à l'acceptation expresse des donataires n'est pas remplie

- la donation est inopposable au service des impôts antérieurement à son enregistrement ;

- la date d'acceptation des donations ne saurait résulter d'un faisceau d'indices.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dalle,

- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,

- et les observations de Me Léger, avocat de M. et MmeA....

1. Considérant que M. et Mme A...relèvent appel du jugement du 31 mai 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2011, à la suite d'un contrôle sur pièces ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année en litige : " I.-1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1º de l'article 118 et aux 6º et 7º de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu (...) " ; que le neuvième alinéa de l'article L. 228-1 du code de commerce dispose : " En cas de cession de valeurs mobilières admises aux opérations d'un dépositaire central ou livrées dans un système de règlement et de livraison mentionné à l'article L. 330-1 du code monétaire et financier, le transfert de propriété s'effectue dans les conditions prévues à l'article L. 211-17 de ce code. Dans les autres cas, le transfert de propriété résulte de l'inscription des valeurs mobilières au compte de l'acheteur, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; que l'article R. 228-10 du même code dispose : " Pour l'application de la dernière phrase du neuvième alinéa de l'article L. 228-1, l'inscription au compte de l'acheteur est faite à la date fixée par l'accord des parties et notifiée à la société émettrice " ;

3. Considérant que par un acte sous seing privé du 14 février 2011, enregistré le 14 mars 2011 au service des impôts des entreprises de Mâcon (Saône-et-Loire), M. et Mme A...ont constaté la donation à chacun de leurs deux enfants de 1 580 actions de la SA JCGM ; que, le 1er mars, ils ont cédé 8 186 actions de la même société à la société Financière 5A, puis déclaré la plus-value correspondante, cependant que leurs enfants cédaient ou apportaient les titres qu'ils venaient de recevoir à la société Financière 5A ; que l'administration fiscale, estimant que 1 704 des 3 160 actions reçues par les enfants avaient en réalité fait l'objet d'une cession à la société Financière 5A antérieurement à la donation, a imposé entre les mains de M. et Mme A...la plus-value afférente à la cession de ces 1 704 actions ;

4. Considérant que les modalités de transfert des actions de la société JCGM au profit de la société Financière 5 A étaient prévues dans un protocole du 25 janvier 2011 ; que lors du contrôle, le service a estimé que les conditions suspensives à la cession des actions prévues par ce protocole s'étant réalisées au plus tard le 7 février 2011, la vente était devenue parfaite à cette date, soit antérieurement à la donation du 14 février 2011 ; que, cependant, il résulte des dispositions précitées du code de commerce que, par dérogation à l'article 1583 du code civil, la date du transfert de propriété des titres d'une société cédés à titre onéreux est celle à laquelle les valeurs mobilières en cause sont inscrites au compte de l'acheteur et non celle à laquelle intervient l'accord sur la chose et le prix ; que l'administration ne pouvait, dès lors, retenir ce motif pour fonder l'imposition de la plus-value réalisée par M. et MmeA... ; que, toutefois, devant la Cour, le ministre de l'action et des comptes publics s'approprie les motifs retenus par les premiers juges, lesquels ont estimé que la donation était inopposable à l'administration fiscale antérieurement à son enregistrement, en date du 14 mars 2011 ; que la donation doit par suite, selon le ministre, être regardée comme postérieure à la cession du 1er mars 2011 ;

5. Considérant, cependant, qu'il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation que les valeurs mobilières peuvent faire l'objet d'un don manuel, le transfert de propriété résultant du virement des titres au compte du donataire, que la preuve de l'existence ou de l'absence du don manuel échappe au formalisme de l'article 931 du code civil et peut être apportée par tous moyens et que l'acceptation d'un don manuel échappe également à tout formalisme et peut être simplement tacite ; qu'en l'espèce, les éléments produits par les requérants, en particulier le registre des mouvements de titres de la société JCGM faisant apparaître la transmission à titre gratuit, le 13 février 2011, des actions litigieuses à leurs deux enfants et l'acte du 14 février 2011, suffisent à établir qu'une donation a été consentie par les requérants au profit de leurs enfants et acceptée par ces derniers antérieurement à la cession du 1er mars 2011 ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. et Mme A...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement nº 1602196/1-1 du 31 mai 2017 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : M. et Mme A...sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 et des pénalités correspondantes.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. et Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.