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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 14 avril 2023, n° 22/02996

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Ille et Vilaine

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Christien

Conseillers :

M. Jobard, M. Pothier

Avocats :

Me Delomel, Me Tessier

TI Rennes, du 10 nov. 2014

10 novembre 2014

EXPOSE DU LITIGE :

Le 27 août 2005, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine (la CRCAM) a consenti à Mme [Z] [V] un prêt étudiant d'un montant de 21 500 euros, garanti par les cautionnements solidaires de M. [L] [V] et Mme [S] [F] née [X].

Le 23 janvier 2009, la CRCAM a consenti à Mme [Z] [V] un second prêt étudiant d'un montant de 5 000 euros, garanti par le cautionnement solidaire de M. [L] [V].

Par jugement irrévocable du 10 novembre 2014, le tribunal d'instance de Rennes a notamment :

condamné solidairement Mme [Z] [V] en qualité de débiteur principal, M. [L] [V] et Mme [S] [F] née [X] en qualité de cautions solidaires à payer à la CRCAM la somme de 12 104,95 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 3,35 % l'an à compter du 13 août 2012 sur la somme de 11 586,73 euros au titre du prêt souscrit le 27 août 2005, dans la limite s'agissant des cautions solidaires de la somme de 11 521,58 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2012, cette somme ne pouvant produire intérêts au taux légal majoré,

condamné solidairement Mme [Z] [V] en qualité de débiteur principal et M. [L] [V] en qualité de caution solidaire à payer à la CRCAM la somme de 4 991,94 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 4,40 % l'an à compter du 8 juin 2012 au titre du prêt souscrit le 23 janvier 2009, dans la limite s'agissant de M. [L] [V] caution solidaire, de la somme de 4 662 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2012, cette somme ne pouvant produire intérêts au taux légal majoré,

condamné la CRCAM à payer à Mme [S] [F] née [X] la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts,

ordonné la compensation entre les créances réciproques de la CRCAM et de Mme [S] [F] née [X] à concurrence de leurs quotités respectives,

Mme [Z] [V] et M. [L] [V] ont réglé les causes du jugement, et la créance de la banque s'est trouvée soldée en avril 2021.

Prétendant que la CRCAM n'avait pas appliqué la compensation prévue par la décision du 10 novembre 2014, Mme [X] lui a fait délivrer, le 3 février 2022, un commandement de payer aux fins de saisie-vente, pour obtenir paiement d'une somme de 6 177,13 euros en principal et frais.

Contestant la validité de cette mesure, la CRCAM a, par acte du 10 février 2022, fait assigner Mme [X] devant le juge de l' exécution de Rennes en nullité du commandement aux fins de saisie-vente et en paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 28 avril 2022, le juge de l' exécution a :

constaté la nullité du commandement de payer avant saisie-vente délivré le 3 février 2022 à la CRCAM à la requête de Mme [S] [X],

ordonné, en tant que de besoin, la mainlevée de ce commandement,

rejeté la demande de dommages-intérêts de la CRCAM,

condamné Mme [S] [X] aux dépens, ainsi qu'à verser à la CRCAM une indemnité de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [X] a relevé appel de ce jugement le 10 mai 2022, et, aux termes de ses dernières conclusions du 4 juillet 2022, elle demande à la cour de l'infirmer et de :

dire licite le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 3 février 2022,

débouter la CRCAM de l'ensemble de ses demandes,

condamner la CRCAM à lui verser la somme de 1 000 euros, à titre de dommages et intérêts pour engagement d'une procédure abusive,

condamner la CRCAM à lui verser la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais d' exécution liés au jugement du 10 novembre 2014.

Aux termes de ses dernières conclusions du 21 juillet 2022, la CRCAM conclut à la confirmation du jugement attaqué, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

Elle sollicite en conséquence la condamnation de Mme [X] à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts en raison de la mesure d' exécution abusive, et en tout état de cause sa condamnation au paiement d'une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 8 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

Mme [X] fait grief au jugement de n'avoir pas appliqué le mécanisme de la compensation à son seul détriment, puisqu'il n'aurait pas retenu ni inclus le montant de sa créance à l'égard de la CRCAM, et qu'il aurait constaté l'extinction pure et simple de la dette de la banque à son égard, mais sans déduire les 6 000 euros de condamnation mises à la charge de ladite banque, de sorte que n'ayant jamais bénéficié de cette mesure de compensation, elle serait fondée à obtenir de la CRCAM le règlement de cette somme de 6 000 euros.

Il ressort cependant des dispositions de l'article 1294 ancien du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, que la caution peut opposer la compensation de ce que le créancier doit au débiteur principal.

Mais le débiteur principal ne peut opposer la compensation de ce que le créancier doit à la caution.

Le débiteur solidaire ne peut pareillement opposer la compensation de ce que le créancier doit à son codébiteur.

Et, il est à cet égard de principe qu'il résulte de la combinaison des articles 1234 ancien, 1294, alinéa 2 ancien, et 2288 du code civil que la compensation opérée entre une créance de dommages-intérêts, résultant du comportement fautif du créancier à l'égard de la caution lors de la souscription de son engagement, et celle due par cette dernière, au titre de sa garantie envers ce même créancier, n'éteint pas la dette principale garantie mais, à due concurrence, l'obligation de la caution.

En l'espèce, dans son dispositif, le jugement du tribunal d'instance de Rennes en date du 10 novembre 2014 a prononcé les condamnations suivantes en vertu de deux prêts étudiants contractés par Mme [V], avec la caution solidaire de M. [L] [V] et Mme [S] [X] pour le premier, et la caution solidaire de M. [L] [V] pour le second :

a condamné solidairement Mme [Z] [V] en qualité de débiteur principal, M. [L] [V] et Mme [S] [F] née [X] en qualité de cautions solidaires à payer à la CRCAM la somme de 12 104,95 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 3,35 % l'an à compter du 13 août 2012 sur la somme de 11 586,73 euros au titre du prêt souscrit le 27 août 2005, dans la limite s'agissant des cautions solidaires de la somme de 11 521,58 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2012, cette somme ne pouvant produire intérêts au taux légal majoré,

a condamné solidairement Mme [Z] [V] en qualité de débiteur principal et M. [L] [V] en qualité de caution solidaire à payer à la CRCAM la somme de 4 991,94 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 4,40 % l'an à compter du 8 juin 2012 au titre du prêt souscrit le 23 janvier 2009, dans la limite s'agissant de M. [L] [V] caution solidaire, de la somme de 4 662 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2012, cette somme ne pouvant produire intérêts au taux légal majoré,

a condamné la CRCAM à payer à Mme [S] [F] née [X] la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Dans son dispositif, le tribunal a ordonné expressément la compensation entre les créances réciproques de la CRCAM et de Mme [S] [X] à concurrence de leurs quotités respectives.

C'est par d'exacts motifs que la cour adopte que le premier juge a pertinemment relevé que :

le jugement étant assorti de l' exécution provisoire, les créances réciproques de la banque et de Mme [X] sont devenues exigibles en même temps à la date de ce jugement, de sorte que par l'effet de la compensation, la créance de Mme [X] à l'encontre de la CRCAM, de montant inférieur à celui de la créance de la banque à son encontre, s'est trouvée éteinte au jour du jugement,

le décompte d'huissier de justice en date du 14 juin 2021 produit par Mme [X] démontre que les deux condamnations prononcées au profit de la CRCAM ont été soldées, après remise transactionnelle, le 12 avril 2021 par Mme [Z] [V] et M. [L] [V], mais cela ne remet pas en cause l'effet extinctif de la compensation opérée concernant la créance de Mme [X],

en effet, en application de l'article 1294 précité, ni le débiteur principal, ni le codébiteur solidaire ne sont fondés à opposer la compensation de ce que le créancier doit à la caution ou au codébiteur,

la créance de 6 000 euros de Mme [X] s'étant éteinte par l'effet de la compensation au jour du jugement rendu par le tribunal d'instance de Rennes, l'intéressée ne dispose plus d'une créance liquide et exigible à l'encontre de la CRCAM.

En effet, comme le fait valoir à juste titre l'intimée, la condamnation prononcée au profit de Mme [X] résultant du comportement fautif de la banque à son égard a été sanctionnée par la réduction du recours de la banque à son égard uniquement à hauteur de 6 000 euros, et le recours de la banque contre la débitrice principale et M. [L] [V] est demeuré intact et n'a pas été affecté par la condamnation de la banque et la compensation ordonnée uniquement dans ses rapports avec Mme [X], étant au surplus observé que la CRCAM n'a pas agi contre Mme [X] pour recouvrer les sommes dues au titre du prêt souscrit le 27 août 2005, même pour le surplus exigible à son égard.

C'est donc à juste titre que le premier juge a constaté la nullité du commandement de payer avant saisie-vente délivré le 3 février 2022, et en a ordonné la mainlevée.

Puisqu'il a été jugé que le commandement était nul et qu'il en a été ordonné mainlevée, la demande de Mme [X] de condamnation de la CRCAM au paiement d'une somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, est dénuée de fondement et sera rejetée.

La CRCAM demande par ailleurs la condamnation de Mme [X] au paiement d'une somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure d' exécution abusive, mais elle ne démontre pas que cette mesure ait en l'espèce dégénéré en abus, ni l'existence d'un préjudice en lien direct avec la délivrance du commandement précité, étant observé au surplus que ledit commandement n'est pas un acte d' exécution , même s'il engage la mesure d' exécution forcée.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles étaient justifiées et seront maintenues.

Il convient donc de confirmer en tous points le jugement attaqué.

Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge de la CRCAM l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme en l'ensemble de ses dispositions le jugement rendu le 28 avril 2022 par le juge de l' exécution de Rennes ;

Déboute Mme [S] [X] de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

Condamne Mme [S] [X] à payer à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [S] [X] aux dépens d'appel.