Cass. 3e civ., 17 décembre 2008, n° 08-10.478
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cachelot
Avocats :
Me Spinosi, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 21 novembre 2007), que les époux X... invoquant la hauteur excessive des plantations du lot voisin appartenant aux époux Y..., les ont assignés en réduction de la hauteur à la limite de 1 mètre 60 centimètres instituée par le cahier des charges du lotissement ; que les époux Y... ont sollicité la réduction d'un mur édifié par les époux X... en limite séparative, dépassant cette même hauteur et soutenant une plate-forme nouvelle donnant une vue droite irrégulière sur leur fonds ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les époux Y... font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes, alors, selon le moyen :
1° / que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et que, pour respecter ce principe, qui s'impose à lui, l'expert judiciaire devait s'assurer que les deux rapports d'expertise de MM. Z... et A... avaient été régulièrement communiqués aux époux Y... avant le dépôt de son rapport ; que l'expertise ayant été ordonnée en cause d'appel, seuls les avoués des parties avaient qualité pour procéder à une communication régulière de pièces ; qu'en se prononçant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 16, ensemble l'article 961 du code de procédure civile ;
2° / qu'en affirmant, pour décider que les conclusions du rapport de l'expert judiciaire, M. B..., seraient valablement retenues, que les époux Y... avaient eu régulièrement connaissance des rapports A... et Z... sur lesquels il leur était loisible de faire un dire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 276 du code de procédure civile, ensemble l'article 1134 du code civil ;
3° / qu'en omettant de répondre aux conclusions d'appel des époux Y... faisant valoir que, pour affirmer que le sol n'avait été rehaussé que d'une épaisseur de remblais de 50 cm, l'expert judiciaire avait, en substance, déformé une déclaration de M. Y... relative à la hauteur de la surélévation du mur sur un point précis, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé qu'il résultait d'un courrier du conseil des époux X... du 28 avril 2006, antérieur au dépôt du rapport de M. B... clôturé le 5 septembre 2006, que les rapports d'expertise des techniciens A... et Z... avaient été communiqués en original et que les époux Y... avaient été mis en mesure de discuter utilement les conclusions que l'expert tirait de l'étude de ces documents au moyen d'un dire, ce qu'ils avaient fait, la cour d'appel a pu retenir qu'il importait peu que la communication de ces pièces n'ait pas eu lieu entre avoués avant le dépôt du rapport de M. B... ;
Attendu, d'autre part, que répondant aux conclusions, l'arrêt retient que l'expert a répondu de façon précise et circonstanciée à tous les chefs de sa mission et a motivé chacune de ses réponses par des éléments techniques exempts de toute appréciation subjective ou de partialité ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande des époux Y... en réduction de la hauteur du mur construit par les époux X... en limite séparative, à celle fixée par le cahier des charges du lotissement pour les clôtures, l'arrêt retient que les remblais d'une épaisseur d'environ 0, 50 mètre effectivement apportés par les époux X... étaient, de par le principe constructif, indispensables à la stabilité de ce mur, que la démolition de l'ouvrage mettrait en péril la stabilité de la villa des époux Guidoni et qu'ainsi le mur litigieux constituait un mur de soutènement et non une clôture ;
Qu'en statuant ainsi, tout en relevant que la transformation de l'ancien mur de clôture en mur de soutènement résultait de la préférence des époux X... pour cette solution technique et sans constater qu'elle avait été rendue nécessaire par la configuration des lieux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter la demande des époux Y... en suppression de la vue droite créée sur leur fond, l'arrêt retient qu'il n'est nullement établi que la plate-forme créée par les époux X... entre la limite séparative et le mur de soutènement d'origine l'ait été à l'occasion de la construction du nouveau mur et qu'il n'est pas plus démontré que seule la démolition du mur serait de nature à faire supprimer lesdites vues ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les époux X... n'avaient jamais contesté avoir créé, lors de la construction du mur, la plate-forme contestée par les époux Y... et constituée par les terres de remblai alors apportées en surplus, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute les époux Y... de leurs demandes de réduction de la hauteur du mur et de suppression d'une vue droite, l'arrêt rendu le 21 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bastia, autrement composée.