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Décisions

CA Dijon, 1re ch. civ., 4 mai 2021, n° 20/01301

DIJON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Vignobles des Mouchottes (SAS), AJRS (Selarl) (ès qual.)

Défendeur :

La Cave des Hautes Cotes (SCA), MJ & Associés (Selarl) (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Petit

Conseillers :

M. Wachter, Mme Dumurgier

TJ Dijon, du 26 oct. 2020, n° 19/01129

26 octobre 2020

La SAS Vignobles des Mouchottes est associé coopérateur de la société coopérative agricole La Cave des Hautes Côtes, dont les statuts mis à jour par l'assemblée générale extraordinaire du 15 juin 2017 prévoient à l'article 8 relatif aux obligations des associés coopérateurs qu'en adhérant à la coopérative, l'associé coopérateur s'engage à ' livrer la totalité des produits viticoles de son exploitation tels qu'ils sont définis à l'article 3, réserve faite des quantités nécessaires aux besoins familiaux et de l'exploitation.'

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 juin 2018, faisant état de difficultés économiques résultant des écarts entre les prix déterminés par le conseil d'administration de la SCA La Cave des Hautes Côtes et les prix de marché ainsi qu'avec le barème préfectoral annuel retenu pour le calcul des fermages, la société Vignobles des Mouchottes a informé la coopérative que, pour la récolte 2018, et par application de l'article 8 des statuts, elle entendait conserver à titre de réserve les produits provenant de quatre parcelles de Haute Côte de Nuits rouge, représentant 19,14 ha.

Par LRAR du 24 juillet 2018, la SCA La Cave des Hautes Côtes s'est opposée à la conservation à titre de réserve des produits provenant des 19,14 ha de Côtes de Nuits rouge, et a mis en demeure la société Vignobles des Mouchottes de lui livrer lors des vendanges 2018 les produits viticoles issus de la totalité de son exploitation, soit 73 ha 33 à 20 ca.

Le 4 septembre 2018, la SCA Cave des Hautes Côtes a fait assigner la société Vignobles des Mouchottes devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Dijon aux fins qu'il lui soit ordonné sous astreinte de livrer lors des prochaines vendanges la totalité des récoltes de son exploitation, et qu'il lui soit fait interdiction de vendre, céder ou disposer de quelque manière que ce soit la propriété des produits viticoles issus de son exploitation au titre de la récole 2018, et non livrés.

Par ordonnance rendue le 7 septembre 2018, le juge des référés a fait droit à ces demandes.

En exécution de cette décision, la société Vignobles des Mouchottes a livré les raisins issus de son exploitation à l'exclusion de ceux provenant d'une surface de 4,343 ha.

Par arrêt du 21 février 2019, retenant que l'examen de la demande formée par la SCA Cave des Hautes Côtes impliquait l'interprétation préalable de l'article 8 des statuts sur lequel elle se fondait, la cour d'appel de Dijon a infirmé l'ordonnance déférée.

La SCA Cave des Hautes Côtes a formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt.

Entre temps, par exploit du 27 mars 2019, la SCA la Cave des Hautes Côtes a fait assigner la société Vignobles des Mouchottes devant le tribunal de grande instance de Dijon, sur le fondement des articles 788 et suivants du code de procédure civile, L. 521-3, R. 522-2, R. 522-3 et R. 522-5 du code rural et de la pêche maritime, afin que soit constatée l'obligation de livraison totale de sa production.

Le 29 mars 2019, la société Vignobles des Mouchottes a fait signifier à la SCA la Cave des Hautes Côtes un commandement aux fins de saisie appréhension de vins sur le fondement de l'arrêt en date du 21 février 2019.

Par exploit du 5 avril 2019, la SCA la Cave des Hautes Côtes a fait assigner la société Vignobles des Mouchottes devant le juge de l’exécutionde Dijon en contestation de ce commandement.

Les 2 et 3 mai 2019, la société Vignobles des Mouchottes a successivement fait signifier à la SCA la Cave des Hautes Côtes un procès-verbal d'appréhension de vins transformé en procès-verbal de difficultés, ainsi qu'une sommation d'avoir à préserver l'intégrité des vins lui appartenant.

Par jugement du 21 mai 2019, le tribunal de commerce de Dijon a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Vignobles des Mouchottes, et a désigné Me Rémy B. en qualité d'administrateur judiciaire, et la SELARL MJ & Associés, prise en la personne de Me Véronique T., en qualité de mandataire à la sauvegarde.

Par jugement au fond du 7 octobre 2019, le tribunal de grande instance a condamné la SAS Vignobles des Mouchottes à livrer à la SCA La Cave des Hautes Côtes la totalité des récoltes de son exploitation représentant une surface de 68 ha 98 a 9 ca, et lui a fait interdiction de vendre, céder ou disposer de quelque manière des produits issus de son exploitation au titre des vendanges 2019 et non livrés à la SCA La Cave des Hautes Côtes et ce sous astreinte provisoire de 1 500 € par infraction constatée.

La société Vignobles des Mouchottes a relevé appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses conclusions dans le cadre de la procédure suivie devant le juge de l’exécution, la SCA la Cave des Hautes Côtes a sollicité :

- qu'il soit dit et jugé que le commandement aux fins de saisie appréhension signifié le 29 mars 2019 ne contient pas les mentions obligatoires exigées par l'article R. 222-2 du code des procédures civiles d’exécution, de sorte que sa nullité devait être prononcée, de même que celle de tous les actes subséquents ;

- qu'il soit dit et jugé que le procès-verbal n'a aucun effet d'indisponibilité au regard de l'article L. 141-2 du code des procédures civiles d’exécutionet qu'il n'a pu constituer de plein droit la SCA la Cave des Hautes Côtes gardien de vins, alors, de plus, que la société Vignobles des Mouchottes ne justifiait d'aucun titre de propriété ;

- qu'il soit dit et jugé, en conséquence, que le procès-verbal de saisie appréhension converti en procès-verbal de difficultés et la sommation subséquente étaient dépourvus de fondement et d'effet ; qu'en soit en tout état de cause ordonné la mainlevée ;

- que soit déclarée irrecevable, subsidiairement mal fondée, l'exception d'incompétence soulevée par la société Vignobles des Mouchottes ;

- que soit rejetée la fin de non-recevoir soulevée par la défenderesse ;

- que soient déclarées irrecevables les demandes de la société Vignobles des Mouchottes ;

- qu'au regard du jugement au fond du 7 octobre 2019, qui privait de tout effet juridique l'arrêt de référé du 21 février 2019, il soit dit et jugé que la société Vignobles des Mouchottes ne démontrait détenir un titre exécutoire l'autorisant à poursuivre une saisie-appréhension de vins à son encontre ;

- qu'il soit dit et jugé que le dispositif de l'arrêt rendu en référé le 21 février 2019 n'emportait aucune obligation pour elle de restituer des vins à la société Vignobles des Mouchottes, et que la cour n'avait pas statué sur la propriété des vins revendiqués ; que le juge de l'exécution ne pouvait ajouter au dispositif de cette décision ;

- qu'il soit dit et jugé que la propriété des raisins livrés lors des vendanges 2018 par la société Vignobles des Mouchottes avait été transférée à la coopérative conformément à l'article 3 des statuts ;

- que la société Vignobles des Mouchottes soit en conséquence déboutée de toutes ses demandes.

La société Vignobles des Mouchottes et Me B., es qualités, ont demandé au juge de l'exécution :

- de constater que la SCA la Cave des Hautes Côtes ne rapportait pas la preuve de l'existence de difficultés relatives à l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel du 21 février 2019 ;

- au besoin, de lui enjoindre de produire tous documents relatifs à la preuve des difficultés d'exécution ;

- de dire et juger que le juge de l’exécution ne pouvait être saisi de demandes tendant à mettre en cause le titre constitué par l'arrêt du 21 février 2019 ;

En conséquence,

- de se déclarer incompétent ;

En tout état de cause :

- de constater que la SCA la Cave des Hautes Côtes s'était autorisée à rendre indisponibles les produits 2018 sans saisine préalable du juge et qu'elle en sollicitait la légitimation a posteriori afin de faire échec à l'arrêt du 21 février 2019 ;

- de dire et juger qu'un tel comportement déloyal n'autorisait pas la saisine du juge de l’exécution, en application de la règle nemo auditur et en violation du principe de l'autorité de la chose jugée et de son droit à l’exécution équitable d'une décision de justice ;

- de constater que la SCA la Cave des Hautes Côtes ne justifiait pas d'un intérêt à agir, s'agissant de l'ensemble des demandes portées devant le juge de l’exécution qu'elle s'était déjà autorisée à mettre en place depuis le mois de mars 2019 ;

En conséquence,

- de dire et juger l'action et les prétentions de la demanderesse irrecevables pour défaut de légitimation et d'intérêt à agir ;

- de constater, au besoin dire et juger, que l'obligation de restitution des raisins apportés pesant sur la SCA la Cave des Hautes Côtes portait sur les vins en stock conformément à la jurisprudence constante ;

Subsidiairement sur le fond,

- de constater, au besoin de dire et juger, que le commandement aux fins de saisie appréhension et les sommations délivrées étaient parfaitement régulières ;

- de constater, au besoin de dire et juger, que l'obligation de restitution portait sur les vins dans les proportions exactes de ce qui avait été livré par elle ;

- de dire et juger que la restitution se fera sous astreinte et sous le contrôle d'un huissier de justice et d'un expert oenologue aux frais et risques du défendeur, la SCA la Cave des Hautes Côtes devant produire à cette occasion tous registres, justificatifs et déclarations administratives, notamment douanières, afférents aux produits apportés par la société Vignobles des Mouchottes lors de la vendange 2018 ;

- de débouter la SCA la Cave des Hautes Côtes de l'ensemb1e de ses demandes, fins et conclusions ;

Reconventionnellement,

- de constater l'inexécution dommageable et dolosive de l'arrêt du 21 février 2019 ;

- de condamner la SCA la Cave des Hautes Côtes à lui payer la somme de 221 812,74 € à titre de dommages-intérêts correspondant à la privation du prix de vente des produits au prix de référence fixé par l'arrête préfectoral pour 2018, avec intérêts de droit à compter du 21 février 2019 ;

En tout état de cause,

- de condamner la SCA la Cave des Hautes Côtes à lui payer la somme de 100 000 € pour résistance abusive et inexécution déloyale de l'arrêt du 21 février 2019.

Par jugement du 26 octobre 2020, le juge de l’exécution a d'abord écarté le moyen tiré de son incompétence, au motif que le commandement aux fins de saisie appréhension, intervenu dans le cadre des dispositions de l'article R. 222-2 du code des procédures civiles d’exécution, engageait la procédure d’exécutionde sorte que le juge de l’exécution était compétent pour en prononcer, le cas échéant, la nullité, de même qu'il était compétent pour juger des effets de l'acte de saisie-appréhension subséquent et pour vérifier l'existence du titre exécutoire fondant la saisie. Il a ensuite rejeté la fin de non-recevoir tirée par la société Vignobles des Mouchottes en considérant que la saisie-appréhension engagée le 29 mars 2019 portait, non pas sur des raisins, mais sur des vins, de sorte qu'en saisissant le juge de l’exécution pour solliciter la nullité du commandement préalable à la saisie appréhension de vins et en soulevant les difficultés relatives à l'arrêt de la cour d’appel du 21 février 2019 dont elle contestait la nature de titre exécutoire autorisant la saisie, la SCA La Cave des Hautes Côtes disposait d'un intérêt évident à agir. S'agissant du titre, il a estimé que l'arrêt du 21 février 2019, qui ouvrait droit à la restitution des récoltes livrées en exécution de la décision réformée du premier juge, constituait le titre exécutoire permettant d'en poursuivre le recouvrement forcé, cette obligation résultant implicitement de la réformation de la première décision, ajoutant que l'assiette du droit de propriété n'était pas remise en cause par la transformation de la matière d'origine remise par l'exploitant, et que l'article 3 des statuts de la SCA prévoyant un transfert de propriété des produits apportés par les associés coopérateurs ne s'appliquait pas à une livraison de produits viticoles ordonnée par décision judiciaire. Relevant cependant que l'arrêt du 21 février 2019, rendu en référé, n'avait pas autorité de chose jugée, et que le tribunal de grande instance avait statué au fond le 7 octobre 2019, par un jugement assorti de l’exécution provisoire, qui avait fait obligation à la société Vignobles des Mouchottes d'apporter la totalité des produits de son exploitation à la société coopérative, il a retenu que la société Vignobles des Mouchottes avait perdu son droit de restitution des produits livrés, y compris la récolte 2018, le juge de l’exécution a ordonné la mainlevée de la procédure de saisie-appréhension, en précisant que le procès-verbal de saisie-appréhension établi le 2 mai 2019 n'avait aucun effet d'indisponibilité dès lors que, devant l'opposition du signifié, il avait été transformé en procès-verbal de difficultés. Il a enfin considéré qu'au regard de l'issue du litige telle que résultant du jugement au fond, les demandes reconventionnelles de la société Vignobles des Mouchottes devaient être rejetées. Le juge de l’exécution a en conséquence :

Vu les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et R. 121-1 du code des procédures civiles d’exécution,

Vu les articles 122 et 31 du code de procédure civile,

Vu les articles L. 222-1 et R. 222-2 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

Vu l'article L. 111-1 du code des procédures civiles d’exécution,

- rejeté le moyen d'incompétence soulevé par la SAS Vignobles des Mouchottes ;

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SAS Vignobles des Mouchottes ;

- constaté que l'arrêt de la cour d'appel rendu en référé le 21 février 2019 constitue un titre exécutoire au sens de l'article L. 111-1 du code des procédures civiles d’exécution;

- dit que l'assiette du droit de propriété n'est pas remise en cause par la transformation de la matière d'origine remise par l'exploitant ;

- dit que l'article 3 des statuts ne saurait s'appliquer à une livraison de produits viticoles ordonnée par décision judiciaire ;

- constaté que le jugement au fond rendu le 7 octobre 2019 avec exécution provisoire par le TGI de Dijon, qui a l'autorité de la chose jugée au principal, prive l`arrêt de référé de la cour d'appel de Dijon du 21 février 2019 de ses effets ;

- ordonné la mainlevée de la procédure de saisie appréhension engagée par commandement délivré le 29 mars 2019 suivi d'un acte de saisie pratiqué le 2 mai et d'une sommation du 3 mai 2019 ;

- dit que la demande visant à voir annuler le commandement aux fins de saisie-appréhension délivré le 29 mars 2019 et les actes subséquents devient sans objet ;

- débouté la SAS Vignobles des Mouchottes de sa demande de restitution des vins ;

- débouté la SAS Vignobles des Mouchottes de ses demandes de dommages-intérêts ;

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Vignobles des Mouchottes et la SELARL AJRS, ès qualités, ont relevé appel de cette décision le 3 novembre 2020.

La SCA la Cave des Mouchottes en a relevé appel le 10 novembre 2020.

Par conclusions notifiées le 21 janvier 2021, la société Vignobles des Mouchottes et la SELARL AJRS, ès qualités d'administrateur judiciaire, demandent à la cour :

Vu les articles 4, 12, 31 et 910-4 du code de procédure civile,

Vu les articles L. 222-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

Vu l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire,

Vu les articles 576 et 577 du code civil,

Vu l'article 6 paragraphe 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme sur le droit au procès équitable,

- de déclarer irrecevables les demandes de la SCA la Cave des Hautes Côtes rédigées ainsi dans le dispositif de ses conclusions :

« Prononcer la nullité du commandement aux fins de saisie appréhension signifié le 29 mars 2019 à la requête de la SAS Vignobles des Mouchottes ainsi que de tous les actes subséquents ; les dire en tout état de cause sans fondement et sans effet, en ordonner la main levée.

Dire et juger que le procès-verbal de saisie appréhension converti le 2 mai 2019 en un procès-verbal de difficultés ne peut constituer un acte de saisie.

Dire et juger en conséquence que ledit procès-verbal n'a aucun effet d'indisponibilité au regard de l'article L. 141-2 du code des procédures civiles d’exécutionet qu'il n'a pu constituer de plein droit la SCA la Cave des Hautes Côtes gardien de vins alors de plus que la SAS Vignobles des Mouchottes ne justifie d'aucun titre de propriété.

Dire et juger en conséquence sans fondement et sans effet le procès-verbal de saisie appréhension converti en procès-verbal de difficultés et la sommation subséquente signifiés les 2 et 3 mai 2019 à la SCA la Cave des Hautes Côtes ; en ordonner en tout état de cause la main levée » ;

- de constater que la Cave des Hautes Côtes ne rapporte pas la preuve de l'existence des difficultés relatives à l’exécution de l'arrêt de la cour d'appel du 21 février 2019 ;

- d'enjoindre au besoin à la Cave des Hautes Côtes de produire tous documents relatifs à la preuve des difficultés d’exécution, à savoir notamment l'état actuel des produits, leur traçabilité et leur sort, le nom des personnes en charge des activités de transformation, vinification et de stockage des produits et/ou de cession des produits ;

- de dire et juger que le juge de l’exécution ne peut être saisi de demandes tendant à remettre en cause le titre de l'arrêt de la cour d'appel de Dijon du 21 février 2019 dans son principe, ni dire et juger que ce titre n'emporterait aucune obligation au fond ;

- de constater que la Cave des Hautes Côtes s'est autorisée elle-même, à rendre indisponibles les produits 2018, sans saisine préalable du juge et sollicite une légitimation à posteriori des mesures qu'elle s'est déjà autorisée à prendre afin de rendre la restitution impossible, la marchandise indisponible et afin de faire échec à l'arrêt de la cour d'appel de Dijon du 21 février 2019 ;

En conséquence :

- de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

* constaté que l'arrêt de la cour d'appel rendu en référé le 21 février 2019 constitue un titre exécutoire au sens de l'article L. 111-1 du code des procédures civiles d’exécution;

* dit que l'assiette du droit de propriété n'est pas remise en cause par la transformation de la matière d'origine remise par l'exploitant ;

* dit que l'article 3 des statuts ne saurait s'appliquer à une livraison de produits viticoles ne saurait s'appliquer à une livraison de produits viticoles ordonnée par décision judiciaire ;

- de réformer le jugement dont appel pour le surplus, et statuant à nouveau :

- de constater, au besoin de dire et juger, que le commandement aux fins de saisie appréhension et les sommations délivrées sont parfaitement réguliers ;

- de constater, au besoin de dire et juger, que l'obligation de restitution porte sur les vins dans les proportions exactes de ce qui a été livré par la SAS Vignobles des Mouchottes soit :

* Haute Côte de Nuits Rouge "Les Mouchottes" 2018 pour une surface de 6,57 hectares soit 187,41 hectolitres (source Déclaration de récolte 2018) ;

* Haute Côte de Nuits Rouge "Les Dames Huguettes" 2018 pour une surface de 4,73 hectares soit 168,38 hectolitres (source Déclaration de récolte 2018) ;

* Haute Côte de Nuits Rouge "Les Creusilles" 2018 pour une surface de 5,90 hectares soit 188,06 hectolitres (source Déclaration de récolte 2018) ;

* Haute Côte de Nuits Rouge "Croix de Beaune" 2018 pour une surface de 1,94 hectares soit 55,36 hectolitres (source Déclaration de récolte 2018) ;

- de dire et juger que la restitution se fera sous le contrôle d'un huissier de justice et d'un expert oenologue aux frais et risques du défendeur, la Cave des Hautes Côtes devant produire à cette occasion tous registres et justificatifs et déclarations administratives (notamment douanières), afférents aux produits apportés par la SAS Vignobles des Mouchottes lors de la vendange 2018 ;

- de dire et juger que la restitution intégrale devra intervenir dans un délai qui ne saurait excéder 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- de dire et juger que, passé le délai accordé, la Cave des Hautes Côtes sera redevable envers la SAS Vignobles des Mouchottes d'une astreinte de 1 000 € par jour de retard ;

- de débouter la Cave des Hautes Côtes de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Subsidiairement,

- de dire et juger que l'arrêt de la cour d'appel de Dijon était exécutoire jusqu'à la signification du jugement du 7 octobre 2019 ;

- de dire et juger que les actes d'exécutions ont été entrepris sur le fondement d'un titre exécutoire valable ;

- de prononcer la mainlevée de la procédure de saisie appréhension seulement à compter du 7 octobre 2019 ;

- de débouter la Cave des Hautes Côtes du surplus de ses demandes, fins et conclusions ;

En toute hypothèse,

- de constater l'inexécution dommageable et dolosive de l'arrêt de la cour d'appel de Dijon en date du 21 février 2019 par la Cave des Hautes Côtes ;

- de condamner la Cave des Hautes Côtes à payer à la AS Vignobles des Mouchottes, la somme de 221 812,74 € à titre de dommages et intérêts correspondant à la privation du prix de vente des produits au prix de référence fixé par l'arrêté préfectoral pour 2018, avec intérêts de droit à compter du 21 février 2019 ;

- de condamner la Cave des Hautes Côtes à payer à la SAS Vignobles des Mouchottes la somme de 10 000 € pour résistance abusive et inexécution déloyale de l'arrêt de la cour d'appel de Dijon en date du 21 février 2019 ;

- de condamner la Cave des Hautes Côtes à la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées le 16 février 2021, la SCA la Cave des Hautes Côtes demande à la cour :

Vu les articles L. 213-6 du code l'organisation judiciaire,

Vu les articles L. 222-1, L. 141-2, R. 121-1 alinéa 2, R. 222-2, R. 222-5 du code des procédures civiles d’exécution,

Vu les articles R. 521-1-1, R. 521-3, R. 522-2 et R. 522-3 du code rural,

Vu les articles 122 et 648 du code de procédure civile,

- de déclarer infondé l'appel interjeté par la SAS Vignobles des Mouchottes et son administrateur judiciaire ;

- de prononcer la nullité du commandement aux fins de saisie-appréhension signifié le 29 mars 2019 à la requête de la SAS Vignobles des Mouchottes ainsi que de tous les actes subséquents ; de les dire en tout état de cause sans fondement et sans effet, d'en ordonner la main levée ;

- de dire et juger que le procès-verbal de saisie appréhension converti le 2 mai 2019 en un procès-verbal de difficultés ne peut constituer un acte de saisie ;

- de dire et juger en conséquence que ledit procès-verbal n'a aucun effet d'indisponibilité au regard de l'article L. 141-2 du code des procédures civiles d’exécution et qu'il n'a pu constituer de plein droit la SCA la Cave des Hautes Côtes gardien de vins alors de plus que la SAS Vignobles des Mouchottes ne justifie d'aucun titre de propriété ;

- de dire et juger en conséquence sans fondement et sans effet le procès-verbal de saisie appréhension converti en procès-verbal de difficultés et la sommation subséquente signifiés les 2 et 3 mai 2019 à la SCA la Cave des Hautes Côtes ; d'en ordonner en tout état de cause la main levée ;

- de déclarer irrecevables et subsidiairement infondées les demandes de la SAS Vignobles des Mouchottes dont ses demandes tendant à voir :

« 'Dire et juger que l'obligation de restitution porte sur les vins dans les proportions exactes de ce qui a été livré par la SAS Vignobles des Mouchottes soit :

- Haute Côte de Nuits, rouge « Les Mouchottes » 2018 pour 6,57 ha soit 187,41 hl,

- Haute Côte de Nuits, rouge « Les Dame Huguettes » 2018 pour 4,73 ha soit 168,38 hl, - Haute Côte de Nuits, rouge « Les Creusilles » 2018 pour 5,90 ha soit 188,06 hl,

- Haute Côte de Nuits, rouge « Croix de Beaune » 2018 pour 1,94 ha soit 55,36 hl ».

Dire et juger que la restitution se fera sous le contrôle d'un huissier de justice et d'un expert 'nologue aux frais et risques du défendeur, la Cave des Hautes Côtes devant produire à cette occasion tous registres et justificatifs et déclarations administratives (notamment douanières) afférents aux produits apportés par la SAS Vignobles des Mouchottes lors de la vendange 2018'»

- de déclarer irrecevables et subsidiairement infondées les demandes de la SAS Vignobles des Mouchottes tendant à la fixation d'une astreinte et en toute hypothèse de la dire infondée ;

- de juger recevables et bien fondées les demandes de la SCA la Cave des Hautes Côtes ;

- en conséquence de réformer le jugement déféré en ce qu'il a :

* dit que l'assiette du droit de propriété n'est pas remise en cause par la transformation de la matière d'origine remise par l'exploitant ;

* dit que l'article 3 des statuts ne saurait s'appliquer à une livraison de produits viticoles ordonnée par décision judiciaire ;

En tout état de cause,

- de dire et juger que la propriété des raisins livrés lors des vendanges 2018 par la SAS Vignobles des Mouchottes à la SCA la Cave des Hautes Côtes a été transférée à la coopérative conformément à l'article 3 des statuts qui les lient, sauf à préciser que ce transfert de propriété porte de manière générale sur tous les produits apportés au titre de son engagement d'activité tant que dure le contrat coopératif ;

- de confirmer le jugement pour le surplus ;

- de condamner la SAS Vignobles des Mouchottes et son administrateur judiciaire à payer à la SCA la Cave des Hautes Côtes la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- à défaut de condamnation, de fixer la même somme au passif de la procédure de sauvegarde ouverte au bénéfice de la SAS Vignobles des Mouchottes à titre de créance chirographaire au profit de la SCA la Cave des Hautes Côtes ;

- de condamner la SAS Vignobles des Mouchottes aux entiers dépens ou d'ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.

Par arrêt du 11 février 2021, la cour d'appel de Dijon, après avoir rectifié une erreur matérielle affectant le dispositif du jugement rendu le 7 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Dijon, a confirmé celui-ci en toutes ses dispositions.

Les deux procédures d'appel ont été jointes à l'audience du 2 mars 2021.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

Sur l'irrecevabilité de certaines prétentions formulées par la SCA la Cave des Hautes Côtes dans ses dernières écritures

La société Vignobles des Mouchottes et son administrateur judiciaire soulèvent, au visa de l'article 910-4 du code de procédure civile, l'irrecevabilité des demandes suivantes :

- prononcer la nullité du commandement aux fins de saisie-appréhension signifié le 29 mars 2019 à la requête de la SAS Vignobles des Mouchottes ainsi que de tous les actes subséquents ; de les dire en tout état de cause sans fondement et sans effet, d'en ordonner la main levée ;

- dire et juger que le procès-verbal de saisie appréhension converti le 2 mai 2019 en un procès-verbal de difficultés ne peut constituer un acte de saisie ;

- dire et juger en conséquence que ledit procès-verbal n'a aucun effet d'indisponibilité au regard de l'article L. 141-2 du code des procédures civiles d’exécution et qu'il n'a pu constituer de plein droit la SCA la Cave des Hautes Côtes gardien de vins alors de plus que la SAS Vignobles des Mouchottes ne justifie d'aucun titre de propriété ;

- dire et juger en conséquence sans fondement et sans effet le procès-verbal de saisie appréhension converti en procès-verbal de difficultés et la sommation subséquente signifiés les 2 et 3 mai 2019 à la SCA la Cave des Hautes Côtes ; d'en ordonner en tout état de cause la main levée.

L'article 910-4 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond, que l'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures, et que néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En l'espèce, il est constant que la SCA la Cave des Hautes Côtes a conclu une première fois, et de manière identique dans chacun des deux dossiers d'appel, en date du 23 décembre 2020, sans que ses écritures n'intègrent les demandes litigieuses. Elle a ensuite pris un deuxième jeu d'écritures le 15 janvier 2021, dans lequel apparaissent pour la première fois les prétentions arguées d'irrecevabilité, lesquelles ont ensuite été reprises dans le troisième jeu de conclusions notifié le 16 février 2021.

Par référence à l'article 910-4 alinéa 2, la SCA la Cave des Hautes Côtes fait valoir que ces prétentions sont recevables comme constituant une réplique aux conclusions adverses, qui affirmaient la régularité de la procédure de saisie-attribution.

Toutefois, force est de constater que la demande de la société Vignobles des Mouchottes tendant à ce que soit reconnue la régularité de la saisie-attribution avait été formulée dès ses premières conclusions, notifiées le 16 décembre 2020, soit antérieurement aux écritures de la SCA la Cave des Mouchottes du 23 décembre 2020, qui ne comportaient pas les prétentions litigieuses, et que cette dernière a à nouveau conclu le 15 janvier 2021 en présentant ces demandes, sans pourtant que la société Vignobles des Mouchottes ait elle-même reconclu dans cet intervalle.

Il ne saurait ainsi être considéré que ces prétentions constituaient une réplique à des conclusions adverses.

Ces prétentions seront en conséquence déclarées irrecevables.

Sur la procédure de saisie-appréhension

Sans qu'il y ait lieu de rentrer dans le détail des moyens et de l'argumentation des parties, il sera rappelé que, par son arrêt du 21 février 2019 servant de fondement à la mesure d’exécution querellée, la cour d'appel de Dijon a infirmé l'ordonnance de référé ayant fait obligation à la société Vignobles des Mouchottes de livrer à la SCA la Cave des Hautes Côtes la totalité de sa récolte 2018, au motif qu'une telle mesure nécessitait l'interprétation préalable de l'article des statuts lui servant de base, interprétation échappant au pouvoir du juge des référés.

Si un arrêt rendu en référé peut certes constituer un titre exécutoire au sens des dispositions du code des procédures civiles d’exécution, il n'en demeure pas moins qu'il est dépourvu d'autorité de chose jugée au principal.

Or, par jugement du 7 octobre 2019 statuant au fond, et assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Dijon a retenu que les statuts de la SCA la Cave des Hautes Côtes devaient s'interpréter comme interdisant à la société Vignobles des Mouchottes de conserver une partie de sa récolte, et a condamné en conséquence cette société à livrer l'intégralité de ses récoltes à la coopérative.

Ce jugement a été confirmé en toutes ses dispositions par arrêt de la cour d'appel de Dijon en date du 11 février 2021.

Il en résulte que si, en application de l'arrêt infirmatif du 21 février 2019, et tant qu'il n'avait pas été statué sur le fond, la société Vignobles des Mouchottes était certes en droit de réclamer la restitution des vins obtenus par transformation des raisins issus de la récolte 2018 qu'elle avait livrés en exécution de l'ordonnance de référé infirmée, ce droit à restitution a ensuite été mis à néant par l'effet du jugement rendu au fond le 7 octobre 2019 et de l'arrêt confirmatif du 11 février 2021, qui, dès lors qu'ils consacrent l'obligation de livraison totale à la charge de la société Vignobles des Mouchottes, y compris au titre de la récolte 2018, impliquent nécessairement que cette dernière n'est pas légitime à revendiquer les produits objets de la saisie-appréhension litigieuse.

Celle-ci étant ainsi devenue sans objet, c'est donc à bon droit que le premier juge en a ordonné la mainlevée, sans s'arrêter aux moyens de nullité, dont, en application de l'irrecevabilité de demandes prononcée précédemment, la cour n'est en tout état de cause pas saisie, et peu important à cet égard que la mesure d’exécution ait pu être régulière jusqu'à l'intervention de la décision sur le fond.

La confirmation s'impose donc de ce chef, ainsi que du rejet corrélatif de la demande en restitution des vins.

C'est par ailleurs vainement que la SCA la Cave des Hautes Côtes critique le jugement entrepris en ce qu'il a dit que l'assiette du droit de propriété n'était pas remise en cause par la transformation de la matière d'origine remise par l'exploitant, et a retenu que l'article 3 des statuts de la coopérative, qui énonce que 'les produits apportés par les associés coopérateurs au titre de l'engagement d'activité prévu au 1° du premier paragraphe de l'article 8 ci-dessous font l'objet d'un transfert de propriété au bénéfice de

la coopérative' ne saurait s'appliquer à une livraison de produits viticoles ordonnée par décision judiciaire. D'une part, en effet, le vin doit être considéré comme la manifestation en nature des livraisons de raisins effectuées par les viticulteurs. D'autre part, l'apport qui n'est pas volontaire, mais contraint par l'autorité d'une décision judiciaire n'est susceptible d'entraîner les effets prévus à l'article 3 des statuts qu'une fois la décision de justice devenue définitive.

Sur les dommages-intérêts

La société Vignobles des Mouchottes ne pouvant en définitive prétendre à la restitution des vins, elle est mal fondée à réclamer l'indemnisation d'un préjudice correspondant à la perte du prix qu'elle aurait pu percevoir de leur commercialisation.

La confirmation s'impose également s'agissant du rejet de la demande de dommages et intérêts pour résistance à l'arrêt de la cour d'appel de Dijon du 21 février 2019. En effet, même à considérer que la procédure d’exécution ait été régulière, il n'en demeure pas moins qu'au regard de la décision intervenue au fond, la résistance opposée par la SCA la Cave des Hautes Côtes n'a en réalité pas causé de préjudice indemnisable à la société Vignobles des Mouchottes, puisqu'elle ne pouvait au final pas prétendre à la restitution des vins, et, à supposer que la saisie-appréhension ait été exécutée, se serait à son tour trouvée contrainte de les restituer.

Sur les autres dispositions

Le jugement entrepris sera confirmé s'agissant des frais irrépétibles et des dépens.

Il n'est pas inéquitable de laisser aux parties la charge des dépens qu'elles ont engagés pour défendre à hauteur d'appel.

Il y a lieu d'ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective de la société Vignobles des Mouchottes.

Par ces motifs

Statuant en audience publique et par arrêt réputé contradictoire,

Déclare irrecevables les demandes suivantes, formulées par la SCA la Cave des Hautes Côtes dans ses dernières conclusions :

'Prononcer la nullité du commandement aux fins de saisie-appréhension signifié le 29 mars 2019 à la requête de la SAS Vignobles des Mouchottes ainsi que de tous les actes subséquents ; de les dire en tout état de cause sans fondement et sans effet, d'en ordonner la main levée ;

Dire et juger que le procès-verbal de saisie appréhension converti le 2 mai 2019 en un procès-verbal de difficultés ne peut constituer un acte de saisie ;

Dire et juger en conséquence que ledit procès-verbal n'a aucun effet d'indisponibilité au regard de l'article L. 141-2 du code des procédures civiles d’exécution et qu'il n'a pu constituer de plein droit la SCA la Cave des Hautes Côtes gardien de vins alors de plus que la SAS Vignobles des Mouchottes ne justifie d'aucun titre de propriété ;

Dire et juger en conséquence sans fondement et sans effet le procès-verbal de saisie appréhension converti en procès-verbal de difficultés et la sommation subséquente signifiés les 2 et 3 mai 2019 à la SCA la Cave des Hautes Côtes ; d'en ordonner en tout état de cause la main levée ;'

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 octobre 2020 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Dijon ;

Y ajoutant :

Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective de la société Vignobles des Mouchottes.