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Décisions

CA Saint-Denis de la Réunion, ch. civ., 27 septembre 2022, n° 21/00025

SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chevrier

Conseillers :

Mme Issad, M. Lacour

Avocats :

Me Lauret, Me Hoarau

CA Saint-Denis de la Réunion n° 21/0002…

26 septembre 2022

LA COUR

Suivant jugement en date du 9 juin 2006, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Saint-Pierre a prononcé le divorce des époux [Y] [Z] [J] et [O] [I] [X]. Le jugement a mis à la charge de Monsieur [Y] une prestation compensatoire au profit de Madame [O] sous la forme d'un droit d'usufruit viager exclusif sur un bien immobilier et d'un capital de 57.600 euros payable en huit années par versements annuels indexés.

Madame [I] [O] a fait délivrer à Monsieur [Y] un commandement aux fins de saisie-vente, délivré le 18 avril 2019, pour avoir paiement de la somme de 34.192,67 euros au titre du solde restant dû de la prestation compensatoire.

Monsieur [Z] [Y] a fait assigner Madame [I] [O] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Saint-Pierre par acte d'huissier délivré le 25 juillet 2020 aux fins de':

Déclarer nul le commandement aux fins de saisie-vente pour défaut de signification du jugement de divorce du 9 juin 2006';

Subsidiairement, constater l'absence de créance certaine, liquide et exigible.

Par jugement en date du 18 décembre 2020, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Saint-Pierre a statué en ces termes':

DIT que l'action en recouvrement de Madame [I] [X] [O] est prescrite et qu'en conséquence le commandement aux fins de saisie vente du 18 avril 2019 est nul';

REJETTE les demandes reconventionnelles de Madame [I] [X] [O]';

CONDAMNE Madame [I] [X] [O] à payer à Monsieur [Z] [J] [Y] une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE Madame [I] [X] [O] à supporter la charge des entiers dépens.

Madame [O] a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe de la cour déposée par RPVA le 6 janvier 2021.

Une ordonnance fixant l'affaire à bref délai a été rendue le 12 janvier 2021.

Madame [O] a signifié la déclaration d'appel et l'avis de fixation à bref délai par acte d'huissier délivré le 19 janvier 2021.

L'appelante a déposé ses premières conclusions au greffe de la cour par RPVA le 11 février 2021.

Monsieur [Y] a déposé ses conclusions d'intimés par RPVA le 8 mars 2021.

L'affaire a été examinée à l'audience du 21 septembre 2021, jour de la clôture.

Par arrêt avant dire droit en date du 25 janvier 2022, la cour a':

Invité les parties à produire le premier commandement aux fins de saisie-vente délivré à la requête de Madame [O] en application de l'article R. 221-1 du code des procédures civiles d’exécution ';

Invité les parties à présenter leurs observations sur la nature de l'acte contesté et ses effets ;

Invité les parties à conclure sur les pouvoirs du juge de l’exécution à l'égard du commandement aux fins de saisie vente délivré en vertu de l'article R. 221-5 du code des procédures civiles d’exécution .

L'affaire a été rappelée et examinée de nouveau à l'audience du 21 juin 2022.

***

Par dernières conclusions après réouverture des débats, déposées par RPVA le 14 mars 2022, Madame [I] [O] demande à la cour de':

Déclarer irrecevables les demandes de Monsieur [Y] tendant à faire annuler un acte n'ayant pas valeur d'acte d’exécution forcée';

Infirmer le jugement rendu le 18 Décembre 2020 par le juge de l’exécution de Saint-Pierre en l'absence de prescription du titre exécutoire';

Condamner Monsieur [Y] [Z] à payer à Madame [O] [I] [X] la somme de 5000€ à titre de dommages-intérêts pour procédure et résistance abusives';

Condamner le même au paiement de la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions d'intimé après réouverture des débats déposées par RPVA 14 avril 2022, Monsieur [Z] [Y] demande à la cour de':

En principal

Confirmer la décision de première instance en toutes ses dispositions.

Débouter Mme [O] [I] [X], de l'ensemble de ses prétentions.

Subsidiairement,

Vu l'article L. 211-1 du Code des procédures civiles d’exécution

Après avoir constaté que le créancier est démuni d'un titre exécutoire portant condamnation de la personne qui doit exécuter.

Vu l'article L. 211-1 du Code des procédures civiles d’exécution ,

Constater l'absence de créance certaine, liquide et exigible.

Déclarer le commandement aux fins de saisie vente délivré le 18/04/2019 suivant exploit de la

SCI SELIER/PUEYO, nul et de nul effet.

En tous les cas,

Condamner Madame [I] [X] [O] à payer la somme de 3500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner Madame [I] [X] [O] aux entiers dépens.

***

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Vu l'arrêt avant dire droit 'rappelant les moyens soulevés par les parties';

A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes de constatations ou de dire et juger ne saisissent pas la Cour de prétentions au sens des articles 4 et 954 du Code de procédure civile, de sorte qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur ces points.

Sur la nature du commandement contesté et les pouvoirs du juge de l’exécution :

Aux termes de l'article L. 141-2 du code de procédure civile, l'acte de saisie rend indisponibles les biens qui en sont l'objet.

Si la saisie porte sur des biens corporels, le débiteur saisi, ou le tiers détenteur entre les mains de qui la saisie a été effectuée, est réputé gardien des objets saisis sous les sanctions prévues par l'article 314-6 du code pénal.

Si la saisie porte sur une créance, elle en interrompt la prescription.

Il se déduit de ce texte que l'acte d’exécution forcée est, pour la saisie-vente, le procès-verbal dressé par l'huissier de justice, qui emporte seul l'effet indisponibilité des biens qui en sont l'objet.

Selon les prescriptions de l'article R. 221-1 du même code, le commandement de payer prévu à l'article L. 221-1 contient à peine de nullité :

1° Mention du titre exécutoire en vertu duquel les poursuites sont exercées avec le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l'indication du taux des intérêts ;

2° Commandement d'avoir à payer la dette dans un délai de huit jours faute de quoi il peut y être contraint par la vente forcée de ses biens meubles.

En l'espèce, Monsieur [Y] a saisi le juge de l’exécution en contestant un acte intitulé «'commandement aux fins de saisie-vente'» visant l'article R. 221-5 du code des procédures civiles d’exécution , rédigé comme suit': Si, dans un délai de deux ans qui suit le commandement de payer, aucun acte d’exécution n'est intervenu, les poursuites ne peuvent être engagées que sur un nouveau commandement. Toutefois, l'effet interruptif de prescription du commandement demeure.

Or, le commandement aux fins de saisie-vente délivré en vertu de l'article R. 221-5 du code de procédure civile n'est pas un acte d’exécution forcée de la créance mais un acte interruptif de la prescription de la créance qu'elle tend à recouvrer.

A cet égard, il convient de remarquer que l'acte litigieux n'évoque aucune condition de recours contre un tel acte et que Monsieur [Y] a saisi le juge de l’exécution le 25 juillet 2020, soit près de quinze mois suivant la délivrance du commandement délivré le 19 avril 2019.

En l'absence de production par les parties du commandement de payer ayant fait l'objet de l'acte contesté délivré le 19 avril 2019, le commandement réitératif du 19 avril 2019 ne constitue pas un acte d’exécution forcée susceptible d'être critiqué devant le juge de l’exécution.

Monsieur [Y] conclut que la question relative aux pouvoirs du juge de l’exécution relève d'une exception d'incompétence.

Or, en vertu de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.

Ainsi, alors que le commandement délivré le 19 avril 2019 ne constitue pas un acte d’exécution forcée, la contestation soulevée par Monsieur [Y] est irrecevable tandis que la nature de l'acte litigieux ne relève pas d'une exception de procédure mais de l'intérêt à agir à son encontre.

Le jugement querellé, ayant retenu la fin de non-recevoir tirée de la prescription, doit donc être infirmé en ce qu'il a reçu la contestation de Monsieur [Y] alors que le commandement en date du 18 avril 2019, délivré sur le fondement de l'article R. 221-5 du code des procédures civiles d’exécution , n'est pas un acte d’exécution forcée, sans préjudice de l'éventuelle prescription évoquée par le premier juge.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive':

Vu l'article 1240 du code civil';

Madame [O] sollicite la condamnation de Monsieur [Y] [Z] à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure et résistance abusives.

Pourtant, elle a fait délivrer à l'intimé un acte d'huissier ressemblant à un acte d’exécution forcée, sans faire référence au premier commandement aux fins de saisie-vente susceptible de justifier cette réitération du 18 avril 2019, alors que le premier juge avait retenu que l'action de Madame [O] était prescrite.

Elle est dès lors mal fondée à réclamer à Monsieur [Y] des dommages et intérêts pour résistance abusive alors que celui-ci ne fait que présenter des moyens de défense de façon parfaitement régulière.

La demande de dommages et intérêts doit être rejetée et le jugement entrepris confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles':

Madame [I] [X] [O] supportera les dépens de première instance et de l'appel ainsi que les frais irrépétibles de Monsieur [Z] [Y].

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement entrepris'en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

DECLARE IRRECEVABLE la contestation du commandement aux fins de saisie vente, délivré le 18 avril 2019 sur le fondement de l'article R. 221-5, faute pour cet acte de constituer un acte d’exécution forcée';

DEBOUTE Madame [I] [X] [O] de sa demande de dommages et intérêts';

CONDAMNE Madame [I] [X] [O] à payer à Monsieur [Z] [Y] la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE Madame [I] [X] [O] aux dépens de la première instance et de l'appel'.