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Décisions

CA Caen, 1re ch. civ., 17 septembre 2013, n° 11/03191

CAEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

HSBC France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Maussion

Conseillers :

M. Jaillet, Mme Serrin

JEX Caen, du 30 sept. 2011, n° 11/03201

30 septembre 2011

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte d'huissier de justice en date du 31 août 2011, la société GAME INGENIERIE a fait procéder à une mesure de saisie-attribution sur le compte de la SA A. auprès de la banque HSBC pour avoir paiement de la somme de 50.509,73 €.

Autorisée à assigner la banque à bref délai, en se plaignant de la falsification du procès- verbal de saisie, la société a saisi le juge de l’exécution par acte d'huissier de justice en date du 22 septembre 2011.

Par jugement en date du 30 septembre 2011, le juge de l’exécution de Caen :

- Déboute la SA A. de ses demandes ;

- La condamne à payer à la SA HSBC la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure·civile ;

- La condamne aux dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe le 12 octobre 2011, la société A. a interjeté appel de cette décision.

Au terme de ses dernières écritures déposées le 07 mai 2012, elle demande à la cour de réformer la décision entreprise, au visa de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et de l'article 8 du décret du 31 juillet 1992 et conclut en ces termes :

Vu l'acte frauduleux de falsification d'un acte d'huissier de justice ;

Vu la résistance particulièrement abusive et injustifiée de la Société HSBC France ;

Vu le blocage abusivement pratiqué du compte de la S.A A. et le prélèvement injustifié de la somme de 14 473.97 € ;

Condamner la S.A. HSBC FRANCE à verser à la S.A A. une indemnité de 3 000,00 € à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice ;

Condamner en outre la S.A. HSBC France, sous astreinte journalière de 500 € à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, à créditer le compte bancaire de la Société A. numéro [...] ouvert en ses livres, de la somme de 14 473.97 euros indûment prélevée ;

Vu l'article 564 du code de procédure civile ;

Déclarer tant irrecevable qu'infondée la S.A. HSBC France en sa demande nouvelle et tout à fait exorbitante d'indemnisation à hauteur de la somme de 30 000€ ;

Débouter plus généralement la S.A. HSBC France de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions contraires aux présentes ou plus amples ;

Condamner la S.A. HSBC France au paiement de la somme de 2 000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître T. conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Au terme de ses dernières écritures déposées le 09 mars 2012, la société HSBC demande à la cour, au visa des articles 32-1 et 700 du code de procédure civile et des pièces versées aux débats :

de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Reconventionnellement d'y ajouter la condamnation d'A. à verser la somme de 30.000 € de dommages-intérêts au titre de la diffamation publique dont HSBC France est l'objet ;

Reconventionnellement, d'y ajouter la condamnation d'A. à verser la somme de 1.753,81 € HT au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner encore la même en vertu de l'article 32-1 du Code de procédure civile ;

Condamner la même aux entiers dépens.

Faire application de l'article 699 du Code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 15 mai 2013.

Pour un plus ample exposé des faits, des moyens et des prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs dernières écritures susvisées.

MOTIFS DE LA COUR

Par acte d'huissier de justice en date du 31 août 2011, la société Game ingénierie (anciennement dénommée Game sud-ouest) a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la S.A. HSBC en sa qualité d'établissement habilité à tenir des comptes de dépôt et auprès de laquelle la société A. avait ouvert un compte, pour avoir paiement de la somme de 50'509,73 €.

Le préposé de la banque a répondu à l'huissier qu'il n'y avait pas d'actif sur le compte, ce qu'il a dûment consigné.

Par acte du même huissier de justice en date du 8 septembre 2011, cette saisie- attribution a été dénoncée à la société A. et dans ces termes.

Par lettre simple datée du 31 août 2011 et qui a été postée le 5 septembre 2011, la banque informait la société A. qu'en exécution du procès-verbal en date du 31 août 2011, elle avait procédé au blocage du compte. Cette lettre ne portait indication d'aucun montant qui aurait figuré sur le compte au jour de la saisie.

Par courrier daté du 9 septembre 2011, le conseil de la société A. écrivait à la banque en lui reprochant d'avoir prélevé la somme de 14'478,97 € sur le compte en conséquence d'une prétendue saisie-attribution qui aurait été réalisée par un huissier de justice, en faisant valoir qu'aucune saisie-attribution n'avait été pratiquée sur le compte de cette société et il s'appuyait pour se faire sur les énonciations du procès-verbal précité.

Par lettre datée du 30 septembre 2011, la banque répondait qu'en exécution de la saisie- attribution elle était obligée, en qualité de tiers saisi, de rendre indisponible l'intégralité des sommes existant au compte de la société à la date de la saisie et elle adressait la copie de ce procès-verbal de saisie exécution, annoté et modifié par ses soins, sur lequel elle avait fait porter la somme de 14'473,97 € en face de la mention : «compte créditeur».

Sur ce :

L'effet principal de l'acte de saisie-attribution est d'emporter attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers saisi selon les dispositions de l'article 43 alinéa premier de la loi du 9 juillet 1991, devenu l'article L. 211-2 alinéa 1er du code des procédures civiles d' exécution et de rendre la créance saisie indisponible (article 29 alinéa 1er de la loi précitée devenu article L. 141-2 alinéa 1er du même code ), sous réserve, s'agissant des comptes en banque, des opérations en cours.

Cet effet est automatique et emporte transfert de la créance dans le patrimoine du créancier. Si le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s'il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures, cette déclaration n'a pas pour objet ou pour effet de déterminer l'assiette de la saisie ou d'en conditionner l'efficacité.

Cette obligation, qui résulte de l'obligation imposée par la loi au tiers saisi d'apporter son concours aux mesures d' exécution lorsqu'il en est légalement requis (article 21 de la loi du 9 juillet 1991, devenu l'article L. 123-1 du code des procédures civiles d' exécution ) engage sa responsabilité vis-à-vis du créancier poursuivant dans les termes des dispositions de l'article R. 211-5 du même code (anciennement article 60 du décret du 31 juillet 1992) qui dispose que «Le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus est condamné, à la demande du créancier, à payer les sommes dues à ce dernier sans préjudice de son recours contre le débiteur. Il peut être condamné à des dommages et intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère».

En l'espèce, il est acquis qu'au jour où la saisie-attribution a été pratiquée sur le compte de la société HSBC, celui-ci présentait un solde créditeur d'un montant de 14'473,97 €. La saisie a donc été valablement pratiquée pour cette somme en l'absence d'opérations en cours. Il n'y a donc pas eu blocage abusif du compte de la société A. et prélèvement injustifié de cette somme comme le soutient l'appelante et elle n'est pas bien fondée à en obtenir, à ce titre, la restitution.

Il est exact en revanche qu'il a été notifié au débiteur, par l'huissier de justice instrumentaire, un procès-verbal de saisie-attribution portant mention de ce qu'au jour de la saisie il ne figurait aucune somme sur le compte. Ce procès-verbal a été ensuite modifié par la banque.

Le débiteur pourrait donc alléguer, ce qu'il ne fait pas, qu'en l'état de cette mention erronée, il a perdu une chance de contester la saisie-attribution dont s'agit, faute pour lui d'avoir pu exactement apprécier l'opportunité d'une telle contestation.

Il serait ainsi bien-fondé à obtenir la condamnation de la banque à lui verser des dommages et intérêts en démontrant qu'il aurait eu des moyens sérieux à opposer au paiement de la créance dont le recouvrement forcé était poursuivi, ce qu'il ne fait pas davantage.

C'est dès lors à bon droit que le premier juge a rejeté sa demande et la décision entreprise sera confirmée.

Au regard de la déclaration inexacte faite par son préposé à l'huissier instrumentaire suivie de la légèreté blâmable avec laquelle la banque a ensuite surchargé le procès-verbal de saisie-attribution, il n'est pas justifié de lui accorder des dommages et intérêts.

L'équité ne commande pas davantage d'allouer à quiconque d'indemnité pour ses frais de procédure, de première instance ou d'appel.

La décision entreprise sera infirmée de ce chef et les parties seront déboutées des demandes présentées devant la cour.

Succombant au principal, la société A. sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme la décision entreprise sauf en ce qu'elle a condamné la société A. à verser à la SA HSBC la somme de 1000,00 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant :

Déboute la SA HSBC de sa demande de dommages et intérêts ;

Déboute les parties de leurs demandes d'indemnités présentées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société A. aux dépens et accorde à la SCP G.- Y., B. et L. le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.