CA Bordeaux, 2e ch. civ., 28 mars 2019, n° 18/00894
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Caisse de Crédit Mutuel Strasbourg Neudorf (Sté)
Défendeur :
Live In (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Lavergne-Contal
Conseillers :
M. Desalbres, Mme Delaquys
Avocat :
Selarl Orion Avocats & Conseils 44
Par acte authentique du 20 avril 2011 reçu par Maître Claude R., notaire à la [...], M. Yves Henri B. et son épouse Mme Françoise J. ont souscrit auprès de la Caisse de Crédit Mutuel (CCM) de Strasbourg Neudorf un prêt n° 20473405 d'un montant de 1.800.000 €, une garantie hypothécaire étant prise sur leur propriété située [...].
Par acte d'huissier du 7 novembre 2016, la CCM Strasbourg Neudorf a fait signifier aux époux B. un commandement de payer valant saisie pour obtenir paiement de la somme de 1.920.562, 04 euros au titre du solde dû sur le prêt accordé.
Cet acte est resté sans effet.
Mme J. épouse B. ayant conclu le 9 octobre 2015 avec la SARL LIVE IN un bail commercial pour l'exploitation hôtelière de la villa sise à Sarlat, la CCM Neudorf, au visa de l'acte notarié du 20 avril 2011, a fait pratiquer une saisie des loyers due par la société preneur à l'égard de ses propres débiteurs selon procès-verbal de saisie attribution du 17 mai 2017, pour un montant de 1.920.562,04 euros en principal.
Après avoir dénoncé cette saisie au débiteur par acte du 22 mai 2017, un certificat de non-contestation a été dressé le 23 juin 2017 puis signifié le 28 juin 2017 à la SARL LIVE IN.
Faute de paiement volontaire, par acte du 22 mai 2017 la CCM Strasbourg Neudorf a fait assigner le tiers saisi à comparaître devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Bergerac pour obtenir paiement de quatre mois de loyers échus, à savoir les loyers de juin, juillet, août, septembre 2017, soit une somme de 13.333,33 euros HT et des loyers à venir jusqu'à remboursement complet du prêt n° 20473405 accordé.
Par jugement du 6 février 2018 le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Bergerac a :
- Débouté la CCM de sa demande de condamnation de la SARL LIVE IN au paiement de la somme de 17.507,72 euros HT au titre des loyers dus à Mme J. de juin à décembre 2017 ;
- Constaté que la SARL LIVE IN doit à la CCM au titre des loyers dus à Mme J. pour cette période, la somme de 5825,61 euros HT ;
- Constaté que cette somme a été effectivement réglée entre les mains de l'huissier instrumentaire, la SCP G. et Repussard le 29 décembre 2017 ;
- Dit que les loyers ultérieurs seront fixés conformément aux factures émises entre bailleur et preneur en exécution de leurs conventions ;
- Condamné la CCM aux dépens ;
- Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.
Par déclaration du 16 février 2018, la Caisse de Crédit Mutuel Strasbourg Neudorf a interjeté appel total du jugement.
L'affaire a été fixée au 12 février 2019 en application des articles 905 et suivants du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture étant fixée quinze jours avant, soit le 29 janvier 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 7 juin 2018, la CCM Strasbourg Neudorf demande à la cour de :
- La déclarer recevable et bien fondée en son appel ;
- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- Condamner la SARL LIVE IN à lui payer la somme de 34 174,39 Euros outre la TVA au titre des loyers impayés de juin 2017 à juin 2018 ;
- Condamner la SARL LIVE IN à lui payer mensuellement le loyer ainsi que la TVA due au titre du contrat de bail conclu pour les locaux situés Côte de Ravat, LD chante l'oiseau Grogeac Haut 24200 Sarlat La Caneda jusqu'au complet remboursement du prêt n°204734 05 ;
- Condamner la SARL LIVE aux entiers dépens et à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par des conclusions notifiées le 28 janvier 2019, la SARL LIVE IN entend que la cour :
- Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions pour ce qui concerne le montant des loyers dus par la S.A.R.L. LIVE IN à Mme J. entre les mois de juin et septembre 2017 et le règlement effectif de ces loyers entre les mains de l'huissier instrumentaire et statuer de même s'agissant des loyers ultérieurs ;
- Déboute la Caisse de Crédit Mutuel Strasbourg Neudorf de toutes demandes plus amples ou contraires ;
- Condamne la Caisse de Crédit Mutuel Strasbourg Neudorf aux dépens de la procédure d'appel ;
- Condamne la Caisse de Crédit Mutuel Strasbourg Neudorf à payer à la S.A.R.L. LIVE IN la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions d'incident de procédure notifiées par RPVA les 1er et 8 février 2019, la CCM demande le rejet de ces dernières conclusions et pièces pour avoir été signifiées la veille de l'ordonnance de clôture, ne lui permettant pas ainsi d'y répondre.
Par conclusions responsives notifiées le 7 février 2019, la SARL LIVE IN soutient que la procédure à bref délai telle que prévue par l'article 905 du code de procédure civile échappe à la procédure de mise en état et donc au prononcé d'une ordonnance de clôture. Dès lors il ne peut lui être fait grief d'avoir conclu la veille d'une ordonnance qui n'avait pas à être rendue, et d'avoir voulu compléter ses dires par deux pièces, 15 jours avant l'audience, délai raisonnable pour permettre à son contradicteur de répliquer. L'intimée ajoute que les informations et justificatifs communiqués étaient déjà en possession de l'appelante et qu'il n'y a donc y avoir atteinte à ses droits.
Aux termes de l'article 905 du code de procédure civile, le président de chambre fixe les jours et heures auxquels l'affaire sera appelée à bref délai. Il procède alors, dit le texte, selon les modalités prévues aux articles 760 à 762.
Par suite, s'il n'y a lieu de renvoyer à une autre conférence pour d'ultimes échanges de conclusions ou pièces, ou de renvoyer à la mise en état, le président, renvoie à une audience à date déterminée, en fixant celle de la clôture de la procédure, ainsi que le prévoit l'article 760, auquel l'article 905 fait expressément renvoi.
Dans la présente procédure, le président de la chambre, par ordonnance du 19 mars 2018, a renvoyé l'affaire au 12 février 2019, précisant que la clôture interviendrait
15 jours avant la date de l'audience, soit le 29 janvier 2019.
Il est constant que l'intimée a notifié à l'appelante la veille de l'ordonnance de clôture de nouvelles conclusions ainsi que deux pièces complémentaires le 28 janvier 2019, veille de l'ordonnance de clôture.
Cette communication de nouvelles conclusions et pièces qui tendent à démontrer l'existence de versements supplémentaires au cours de l'année 2018 par l'intimée et à modifier ses demandes initiales, n'ont pas été notifiées en temps utiles à l'appelante pour qu'elle puisse y répliquer et doivent dès lors être écartées des débats pour ne pas avoir respecté le principe du contradictoire prévus à l'article 15 du code de procédure civile.
Seules les dernières conclusions de la SARL LIVE IN régulièrement notifiées le 17 mai 2018 saisissent donc la cour lesquelles sont identiques à celles notifiées le 28 janvier 2019, sauf à ce qu'elles entendent voir juger que les loyers dus par la S.A.R.L. LIVE IN au titre du dernier trimestre 2017 et du premier trimestre 2018 s'élèvent à la somme totale de 7.897,21 € HT.
Le 17 mai 2017, devant l'huissier ayant établi le procès-verbal de saisie attribution, la SARL LIVE IN s'est reconnue redevable de loyers à l'égard de Mme J. au titre d'un bail commercial concédé sur la villa de Sarlat. Elle a précisé que selon ce contrat passé en date du 9 octobre 2015, le bail était accordé 'moyennant un loyer au réel de 30 % du chiffre d'affaires réalisé par le preneur sur la partie location uniquement, sans être inférieur à la somme de 40.000 euros HT, payable mensuellement'.
Au soutien de son appel, la CCM Strasbourg Neudorf demande que la SARL LIVE In soit condamnée à lui verser les loyers dus à Mme J. sur la base du bail initial du 9 octobre 2015 dont elle s'est expressément reconnue tenue devant l'huissier et non, ainsi que l'a décidé le jugement entrepris, sur celle d'un avenant au dit contrat dressé le 20 janvier 2017 dont elle n'a été pas fait état devant l'huissier mais uniquement à l'occasion de la présente procédure en paiement.
Elle affirme que le juge de l’exécution ne pouvait minorer les loyers sur la seule base de cet avenant alors que cette modification du bail, qui porte réduction du montant du loyer dû en supprimant la somme plancher annuelle de 40.000 euros HT, a été vraisemblablement dressé pour les besoins de la cause.
La S.A.R.L. LIVE IN, aux termes des dernières écriture retenues, sollicite la confirmation du jugement entrepris qui a ordonné paiement de la somme de 5825,61 euros HT sur la base de l'avenant dont s'agit, affirmant que le créancier saisissant ne peut se voir attribuer des sommes supérieures à celles dues par le tiers à son propre débiteur.
Actualisant les sommes versées, elle demande à voir juger que les loyers dus au titre du dernier trimestre 2017 et du premier trimestre 2018 s'élèvent à la somme totale de 7.897,21 € HT.
Aux termes de l'article L. 211-3 du code des procédures civiles d' exécution , le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s'il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures.
Selon l'article R. 211-4 du même code, le tiers saisi est tenu de fournir sur le champ à l'huissier de justice les renseignements prévus à l'article L. 211-13 et de lui communiquer les pièces justificatives. Il en est fait mention dans l'acte de saisie.
C'est par une exacte appréciation des faits de la cause que la cour adopte que le premier juge a affirmé qu'aucun élément suffisant ne permettait de remettre en cause la validité de l'avenant du 20 janvier 2017 au contrat de bail conclu le 9 octobre 2015 et dit qu'il devait servir de base à la saisie pratiquée.
Son opposabilité au créancier saisissant n'est tout autant pas contestable que la preuve d'une quelconque manoeuvre de la part du saisi pour modifier les termes de son engagement n'est pas apportée.
Il est en effet établi par le courrier adressé le 8 janvier 2018 par Me G., l'huissier instrumenteur au conseil de la CCM que celui-ci avait pré-rempli le procès-verbal de saisie attribution dans la partie réservée aux déclarations du tiers saisi sur la base du contrat initial d'octobre 2015 que lui avait fait parvenir Mme B. suite à la procédure de saisie immobilière diligentée dans le même dossier.
L'omission de signaler l'existence de l'avenant de janvier 2017 par la représentante de la SARL Live In peut dès lors être considérée comme une simple négligence et non comme une rétention volontaire d'information laquelle tout au plus aurait pu justifier une demande de dommages et intérêts.
La cour relève en outre que l'avenant dont il est fait état étant antérieur à la saisie pratiquée, l'indisponibilité de l'article L. 141-2 du code des procédures civiles ne peut lui être opposée.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a fixé la créance saisissable sur la base des factures de loyers établies au visa de du contrat du bail tel que modifié par son avenant.
Il doit être partiellement infirmé en ce qu'il a fixé à la somme de 5.825,61 euros les loyers dus au titre de la période de juin à décembre 2017 alors qu'il résulte des pièces communiquées et des dires des parties que cette somme, qui a été déjà réglée, ne correspond qu'aux loyers versés entre juin et septembre 2017.
Au regard des pièces communiquées par l'intimée à l'occasion de ses dernières conclusions retenues du 17 mai 2018, s'y ajouteront les sommes correspondant aux loyers dûs à Mme B. pour la période du dernier trimestre 2017 (octobre, novembre et décembre) et premier trimestre 2018 qui s'élèvent à un montant de 7.897,21 euros HT, tels que facturés et certifiés par l'expert-comptable de la société.
Echouant dans son recours, la CCM Strasbourg Neudorf sera condamnée aux dépens, sans qu'il n' y ait lieu au paiement d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris sauf en ce qu'il a fixé à la somme de 5825,61 euros HT le montant des loyers dus pour la période de juin à décembre 2017 ;
Fixe à la somme de 5.825,61 euros HT le montant des loyers dus pour la période de juin à septembre 2017 et dit que cette somme a été réglée entre les mains de l'huissier instrumentaire ;
Fixe à la somme de 7.897,21 euros HT le montant des loyers dus par la SARL Live In pour la période d'octobre à décembre 2017 et janvier à mars 2018 ;
Dit que les loyers ultérieurs seront fixés conformément aux factures émises entre bailleur et preneur en exécution de leurs conventions ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires