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Décisions

CA Versailles, 1re ch. sect. 1, 22 septembre 2016, n° 14/05555

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

BNP Paribas (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Blum

Conseillers :

Mme Lelievre, M. Ponsot

TGI Versailles, 1re ch., du 20 mai 2014,…

20 mai 2014

Vu le jugement rendu le 20 mai 2014 par le tribunal de grande instance de Versailles qui a :

- dit n'y avoir lieu à mise hors de cause de Mme Marie-Pierre M. épouse B.-P.,

- déclaré inopposable à la BNP Paribas l'acte notarié conclu le 13 août 2012 entre M. Jean-Pierre B.-P. et Mme Marie-Pierre M. épouse B.-P. d'une part, et M. Adrien B.-P., Mme Béryl B.-P. et M. Barthélémy B.-P., d'autre part, portant donation entre vifs à titre de partage anticipé de la nue-propriété d'un bien immobilier sis à [...], constitué d'une maison d'habitation figurant au cadastre section AL n° 443, [...] d'une surface de 30 a 20 ca,

- ordonné la publication du présent jugement au bureau des hypothèques à Versailles,

- condamné in solidum M. Jean-Pierre B.-P., M. Adrien B.-P., Mme Béryl B.-P. et M. Barthélémy B.-P. à payer à la BNP Paribas la somme de 8 000 € à titre de dommages-intérêts,

- condamné également in solidum M. Jean-Pierre B.-P., M. Adrien B.-P., Mme Béryl B.-P. et M. Barthélémy B.-P. à verser à la demanderesse une indemnité de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les défendeurs aux entiers frais et dépens dont distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Vu l'appel relevé le 18 juillet 2014 par M. Jean-Pierre B.-P., Mme Marie-Pierre M. épouse B.-P., M. Adrien B.-P., Mme Béryl B.-P. et M. Barthélémy B.-P. ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 4 avril 2016 par les consorts B.-P. qui demandent à la cour de :

- infirmer le jugement et, statuant à nouveau,

- débouter la BNP Paribas de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la BNP Paribas à leur verser la somme de 3. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Vu les dernières conclusions notifiées le 14 avril 2015 par la BNP Paribas qui demande à la cour de :

- vu les articles L. 141-2, L. 321-2, L. 321-5 du code des procédures civiles d'exécution ; 1167 et 1382 et suivants du code civil,

- dire les appelants mal fondés en leur appel,

- en conséquence, les débouter de toutes leurs demandes,

- confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a condamné 'M. Jean-Pierre B.-P., Mme Béryl B.-P. et M. Barthélémy B.-P.' à lui payer in solidum la somme de 8. 000 € à titre de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau sur ce point,

- condamner in solidum M. Jean-Pierre B.-P., M. Adrien B.-P., Mme Béryl B.-P. et M. Barthélémy B.-P. à lui payer la somme de 356.173,41 € à titre de dommages et intérêts,

Y ajoutant,

- condamner in solidum les défendeurs aux dépens, dont distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile et à lui verser une somme de 10. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que par acte authentique du 28 mars 1990, la Banque Nationale de Paris, désormais BNP Paribas, a consenti un prêt à la société Nouvelle d'Impression de Promotion et de Publicité (SNIPP) d'un montant de 1.840.000 francs, soit 280.506,19 € pour une durée de sept ans au taux de 11,60 % l'an ;

Qu'aux termes du même acte et en garantie du remboursement de ce prêt, M. Jean-Pierre B.-P., gérant de la société SNIPP, s'est porté caution solidaire de l'emprunteur envers la Banque et a en outre, avec son épouse, née Marie-Pierre M., avec laquelle il est marié sous le régime de la séparation de biens, affecté hypothécairement leur maison située à [...] ;

Qu'agissant en vertu de la copie exécutoire de l'acte notarié susvisé, la BNP Paribas a fait délivrer le 7 avril 2008 aux époux B.-P., un commandement de payer la somme de 356.173,41 €, valant saisie immobilière de ce bien ;

Que par jugement du 14 janvier 2009, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Versailles a rejeté la demande de nullité du commandement de payer et a accordé aux défendeurs un délai jusqu'au 1er septembre 2009 pour apurer leur dette.

Que par jugement du 13 janvier 2010, le juge de l' exécution de Versailles a prorogé pour deux ans les effets du commandement de payer du 7 avril 2008 et, par arrêt du 11 février 2010, la cour d'appel de Versailles, après avoir confirmé le rejet de l'exception de nullité du commandement de payer valant saisie, a fixé la créance des époux B.-P. à la somme de 356.173,41 € avec intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2007 et leur a accordé un délai jusqu'au 31décembre 2010 pour apurer leur dette avec suspension des poursuites de saisie immobilière pendant cette période ;

Que cette décision a été cassée parun arrêt de la Cour de cassation du 13 septembre2011 mais seulement en ce qui concernait le rejet de la demande des époux B.-P. en déchéance du droit aux intérêts et en ce qu'elle a dit qu'à l'égard de M. B.-P. la somme de 356. 173,41 € porterait intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2007 ;

Statuant sur renvoi dans les limites de la cassation partielle du 13 septembre 2011, la cour d'appel de Versailles a, par arrêt du 27 mars 2013, fixé la créance de la Banque sur M. B.-P. à la somme de 42 239,44 € arrêtée en principal et intérêts au 4 décembre 2012, outre les intérêts au taux conventionnel de 11,60 % l'an à compter du 5 décembre 2012, a constaté que les délais de paiement n'avaient pas été respectés, a ordonné la vente forcée du bien saisi et a renvoyé les parties devant le juge de l' exécution pour déterminer les modalités de cette vente ;

Que par jugement du 6 novembre 2013, le juge de l'exécution a ordonné la vente forcée du bien par adjudication judiciaire avec mise à prix à 900.000 €, fixé l'audience d'adjudication au 5 mars 2014, et a prorogé pour une nouvelle durée de deux ans les effets du commandement de payer du 7 avril 2008 publié le 22 mai 2008 à la conservation des hypothèques de Versailles ;

Considérant que parallèlement, par acte notarié du 25 juillet 2012, les époux B.-P. ont consenti à leurs trois enfants Adrien, Béryl et Barthélémy, un acte de donation-partage portant sur la nue-propriété du bien immobilier, sis à Bougival, objet de l'affectation hypothécaire et de la saisie immobilière ;

Que par acte d'huissier du 12 février 2014, la BNP Paribas a fait assigner à jour fixe, devant le tribunal de grande instance de Versailles, M. Jean-Pierre B.-P., Mme Marie-Pierre M. épouse B.-P., M.Adrien B.-P., Mme Béryl B.-P. et M. Barthélémy B.-P. ( ci-après les consorts B.-P.) sur le fondement des articles L. 141-2, L. 321-2 et L. 321-5 du code des procédures civiles d'exécution ainsi que 1167 et 1382 et suivants du code civil afin de voir, sous le bénéfice de l' exécution provisoire, annuler et, subsidiairement, déclarer inopposable l'acte notarié de donation-partage du 25 juillet 2012, ordonner la publication du jugement à intervenir auprès du service de la publicité foncière compétent, condamner in solidum les défendeurs à lui payer la somme de 356. 173,41 € à titre de dommages et intérêts outre la somme de 7.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

Sur l'inopposabilité de l'acte de donation-partage

Considérant que les consorts B.-P. demandent à la cour de réformer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré inopposable à la BNP PARIBAS la donation-partage faite au profit de leurs trois enfants le 25 juillet 2012 portant sur la nue-propriété de leur maison de Bougival ; qu'ils font valoir à cet effet que la déclaration d'inopposabilité serait 'inutile' au regard des dispositions du code des procédures civiles d' exécution , desquelles cette inopposabilité résulte de plein droit ; qu'ils font valoir que la mention portée à l'acte litigieux, rappelant l'existence du commandement valant saisie immobilière, permet d'attester qu'ils n'avaient pas l'intention de le conclure en fraude des droits de la BNP PARIBAS ;

Que la BNP Paribas réplique que les époux B.-P. ont d'une part volontairement contrevenu aux dispositions des articles L. 141-2 et L. 321-2 du code des procédures civiles d'exécution et ont d'autre part rendu impossible la vente forcée de leur gage ; qu'elle souligne que la donation aurait eu pour effet de décourager les candidats à l'adjudication du bien dont l'usufruit est valorisé à 620.000 € alors que la mise à prix a été fixée à 900.000 € ; qu'elle maintient que l'inopposabilité de l'acte doit être constatée par une décision de justice qui devra être publiée ;

Considérant que puisque les consorts B.-P. reconnaissent que la donation- partage conclue entre eux est de plein droit inopposable à la BNP PARIBAS, en sa qualité de créancier poursuivant, compte tenu de l'antériorité de la publication du commandement de payer valant saisie portant sur le bien dont la nue- propriété est l'objet de la dite donation, ce en application notamment des articles L. 321-2 et L. 321-5 du code des procédures civiles d'exécution, rien ne s'oppose donc à la confirmation du jugement à laquelle la BNP PARIBAS a intérêt, afin de publication ; que le jugement est donc confirmé sur ce point ; qu'il sera seulement précisé que l'acte notarié de donation est du 25 juillet 2012 et a été publié le13 août 2012, le jugement indiquant que l'acte est du 13 août 2012 ; que la publicité de la décision devra avoir lieu au service de la publicité foncière de Versailles ;

Sur la demande de dommages et intérêts de la BNP PARIBAS

Considérant que la BNP PARIBAS fait valoir que les consorts B.-P. ont commis une faute délictuelle envers elle dès lors qu'ils ont fait la donation-partage en connaissance de l'indisponibilité de l'immeuble du fait du commandement qu'elle leur avait antérieurement fait délivrer ; que cette faute lui a causé un préjudice important en la privant d'une chance plus que sérieuse de recouvrer sa créance à court terme puisque l'audience d'adjudication devait se tenir le 5 mars 2014, qu'elle portait sur une maison estimée par les appelants à 1.500.000 € , dont la mise à prix était fixée à 900.000 € soit bien supérieure à sa créance d'un montant en principal de 356.173,41 € à l'égard de Mme Marie-Pierre B.-P. et de 42.239,44 € à l'égard de M. Jean-Pierre B.-P. ; qu'elle demande par conséquent la condamnation de M. Jean-Pierre B.-P. et de ses trois enfants à lui verser le montant de sa créance sur Mme Marie-Pierre B.-P. ; qu'elle fait observer que la seule communication d'un bordereau de remise d'une somme de 50.000 € à la CARPA ne permet pas suffisamment de justifier de l'encaissement de cette somme, qu'à supposer démontré son encaissement, il ne vaudrait pas paiement de la créance qu'elle détient vis à vis de M. Jean-Pierre B.-P. et que sa perte de chance serait tout de même avérée en raison de la tardiveté de ce paiement ;

Considérant que les consorts B.-P. font valoir que la donation partage étant de plein droit inopposable à la BNP PARIBAS comme aux acquéreurs éventuels, il n'était pas nécessaire de solliciter la constatation de son inopposabilité en justice, de sorte que la vente du 5 mars 2014 aurait pu être maintenue et porter sur la toute propriété du bien saisi ; que l'acte notarié contenait des dispositions propres à préserver les droits de la banque poursuivante, qui en introduisant la présente instance, a seule fait le choix de retarder la vente alors que rien ne l'y contraignait ; que le report n'a engendré aucun coût à sa charge, ce délai devant même permettre une remise en état de la maison, qui avait été la proie d'un incendie au mois d'avril 2011 ; qu'ils rappellent que la BNP PARIBAS n'a accepté que courant mars 2012 de donner son accord au versement de l'indemnité d'assurance ;

Qu'en outre, le préjudice invoqué par la BNP Paribas n'est qu'hypothétique dès lors qu'elle ne peut établir, au jour de sa demande, que le bien ne sera pas vendu à un prix permettant de la désintéresser ;

Qu'ils font encore valoir que la BNP a tardé à leur communiquer un décompte de la créance réactualisée détenue sur M. Jean-Pierre B.-P. , ce qu'elle n'a fait que le 15 mars 2016 après sommation, de sorte qu'on ne peut leur reprocher de ne pas s'être acquittés de partie de la dette plus tôt ; qu'après communication du décompte demandé, le solde a été réglé le 31 mars 2016 ; qu'il en résulte que la banque ne peut plus poursuivre la saisie du bien indivis alors qu'elle n'est plus créancière que de l'un des indivisaires ; qu'en toute hypothèse, la banque ne pourrait se prévaloir que d'une perte de chance et ne pourrait pas solliciter l'intégralité du montant de sa créance ;

Considérant que s'il est justifié par les consorts B.-P. de l'extinction de la dette de M. Jean-Pierre B.-P. après le versement par celui-ci d'une somme globale de 57.820,40 € par deux versements en date des 6 janvier et 31 mars 2016, il n'en demeure pas moins que Mme Marie-Pierre B.-P. reste créancière d'une somme en principal de 356.173,41 € outre les intérêts, dont à déduire la somme versée par son mari ; que s'il est exact que la BNP PARIBAS n'étant plus créancière que d'un seul des coïndivisaires depuis le 31 mars 2016, elle ne peut plus, en application de l'article 815-17 du code civil, poursuivre la vente sur saisie immobilière, cette circonstance est postérieure à la date initialement prévue du 5 mars 2014 de l'audience d'adjudication ;

Qu'il ne peut qu'être relevé que la BNP PARIBAS avait intérêt à introduire la présente instance aux fins de constatation de l'inopposabilité de l'acte de donation-partage, quand bien même celle-ci lui est de plein droit inopposable ; que les époux B.-P. ne justifient pas réellement du but qu'ils ont poursuivi en procédant à cette donation au profit de leurs enfants, en se défendant d'avoir voulu porter atteinte aux droits de la BNP PARIBAS alors que le bien était indisponible en raison de l'existence de la procédure de saisie immobilière ; qu'ils ne pouvaient ignorer que la découverte de la publication de la donation par le créancier poursuivant pouvait avoir pour effet de retarder l'achèvement de la procédure de saisie immobilière ;

Que le moyen relatif au retard de la BNP PARIBAS à donner son accord au versement de l'indemnité d'assurance aux époux B.-P., bien antérieur à la date de l'audience d'adjudication, est sans incidence dans le débat ; que les travaux de réparation ont en effet pu être effectués ;

Que la banque a, comme elle le soutient, perdu une chance d'obtenir paiement de l'intégralité de sa créance à la date du 5 mars 2014, alors que la procédure de recouvrement est entamée depuis le 7 avril 2008 ; que pour autant elle n'a pas perdu son gage et que le retard d' exécution sera indemnisé par le cours des intérêts sur le solde de sa créance ; qu'elle est cependant obligée de poursuivre l' exécution de celle-ci par le biais d'une autre action dont l'issue n'est pas connue à ce jour ; que le tribunal a exactement apprécié son préjudice à la somme de 8.000 € ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

Considérant que le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ; que les consorts B.-P., parties perdantes, doivent être solidairement condamnés aux dépens d'appel ; qu'il y a lieu de les condamner sous la même solidarité à payer à la BNP PARIBAS la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais exposés en appel ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf à préciser que la déclaration d'inopposabilité à la BNP PARIBAS porte sur l'acte notarié de donation entre vifs à titre de partage anticipé entre M. Jean-Pierre B.-P. et Mme Marie-Pierre M. épouse B.-P. d'une part, et M. Adrien B.-P., Mme Béryl B.-P. et M. Barthélémy B.-P., d'autre part, conclu le 25 juillet 2012 et publié le 13 août 2012,

Ordonne la publicité du présent arrêt au service de la publicité foncière de Versailles,

Condamne in solidum M.Jean-Pierre B.-P. et Mme Marie- Pierre M. épouse B.-P., M. Adrien B.-P., Mme Béryl B.-P. et M. Barthélémy B.-P. à payer à la BNP PARIBAS la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,

Condamne solidairement M.Jean-Pierre B.-P. et Mme Marie- Pierre M. épouse B.-P., M. Adrien B.-P., Mme Béryl B.-P. et M. Barthélémy B.-P. aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.