Cass. com., 8 mars 2023, n° 21-20.881
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
Mme Vallansan
Avocat général :
Mme Guinamant
Avocats :
SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Spinosi
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 9 juin 2021), la société JBA, fabricant et vendeur d'articles de confection, a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 20 décembre 2016 et 28 février 2017. La société Velcorex since 1828 (la société Velcorex) a revendiqué à la procédure des marchandises qu'elle avait précédemment vendues avec réserve de propriété, pour une valeur totale de 71 044,36 euros.
Examen du moyen
Sur le moyen
2. La société Velcorex fait grief à l'arrêt de rejeter l'intégralité de ses demandes alors :
« 1°/ qu'en présence d'un inventaire incomplet, sommaire ou inexploitable, qui équivaut à l'absence d'inventaire obligatoire prévu par l'article L. 622-6 du code de commerce, la preuve que le bien revendiqué, précédemment détenu par le débiteur, n'existe plus en nature au jour du jugement d'ouverture, incombe au liquidateur ; que l'inventaire dont la date ne peut pas être déterminée ne constitue pas un inventaire exploitable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que par jugement du 20 décembre 2016, publié le même jour au BODACC, le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la société JBA et désigné la société Catherine Chausson, commissaire priseur judiciaire, à l'effet de procéder à un inventaire des biens dans un délai de quinze jours ; que pour affirmer que l'inventaire établi par le commissaire-priseur avait force probante et que la société Velcorex n'établissait pas qu'au jour du jugement d'ouverture, les marchandises objet de sa revendication existaient en nature dans les locaux de la société JBA, la cour d'appel a énoncé que si l'inventaire n'était pas daté, il avait été établi avant le 17 février 2017, soit moins de deux mois après le jugement, puisqu'il avait été transmis à cette date du 17 février par l'administrateur à la société Velcorex ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il ressortait que la date à laquelle l'inventaire avait été établi ne pouvait pas être déterminée, de sorte qu'il était inexploitable, violant ainsi les articles L. 622-6 et L. 624-16 du code de commerce et l'article 1315 devenu 1351 du code civil ;
2°/ qu'en présence d'un inventaire incomplet, sommaire ou inexploitable, qui équivaut à l'absence d'inventaire obligatoire prévu par l'article L. 622-6 du code de commerce, la preuve que le bien revendiqué, précédemment détenu par le débiteur, n'existe plus en nature au jour du jugement d'ouverture, incombe au liquidateur ; que, pour être complet, l'inventaire doit mentionner l'ensemble du patrimoine du débiteur, ce qui inclut les biens détenus par un tiers pour le compte de ce dernier ; qu'en l'espèce, pour affirmer que l'inventaire établi par le commissaire-priseur avait force probante, la cour d'appel a énoncé que ce n'est pas parce que le nom de la société Velcorex ne figurait pas sur les lots mentionnés avec réserve de propriété que l'inventaire était incomplet, de sorte que celui-ci n'établissait pas qu'au jour du jugement d'ouverture, les marchandises, objet de la revendication, existaient en nature dans les locaux de la société JBA ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il ressortait que les appelants reconnaissaient dans leurs conclusions que la revente des marchandises litigieuses n'était pas intervenue et que le dirigeant de la société JBA avait déclaré les avoir expédiées au Maroc pour être transformées, de sorte qu'elles figuraient toujours dans le patrimoine du débiteur au jour du jugement d'ouverture, quand bien même auraient-elles été détenues par un tiers pour son compte, si bien qu'elle auraient dû figurer dans cet inventaire, la cour d'appel a violé les articles L. 622-6 et L. 624-16 du code de commerce et l'article 1315 devenu 1351 du code civil ;
3°/ qu'en présence d'un inventaire incomplet, sommaire ou inexploitable, qui équivaut à l'absence d'inventaire obligatoire prévu par l'article L. 622-6 du code de commerce, la preuve que le bien revendiqué, précédemment détenu par le débiteur, n'existe plus en nature au jour du jugement d'ouverture, incombe au liquidateur ; qu'en l'espèce, pour affirmer que l'inventaire dressé par le commissaire-priseur avait force probante, la cour d'appel a énoncé que dans son ordonnance du 20 octobre 2017, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Toulouse avait précisé, sans être contredit sur ce point par les parties, que le 3 mars 2017, le commissaire-priseur avait effectué un récolement d'inventaire en faisant état d'un lot de tissus indéfinis sans qu'on puisse faire un rapprochement entre les tissus, objet de la revendication, et ceux présents au sein des locaux de la société JBA ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, dès lors qu'ils ne permettent pas d'exclure que les marchandises revendiquées existaient en nature dans le patrimoine de la société JBA au jour du jugement d'ouverture et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 622-6 et L. 624-16 du code de commerce et de l'article 1315 devenu 1351 du code civil ;
4°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs ; que dans ses conclusions d'appel, la société Velcorex soutenait qu'à supposer même que l'inventaire ait été exhaustif, il était matériellement impossible que les marchandises ayant fait l'objet d'une facture n° 16037 du 2 décembre 2016 et livrées à la société JBA le 5 décembre suivant aient pu être transformées au Maroc à la date du jugement d'ouverture, soit le 20 décembre 2016 ; qu'elle produisait en ce sens, outre cette facture, une attestation du directeur de la société Velcorex du 6 avril 2017 et une déclaration du transporteur des marchandises, la société Gefco ; qu'en déboutant la société Velcorex de sa demande subsidiaire en paiement du montant de cette facture, après avoir pourtant constaté que le dirigeant de la société JBA avait déclaré avoir expédié les marchandises au Maroc, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que lorsque le créancier revendiquant fait la preuve de la présence en nature des marchandises au jour de l'ouverture de la procédure, il appartient au débiteur ou aux organes de la procédure de fournir des explications quant au sort des marchandises litigieuses, à défaut de quoi le débiteur est condamné à lui payer leur valeur ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande en paiement de la valeur des marchandises en cause formée par la société Velcorex, créancier revendiquant, la cour d'appel a affirmé que cette société ne formait pas une action en revendication du prix au sens de l'article L. 624-18 du code de commerce mais sollicitait une restitution par équivalent correspondant à la valeur des marchandises dès lors que la restitution en nature s'avérerait impossible, que la revendication du prix ne pouvait prospérer puisque les appelants affirmaient que la revente de ces marchandises n'était pas intervenue et que les conditions de la revendication en nature n'étant pas réunies, la demande en paiement par équivalent de la valeur des marchandises ne pouvait pas davantage prospérer ; qu'en statuant ainsi, quand la circonstance que la revendication en nature des marchandises est impossible n'exclut pas la condamnation du débiteur à payer au créancier revendiquant le montant de leur valeur lorsque la revente des marchandises n'est pas intervenue, la cour d'appel a violé l'article L. 624-16 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
3. Il résulte de la combinaison des articles L. 622-6 et L. 624-16 du code de commerce qu'il appartient au revendiquant de biens mobiliers d'apporter la preuve de ce que les biens revendiqués se retrouvent en nature entre les mains du débiteur au jour de l'ouverture de la procédure collective, sous réserve de l'établissement d'un inventaire.
4. L'arrêt retient que, si l'inventaire effectué par le commissaire-priseur produit au débat n'est pas daté, il a été transmis par l'administrateur à la société Velcorex le 17 février 2017, ce qui démontre qu'il a été établi avant cette date, soit moins de deux mois après le jugement d'ouverture. Il relève, ensuite, que cet inventaire détaille avec soin les matériels et meubles se trouvant dans les entrepôts français de la société JBA et mentionne, sous la rubrique « matériel sous réserve de propriété », plusieurs lots de cartons sans aucune référence à la société Velcorex et ajoute que le procès-verbal de recollement d'inventaire réalisé le 3 mars 2017 par le commissaire-priseur fait état d'un lot de tissus indéfinis sans rapprochement possible avec ceux revendiqués. L'arrêt relève encore que l'inventaire effectué par le commissaire-priseur au sein de la société Daesher, qui aurait pu détenir la marchandise sous réserve de propriété, mentionne l'existence d'un grand nombre de tissus sans permettre l'identification de marchandises provenant de la société Velcorex. Il en déduit qu'il est impossible de connaître la destination des marchandises revendiquées qui ne sont présentes ni dans les entrepôts de la société Daesher ni dans ceux de la société Bajha qui agit sous les ordres de la société JBA.
5. De ces constatations et appréciations souveraines, d'où il résulte, d'une part, que l'inventaire prévu à l'article L. 622-6 du code de commerce avait été établi de manière satisfaisante, d'autre part, que la société Velcorex ne rapportait pas la preuve que les marchandises dont elle revendiquait la propriété existaient en nature dans le patrimoine du débiteur au jour de l'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel a exactement déduit que les demandes de la société Velcorex en revendication et en paiement de la valeur des marchandises devaient être rejetées.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.