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Décisions

Cass. com., 9 juin 2022, n° 20-22.654

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Rapporteur :

Mme Vaissette

Avocat général :

Mme Henry

Avocat :

SCP Doumic-Seiller

Rennes, du 1 janv. 1999

1 janvier 1999


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 20 octobre 2020, RG n° 18/06015), la société Les Oeufs Nature a été mise en redressement judiciaire le 15 janvier 2014, la société Philippe Delaere étant désignée mandataire judiciaire. Le 10 février 2014, la société Banque CIC Ouest (la banque) a déclaré deux créances au titre de prêts consentis les 10 et 18 janvier 2011. Ces créances ont été contestées par la débitrice.

2. Par une ordonnance du 28 septembre 2015, le juge-commissaire s'est déclaré incompétent pour connaître des contestations formées par la société débitrice, relatives notamment au taux effectif global des prêts, a ordonné le sursis à statuer et invité la banque à saisir le tribunal de commerce de Saint-Nazaire dans les conditions de l'article R. 624-5 du code de commerce. La banque a assigné la société débitrice et le mandataire judiciaire devant ce tribunal qui, par un jugement du 27 juin 2018, a dit la société Les Oeufs Nature et la société Philippe Delaere, ès qualités, irrecevables et mal fondées en leurs contestations relatives à l'admission des créances du CIC, a ordonné l'admission de ces créances au passif du redressement judiciaire et a rejeté la demande de dommages-intérêts formée par la société débitrice contre la banque.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt d'annuler le jugement, de décider que la cour d'appel n'a pas le pouvoir d'examiner une demande d'admission d'une créance au passif de la procédure collective, ni les demandes indivisibles de cette prétention, alors « que l'indivisibilité entre plusieurs chefs de demandes, qui a pour conséquence, en cas d'annulation de la décision sur un chef de demande, l'annulation consécutive de la décision ayant statué sur les chefs de demandes indivisibles, suppose que les demandes en cause ne puissent faire l'objet d'un traitement ou d'une exécution séparée ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que le tribunal saisi d'une contestation portant sur la créance de la banque CIC à l'égard de la société Les Oeufs Nature n'avait pas le pouvoir d'ordonner, une fois la contestation tranchée, l'admission de la créance au passif de la société, ce pouvoir n'appartenant qu'au juge-commissaire ; que ce faisant, la cour d'appel a caractérisé la divisibilité entre la demande portant sur la contestation de la créance et celle sur l'admission de cette créance au passif de la société ; qu'en décidant cependant l'annulation du jugement en ce qu'il a ordonné l'admission des créances de la banque au passif de la société Les Oeufs Nature et l'annulation des chefs de dispositif sur les autres demandes, plus particulièrement celle afférente à la contestation de la créance de la banque sur la société Les Oeufs Nature, au motif que ces demandes étaient indivisibles, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article 562 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 624-2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 12 mars 2014, R. 624-5 du même code, dans sa rédaction antérieure au décret du 30 juin 2014, et l'article 562 du code de procédure civile :

4. Il résulte de ces textes que sauf constat de l'existence d'une instance en cours, le juge-commissaire a une compétence exclusive pour décider de l'admission ou du rejet des créances déclarées et qu'après une décision d'incompétence du juge-commissaire pour trancher une contestation, les pouvoirs du juge compétent régulièrement saisi se limitent à l'examen de cette contestation.

5. Pour annuler l'ensemble des dispositions du jugement du tribunal désigné compétent par le juge-commissaire pour statuer sur les contestations de la société débitrice, l'arrêt, après avoir exactement énoncé que le tribunal a excédé ses pouvoirs en statuant sur l'admission des créances déclarées, de sorte que les dispositions du jugement relatives à ces admissions encourent l'annulation, retient que les demandes portant sur l'admission sont indivisibles des autres demandes présentées au tribunal.

6. En statuant ainsi, alors que les contestations de la débitrice relatives au taux effectif global des prêts sur lesquelles le juge-commissaire s'était déclaré incompétent au profit du juge du fond n'étaient pas indivisibles des demandes d'admission, mais constituaient l'objet même de la saisine du tribunal à la suite de l'ordonnance du juge-commissaire et devaient faire l'objet par le juge du fond d'un examen préalable à la décision finale du juge-commissaire sur l'admission, de sorte que les dispositions du jugement relatives à ces contestations n'encouraient aucune nullité, la cour d'appel, saisie de leur connaissance par l'effet dévolutif, qui ne pouvait refuser de statuer sur leur recevabilité et, le cas échéant, leur bien-fondé, a méconnu ses pouvoirs et violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt n° RG 18/06015 rendu le 20 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.