Cass. soc., 1 février 2023, n° 21-18.789
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mariette
Rapporteur :
Mme Marguerite
Avocat :
SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 29 avril 2021), Mme [W] a été engagée par la société Virelec (la société) à compter du 1er février 2010. Elle occupait en dernier lieu les fonctions de gestionnaire paye/RH à temps partiel.
2. Une procédure de redressement judiciaire de la société a été ouverte par jugement du tribunal de commerce du 17 mai 2016. Par ordonnance du 3 novembre 2016, le juge commissaire a autorisé le licenciement de cinq salariés en indiquant qu'était concerné le poste de gestionnaire paye/RH ayant les activités suivantes « établissement paies/déclarations sociales/gestion du social ».
3. La salariée a été licenciée le 10 novembre 2016 par l'administrateur judiciaire.
4. Par jugement du 31 janvier 2017, le tribunal de commerce a arrêté le plan de redressement, Mme [E] étant désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
5. La salariée a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement et obtenir paiement de diverses sommes.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal et du pourvoi incident réunis
Enoncé du moyen
6. La société et la commissaire à l'exécution du plan font grief à l'arrêt de dire que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société à verser à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts, alors « que le regroupement de deux emplois entraîne la suppression d'un poste ; que pour déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que ''venu remplacer Mme [P], démissionnaire, M. [S] a été investi à la fois de ses fonctions de directeur administratif et financier et des fonctions jusque-là dévolues à Mme [W]'' et que ''ce cumul a été assorti d'une augmentation de salaire de presque 800 euros, soit une part très importante de la rémunération mensuelle de 1 171,30 euros jusque-là versée à Mme [W]'' ; qu'en statuant comme elle l'a fait, cependant qu'elle relevait que M. [S] avait été recruté sur un poste distinct de celui qu'occupait la salariée, dès lors qu'il remplaçait Mme [P], et qu'il avait été investi à la fois des fonctions de directeur administratif et financier, occupées par cette dernière, que des fonctions jusque-là dévolues à la salariée, moyennant une augmentation de salaire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, desquelles il s'évinçait que le poste de travail de la salariée avait été regroupé avec celui de directeur administratif et financier occupé par M. [S], de sorte qu'il avait bien été supprimé, a violé l'article L. 1233-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1233-2, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail, ces deux derniers articles dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :
7. Un salarié licencié à la suite d'une autorisation du juge-commissaire n'est recevable à contester la cause économique de son licenciement que lorsqu'il prouve que cette autorisation résulte d'une fraude. Il en est ainsi lorsqu'il est établi que le salarié a été immédiatement remplacé dans son emploi après son licenciement.
8. Pour dire que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les fonctions de gestionnaire paye/RH assumées par la salariée ont été confiées à un autre salarié exerçant les fonctions de directeur administratif et financier, initialement engagé en contrat à durée déterminée à temps partiel de 28 heures, durant le congé maternité de la salariée occupant le poste de directeur administratif et financier et ensuite recruté par contrat à durée indéterminé à temps plein le 1er décembre 2016, après la démission de celle qui occupait le poste, avec une augmentation de salaire constituant une part importante du salaire de la salariée.
9. Il ajoute que, contrairement à ce que la société a fait soutenir par son administrateur judiciaire dans sa requête au juge-commissaire, la suppression de l'emploi de l'intéressée n'a pas abouti à une économie salariale significative pour l'entreprise et n'a pas été accompagnée de la répartition de ses tâches sur l'ensemble du personnel administratif restant qui devait les exécuter sans pouvoir prétendre en contrepartie à une augmentation de salaire.
10. Il en déduit qu'il n'y a en réalité pas eu suppression du poste de la salariée et que c'est par l'effet d'une fraude qu'a été obtenue du juge commissaire l'autorisation de licenciement.
11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'emploi de gestionnaire paye/RH occupé par la salariée avait été regroupé avec celui de directeur administratif et financier existant dans l'entreprise, ce dont il résultait que l'emploi de la salariée avait été supprimé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que qu'il dit que le licenciement de Mme [W] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne la société Virelec à payer à Mme [W] à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice causé par son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la somme, nette de CSG et de CRDS, de 8 500 euros, et par application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 200 euros, l'arrêt rendu le 29 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon.