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Décisions

Cass. com., 9 juin 2022, n° 21-11.449

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Rapporteur :

Mme Bélaval

Avocat général :

Mme Henry

Avocats :

SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Piwnica et Molinié

Agen, du 2 déc. 2020

2 décembre 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 2 décembre 2020), le 27 juillet 2006, l'EARL La Grande Métairie (l'EARL) a ouvert un compte courant professionnel auprès de la Société générale (la banque). Par la suite, l'EARL a souscrit plusieurs prêts auprès de cette même banque, soit :
- le 24 septembre 2010, un prêt d'un montant de 390 000 euros, garanti par les cautionnements solidaires, du 20 août 2010, de MM. [C] et [W] [F] dans la limite de 507 000 euros,
- le 8 septembre 2012, un prêt d'un montant de 126 700 euros ;
- le 1er février 2013, un contrat de trésorerie d'un montant de 100 000 euros, garanti par les cautionnements solidaires, du 24 janvier 2013, de MM. [C] et [W] [F] à hauteur de 130 000 euros. Par des actes distincts du 16 mai 2012, MM. [C] et [W] [F] se sont rendus cautions solidaires des engagements de l'EARL à hauteur de 78 000 euros.

2. Le 14 avril 2014, l'EARL a été mise en redressement judiciaire puis, par un jugement du 26 juin 2015, le tribunal a arrêté son plan de redressement. La banque a déclaré ses créances au titre du solde débiteur du compte courant et des trois prêts puis elle a assigné les cautions en exécution de leurs engagements.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt de la débouter de l'intégralité de ses demandes alors « que la caution ne peut se prévaloir des dispositions du plan de redressement adopté à l'égard du débiteur principal ; qu'il en résulte que, si la déchéance du terme non encourue par le débiteur principal ne peut être invoquée contre la caution, celle-ci est tenue de la partie exigible de la dette cautionnée, conformément au terme convenu dans son engagement, jusqu'à extinction de la dette garantie par le cautionnement, sous déduction des sommes payées en exécution du plan ; que la cour d'appel a débouté la banque de ses demandes contre les cautions au titre des prêts des 24 septembre 2010 et 8 septembre 2012 et du contrat de trésorerie du 1er février 2013 au motif qu'elle ne détaillait pas le plan de redressement judiciaire homologué à l'égard de la débitrice principale le 26 juin 2015, ni ne rapportait la preuve que celle-ci ne l'aurait pas respecté, et a débouté la banque de sa demande au titre du solde débiteur du compte courant au motif qu'elle avait déclaré cette créance à la procédure collective mais ne précisait pas si celle-ci avait été incluse au plan de redressement et, le cas échéant, la somme demeurant impayée à ce titre, ce dernier ayant été ordonné il y a plus de cinq années ; qu'en statuant ainsi, quand les cautions, qui ne pouvaient se prévaloir des dispositions du plan de redressement judiciaire adopté à l'égard de l'EARL La Grande Métairie, ne prétendaient pas, et a fortiori ne prouvaient pas, que les dividendes payés en exécution du plan avaient éteint les dettes – exigibles – dont la banque leur réclamait le paiement, la cour d'appel a violé l'article L. 631-20 du code de commerce, ensemble les articles 1315 (devenu 1353), 2288 et 2298 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 631-20 du code de commerce et 2288 du code civil :

4. Selon le premier de ces textes, la caution ne peut se prévaloir des dispositions du plan de redressement du débiteur principal. Il en résulte que, si la déchéance du terme non encourue par le débiteur principal ne peut être invoquée contre la caution, celle-ci est tenue de la partie exigible de la dette cautionnée, conformément au terme convenu de son engagement, jusqu'à extinction de la dette garantie par le cautionnement, sous déduction des sommes payées en exécution du plan.

5. Pour rejeter les demandes de la banque, l'arrêt, après avoir énoncé que la caution ne peut être poursuivie que lorsque la dette principale est impayée et exigible, retient que la banque ne démontre pas ni ne prétend que l'EARL n'a pas honoré ses engagements antérieurement au prononcé du redressement judiciaire qui n'a pas pour effet de rendre exigibles les créances non échues, étant précisé qu'aucune déchéance du terme n'a été prononcée s'agissant des trois contrats litigieux, que la banque ne détaille pas davantage le plan de redressement de l'EARL ni ne rapporte la preuve que celui-ci n'aurait pas été respecté par le débiteur principal, de sorte que, ne rapportant pas la preuve de l'exigibilité de ses créances à l'égard de l'EARL, elle ne rapporte pas la preuve de l'exigibilité de ses créances à l'égard des cautions.

6. En statuant ainsi, alors que les cautions ne prétendaient pas que les dividendes payés en exécution du plan de redressement de l'EARL, avaient éteint leur dette à due concurrence, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.