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Décisions

Cass. com., 5 avril 2023, n° 21-23.289

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Lefeuvre

Avocats :

SCP Foussard et Froger, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Chambéry, du 8 juin 2021

8 juin 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 8 juin 2021), le capital de la société Aux délices de Tarentaise est détenu à concurrence de 51 % par Mme [T] [E] et à concurrence de 49 % par M. [V] [E].

2. Le 30 janvier 2020, cette société, représentée par sa gérante, Mme [T] [E], a donné en location-gérance son fonds de commerce à la société 1928, dont Mme [T] [E] est également gérante et associée avec son conjoint.

3. M. [V] [E] a assigné en référé la société Aux délices de Tarentaise et Mme [T] [E] devant le président d'un tribunal de commerce, aux fins de voir ordonner une expertise de gestion.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. [V] [E] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'expertise de gestion, alors « que la juridiction saisie d'une demande d'expertise de gestion est tenue de l'ordonner dès lors qu'elle relève des présomptions d'irrégularités affectant une ou plusieurs opérations de gestion déterminées ; qu'une convention réglementé conclue sans avoir été soumise à l'assemblée générale est irrégulière et a fortiori présumée irrégulière ; qu'en refusant d'ordonner l'expertise de gestion sollicitée, après avoir estimé que la conclusion du contrat de location-gérance intervenu entre la société Aux délices de Tarentaise et la société 1928, ayant le même dirigeant social, ne pouvait être tenue pour une opération courante que l'article L. 233-20 du code de commerce soustrait du champ d'application de l'article L. 223-19 du même code et qu'elle aurait donc dû être soumise à l'assemblée générale, ce qui n'avait pas été le cas, la cour d'appel a violé l'article L. 223-37 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 223-37, alinéa 1er, du code de commerce :

5. Aux termes de ce texte, un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander en justice la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.

6. La juridiction saisie d'une demande d'expertise de gestion est tenue de l'ordonner dès lors qu'elle relève des présomptions d'irrégularités affectant une ou plusieurs opérations de gestion déterminées.

7. Pour rejeter la demande d'expertise de M. [V] [E], l'arrêt, après avoir retenu que la mise en location-gérance du fonds de commerce de la société Aux délices de Tarentaise ne constitue pas une opération courante, de sorte qu'elle entre dans le champ d'application de l'article L. 223-19 du code de commerce et qu'elle aurait dû être soumise à l'assemblée générale des associés, énonce qu'en vertu de cet article, les conventions qui n'ont pas été approuvées par les associés produisent leurs effets, à charge pour le gérant ou l'associé contractant d'en supporter individuellement ou solidairement, selon les cas, les conséquences, si elles s'avèrent préjudiciables à la société. Analysant les stipulations du contrat de location-gérance, il retient que rien n'indique que celui-ci soit préjudiciable à la société Aux délices de Tarentaise et qu'elle entraîne son appauvrissement, la société restant propriétaire du fonds de commerce, dont elle peut reprendre l'exploitation directe chaque année, et ne conservant à sa charge que ses propres impôts et taxes, de sorte que ses résultats seront nécessairement bénéficiaires.

8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que l'opération de mise en location-gérance était irrégulière, la cour d'appel, qui n'avait pas à se faire juge de cette opération, alors qu'était demandé la désignation d'un expert chargé de présenter un rapport relatif à celle-ci, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant l'ordonnance, il rejette la demande d'expertise de gestion de M. [V] [E] et en ce qu'il statue sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 8 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.