Décisions

CA Besançon, 1re ch. civ. et com., 18 avril 2023, n° 22/00753

BESANÇON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Salzenbrodt Gmbh & Co KG (Sté)

Défendeur :

Perrin (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lévêque

Conseillers :

M. Saunier, Mme Manteaux

Avocats :

Me Barbier de Chalais, Me Leroux, Me Pauthier, Me Grammont

T. com. Chalon-sur-Saône, du 18 sept. 20…

18 septembre 2017

Exposé du litige

La SAS Collonil France (la société Collonil) commercialisait en gros des articles chaussants, produits d'entretien et accessoires pour les chaussures. Elle est une filiale de la société allemande Collonil Salzenbrodt Gmbh & Co. La SAS Perrin (la société Perrin) fabrique et commercialise des chaussettes et collants sous diverses marques, dont la marque Berthe aux grands pieds.

Le 24 juin 2009, la société Perrin a donné un mandat exclusif à la société Collonil pour la vente des produits Berthe aux grands pieds auprès des magasins de chaussures et des cordonniers, à l'exclusion de la grande et moyenne distribution, pour la France entière hors [Localité 3] et pour une première durée déterminée expirant le 31 décembre 2010, suivie d'une période indéterminée avec faculté de résiliation soumise à préavis de 3 mois pour l'année 2011 et de 6 mois pour les années suivantes.

Le contrat prévoit à son article 9 qu'en cas de rupture 'soit à l'initiative de Perrin, soit à l'initiative de Collonil motivée par le non respect par Perrin de ses obligations contractuelles, notamment celles afférentes à l'exclusivité, au secteur géographique et aux commissions (taux et paiement), Collonil aura droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi au titre de la perte de clientèle, dont le montant sera calculé en fonction des règles légales et jurisprudentielles en vigueur lors de la rupture'. La clause suivante précise que le chiffre d'affaire réalisé avec la clientèle existante avant la signature sera exclue de la base de calcul du chiffre d'affaire.

Le 5 novembre 2014, la société Perrin, insatisfaite des modifications d'organisation internes de la société Collonil, qui avait réduit le nombre de ses représentants commerciaux de six à quatre, a indiqué vouloir 'récupérer le secteur sud-ouest' à compter du 1er janvier 2015, ce à quoi la société Collonil a répondu le 16 avril 2015 qu'elle rompait le contrat avec effet au 31 août 2015.

La société Collonil a alors vainement demandé à la société Perrin de lui payer une indemnité de rupture, puis, le 11 avril 2016, l'a assignée aux fins de voir dire que la rupture des relations contractuelles lui est imputable et obtenir paiement du solde des commissions dues pour les années 2012, 2013 et 2014, ainsi que d'une indemnité de rupture égale à deux années de commission.

Le tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône, par jugement du 18 décembre 2017, a :

- prononcé la rupture des relations contractuelles aux torts partagés ;

- déclaré recevable la demande de la société Collonil tendant au paiement d'une indemnité de rupture ;

- condamné à ce titre la société Perrin à lui payer la somme de 83 274,48 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

- rejeté la demande de dommages et intérêts présentée reconventionnellement par la société Perrin  pour avoir subi une réorganisation commerciale à la baisse, la vente des produits concurrents Clio et pour l'immixtion de la marque concurrente Clovis et Clothilde ;

- enjoint à la société Collonil de restituer à ses frais à la société Perrin l'ensemble de la documentation commerciale et des échantillons remis au cours du contrat ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- partagé les dépens par moitié.

Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu que la société Collonil avait le statut d'agent commercial au sens de l'article L. 134-1 du code de commerce ; que la société Collonil avait développé significativement la clientèle ; que le solde des commissions réclamées ne pouvait être établi au regard des pièces produites ; qu'une étude approfondie des écritures et pièces conduisait à retenir une rupture du contrat à torts partagés ; que selon la jurisprudence le mandant est redevable d'une indemnité de rupture dès lors que, sans avoir pris lui-même l'initiative de la rupture du contrat, il en est néanmoins à l'origine, par exemple lorsqu'il modifie unilatéralement le secteur confié ou ne paie pas l'intégralité des commissions dues ou viole l'exclusivité consentie au mandataire ; que l'article 9 du contrat prévoit une indemnité compensatrice ; qu'au regard du montant des commissions que la société Collonil déclare avoir perçues au cours des années 2013, 2014 et 2015, non contesté par la société Perrin, soit 297 823,45 euros, de l'exclusion de la base de calcul, stipulée à l'article 9 du contrat, du chiffre d'affaire réalisé avec la clientèle existante à la date de la signature, dont le chiffre d'affaire réalisé en 2008 est annexé, soit un chiffre d'affaire de 485  000 euros correspondant à une commission de 48 500 euros ; d'une commission annuelle moyenne calculée à 83 274,48 euros sur la base du total des commissions diminué du chiffre d'affaire réalisé en 2008 avec la clientèle antérieure au contrat, multipliée par deux puis divisées par deux en raison du partage de responsabilité, l'indemnité devait être fixée à 83 274,48 euros.

Sur appel de ce jugement interjeté par la société Collonil par déclaration parvenue au greffe le 17 octobre 2017, la cour d'appel de Dijon, par arrêt du 9 janvier 2020, a :

- déclaré les deux parties recevables en leurs appels principal et incident ;

- infirmé le jugement en ce toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a écarté la fin d non-recevoir opposée par la société Perrin ;

- condamné la société Perrin à payer à la société Salzenbrodt Gmbh & Co Kg venue aux droits de la société Collonil (la société Salzenbrodt), la somme de 9 453,48 euros HT au titre du solde des commissions impayées, outre intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2016 ;

- dit que la résiliation du contrat de mandat est imputable à la société Perrin ;

- débouté cependant la société Salzenbrodt de sa demande en paiement d'une indemnité de rupture faute de préjudice démontré ;

- constaté que la demande en restitution la documentation commerciale et les échantillons était devenue sans objet ;

- condamné la société Perrin aux dépens de première instance ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- laissé à chacune des parties la charge de ses dépens d'appel.

Pour statuer ainsi sur l'indemnité de rupture, la cour de Dijon a retenu

- que les règles d'indemnisations prévues pour les agents commerciaux à l'article L. 134-12 du code de commerce n'étaient pas applicables en l'espèce dès lors que le contrat n'était pas un contrat d'agence commercial mais un contrat d'intérêt commun qui ne renvoyait pas au texte appliqué parle premier juge, et que la clause d'indemnisation, rédigée en termes généraux, renvoyait aux règles générales d'indemnisation du préjudice ;

- que le préjudice était constitué par la perte de la clientèle ;

- que toutefois la société Salzenbrodt, qui avait la charge de justifier de cette perte et de l'évaluer, ne produisait pas le moindre élément de preuve de ce préjudice.

L'arrêt de la cour de Dijon a été cassé en ce qu'il a débouté la société Salzenbrodt de sa demande en paiement d'une indemnité de rupture en l'absence de preuve de son préjudice, par arrêt de la Cour de cassation rendu le 2 mars 2022 sur pourvoi de cette société, au visa des articles 1134 et 1147 anciens ainsi que l'article 2004 du code civil, et aux motifs que sauf cause étrangère le contractant est tenu de réparer le préjudice causé à son cocontractant en cas d'inexécution fautive ou réputée fautive de son obligation ; que si le mandant peut en principe librement révoquer sa procuration, cette révocation donne lieu à indemnisation lorsque le mandat à été donné dans l'intérêt commun du mandant et du mandataire, sauf cause légitime ou clauses prévues au contrat ; qu'en retenant que le contrat renvoyait aux règles générales d'indemnisation du préjudice et en retenant que la perte de clientèle n'était pas établie, alors qu'elle avait retenu que la société Perrin avait consenti un mandat de vente des produits de sa marque Berthe aux grands pieds moyennant commission, caractérisant ainsi l'existence d'un mandat d'intérêt commun, et que la rupture était imputable à la société Perrin, la cour avait violé les textes susvisés.

La cour de cassation a renvoyé l'affaire sur ce point devant la cour d'appel de Besançon, que la société Salzenbrodt a saisie par déclaration du 5 mai 2022.

Par conclusions transmises le 20 janvier 2023 visant les articles 1134, 1147 et 1154 anciens du code civil, la société Salzenbrodt, appelante, demande à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Perrin à payer à la société Collonil devenue Salzenbrodt la somme de 83 274,48 euros à titre d'indemnité de rupture ;

- condamner la société Perrin à lui payer à ce titre la somme de 204 851,28 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2016 et capitalisation des intérêts échus ;

-  débouter la société Perrin de toute demande ;

- la condamner à lui payer 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens d'appel.

L'appelante soutient :

- que si aucune règle légale ne précise le mode de calcul de l'indemnité due en cas de rupture d'un mandat d'intérêt commun, la jurisprudence retient que l'indemnité est évaluée par le juge à deux années de commissions, sur la base de la moyenne des commissions perçues au cours des trois années précédant la notification de la rupture ;

- qu'il n'y a pas à réduire l'indemnité au motif d'une clientèle préexistante (Com. 10 février 2009, n° 07-21386) ;

- que cette indemnité peut être fixée par référence aux articles L. 134-1 et suivants du code du commerce, même si le contrat n'est pas un contrat d'agence commerciale, lorsque les parties, comme en l'espèce, ont manifestement entendu s'y référer en renvoyant aux règles légales et jurisprudentielles ;

- que la société Perrin conteste l'application des règles d'évaluation invoquées sans pour autant préciser quelles seraient les règles applicables selon elle, hormis quelques arrêts de cour d'appel concernant des situations différentes ;

- que l'indemnité doit ainsi être fixée à deux années de commission calculées sur la moyenne des commissions dues au titre des trois années précédant la rupture ;

- que l'indemnité ne peut être réduite au motif que la société Collonil aurait vendu des produits concurrents, alors qu'il est définitivement jugé par la cour de Dijon et par la Cour de cassation que tel n'est pas le cas ;

- que l'indemnité doit être calculée sur la base du territoire national confié initialement et non après retrait de la zone sud-ouest amputée unilatéralement par la société Perrin en cours de contrat ;

- que l'indemnité doit être calculée sur la moyenne des trois années précédant la rupture, c'est à dire 2012, 2013 et 2014, et non sur l'année 2015, qui est incomplète, le contrat prévoyant au demeurant de se référer à l'année civile, et qui supposerait d'intégrer des projections incertaines ou le chiffre d'affaire réalisé par la société qui a succédé en vertu d'un contrat aux modalités inconnues ;

- que doit être réputée non-écrite la clause stipulant que 'le chiffre d'affaire réalisé avec la clientèle existante à la date de la signature du contrat (...) sera exclu de la base de calcul de l'indemnité de rupture', conformément à la jurisprudence qui invalide systématiquement les clauses excluant la clientèle apportée du calcul de l'indemnité de rupture (Com. 5 avril 2005 n° 03-15.628 [en réalité 03-15.228]et Com. 10 février 2009 précité) ;

- qu'en outre l'important développement du chiffre d'affaire par la société Collonil justifie le paiement d'une indemnité de rupture à hauteur du montant demandé.

La société Perrin, par conclusions transmises le 19 janvier 2023 portant appel incident et visant les articles 1134, 1139, 1184 et 1382 anciens du code civil, demande à la cour de :

- infirmer la jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Salzenbrodt la somme de 83 274,48 euros à titre d'indemnité de rupture ;

- débouter la société Salzenbrodt de toute demande ;

- dire que son préjudice est limité à un euro symbolique ;

- subsidiairement juger que son préjudice s'élève à 1 500 euros ;

- condamner la société Salzenbrodt à lui payer la somme de 7 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens d'appel.

L'intimée soutient :

- que la portée de la cassation se limite au rejet de la demande indemnitaire du mandataire au motif qu'il n'établissait pas son préjudice, sans indiquer que l'indemnité devrait être calculée conformément aux règles spéciales du statut d'agent commercial ;

- que le calcul de l'indemnité doit inclure l'année 2015, marquée par une forte baisse des ventes, sous peine de gonfler artificiellement la base de calcul ;

- que le tribunal aurait dû déduire le chiffre des commissions réalisées sur la clientèle apportée non pas une fois pour les trois années, mais pour chacune des années ;

- que lorsque le statut d'agent commercial n'est pas applicable, le mandataire d'intérêt commun ne peut prétendre à une indemnité calculée conformément aux articles L. 134-1 et suivants du code de commerce ;

- que le préjudice est en réalité constitué de la perte d'une chance d'être commissionné ;

- que les commissions perdues doivent être calculées au regard d'une part de l'activité réalisée avant la rupture, qui était en baisse, et qui doit être appréciée sur la dernière année de date à date, c'est à dire entre le 1er septembre 2014 et le 31 août 2015, et sur les douze mois précédents, et d'autre part de l'activité qui aurait été réalisée postérieurement à la rupture, laquelle aurait connu une poursuite de la baisse et serait restée inférieure 485 000 euros, montant en deçà duquel la société Collonil ne peut prétendre à aucune indemnité ;

- que si la cour devait calculer sur la base d'une année civile, elle devra prendre en compte non l'année 2014 mais l'année 2015, en raison de la saisonnalité de l'activité textile, qui fait que les facturations établies au cours de l'année 2015 correspondant à l'activité de vente réalisée au cours des deux précédentes saisons, c'est à dire une année complète, de sorte que le chiffre d'affaire de 399 000 euros pour la partie de l'année 2015 couverte par le contrat représente bien une année complète d'activité ;

- que même en complétant l'année 2015 en y intégrant d'une part les ventes réalisées à sa suite par la société Alma et d'autre part les ventes réalisées dans le secteur sud-ouest, le chiffre n'atteint que 669 000 euros, soit une baisse de 18,21 % par rapport à l'année 2014 ;

- que devra être retranché de la base de calcul le chiffre d'affaire réalisé avec la clientèle antérieure au contrat, conformément à la clause qui, si elle est prohibée en matière d'agence commerciale, régie par des règles d'ordre public, reste valable en matière de mandat d'intérêts commun ;

- que le calcul n'a pas à être fait sur la base de deux ou trois ans de commission, mais pourra l'être sur une base de six mois, l'assiette 2014/2015 étant trop large puis que l'activité en forte baisse aurait poursuive la chute et serait passée en dessous du chiffre d'affaire initial de 485 000 euros, ne pouvant lus alors générer d'indemnité ;

- qu'en conséquence, l'indemnité sera fixée à l'euro symbolique, ou subsidiairement, en retenant comme base un chiffre d'affaire de 669 000 euros, une perte de chance calculée sur six mois de commission s'élevant à 9 200 euros.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs moyens de fait et de droit, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction a été clôturée le 24 janvier 2023. L'affaire a été appelée à l'audience du 14 février 2023 et mise en délibéré au 18 avril suivant.

Motifs de la décision

Sur la l'indemnité de rupture

Ainsi que l'a retenu en l'espèce la Cour de cassation, la société Perrin a consenti à la société Collonil un mandat de vente de ses produits de marque Berthe aux grands pieds moyennant commissions, constitutif d'un mandat d'intérêt commun dont la rupture, intervenue sans motif légitime, était imputable à la société Perrin.

En pareil cas, l'article 9 du contrat stipule que la société Collonil a droit 'à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi au titre de la perte de clientèle, dont le montant sera calculé en fonction des règles légales et jurisprudentielles en vigueur lors de la rupture', avec cette précision que le chiffre d'affaire réalisé avec la clientèle existante à la date de la signature du contrat serait exclu de la base de calcul de l'indemnité de rupture.

Il se déduit de ces dispositions que les parties se sont accordées pour que l'indemnité due au mandataire soit calculée sur la base de la partie de son chiffre d'affaire réalisée avec la seule nouvelle clientèle acquise, à l'exclusion de celle apportée par la mandante à la signature du contrat. Pour cette raison, la clientèle antérieure au contrat fait l'objet d'une annexe 7, constituée d'un tableau récapitulatif du chiffre d'affaire hors taxes réalisé avec chacun des clients antérieurs pendant l'année 2008, pour un total de 485 017,37 euros.

Dès lors, la référence faite par les parties aux règles légales et jurisprudentielles en vigueur ne pouvait porter, en l'absence de loi spéciale définissant le mode d'indemnisation du mandataire d'intérêt commun évincé, qu'à la jurisprudence relative notamment à l'indemnisation des agents commerciaux évincés, transposable au cas d'espèce en ce que le préjudice subi par ceux-ci est semblablement constitué de la perte de la clientèle et des commissions qu'ils en tiraient (en ce sens notamment Cass. com. 26 févr. 1958, Gaz. Pal. 1958.1.348 ; 14 oct. 1974, Bull. civ. IV, n° 244). Cette jurisprudence consacre l'usage professionnel en évaluant à la valeur de deux années de commissions brutes le montant de l'indemnité de cessation de contrat, sauf preuve que le préjudice réellement subi est différent de l'évaluation résultant de l'usage ainsi consacré. Sous cette réserve, le préjudice subi par la société Collonil sera évalué sur la base du montant moyen des commissions acquises par la mandataire au titre des trois années précédent la rupture du contrat.

Le calcul doit être fait par années civiles et non de date à date, dès lors que les parties ont expressément stipulé à l'article 7 du contrat que pour le calcul des commissions, 'l'année de référence sera l'année civile'. De même, c'est en se référant à l'année civile 2008, et non aux douze mois précédent le contrat, que les parties ont fixé la part de chiffre d'affaire réalisée avec la clientèle antérieure à la signature du contrat, qu'elles entendaient soustraire à l'assiette de calcul de l'indemnisation du mandataire en cas de rupture du contrat. En outre, le calcul par années civiles, dont les trois qui précédent la rupture sont les années 2012, 2013 et 2014, permet une plus exacte appréciation du chiffre d'affaire perdu, en qu'elle exclut l'année 2015, pour laquelle le chiffre d'affaire réalisé par la mandataire au regard des zones géographiques qui lui étaient contractuellement confiées a été faussé par la décision de la mandante de lui retirer la zone sud-ouest à compter du premier janvier 2015.

L'indemnité litigieuse sera ainsi calculée sur la base des commissions acquises à la société Collonil au titre des années 2012, 2013 et 2014, c'est à dire celle qui lui ont été payées et celles que la société Collonil a été définitivement condamnée à lui payer dans la présente instance. Le total des commissions acquises au titre de ces trois années s'élève au montant non contesté de 297 823,45 euros, outre le solde de commissions de 9 453,48 euros à laquelle la société Perrin a été définitivement condamnée par la cour d'appel de Dijon, soit un total de 307 276,93 euros, correspondant à une moyenne annuelle de 102 425,64 euros.

Doit toutefois en être déduit le montant des commissions réalisées avec la clientèle antérieure au contrat, pour chacune des trois années et conformément à la volonté expresse des parties. La clause qui le prévoit n'est pas soumise au réputé non écrit qui frappe les clauses exonératoires d'indemnisation en application de l'article L. 134-16 du code de commerce en matière de contrat d'agence commerciale, dès lors que le contrat de l'espèce est un mandat d'intérêt commun non soumis au régime légal du contrat d'agence commerciale.

Les parties n'indiquant pas le montant précis du chiffre réalisé effectivement avec les clients antérieurs au cours des années 2012, 2013 et 2014, celui-ci sera réputé être égal au chiffre réalisé au cours de l'année 2008, lequel, s'élevant comme précédemment indiqué à 485 017,37 euros, donnait droit à une commission de 10 %, soit en moyenne 48 501, 73 euros par an, dont toutefois la société Perrin ne se prévaut qu'a hauteur de 48 500 euros.

Il résulte des précédents éléments que le montant annuel des moyens des commissions dont la société Collonil pouvait se prévaloir pour le calcul de son indemnisation était de 102 425,64 euros, diminué de 48 500 euros, soit 53 925,64 euros. Egale à deux années, l'indemnisation sera évaluée à 107 851,28 euros.

La preuve d'un préjudice moindre que celui ainsi évalué, notamment en ce qu'il se limiterait à une simple perte de chance, n'est pas apportée par la société Perrin, dont les supputations sur une nécessaire chute continue des ventes réalisées et prévisibles ne présentent aucune certitude et sont de plus contredites par l'évolution positive des ventes réalisées par la société Collonil pendant son mandat.

En conséquence, infirmant le jugement déféré en ce qu'il a condamné à la société Perrin à payer à la société Collonil France la somme de 83 274,48 euros, à titre d'indemnité de rupture, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, la cour portera cette condamnation à 107 851,28 euros, avec même intérêts à compter du 11 avril 2016, date de l'assignation, et capitalisation annuelle des intérêts à compter de la même date ;

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement, et contradictoirement,

Vu l'arrêt rendu par la cour d'appel de Dijon le 9 janvier 2020 ;

Vu l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 2 mars 2022 ;

Infirme partiellement le jugement rendu entre les parties le 18 septembre 2017 par le tribunal de commerce de Châlon-sur-Saône en ce qu'il a condamné à la société Perrin à payer à la société Collonil France la somme de 83 274,48 euros, à titre d'indemnité de rupture, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Condamne la société Perrin à payer à la société Salzenbrodt Gmbh & Co KG la somme de 107 851,28 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2016 ;

Ordonne la capitalisation annuelle des intérêts ;

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Perrin aux dépens d'appel autres que ceux sur lesquels a statué la cour d'appel de Dijon.