Cass. 1re civ., 20 avril 1977, n° 75-13.693
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bellet
Rapporteur :
M. Verrier
Avocat général :
M. Baudoin
Avocat :
Me Brouchot
SUR LE PREMIER MOYEN, PRIS EN SA PREMIERE BRANCHE : ATTENDU QUE, SELON LES ENONCIATIONS DE L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE, UN ACCORD INTERVINT EN 1964 ENTRE YVES Z... ET PIERRE Y... EN VUE DE LA CESSION PAR CELUI-CI DE 1 274 ACTIONS DE LA SOCIETE L'AQUITAINE, DONT 800 ETAIENT LA PROPRIETE DE LA DAME ANTOINETTE A..., SA FEMME, AVEC LAQUELLE IL ETAIT MARIE SOUS LE REGIME DE LA SEPARATION DE BIENS ;
QUE PIERRE Y... SIGNA, LE 10 MAI 1964, LE BORDEREAU DE TRANSFERT DU NOM DE SA FEMME, MAIS SANS IMITER LA SIGNATURE DE CELLE-CI, AINSI QUE DE SON NOM PERSONNEL ;
QUE LE TRANSFERT DES ACTIONS FUT OPERE SUR LES REGISTRES DE LA SOCIETE AU PROFIT DES CONSORTS Z..., FRERES ET SOEURS D'YVES Z... ;
QU'APRES LE DECES DE PIERRE Y..., L'ARRET ATTAQUE A PRONONCE, A LA DEMANDE DE DAME PIERRE Y..., LA NULLITE DU TRANSFERT DES 800 ACTIONS APPARTENANT A CELLE-CI AU MOTIF QUE CE TRANSFERT AVAIT ETE OBTENU PAR YVES Z... SANS LE CONSENTEMENT DE DAME Y... ET GRACE A DES MANOEUVRES DOLOSIVES ET A REJETE LES DEMANDES RESPECTIVES EN DOMMAGES-INTERETS FORMEES PAR DAME Y... ET PAR LES CONSORTS Z... ;
ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF A LA COUR D'APPEL D'AVOIR AINSI STATUE, ALORS QUE, LES DROITS DU TITULAIRE D'UN TITRE NOMINATIF ETANT ETABLI PAR UNE INSCRIPTION SUR LES REGISTRES DE LA PERSONNE MORALE EMETTRICE, LE DOL ENTACHANT LA CONVENTION DE CESSION EST SANS INFLUENCE SUR LA VALIDITE DU TRANSFERT ;
MAIS ATTENDU QUE SI, EN VERTU DE L'ARTICLE 1ER, ALINEA 1ER, DU DECRET DU 7 DECEMBRE 1955, LES DROITS DU TITULAIRE D'UN TITRE NOMINATIF SONT ETABLIS PAR UNE INSCRIPTION SUR LES REGISTRES DE LA PERSONNE MORALE EMETTRICE, LA TRANSMISSION DE LA PROPRIETE DES TITRES S'OPERE, DANS LES RAPPORTS ENTRE LES PARTIES, PAR LE SEUL EFFET DE LA CONVENTION DE CESSION, LE TRANSFERT AYANT POUR EFFET, EN VERTU DE L'ALINEA 2 DU TEXTE PRECITE, DE RENDRE CETTE TRANSMISSION OPPOSABLE AUX TIERS ;
QUE C'EST DONC A BON DROIT QUE LA COUR D'APPEL A ESTIME QUE LA NULLITE DE LA CESSION ENTRAINAIT, ENTRE LES PARTIES, NULLITE DU TRANSFERT ;
QUE LE MOYEN N'EST DONC PAS FONDE EN SA PREMIERE BRANCHE ;
SUR LES AUTRES BRANCHES DU MOYEN : ATTENDU QU'IL EST EGALEMENT FAIT GRIEF A LA COUR D'APPEL D'AVOIR ADMIS QU'YVES Z... AVAIT ETE LE MANDATAIRE DES CONSORTS Z..., X... QUE L'EXISTENCE D'UN MANDAT SUPPOSERAIT, SELON LE MOYEN, QUE LE MANDANT AIT DONNE SON CONSENTEMENT AVANT L'ACCOMPLISSEMENT PAR LE MANDATAIRE DE SA MISSION, ET QUE S'IL S'AGIT D'UN "ACTE DE PROPRIETE", LE MANDAT DOIT ETRE EXPRES, L'EXISTENCE DE LIENS FAMILIAUX ENTRE LE NEGOCIATEUR DE LA CESSION ET LES NOUVEAUX TITULAIRES DES TITRES NE SUFFISANT PAS A CARACTERISER UN MANDAT PREALABLE ET EXPRES ;
QU'IL EST ENCORE REPROCHE A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR RELEVE QU'YVES Z... S'ETAIT RENDU COUPABLE DE MANOEUVRES DOLOSIVES, EN ABUSANT DE LA FAIBLESSE D'ESPRIT ET DU MANQUE DE JUGEMENT DE PIERRE Y..., SANS REPONDRE AUX CONCLUSIONS PAR LESQUELLES YVES Z... FAISAIT VALOIR QUE DAME Y... AVAIT, AU CONTRAIRE, SOUTENU ET FAIT RECONNAITRE DANS UNE AUTRE INSTANCE QUE SON MARI AVAIT JOUI JUSQU'A SA MORT D'UNE PARFAITE LUCIDITE ;
QU'IL EST, ENFIN, FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR RETENU QUE DAME Y... N'AVAIT PAS DONNE SON ACCORD A SON MARI EN VUE DE LA CESSION DES ACTIONS LITIGIEUSES ET, POUR EN DECIDER AINSI, D'AVOIR DENATURE, A LA FOIS LE TESTAMENT DE PIERRE Y... ET LES CONCLUSIONS DES CONSORTS Z..., QUI EN FAISAIENT MENTION ET, D'AUTRE PART, DE N'AVOIR PAS REPONDU AUX CONCLUSIONS DES CONSORTS Z... FAISANT ETAT DE LA LETTRE ADRESSEE PAR DAME Y... A LA SOCIETE L'AQUITAINE LE 26 SEPTEMBRE 1969 ;
MAIS ATTENDU QUE C'EST PAR UNE APPRECIATION SOUVERAINE QUE LA COUR D'APPEL, QUI A RELEVE LA COMMUNAUTE D'INTERETS DU GROUPE FAMILIAL AUQUEL APPARTENAIENT, A LA FOIS, LES CONSORTS CHATELIN ET YVES Z..., A ADMIS QUE CELUI-CI AVAIT AGI EN VERTU D'UN MANDAT TACITE, DONT L'EXISTENCE N'ETAIT D'AILLEURS PAS DENIEE PAR LES CONSORTS Z... QUI RECLAMAIENT, AU CONTRAIRE, LE BENEFICE DU TRANSFERT OPERE A LEUR NOM PAR LES SOINS D'YVES Z... ;
QUE C'EST EGALEMENT PAR UNE APPRECIATION SOUVERAINE QUE LA COUR D'APPEL, QUI N'AVAIT PAS A SUIVRE LES PARTIES DANS LE DETAIL DE LEUR ARGUMENTATION, APRES AVOIR RELEVE QUE PIERRE Y... ETAIT TRES AGE ET DEVAIT MOURIR QUELQUES MOIS PLUS TARD, A ESTIME QU'IL AVAIT EU UNE ATTITUDE REVELATRICE DE FAIBLESSE D'ESPRIT ET DE MANQUE DE JUGEMENT ;
QUE C'EST, DE MEME, DANS L'EXERCICE DE SON POUVOIR SOUVERAIN D'APPRECIER LA VALEUR ET LA PORTEE DES ELEMENTS DE PREUVE QUI LUI ETAIENT SOUMIS ET SANS LES DENATURER QUE LA COUR D'APPEL, QUI N'AVAIT PAS, NON PLUS SUR CE POINT, A SUIVRE LES PARTIES DANS LE DETAIL DE LEUR ARGUMENTATION, A ESTIME QUE DAME Y... N'AVAIT PAS DONNE MANDAT A SON MARI, EN VUE DE LA CESSION DE SES ACTIONS ;
QUE LE MOYEN N'EST DONC FONDE EN AUCUNE DE SES BRANCHES ;
REJETTE LE PREMIER MOYEN ;
MAIS SUR LE SECOND MOYEN : VU L'ARTICLE 102 DU DECRET DU 20 JUILLET 1972, APPLICABLE EN LA CAUSE ;
ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL A REJETE, SANS DONNER LES MOTIFS DE SA DECISION, LA DEMANDE EN DOMMAGES-INTERETS FORMEE PAR LES CONSORTS Z... EN RAISON DU FAIT QUE, SELON EUX, DAME Y... AURAIT DONNE AU PROCES UNE PUBLICITE INDECENTE DANS LA PRESSE ;
QU'AINSI, ELLE N'A PAS SATISFAIT AUX EXIGENCES DU TEXTE SUSVISE ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, MAIS SEULEMENT DANS LES LIMITES DU SECOND MOYEN, L'ARRET RENDU ENTRE LES PARTIES LE 4 JUIN 1975 PAR LA COUR D'APPEL DE POITIERS ;
REMET, EN CONSEQUENCE, QUANT A CE, LA CAUSE ET LES PARTIES AU MEME ET SEMBLABLE ETAT OU ELLES ETAIENT AVANT LEDIT ARRET ET, POUR ETRE FAIT DROIT, LES RENVOIE DEVANT LA COUR D'APPEL DE LIMOGES.