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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 10, 18 novembre 2021, n° 21/00910

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

MCS et Associés (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Grandjean

Conseillers :

M. Malfre, M. Gouarin

JEX Paris, du 10 déc. 2020, n° 11-20-435…

10 décembre 2020

Par jugement réputé contradictoire du 18 janvier 1995, le tribunal de commerce de Paris a, notamment, condamné M. Patrice L., solidairement avec M. Pierre P., Mmes Christine P. et Nicole L., à payer au Crédit lyonnais la somme de 250 000 francs, soit 59 425,26 euros augmentée des intérêts au taux de 11,28 % à compter du 15 juillet 1993 et jusqu'à parfait paiement, en sa qualité de caution de la société Per-Le, ainsi que la somme de 8000 francs, soit 1696,25 euros, au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

Ce jugement a été signifié à M. L. le 2 mars 1995 suivant les modalités de l'article 659 du code de procédure civile.

En exécution de cette décision, la société MCS et associés, venant aux droits du Crédit lyonnais, a, par requête du 25 juillet 2019, saisi le tribunal judiciaire de Paris aux fins de saisie des rémunérations de M. L., en recouvrement de la somme totale de 74 297,75 euros.

Par jugement du 10 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a prononcé l'annulation de l'acte de signification, le 2 mars 1995, du jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 janvier 1995, déclaré non avenue cette décision, débouté la société MCS et associés de sa demande de saisie des rémunérations de M. L. et l'a condamnée à verser à ce dernier la somme de 1500 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux dépens.

Selon déclaration du 9 janvier 2021, la société MCS et associés a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions du 27 septembre 2021, l'appelante demande à la cour de réformer le jugement attaqué en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, de l'autoriser à « former une saisie des pensions de retraite de M. L. jusqu'à due concurrence de sa créance », de débouter l'intimé de toutes ses demandes et de condamner celui-ci à lui verser la somme de 2000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de son conseil.

Par dernières conclusions du 29 septembre 2021, M. L., outre des demandes de « juger » ne constituant pas des prétentions sur lesquelles il y a lieu de statuer, demande à la cour de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions, à titre subsidiaire, de déclarer nul l'acte de cautionnement en vertu duquel la procédure de saisie des rémunérations a été engagée, à titre infiniment subsidiaire, de limiter la saisie de ses rémunérations à la somme de 38 112,25 euros, de lui accorder un délai de grâce en reportant le paiement des sommes dues à la société MCS et associés pendant 24 mois et, en tout état de cause, de débouter l'appelante de toutes ses demandes, de condamner celle-ci au paiement de la somme de 5000 euros à titre d'indemnité ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de son conseil.

Pour plus ample exposé du litige, il est référé aux dernières écritures des parties.

SUR CE

Sur la régularité de l'acte de signification du titre

Pour annuler l'acte de signification, le 2 mars 1995, du jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 janvier 1995 et déclarer non avenue cette décision, le premier juge, dont l'intimé s'approprie les motifs, a relevé que celle-ci était un jugement réputé contradictoire, qui avait été rendu sur une assignation délivrée suivant les modalités de l'article 659 du code de procédure civile au [...], avait été signifié à cette même adresse et que l'huissier instrumentaire avait rencontré la concierge qui lui avait indiqué que les époux L. étaient partis sans laisser d'adresse depuis un an et qu'il en avait référé à son correspondant qui n'avait pu lui fournir d'autres renseignements.

Il a considéré à juste titre que ces diligences effectuées par l'huissier de justice pour rechercher le destinataire de l'acte étaient insuffisantes, soulignant que, le 4 mai 1995, ce même huissier avait signifié aux époux L. un commandement de payer aux fins de saisie-vente à leur nouvelle adresse, située [...] et qu'il aurait pu, deux mois auparavant, effectué ces mêmes démarches pour trouver cette nouvelle adresse.

Considérant de manière surabondante que cette irrégularité de forme avait causé à M. L. un grief en le privant de la possibilité de former un recours contre cette décision, le premier juge a justement annulé l'acte de signification, déclaré non avenu le jugement dont l'exécution est poursuivie et rejeté la demande de saisie des rémunérations faute de titre exécutoire.

En effet, la société MCS et associés fait vainement valoir que M. L. n'aurait pas communiqué sa nouvelle adresse, dès lors que cette circonstance n'exonère pas l'huissier instrumentaire de l'obligation résultant de l'article 659 du code de procédure civile de relater avec précision dans son procès-verbal de signification les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le domicile, la résidence ou le lieu de travail du destinataire de l'acte lorsque celui-ci ne réside plus à la dernière adresse connue.

Ainsi, la simple consultation de la concierge de l'immeuble ne constitue pas des diligences suffisantes au regard des dispositions de l'article 659 du code de procédure civile, l'attache prise avec son mandataire ne pouvant, quant à elle, être considérée comme une diligence accomplie en vue de rechercher M. L..

Par ailleurs, comme le soutient justement l'intimé, la société MCS et associés ne saurait invoquer les dispositions de l'article L. 152-1 du code des procédures d'exécution pour justifier le défaut de consultation des administrations de l'État, des services municipaux ou postaux faute de titre exécutoire, ces dispositions n'ayant été créées que par l'ordonnance n°2011-1895 du 19 décembre 2011 et n'étant pas applicables à la date de l'acte de signification litigieux.

Si les dispositions des articles 39 et 40 de la loi du n°91-650 du 9 juillet 1991 applicables à la cause prévoyaient un même accès restreint auxdites informations couvertes par le secret professionnel et l'intermédiaire du ministère public, il était possible à l'huissier instrumentaire d'effectuer d'autres démarches en vue de rechercher le destinataire de l'acte, telle la consultation par le minitel des pages blanches de l'annuaire ou encore du voisinage.

Enfin, l'appelante ne saurait déduire de la signification, le 4 mai 1995, du commandement de payer aux fins de saisie-vente la connaissance par M. L. du jugement rendu le 18 janvier 1995 par le tribunal de commerce de Paris et que celui-ci n'a subi aucun grief, cet acte d'exécution forcée ne pouvant suppléer le défaut de signification de la décision dont l'exécution est poursuivie en ce qu'il ne mentionne pas la possibilité d'interjeter appel et les modalités d'exercice de ce recours. Ce commandement ne constitue pas la signification du titre lui conférant force exécutoire au sens de l'article 503 du code de procédure civile.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

La société MCS et associés, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel, déboutée de sa demande d'indemnité de procédure et condamnée à payer à M. L. la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société MCS et associés aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés selon les modalités prévues à l'article 699 du code de procédure civile et à payer à M. Patrice L. la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.